Alice Guy, la première femme cinéaste de l'histoire - Emmanuelle Gaume (Plon, 2015)
Légère déception en recevant ce livre suite à la dernière opération Masse Critique Babelio : je m'attendais à une biographie, il s'agit en fait d'un roman biographique. Qu'à cela ne tienne - la fiction, après tout, sait rendre une vie plus vivante qu'une oeuvre purement historique, et peut être tout aussi intéressante. Encore faut-il qu'elle soit bien employée, et là, le bât blesse pour de bon.
Le sujet, pourtant, est passionnant. Une enfance partagée entre Amérique du Sud et Europe. Une possible naissance illégitime, une famille compliquée, et à la fin de l'adolescence, le retour en France, la volonté affirmée de ne pas se marier, de trouver du travail, de rester libre. Et l'entrée en scène comme sténographe auprès de Louis Gaumont, la découverte du cinéma, décisive. Alice Guy apprend à filmer, à mettre en scène, développe ses propres scénarios, contribue à faire du Septième Art débutant un ensemble d'histoires filmées, là où on se contentait jusqu'alors surtout de filmer le réel, pour la seule magie de l'image animée.
Puis, plus tard, le mariage à un homme trop séduisant, trop libertin, le début d'une carrière à New York, la volonté de rester indépendante et l'effacement progressif derrière les grandes firmes holywoodiennes qui imposent peu à peu leur monopole.
Hélas, l'auteur, à mon goût, oriente beaucoup trop son propos sur l'intime : l'enfance déchirée par les infidélités et les jalousies des parents, les émois d'une femme refusant de sacrifier sa liberté aux chaînes conjugales mais incapable de rejeter le conditionnement d'une éducation bourgeoise, incapable d'accepter l'amour libre qui irait de pair avec ses aspirations. Ce qui n'est pas inintéressant en soi, mais nécessite une certaine finesse pour sortir des clichés et n'est pas, de toute façon, ce que je venais chercher dans ce livre : le cinéma des origines et son développement, vus par la carrière d'une femme nécessairement hors normes. Ce sujet-là est traité, bien entendu, mais sans entrer assez dans les détails historiques, enseveli sous des détours romanesques que desservent une psychologie de comptoir, une volonté féministe lourdement démonstrative et un style d'une platitude totale.
Le personnage, le contexte, sont assez intéressants pour que la lecture le soit aussi, malgré tout, mais son traitement est à la littérature ce que le feuilleton de TF1 est au cinéma. Considérablement trop grand public à mon goût.