Isabel de Bavière, Alexandre Dumas (1848 / Coda, 2008)
(L'édition que je présente ici est la plus récente, mais non celle que j'ai lu - soit deux volumes de la collection "les grands romans historiques" publiée par les éditions de Crémille à la fin des années 60.)
C'est assez intéressant de constater ce qu'un titre peut recouvrir à une époque, dans une optique donnée. Sous ce nom d'Isabel de Bavière, on s'attendrait aujourd'hui à une biographie plus ou moins romancée de la reine ; or ici, c'est plutôt une histoire du règne de Charles VI que nous propose Dumas, à partir de l'entrée solennelle d'Isabel à Paris, et jusqu'à la mort de son époux. Du temps des fastes, lorsque le jeune couple royal semblait incarner la prospérité et le bonheur de la France, au temps du malheur, lorsqu'un pauvre roi fou, abandonné de tous, fut conduit au tombeau par le régent anglais de son royaume dévasté.
Dumas sera toujours Dumas : il prend des libertés avec l'histoire, et brosse son public dans le sens du poil en se complaisant dans les histoires d'alcôve, d'amours, de vengeance et de bravoure. Il faut bien reconnaitre que le portrait d'Isabel n'est pas d'un grand intérêt, ne cherche en rien à nuancer la sombre réputation qui entoure le personnage, et l'on se demande pourquoi le roman, qui commence avec elle et prend son nom, la relègue ensuite à l'arrière-plan de l'histoire, n'évoque rien de sa destinée après la mort du roi.
Mais il y a cette verve toujours délicieuse, surtout sur les histoires de vengeance et de bravoure. Le portrait touchant du roi et celui, bien trop idéalisé sans doute mais plein de charme, du jeune dauphin Charles, sous la figure tutélaire de Tanneguy du Chastel. Et derrière Froissard, Juvénal des Ursins ou encore Barante, Dumas retrace de manière intéressante l'histoire des conflits d'intérêts, des rivalités, des haines, des jalousies et des amours contrariées - dont celles de la reine en premier lieu - qui conduisirent le pays à la guerre civile et au désastre.
Ce n'est pas son meilleur roman, sans doute, loin de là, mais cela reste une de mes pages préférées de l'Histoire de France racontée par l'un de mes auteurs favoris. Face à cela, je suis faible... et ne peux guère qu'adorer !