(no subject)

Dec 23, 2005 07:18

Aujourd’hui j’ai eu 15 ans dans ma tête et j’ai décidé de devenir une star du rock. Dans ma tête parce que mon anniversaire, c’est seulement dans trois mois, mais ça, c’est pas grave, de toute façon, 15 ans, c’est nul, aucun symbolisme là dedans, mais c’est quand même mieux que 14, 14 c’est tout pourri, j’aime pas ce nombre. J’aimais bien 12 et 13, 14 pue, 15 un peu moins, j’appréhende 16, je crois que je vais bien aimer 17 et 19, en fait. Faudra que je me penche sur ces histoires de numérologie un jour. Au loto, je suis sûre de perdre, à « 1 jour de plus c’st un jour en moins », on gagne à tous les coups, par contre.

Vous me direz, pourquoi vouloir sauter à 15 ans direct, comme ça, sans transitions, sans bougies, sans cadeaux ? Parce que, une lubie. A 14 ans, on ne peut pas être une bitch, une slut, une petite pute, une groupie, et moi, c’est ce que j’ai décidé d’être, phase numéro un de mon plan. Mais j’en reparlerai, du plan. Peut-être que je devrais y mettre une majuscule : le Plan. A 14 ans, on a beau avoir plus de seins que maman (en volume, pas en nombre, à ce niveau là je suis dans la normalité la plus absolue), des poils noirs entre les cuisses qu’un jour je raserai, cérémonieusement, on est encore le bébé de son papa et de sa maman. Non que j’ai quoi que ce soit contre mes parents, cracher à la gueule de ses parents, c’est pour les loosers (looser ? loser ? j’ai entendu ce terme aujourd’hui, il m’a plu tout de suite, je ne sais pas pourquoi, il faudra que je me renseigne là dessus, mais je sens comme une affinité avec ce mot, affinité élective, probablement), mes parents sont très corrects, pas chiants et tout, mais là j’en ai marre d’être le bébé, même habillée en noir je suis bébé-petite-fille, j’ai envie de me construire en grande fille. Ca va demander du travail, parce que je sais bien que je ne suis pas une grande fille, toutes les pétasses autour de moi se prennent pour des femmes, mais elles poussent n’importe comment, sans tuteur, moi je vais leur montrer de quel bois je me chauffe, un bois précieux, un feu qui couve, une mèche à  retardement, pas question que je me brûle comme elles à essayer de montrer un maximum de leur cul et à mal sucer des bites quand les parents les laissent avec Kevin ou n’importe quel autre couillon, France, si tu veux mon cul et ma bouche, il faudra que tu les mérites, oui tu les auras, mais plus tard, quand moi j’aurai décidé.

Désolée si je m’embrouille, il paraît qu’on appelle ça « flot de conscience » en littérature, c’est pas au bahut qu’on m’apprendrait ça, quel bonheur d’avoir une belle bibliothèque pas loin de chez soi - j’y ai emprunté Ulysse de James Joyce, parce que quand je leur ai demandé ce qu’ils avaient comme auteur irlandais, c’est ce qu’ils ont répondu machinalement, avant de se raviser et de me dire que non, c’est sans doute trop difficile pour moi - connard, je te chie à la gueule, j’ai appris à lire à quatre ans,  et j’ai jamais arrêté depuis, pauvre tâche - alors je t’ai pris quand même, monsieur Joyce. Ils avaient raison, c’est encore trop difficile pour moi, mais j’ai senti que derrière le fil des mots, un jour, j’aimerai passionnément ce livre - bref, le flot  de la conscience, on l’a dit pour Joyce, et je crois que ça va bien à ma façon d’écrire, à mesure que je pense, je relirai tout ça plus tard. Pourquoi l’Irlande d’aileurs ? Maman a tout un tas de disques de U2 (les disques de mes parents sont rangés séparément, ça vaut mieux, d’ailleurs), et cette vidéo dans laquelle Bono avec sa coupe de footballeur demeuré brandit un drapeau irlandais et ça me donne envie d’aller là bas même si ce sont tous probablement des alcooliques, tiens, je me demande bien quelle région du monde n’est pas peuplée d’alcooliques, peut être ici, on picole moins, enfin plutôt moins que ce que j’ai pu voir ailleurs, quoique je n’ai pas vu grand chose de cet ailleurs, pas en vrai en tout cas. J’allume la radio, c’et l’heure où Rascal fait son émission sur Radio FMR, toujours avec le même morceau en générique, celui qui fait « born to lose », ça veut dire né pour perdre mais ça fait aussi « né à toulouse », phonétiquement, astuce, calembour, et oui, on est à Toulouse, tiens, voilà sans doute pourquoi le mot looser me plait - définitivement, loser, alors, à force d’écouter cette émission le mercredi après-midi ou quand je rentre de cours plus tôt... Mais où est-ce que je l’ai entendu ailleurs, ce mot, déjà ? Probablement au bahut. Oui, c’était avec la bande de potes à Crevard, un des goths du lycée, il est en terminale, de temps en temps je rejoins la troupe quand ils zonent dans la cour bétonnée du lycée écrasant, juste le temps de dire bonjour et d’échanger quelques mots, je ne veux surtout pas leur donner l’impression que j’essaie de m’incruster dans le bat-clan (du latin planta, plante, ces cons d’irlandais n’étaient pas foutus de prononcer le cl) - du coup, Crevard et ses copines m’aiment bien, enfin ils m’aiment mieux que cette débile qui a viré total look goth et essaie de les vampiriser, me rappelle plus de son nom - enfin bref, oui, ça doit être Crevard, ou sa copine à la nuque rasée, que j’ai entendu traîter quelqu’un de loser.
Faudrait que je retrouve un peu le fil, là, du factuel, arrêtons de nous égarer..
Oui, donc, aujourd’hui, j’ai décidé de devenir une rockstar, parce que c’est comme ça, j’ai plutôt une bele gueule, pas de kilo en trop ou en pas assez (le look anorexique, c’est pas mon truc, le look demi-budin non plus), un goût très sûr en matière de musique (merci papa, merci maman, de m’avoir fait écouter un tas de trucs bizarres que j’ai detesté en général et qui m’ont donné envie d’en découvrir encore plus), des idées très arrêtées sur mes buts dans la vie, et parce que j’ai une foi absolue en la sainte trinité, Sexe, Drogues, Rock’n’oll, ça fait longtemps que ça guettait mais là j’en suis sûre. Sid Vicious est tellement beau dans les quelques images que j’ai récupéré sur la toile. Probablement un sale con, mais pas grave. Sexe, drogues, rock’n’roll. Même si niveau sexe c’est pour l’instant le néant complet, à moins qu’on n’inclue la mastrurbation, mais je dois être trop cérébrale, ça ne me fait pas grand chose, même en pensant à Sid Vicious. Ou alors les hormones n’ont pas encore déclenché l’émeute, malgré mes quinze ans volontaires. Pour la drogue, je suis en phase de documentation, c’est passionnant. Finalement, le rock’n’roll, c’est la partie que je connais le mieux, j’ai déjà donné, passivement en tout cas, faut bien commencer quelque part.
Sexe, drogues, rock’n’roll, ça sonne, c’est ça que je veux, et pas comme comparse dans le grand cirque, moi je veux être au centre même de l’action, là où ça se passe, foncer dans le tas, mettre les pieds dans le plat - et pour ça, il va falloir que j’y travaille sérieusement. Un boulot à plein temps oui. Mais je veux pas mourir malheureuse, non.
Heureusement que je déteste cette putain de télé et ce putain de sommeil, ça va prendre des heures, et des heures, et des heures.

J’ai un plan. Très schématique, d’accord, mais clair.
Première phase : faire ma petite pute, visuellement en tout cas, ça devrait suffire - ça devra suffire - et entrer dans le cercle des proches d’un groupe. Pas n’importe quel genre, un vrai groupe, pas une bande de lycées, un vrai groupe qui fait des concerts et des disques. Ca ne devrait pas être difficile, il y en a à tous les coins de rue, et je suis sûr qu’ils n’ont rien à faire de mieux que baver sur l’image que je leur donnerai en pâture.
Une fois en place, phase deux : leur soutirer tous les conseils possibles et imaginables, toutes les ficelles, tous les trucs. Me rendre indispensable. Avoir les doigts partout.
Phase 3 : apprendre à jouer d’un instrument, ou chanter, on verra, mais chanteuse, c’est un truc de pétasse, je me vois mieux derrière un instrument. Puis, essentiel, c’est le pivot de tout : monter un groupe.
A ce stade là, si tout va bien, mon réseau sera fonctionnel, je saurai peut-être quel genre de musique j’ai envie de faire, mais a priori, je pense que ça n’a aucune importance. Avec un peu de chance et de travail sur l’image, je serai une grave bombe qui fera tomber des têtes - pas une bonne, une bombe. De toute façon, je sens déjà que potentiellement, je suis une vraie bombe, je les vois me mater le cul et les seins et la bouche, ces porcs et porcinettes - beaucoup moins de porcinettes que de porcs, et plus sympathiques, mais j’en ai déjà repéré quelques unes, ça aussi on verra. Je suis peut-être bien lesbienne. Je trouve ça beau, les pétasses en latex et résilles qu’on voit sur internet, je devrais être jalouse de leur plastique, mais ça aurait plutôt tendance à m’attirer, ceci dit j’aime bien regarder les mecs aussi, enfin pas tous évidemment, mon grand truc pour l’instant c’est le genre Sid Vicious, ou alors les cheveux longs, j’aimerais bien passer ma main dans les cheveux longs d’un garçon, donc oui, peut-être que je ne suis pas complètement gouine. Mais j’en voudrais bien une pour jouer, une poupée en latex et résilles. Quelque chose me dit que c’est facile.
Bon, maintenant, il ne me reste plus qu’à trouver la perle rare (ou pas), le groupe que je vais aller groupifanatiser jusqu'à ce que le papillon sorte du cocon. L’idéal, évidemment, ça serait que je trouve un combo toulousain (combo, j’ai lu ça dans des vieux Rock & Folk à mon père, je ne sais pas si ça se dit encore mais ça sonne bien, combo, ça fait un peu comme gonzo). J’ai beau être une pro de l’internet, c’est pas suffisant, important de voir les gens en vrai, même si ça me  coûte. Quand j’aurai fait mon choix, ce sera facile de prendre contact Sur l’interface, c’est direct, c’est franc, dans la limite étroite et évidente des échanges possibles, pas comme un œil qui ment ou une bouche qui sourit en disant la pire des saloperies, je dois encore être trop petite pour affronter de plein fouet (le fouet, c’est moi qui le manierai) la duplicité du genre humain in-vivo - alors que dans le in-vitro de l’écrit informatique, je sens tout de suite le coup-fourré, l’embrouille, le non-dit. Même positif - ça peut être très positif un non-dit, tous les silences ne sont pas des creux. Tout ça, je le sens, c’est le tissu dont je suis en train de me coudre, la toile de la toile, mais le fil sera rouge ou noir.
Les silences.
D’ailleurs moi aussi je devrais laisser un peu plus de place au silence et aux sous-entendus...

dico : lose

Le matin est un peu brumeux, fait froid, j’ai mon petit cartable en cuir à la main, une antiquité que m’a refilé Papa, pas mal rapée, mais stylistiquement, ça tranche délicieusement au milieu de tous les eastpak tipexés de mes congénères inférieurs - et mes lunettes bien droites et bien noires sur mon nez bien droit et bien tâcheté. Comme à peu près tous les matins à cete heure ci, Crevard est devant l’entrée du lycée en train de griller une clope, son sac informe à ses pieds, l’œil aussi informe que le sac, en tout cas, pas très réveillé derrière son rideau de cheveux noirs - Crevard n’est jamais très bien coiffé, et ses fringues sont toutes pourries, quand c’est du cuir il est aussi rapé que mon cartable, quand c’est du noir il vire aile-de-mouche, mais il a la classe quand même, il ressemble à un méchant dans un western-spaghetti, il ne lui manque que le chapeau et un gros cigare pour aller avec la fixité de son regard et son port de statue. Il me voit descendre la rue, petit signe du coin du visage, il se penche pour me faire la bise quand je suis à sa hauteur.
- Salut Violaine.
Le ton est détaché, presque morne, ça fait partie de son charme. C’est un des rares à ne pas m’appeler Vilaine, surnom dont je ne me suis jamais offusquée à part une fois ou deux en fin d’école maternelle, parce que j’ai toujours eu la conviction que je ne suis pas vilaine et que les autres le savent, bande de jaloux baveurs.
- Salut Rémi...
Et je suis une des seules à ne pas l’appeler Crevard, alors qu’il a toujours arboré ce surnom avec fierté, même si je soupçonne que ce n’était pas un choix personnel au départ. C’est comme ça, j’ai toujours préféré appeler les gens par leur prénom, là où tout le monde joue au plus convivial à coup de nicknames.
- quoi de neuf ?
- bah, la routine...

Effectivement, c’est carrément pas mal, ce groupe. Pas très difficile de les googler, faut dire que Creamskaïa Netskaïa, risque pas d’y avoir des tonnes d’homonymes - sympathique, ce nom, au premier contact, à la fois chaud, sirupeux, sensuel, et froid, hi-tech, voire rigoureux, le côté russe, sans doute, et puis ça sonne un chouille Orange Mécanique, mes bons drouggies... Déception, le site officiel est relativement vide, joli, fonctionnel, mais pas très convivial du genre vivant. Une jolie photo de poseurs en page d’accueil, le nom en lettres gothiques rose très whizz-tendance, sur fonds noir évidemment, une bio en anglais (et en rose aussi) détaillant des influences et des références qui me sont pour la plupart inconnues, 4 mp3 issus de leur unique album, un mail. Pas de forum, pas de guestbook, pas de liens, pas d’autres photos, soit ce sont des manchots de l’internet (manchots empereurs même) soit ils s’en tapent... Je télécharge le premier morceau tout en relisant la bio, méthodiquement, en cochant mentalement certains points à éclaircir.
« Atomic Pussycat », extrait de l’album Tovaritchina, sorti en 2005 chez Hips’n’Tits Records. Presque trente secondes pour le transférer dans le nid douillet de mon disque dur : c’est donc un morceau entier et en qualité pas trop dégueulassse, bien, j’ai horreur des groupes qui mettent trente secondes d’un  morceau avec un son de messagerie téléphonique, comme si quelqu’un allait leur voler. Double clic sur l’icône apparue magiquement sur mon bureau - c’est là que je sème les documents downloadés, c’est ma gare de triage, un peu bordélique, mais je range régulièrement tout ce qui y traîne, les photos débiles reçues sur MSN, les mp3s à écouter, les textes à lire ou à écrire, les films à regarder en urgence, autant de petites images piquetées comme de l’acné virtuelle sur la gueule d’Emily Strange, mon fonds d’image bien cliché, mais j’en avais un peu marre de Daria, et puis elle était un peu trop colorée, Daria, trop de vert. Atomic Pussycat, donc, me dit Winamp, c’est du 128kbps, démarrage asez calme sur quelques nappes de synthé genre l’espaaaaaaaaaaaaace-elektronik-supersonik, puis entrée prévisible (mais fracassante, dirait un chroniqueur) d’une rythmique bien carée, épaisse, boite à rythme et batterie superposées, guitare lourde pour un riff léger qui me rappelle aussitôt certains des vieux disques de hard-rock de papa, les trucs avec des américains aux coupes improbables, tous plus blonds et maquillés les uns que les autres et qu’une pute de l’est - d’ailleurs pour ça on a bien fait de passer au CD, les photos sont moins grandes que sur les vinyles, qui donnent une réalité sinistre à ce genre d’individus, rien que parce que les tofs sont plus grandes. Riff glam-FM donc (un jour je demanderai à papa pourquoi Bowie c’est du glam et Motley Crue aussi, quelque chose m’échappe), mais heureusement, les Creamskaïa n’ont pas eu le mauvais goût de mettre dans les trous le genre de wink-wink de guitare suraigue que les virtuoses des années 80 avaient l’air d’aimer autant que leur mère. Quand la voix arrive, mes dernières inquiétudes se dissipent, j’avais peur de miaulements de goret émasculé à la Axl Rose, papa a beau me dire que Guns’n’roses c’était bien à l’époque,  dieu que ce type avait l’air con avec son short et sa casquette , bref non, le chanteur de Creamskaïa fait plutôt dans le ricanement chanté, très expressif, ouvertement sexuel, il chante comme s’il jouait le diable dans une série Z, un diable essyant de convaincre une pauvre fille sexy qu’elle doit signer le contrat qu’il tient dans la main gauche, de préférence avec son sang mais du jus de chatte suffira. Son accent anglais est déplorable, un mélange de prononciation américaine fantasmée et d’incompétence sur certains ponèmes - ses th sont tellement Z eux aussi - zzzzzzzzzzzzzzzzzzzze que c’est à se demander s’il ne fait pas exprès... C’est possible, le texte évite les mots inventés et les fautes flagrantes, c’est plutôt du bon anglais à mon oreille de bonne élève, alors l’accent c’est peut-être volontaire. Les paroles sont tellement cliché qu’elles en deviennent amusantes - on est toujours dans le Z - ça parle d’une fille qui lui mets le feu et que baby, on va faire des étincelles nucléaires à faire exploser l’univers. Oui c’est marrant, plutôt cool, limite carrément lobo même. Le refrain est plus hargneux dominateur, avec des fins de phrase comme des coups de fouet, ça colle bien avec la grosse basse, j’aime bien ça, la grosse basse, ça fait des craquements dans mes petits baffles, c’est bon signe... Dans leur laïus biographique, ils disent évidemment qu’ils ont crée un style unique bien à eux,  en mélangeant des influences variées - pas très original comme présentation, si le mec qui a inventé cette formule l’avait brevetée, maintenant il jouerait au golf avec Bill Gates. Pour se rattraper, ils causent cinéma et littérature. Orange Mécanique, évidemment, c’était couru d’avance, « des textes hallucinés dignes des pages les plues crues de William Burroughs » - pas la première fois que je croise ce nom, faudra me renseigner, mais je doute que le texte d’Atomic Pussycat, en tout cas, soit à la hauteur des ses pages les plus « crues » et les plus « hallucinées », là comme ça c’est plutôt digne d’une mauvaise BD à la Gen13/wildcats, le chanteur a du penser à des filles aux nibards plus gros que ma tête en écrivant ça.
Tiens, le morceau est fini ? Très sympa, oui, j’ai toujours peur ,quand un goth me conseille un groupe, de tomber sur un truc genre « je me hais et le monde est froid et je veux mourir, salope », mais là, c’est bon, rien à voir. Suite de la liste de références : The Rocky Horror Picture Show, Dantec, Matrix, Dantec, Priscilla Folle Du Désert, les Manga, Sun Tzu,  Tim Burton, un beau mic-mac hétéroclite, pas mal de trucs que j’aime bien, juste ce qu’il faut, et une volonté manifeste d’ironie dans le mélange des registres. Volonté qui culmine dans une dernière phrase à tiroirs, « Creamskaïa Netskaïa fait de la musique pour ceux qui rêvent de conduire un bombardier sous acide », c’est tellement niaisement poseur que c’est forcément du second degré... DL le morceau suivant et retour à la photo d’accueil, histoire d’étudier un peu leur face.
Ils sont quatre, apparemment beaux gosses, mais une tof, ça trompe énormément, plus qu’un éléphant. Au centre, un grand sec chevelu avec des ray-bans très deep-south et un T-Shirt audacieusement moulant - j’ai dit sec, pas maigre, c’est plus le genre Iggy - histoire qu’on voit bien  ses avants bras intégralement tatoués du poignet au coude, impossible de discerner les détails, mais c’est joli, tiens, peut-être qu’un jour je me ferai tatouer Emily Strange, ou pourquoi pas daria si je la re-aime, mais en noir et blanc. Menton pointé, cheveux bien noirs et bien lisses, bien campés dans ses boots pointues, il ne lui manque que des gants en vinylatex pour aller gagner un concours d’imitation de Trent Reznor à sa grande époque.
Clic deuxième morceau, et examen d’un deuxième musicien - l’un et l’autre sont plus massifs que leurs prédécesseurs respectifs. La chanson par sa lenteur bien chargée, on dirait du Black Sabbath additionnés de de séquences électro, le zicien par ses grosses épaules et son cou de bouledogue surmonté d’une tête sympathique, brun, spikes, un coup d’eye-liner pour faire les yeux plus noirs, ça contraste avec sa carrure. Mais visage et morceau se recentrent sur la volonté de charmer, l’un par une bouche bien dessinée tordue en un rictus agresivement aguicheur, l’autre par une voix chaude, légèrement scandée, racontant je ne sais pas trop quoi avec pas mal de Yeah dedans. Ca s’appelle Doctor Benway, les paroles sont plutôt incohérentes, il y est question de babouins et d’opérations chirurgicales et de boites de conserve et d’infirmières stupides, surréalisme plutôt décalé par rapport au ton prophétique des paroles genre je joue à Jim Morrisson. Retour sur le canal oculaire : T-shirt des Misfits, un groupe que je vois cité de plus en plus souvent, veste en jean à manches coupées, gros bras nus, pas de tatouages apparents mais des bracelets à pointe, le genre de truc qui fait ridicule sur le gotho-black-métalleux gringalet de base avec ses new-rocks et son collier de chien, mais là, ça va, il est bien taillé, quand même, ce type, dans le genre bois brut.
Pendant que le morceau se résout sur un solo de guitare bien primitif, le genre de vieux solo des années 60-70, ça j’aime bien, mon œil passe aux deux autres, mais ils sont déjà oubliés, tout dans la photo indique qu’ils ne servent à rien d’autre qu’à assurer derrière leur instrument quel qu’il soit, et qu’à part ça, quantités négligeables. Il y a des poses et des visages comme ça qui puent la remplaçabilité, des gens qui ne sont là que comme la Vache Qui Rit dans un pique-nique, des trucs nécessaires mais d’une telle fade banalité qu’on ne s’y attarde jamais. Au revoir, vous ne m’intéressez pas, monsieur Creamskaïa X et Netskaïa Y, je me concentrerai sur A et B.
Deux autres morceaux à écouter - « between your legs » et « riding with fever » - finissent de poser le cadre de la musique du groupe : inspiration heavy-metal de papa, suffisamment de mélodies pour plaire aux teenagers, suffisamment de sons électro pour plaire à tout le monde, suffisamment  de second degré, de références décalées et d’acrobaties vocales pour plaire à ceux qui ont envie ou besoin de se sentir intelligents... Le truc apparemment bête mais finaud quand même, et joyeusement efficace : j’aime. Et j’aime d’autant plus que je sais qu’ils sont bien tangibles, accessibles, bref, pas loin, et inscrits dans mon projet.
A ce stade, je pourrais me renseigner, lire quelques chroniques, chercher des discussions sur des forums, d’autres photos, trouver un album entier sur la mule, mais direct, j’outlooke le contact fourni. Hello, je viens de vous découvrir, c’est génial, et en plus on m’a dit que vous étiez de chez moi, excellent, il y a des dates prévues dans le coin ? Et Doctor Benway, de quoi ça parle ? Je sais que vous n’aurez sans doute pas le temps de répondre, mais en tout cas vous avez déjà une nouvelle fan, signé Violaine, avec un joli bloc signature incluant l’adresse de mon blog et mon MSN. Ligne jetée, on verra bien si la pêche est bonne.

Je crois que mes premiers souvenirs de musique, c’est ma daronne qui écoutait les Clash en faisant la vaisselle. Je devais avoir quatre ans et je gesticulais sur Should I Stay Or Should I go et Rock The Casbah, en ouha-ouhatant joyeusement les refrains, je ne m’en rappellerais sans doute pas s’il n’y avait pas eu le camescope familial pour fixer ces moments éternels sur bande. A l’âge où la plupart des enfants se passionnent pour les dinosaures, c’est comme ça que je suis tombée dans la marmite. Et on ne manquait pas de matière à écouter... Entre quatre et neuf ans, j’avais une grande passion pour les Clash, comme ma mère, et Elvis, mais ça c’était plutôt mon père, je crois bien que j’ai pleuré le jour où Joe Strummer est mort. Ca doit être tout ça qui m’a motivé à apprendre l’anglais, ça et les films en VO que regardaient mes parents, je lisais les sous-titres blancs en me disant que ce serait mieux de comprendre, j’y suis à peu près maintenant. Should I Stay Or Should I Go dans la cuisine.
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