Du coq à l'âme - Chapitre 4 - Mes deux yeux pour pleurer, partie 1

Jan 08, 2010 18:07

Titre : Du coq à l’âme
Chapitre 4 : Mes deux yeux pour pleurer, partie 1
Fandom : Gundam Wing/AC
Rating : M
Pairing : Relena Peacecraft, Heero Yuy, Quatre Raberba Winner
Mots : 9 424
Disclaimer : Ne m’appartient pas, sauf le scénario.
Ecrit en : avril 2004
NdlA : Chanson n°1, Mes deux yeux pour pleure de La grande Sophie. Chanson n°2, Il y a ton sourire de Saez (sur aucun album). Angst à partir de ce chapitre.

Je n’confierai pas ma peine / J’ai mes deux yeux pour pleurer / Un ami pourtant m’appelle / Il me dit tu peux parler / J’ai perdu mon innocence / L’envie de tout partager / Maintenant qu’il y a souffrance / C’est elle que je veux garder / Je n’confierai pas ma peine / J’ai mes deux yeux pour pleurer / La semaine et le week-end / Les rivières ont débordé / J’ai mes raisons mes désirs / C’est ma joie pour regarder / En face mon avenir / Qui saura me consoler / Je n’confierai pas peine / J’ai mes deux yeux pour pleurer / Les sillons de mon Rimmel / Et mon visage mouillé / Me voilà face à moi-même / Mes angoisses et mes regrets / Me voilà seule et certaine / De l’avoir à mes côtés.


***
Quand Relena avait vu Quatre apparaître comme par magie derrière Heero, son coeur avait doublement sauté de joie. D’abord, parce que ça évitait une nouvelle confrontation et une nouvelle dispute. Les débats avaient été longs et difficiles, elle se sentait épuisée et de mauvaise humeur. D’autre part, parce qu’elle adorait Quatre et sa gentillesse naturelle. Il avait le don d’apaiser les gens qui l’entouraient. Et puis elle avait plus que jamais besoin d’un ami auprès d’elle, en ce moment de tensions politiques. Elle se jeta dans les bras de Quatre en poussant un cri de joie, après être passée en courant devant Heero, qui avait enfin baissé son arme. Pas trop tôt ! Il avait la fâcheuse manie de menacer les gens de son arme à tout bout de champ. En général, quand quelqu’un est surpris, il sursaute. Heero non. Son premier réflexe était de sortir son flingue (on ne sait trop d’où, et avec une rapidité effrayante), et d’en menacer son… "agresseur". Un jour, le coup partirait et il serait l’auteur d’une belle bavure. Elle se méfiait toujours, et s’efforçait de ne jamais le surprendre. En même temps, c’était assez facile, étant donné qu’il savait toujours où elle était, et quand il ne le savait pas, il semblait le deviner. Une sorte de sixième sens, sans doute. Ou des incantations vaudous. A vrai dire, elle n'avait pas tellement envie de le savoir.
_ Quatre ! Je suis si contente de te voir ! Tu ne peux pas t’imaginer à quel point !
_ Moi aussi Relena, je suis content.
_ Mais comment se fait-il que tu sois là ?! Je croyais qu’une affaire importante te retenait sur L4 pour encore plusieurs mois ?
_ Et bien mes collaborateurs ont pris la relève, et on m’a envoyé ici pour représenter la colonie et assister le représentant officiel. Et puis comme ça, ça nous permet de nous voir un peu. Ca fait un moment.
_ C’est vrai. Tu m’as manqué.
Relena regarda Quatre avec tendresse, un petit sourire tremblant sur les lèvres. Elle s’arrêta au milieu du couloir et l’enlaça pour se blottir contre lui. En quelques mois, Quatre avait encore pas mal grandi, et il dépassait Relena d’une bonne tête. Elle posa sa tête sur sa poitrine, et se laissa bercer par les battements de coeur de son ami. Quatre la serra un peu plus fort. Quelque chose tourmentait la jeune fille, il le sentait. Elle n’allait pas bien. Relena pleurait. Son âme, son coeur pleuraient. Et quand elle redressa la tête pour le regarder, il se rendit compte qu’elle pleurait vraiment. Ses yeux bleus étaient noyés de larmes. Inquiet, il lui caressa doucement les cheveux.
_ Lena, que se passe-t-il ? Pourquoi pleures-tu ?
_ C’est rien. C’est juste que je suis très heureuse de te voir.
_ Voyons. Je te connais bien. Je sais qu’il y a autre chose. Parle-moi. Tu sais que tu peux tout me dire.
_ Je te jure, ça va. C’est juste que… non, ça va passer. Je suis simplement fatiguée. La journée a été longue et…
_ Il faut y aller.
Heero venait d’apparaître à leurs côtés, la main sur son arme (habitude quand tu nous tiens), et venait de les interrompre grossièrement. Relena le fixa d’un regard noir, et Quatre sentit qu’elle allait lui sauter à la gorge. Il fut plutôt étonné. Apparemment, leurs relations n’étaient pas au beau fixe, loin de là. Que s’était-il passé durant ces six derniers mois ? Quatre savait que la jeune fille avait longtemps éprouvé de tendres sentiments à l’égard du pilote de Wing. Et ces sentiments étaient réciproques, il en était persuadé, même si Heero n’en était pas réellement conscient. Alors pourquoi Relena semblait éprouver tant de colère envers le jeune homme ? Aussi quand il la vit ouvrir la bouche, il prit la parole avant elle, histoire d’éviter une hécatombe verbale.
_ Pardonne-nous Heero. Nous te suivons immédiatement. Nous aurons le temps de discuter plus longuement tout les trois, une fois rentrés.
_ Hn.
Et sur ces… belles paroles d’une éloquence folle, le trio se remit en marche et se dirigea rapidement vers la sortie.
Heero ne savait pas s’il devait se réjouir. Quand il avait vu Relena dans les bras de Quatre, il avait ressentit un étrange choc au creux de l'estomac, et un pincement au coeur. Sur le moment, il avait eu envie de taper son ancien compagnon d'armes, ou carrément de lui mettre une balle entre les deux yeux. Mais la raison l'avait aussitôt emporté sur l'irrationnel. Le cadavre d'un ex pilote de Gundam dans les couloirs du Parlement, ça ferait désordre. Puis il avait été choqué par la violence de sa réaction. Que lui arrivait-il ?! Ca ne lui ressemblait pas. Et surtout, Quatre ne lui avait rien fait. A contrario, il était reconnaissant envers l'attitude du jeune arabe, qui avait empêché Relena de lui hurler une fois encore dessus, comme d'habitude. Il était donc soulagé de l'arrivée du jeune homme, qui, espérait-il en son for intérieur, détournerait un moment l'attention et les ires que la jeune ministre avait à son encontre.
Et une idée le frappa soudain. Quatre était peut-être la solution à son problème. Il découvrirait sans doute la raison de l'humeur inhabituelle de Relena. Il semblait la comprendre, contrairement à lui, et de plus, c'était un as de la communication, du dialogue et de l'analyse émotionnelle. Heero se sentit tout d'un coup soulagé. Il décida d'aller parler à Quatre dès que possible à ce sujet, histoire de le briefer sur les événements de ces derniers mois. Après tout, Quatre et Relena étaient très proches.

***Relena était dans sa chambre. Ils étaient rentrés sans encombre, dans le silence, et chacun était allé se reposer quelques instants avant le dîner. Quatre était en salle de conférence. Il lui avait dit qu'il devait s'entretenir avec ses collaborateurs de L4, pour les prévenir entre autres choses, qu'il était arrivé à bon port et sans encombres. Et elle savait que Heero devait rôder aux alentours, pas très loin de sa chambre. Comme toujours. Elle avait la sensation qu'il ne se reposait jamais. Elle n'était même pas sûre qu'il dorme la nuit. Parfois, durant ses longues nuits d'insomnie, elle se demandait s'il était humain. Tout portait à croire que non : sauter du haut d'un gratte-ciel et s'en sortir sans trop de bobos, s'autodétruire et en ressortir vivant…
Cette journée l'avait épuisée, fragilisée. Les paroles de Foster l'avaient touchée plus qu'elle ne l'aurait pensé. Cet homme lui faisait peur. Une peur irrationnelle, inexplicable. Son cœur lui criait simplement de se méfier de l'américain, et de s'en tenir le plus éloignée possible. Mais elle s'en voulait d'avoir ainsi craqué devant Quatre. Elle savait que le jeune homme n'avait pas cru une seconde à ses justifications, et qu'il lui poserait des questions dès qu'il en aurait l'occasion. Il ne la lâcherait pas aussi facilement. Il la connaissait et la devinait très bien. Elle essaya donc de se préparer mentalement, en dressant des barrières tout autour de son esprit. Une tour d'ivoire. Elle avait été tellement surprise de sa venue, qu'elle n'avait pas pu retenir ses sanglots. Mais elle ne voulait pas partager ses doutes, son chagrin avec qui que se soit. Et puis qu'y avait-il à dire ? Rien du tout. Elle connaissait Quatre, il s'inquiéterait plus que de raison.
Elle s'allongea sur son lit, et laissa sa peine la submerger. Les larmes lui montèrent aux yeux, et elle ne fit rien pour les endiguer. Elle se roula en boule et sanglota, perdant la notion du temps. Après ce qui lui parut une éternité, ses larmes se tarirent, et elle se décida à sortir de son état de catatonie profonde. Elle se leva et se traîna jusqu'à sa salle de bain. L'image que lui renvoya le miroir n'était pas flatteuse. Pathétique. Les yeux rouges et gonflés d'avoir trop pleuré, le visage mouillé et pâle. Son maquillage avait coulé et la faisait ressembler à un clown triste. Elle n'était franchement pas présentable, et si elle ne s'était pas sentie aussi mal, elle aurait trouvé ça comique.
Mais elle se sentait vidée, épuisée. Elle n'avait envie de rien. Juste rester couchée et dormir pour oublier. Tout oublier : Heero, le monde, ses responsabilités. Tout ça devenait tellement lourd à porter. A supporter. Ne pas pouvoir faire un pas sans être observée, jugée, critiquée, menacée même. Elle était fatiguée d'avoir à se justifier sans cesse, de devoir faire attention à tout, d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête à longueur de temps. Une vie normale. Voilà ce qu'elle voulait. La vie d'une adolescente de dix-sept ans. La vie qu'elle avait avant que celui qu'elle pensait être son père ne soit assassiné, avant de rencontrer Heero et de se retrouver plongée au cœur de la guerre, avant qu'elle ne se découvre un frère, et l'héritière de la famille Peacecraft, avant qu'elle ne se retrouve à la tête d'un royaume, d'une nation… du monde. Pourquoi avait-elle été aussi curieuse ? Aussi entêtée ?
Elle se passa de l'eau froide sur le visage, et effaça les derniers vestiges de maquillage qui subsistaient. Elle tenta alors, autant que faire se peut, de camoufler ses yeux bouffis. Elle ne voulait pas que quelqu'un se rende compte qu'elle avait pleuré, et qu'on lui pose tout un tas de questions gênantes, auxquelles elle n'avait aucune envie de répondre. Son chagrin, ses larmes, ses états d'âme étaient les seules choses qui lui restaient, et paradoxalement, lui appartenaient en totalité. Et elle voulait les garder. Au moins elle avait l'impression d'exister.
Relena fixa son reflet d'un regard critique. Le résultat n'était pas spectaculaire, mais ça pouvait aller. Elle avait encore les yeux un peu rouges, mais elle pouvait sans problème invoquer sa fatigue et son stress. Quatre serait difficile à berner, mais avec un peu de chance et en croisant les doigts... Elle retourna dans sa chambre pour changer de tenue et enfiler quelque chose de plus confortable. Elle ôta son tailleur, et opta pour un jean et un pull.
L'heure du dîner approchant, elle quitta sa chambre et se dirigea vers la salle à manger, à travers le dédale de couloirs. Elle s'étonna un instant de ne pas rencontrer Heero. Mais elle ne s'attarda pas là-dessus, et chassa le jeune homme de ses pensées. Moins elle pensait à lui, mieux c'était. Elle arriva devant la porte, et s'arrêta, la main sur la poignée. Elle ferma les yeux, prit une grande inspiration, vida son esprit et plaqua un sourire, qu'elle espérait naturel, sur son visage. Puis elle ouvrit la porte et pénétra dans la pièce, en essayant d'avoir l'air gai et détendu. Quatre se retourna et la regarda en souriant avec tendresse. Heero était également ici. Le coeur de Relena fit un bond et manqua un battement. Son sourire se figea quelques secondes. Mais elle se reprit et reporta son attention sur Quatre. Moins dangereux. Moins déstabilisant.
_ Ca fait longtemps que vous êtes là ?
_ Non, quelques minutes. Heero et moi discutions… de choses et d'autres.
Relena le regarda d'un air suspicieux. Discuter ? Avec Heero ? De la pluie et du beau temps ? Première nouvelle. Et de quoi pouvaient-ils parler ? D'elle ? Cette simple pensée l'angoissa. Elle ne voulait pas qu'ils se posent de questions sur elle. Elle se promit intérieurement de faire des efforts sur son comportement, histoire de détourner un peu l'attention. Il fallait vraiment qu'elle cesse d'être aussi agressive.
_ Et de quoi discutiez-vous ?
_ Oh… de choses et d'autres.
_ Mais encore ?
_ Et bien Heero me demandait des nouvelles des autres.
Serait-il en train de la prendre pour une idiote ? Relena savait très bien que Heero n'avait besoin de personnes pour avoir des nouvelles de chacun. Premièrement, parce qu'il prenait régulièrement contact avec Lady Une et avait ainsi des nouvelles d'une partie de l'équipe. Deuxièmement, parce qu'il avait des relations plus… "intimes" avec son ordinateur qu'avec n'importe quel être humain, et qu'avec lui, il était capable de retrouver n'importe quel quidam par informatique. Elle se demanda soudain s'il pouvait retrouver un moustique en excès de vitesse, perdu au milieu de la forêt amazonienne.
_ Des nouvelles des autres ?…
_ Heu… oui. On se demandait où était Duo. On n'a aucune nouvelle depuis six mois. Depuis l'affaire des Epyons Terros en fait.
_ Je croyais qu'il était retourné sur L2 immédiatement après.
Heero prit alors la parole.
_ Nous le pensions aussi. Mais il n'y est pas. J'ai fait des recherches, mais il reste introuvable.
_ Tiens donc. Serais-tu en train de perdre tes supers pouvoirs de hacker ?
Sa remarque acerbe jeta instantanément un froid polaire, sur une atmosphère déjà tendue. Quatre fut paralysé de surprise, et Heero serra les dents pour ne pas exploser. Et Relena regretta immédiatement ses dernières paroles. C'était vraiment devenu un réflexe. Quatre sortit alors la première chose qui lui vint à l'esprit.
_ Il était sympa le film d'hier soir, non ?
Mais pourquoi avait-il dit ça ?! Deux paires d'yeux incrédules se braquèrent sur lui, et il se sentit devenir aussi rouge qu'une écrevisse ébouillantée par un cuistot sadique. Relena regarda Quatre comme s'il venait de lui annoncer avoir un troisième bras planqué dans son dos.
Il était totalement cramoisi et ne semblait plus savoir où se mettre. Puis elle tourna la tête, et regarda Heero. Et ça méritait le coup d'œil. Il était littéralement... bouche bée. Totalement inédit. Ce qui valait tout l'or du monde. Elle sentit un fou rire monter irrésistiblement, qu'elle tenta de réprimer tant bien que mal. Son malaise s'était envolé.
_ Quoi ?
Et le simple mot que Heero venait de prononcer d'une voix incrédule, fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Incapable de se contenir plus longtemps, Relena explosa de rire. Et la tête que firent les deux garçons en la regardant ne fit qu'aggraver la situation. Et le fou rire étant souvent (pour ne pas dire toujours) communicatif, il gagna Quatre quand le ridicule de la situation s'imposa à son esprit dans toute sa splendeur. Seul Heero semblait résister à la sarabande des zygomatiques. Mais contre toute attente, il éclata soudain de rire. Un rire clair et profond, qui venait du ventre. Et qui remua Relena jusqu'au plus profond d'elle-même. Son fou rire mourut alors lentement, pour cesser finalement. Elle réalisa que c'était la première fois qu'elle entendait le jeune homme rire, sans retenue aucune. Et ça lui allait à merveille. Il était d'un charme ravageur. Son cœur se mit à battre plus vite, et le rouge lui monta aux joues. Les deux jeunes hommes s'aperçurent de son brusque silence, et arrêtèrent de rire également. L'atmosphère s'était considérablement détendue. Toute la tension de la journée venait d'être évacuée. Mais ça ne pouvait pas durer éternellement. Toute bonne chose a une fin, les fous rires en faisaient partie.
_ Non mais sérieusement, vous n'avez vraiment aucune nouvelle de Duo ?
_ Non, vraiment.
_ Et Hilde ? Vous lui avez demandé si elle savait où était Duo ? Ils habitent ensemble, non ? Et ils travaillent aussi ensemble sur L2 si mes souvenirs sont bons…
_ Oui, en effet. En fait c'est elle qui nous a alerté.
_ Comment ça ?
Quatre et Heero se regardèrent, hésitants. Mais bon sang ! Elle n'était plus une petite fille, elle l'avait suffisamment prouvé lui semblait-il. Et face au regard noir et courroucé qu'elle leur lança, les deux garçons comprirent qu'ils n'avaient pas vraiment le choix, et qu'ils ne pouvaient se permettre de tergiverser plus longtemps. D'autant plus que ce n'était sûrement pas aussi grave qu'ils le pensaient. Quatre prit alors la parole.
_ Eh bien, peu après la tentative avortée des Epyons Terros, Hilde nous a appelés pour nous demander ce qui retenait Duo aussi longtemps sur Terre. Elle savait par les infos que l'opération de sauvetage avait été un succès, et que nous n'avions subi aucune perte humaine. Quand Duo n'est pas rentré tout de suite, elle s'est dit qu'il était sûrement resté ici pour participer à ta protection, et attendre que tout danger soit écarté. Mais au bout de quelques semaines, elle n'avait toujours eu aucune nouvelle, et elle a commencé à s'inquiéter. Elle a alors pris contact auprès de Sally et Lady Une, qui nous ont aussitôt contactés, pour savoir ce que nous savions. C'est-à-dire rien. Duo nous avait quitté en disant qu'il rentrait sur L2, on n'a pas cherché plus loin, même si avec le recul, il a disparu un peu brusquement. Heero a alors entamé des recherches, qui durent depuis plus de quatre mois, mais en vain. Et on se renseigne discrètement sur le terrain, à droite et à gauche. Mais jusqu'à présent, nous n'avons pas la moindre petite piste. Il semble avoir disparu dans le cosmos.
_ Certes, c'est un peu inquiétant. Mais je pense que nous ne devrions pas nous inquiéter autant. Duo a peut-être besoin de prendre ses distances, de faire le point tout seul. Les évènements d'avril ont du le perturber un peu, et lui rappeler des souvenirs pas forcément agréables. Je suis sûre qu'il va réapparaître d'ici peu, comme si de rien n'était.
_ Tu as sans doute raison. Mais qu'il ait disparu sans laisser de traces, c'est plutôt étrange…
_ Il n'a tout bêtement pas envie qu'on le retrouve, et apparemment il sait comment échapper à vos radars.
Le silence retomba, chacun étant plongé dans ses pensées. Le dîner se passa dans le calme et la sérénité, malgré les dernières nouvelles. Relena essaya tant bien que mal de lancer une conversation sur des sujets légers, histoire de faire oublier aux garçons leur inquiétude profonde pour Duo. Et pour elle, d'oublier ses propres soucis et sa journée du lendemain, qui promettait d'être longue, pénible et difficile. Mais le repas se déroula dans un mutisme plutôt relatif, personne n'étant réellement motivé par les mondanités d'usage. Relena décida alors d'aller se coucher, malgré l'heure peu tardive à laquelle s'acheva le dîner.
Heero regarda Relena sortir, et vit que Quatre s'apprêtait à suivre son exemple. Il se leva promptement et abattit sa main sur l'épaule du jeune arabe.
_ Attends !
Quatre se retourna, et Heero put lire une surprise teintée d'incrédulité dans ses yeux bleu clair. Et il ne sut comment amorcer la conversation sur le sujet qui l'intéressait. Il avait déjà fait une tentative un peu plus tôt, qui avait lamentablement échouée. Mais Quatre l'avait devancé, en mettant le sujet "Duo" sur le tapis. Et au moment où Heero avait mis Quatre au courant des derniers détails en sa possession, et s'était senti plus à l'aise pour parler de Relena, cette dernière était arrivée. Et la question "Où est passé Duo" était alors revenue en force, chose qui le mettait horriblement mal à l'aise. D'autant plus qu'il avait été convenu de tenir Relena en dehors de tout ça. Elle avait assez de soucis en tête comme ça, sans avoir à en rajouter. Mais son arrivée intempestive les avait acculés au pied du mur et les avait en quelque sorte poussés à la mettre au courant. Mais bizarrement, ça n'avait pas eu l'air de l'inquiéter plus que ça. Encore une réaction étrange de la part de la jeune princesse de Sank.
_ Je t'écoute Heero.
_ Je voudrais te parler de Relena.
_ Ah…
Heero ne sut comment enchaîner. Il se trouva soudain stupide. Pourquoi était-ce si compliqué de parler d'elle ? De parler tout court d'ailleurs. Si seulement, il arrivait à voir plus clair en lui, il était sûr que ça lui simplifierait l'existence. Il prit alors une grande inspiration, et décida de se jeter à l'eau. Quatre saurait sûrement l'aider.
_ Et bien voilà. Depuis la prise d'otage et ma prise de mes fonctions ici, Relena a un comportement étrange. Avec moi surtout. Quoi que je dise ou fasse, elle entre dans une colère noire et se transforme en harpie. Ou alors elle m'ignore et ne m'adresse pas la parole pendant des jours. Je sais que j'ai promis de la protéger, mais y a des limites, et je suis à deux doigts de les atteindre.
Quatre le regardait en souriant, tête penchée sur le côté, bras croisés, yeux pétillants de malice. Heero lui jeta un regard noir.
_ C'est pas drôle Quatre.
_ Je sais. Mais ta situation est quelque peu comique. Tu es un imbécile, Heero. Tu as beau être un as en informatique et maîtriser à la perfection l'art de la guerre, tu es nul en psychologie, et encore plus en psychologie féminine.
_ Hn.
Quatre se moquait ouvertement de lui (et de ses lacunes), et il n'appréciait que modérément. Il savait très bien qu'il n'était pas doué. Il n'avait aucunement besoin de lui pour s'en rendre compte. C'est quand même pour ça qu'il s'était décidé à prendre conseil auprès de Quatre. Pour remédier à cet état de fait.
_ Relena va mal. Très mal. Et tu ne fais rien pour améliorer la situation. Au contraire. Tu l'aggraves sans même t'en rendre compte. Elle a besoin de parler, même si elle ne veut pas se l'avouer. Et elle a besoin de TE parler. Tu lui es nécessaire, Heero, autant qu'elle t'est nécessaire. Dire le contraire serait un mensonge. Une chose est sûre, Relena est amoureuse de toi. Depuis votre première rencontre. Et toi ?
Un grand silence accueillit cette question. Quatre attendit patiemment une réponse. Heero devait prendre conscience tout seul des sentiments qu'il avait à l'égard de la jeune fille. Pour qu'il puisse en mesurer la profondeur.
_ Je ne sais pas. Je ne sais pas si je suis capable d'aimer. Je ne sais même pas ce qu'est l'amour. Les sentiments me sont inconnus, on ne me les a jamais appris.
_ Foutaises ! Heero, les sentiments ça ne s'apprend pas. On en a tous, point. Que ce soit l'amour, la haine, la peur, la tristesse, le courage, tout ça nous habite, nous traverse un jour ou l'autre. Les sentiments font partie de nous. Nous sommes tous capables d'aimer, toi le premier. Tu ne sais pas les reconnaître, c'est tout. Ton cœur est seulement engourdi. Tes émotions, tes sentiments sont présents, je les ressens. Et si tu veux une preuve, repense à tout à l'heure. C'était la première fois qu'on t'entendait rire.
_ C'est venu tout seul. C'était agréable. Je ne me souvenais plus combien c'était agréable.
_ Oui. Et Relena a été très touchée. Bouleversée. Moi aussi d'ailleurs, mais sans doute moins qu'elle. Tu as dévoilé une partie de ta personnalité, enfouie, oubliée depuis longtemps. Mais qui existe malgré tout, même si tu le refuses inconsciemment, pour te protéger je suppose. Laisse-toi aller. Laisse parler ton cœur et non ton, esprit. Laisse-toi guider par lui, et tout deviendra clair. Tu en es capable, tout ça est au fond de toi.
_ Ca paraît si simple…
_ Ca ne l'est pas. Ca va te demander de gros efforts, une mise à nu totale. Tu vas devoir faire une confiance aveugle aux autres. Te faire confiance. Mais tu y arriveras. Tu n'as pas le choix si tu veux aider Relena. Parce qu'elle a besoin de ton aide. Je vais déjà lui parler, mais je ne pourrais pas rester ici indéfiniment. Et il faudra que tu prennes le relais. Elle entame une période qui va être difficile. Aussi bien psychologiquement, qu'au niveau de ses fonctions. Le climat politique devient extrêmement tendu, et la situation va lui demander énormément d'énergie, à un moment où elle se sentira fragile et pleine de questions existentielles. Elle aura besoin d'une oreille attentive, d'un ami qui la soutienne, même si elle refuse.
_ Mais comment sais-tu tout ça ? Tu lis dans l'avenir ?
Cette réflexion candide fit rire Quatre.
_ Non, pas du tout. J'ai juste 29 sœurs, j'ai donc grandi entouré de femmes, c'est tout. Ca aide pas mal. Alors je sais par expérience que 17 ans est un passage difficile pour une fille. Et encore plus si elle se retrouve avec autant de responsabilités que Relena.
_ Mais toi aussi, tu as de grandes responsabilités, et tu as le même âge.
_ C'est différent. Je suis épaulé, et je n'ai pas vraiment les mêmes responsabilités. J'ai aussi appris à relativiser. Relena s'est retrouvée du jour au lendemain, propulsée dans le monde politique, sans aucune expérience, un lourd passé sur les épaules. En peu de temps, son existence a été bouleversée. Elle se retrouve quand même avec le sort du monde entier entre les mains, et des tas d'ennemis qui ne souhaitent qu'une chose : sa chute, voire même sa mort. Les gens la croient forte. Et elle l'est vraiment. Mais forte ne signifie pas invincible. Chacun a ses propres faiblesses. Et à trop s'appuyer sur les gens "forts", ceux-ci s'écroulent un jour ou l'autre sous la pression. Et Relena a un cœur tellement grand qu'elle se sent concernée par toutes les souffrances, par la misère du monde. C'est tout à son honneur, mais sa grandeur d'âme risque d'être sa perte un jour ou l'autre. C'est en quelque sorte sa faiblesse.
_ Et il n'en est pas question. Elle est le seul espoir de l'humanité.
_ Heero… tu n'as rien compris.
Quatre le regardait, d'un regard douloureux, peiné, presque blessé. Le regard qu'avait parfois (de plus en plus souvent d'ailleurs) Relena.
_ C'est justement ça le problème. Arrête de lui dire ce genre de choses. Ca la tue un peu plus chaque fois, surtout venant de toi. Le problème, c'est que plus personne ne la considère comme une personne à part entière. Relena s'éteint peu à peu, disparaît lentement. Elle n'est pas le seul espoir de l'humanité. D'autres peuvent prendre la relève, continuer le chemin. D'autres qui ont autant la foi qu'elle, qui sont prêts à se sacrifier pour protéger la paix. Nous en faisons partie. Si Relena venait à disparaître, la paix ne serait pas plus en danger qu'elle ne l'est déjà. Mais ELLE, elle n'est pas remplaçable. Il n'existe personne d'autre comme elle. Elle est unique, comme chacun de nous. La paix aura toujours des défenseurs. Il n'y aura pas d'autres Relena. Tu comprends ?
_ Oui, je crois.
_ Ce que je veux dire, c'est que Relena a besoin d'être considérée comme une personne à part entière, pas comme une égérie. C'est vital. Elle a besoin de se sentir parfois comme n'importe quelle jeune fille de son âge : normale. Arrête de lui rappeler sans cesse ce qu'elle est, son entourage professionnel s'en charge déjà très bien. Elle a plutôt besoin que son entourage affectif lui remémore qui elle est. Sinon, elle finira par se perdre. Irrémédiablement.
Et Quatre se dirigea vers la porte. Il se retourna une dernière fois avant de sortir, et planta son regard de myosotis dans l'outremer de Heero.
_ Réfléchis à ce que tu éprouves pour Relena. Sincèrement. Repense à tout ce que vous avez vécu, et tu sauras quels sont tes sentiments. N'essaie pas de te voiler la face, de fuir la réalité en te persuadant que tu n'as aucun sentiment. C'est faux, et si tu es vraiment honnête avec toi-même, tu t'en rendras compte. Imagine ce que tu éprouverais s'il lui arrivait quelque chose de grave. Penses-y sérieusement, sans faux-semblants Heero.
Quatre quitta la pièce sur ces derniers mots, laissant un Heero perplexe, et un peu perdu. Il se demanda si parler à Quatre avait été une bonne idée. Il se sentait encore plus embrouillé. Réfléchir à ses sentiments. C'était pas gagné. Il décida d'aller faire sa ronde habituelle pour vérifier que tout allait bien, et d'aller se coucher, histoire d'être en forme le lendemain. Après tout, la nuit portait conseil, disait-on…

***

Chapitre 4 - Mes deux yeux pour pleurer, partie 2

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