Une belle canaille - Wilkie Collins

Jul 27, 2012 13:27

Une Belle Canaille - William Wilkie Collins (1856 / Phébus, 2004)

W. Wilkie Collins, découvert il y a quelques années seulement, est un de mes auteurs favoris, pour son acuité psychologique, sa faculté à créer de beaux personnages, complexes et attachants, sa distance critique, voire satirique, vis à vis des conventions morales de son temps, son humour acéré, son redoutable sens du suspense et sa capacité à créer de tortueuses intrigues à partir des absurdités sociales et des tourments de l'âme humaine.

Pour ne rien gâcher, il est publié en français par les éditions Phébus pour lesquelles j'entretiens un faible tout particulier. (Voire quasi obsessionnel quand dans les rayons d'une librairie mon premier geste est de partir en quête des Libretto, leur collection de poche. Bref.)


De tous les romans de Collins que j'ai lus, Une belle canaille est sans doute l'un des meilleurs - dans un genre bien à part. L'un des plus légers, aussi. Pas de grands tourments, de grandes terreurs, ici : juste les pérégrinations amoureuses et crapuleuses d'une fort sympathique canaille, dénuée de tout sens moral comme de toute réelle méchanceté et bien résolue à tirer, d'une manière ou d'une autre, son épingle du grand jeu de la vie.

Le principal malheur de Franck Softly est d'être né d'ascendance noble - et pauvre -, ce qui le condamne au paraître tout en lui interdisant les expédients les plus fructueux. Sa grande chance est de faire l'objet d'un testament - pas en sa faveur, non, mais qui attribue à sa sœur un héritage conséquent, sous condition que lui-même survive à leur grand-mère. Testament qui pousse son beau-frère pingre à prendre un soin jaloux de sa personne, y compris et surtout lorsqu'il se retrouve prêt à tomber sous le couperet de la justice. C'est que la vieille est coriace !

Sous la plume délicieusement sarcastique, cynique et désinvolte de Softly, qui pour notre instruction rédige ici ses mémoires, Collins écornifle allégrement conventions, absurdités, mesquineries et hypocrisies de l'Angleterre traditionnelle, sans doute bien plus condamnables que celui qui s'en joue pour en tirer profit. C'est drôle, férocement et joyeusement drôle, avec en prime la petite touche de mystère et de suspense dont l'auteur ne se dépare jamais.

A découvrir absolument !

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N'acceptez rien de qui l'on ne peut prouver que, depuis un an, il n'a pas systématiquement abdiqué sa dignité au moins trois fois par semaine après les heures ouvrables.

On décrit généralement l'amour comme une tendre passion. Quand je repense à l'effet insidieusement émollient qu'il exerça sur l'ensemble de mes facultés, j'incline à modifier la définition communément admise et à parler de bain de vapeur mental.

Quoiqu'il s'en dise dans les livres, nulle émotion humaine n'a jamais duré ni ne durera jamais bien longtemps. Même si la plus forte brûlure revient vous visiter de temps à autre, elle connait nécessairement des intervalles d'apaisement ou de rémission. Dans la vraie vie, le chagrin le plus aigu trouve envers et contre tout à se calmer et finit par sécher ses larmes ; il n'est de désespoir si lourd qu'il n'atteigne un certain niveau, en dessous duquel il ne descendra pas, pour laisser à l'espoir, malgré que nous en ayons, une chance de renaître. Même la joie d'une rencontre inopinée est toujours une sensation imparfaite, car elle ne dure jamais suffisamment pour justifier le bien-fondé de nos attentes secrètes ; et notre bonheur se ramène très vite à un simple contentement au jour le jour.

auteur : wilkie collins, bouquins

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