Fandon : OmbreSang
Personnages : Cyrus et Dyëndra
Rating : PG
Nombre de mots : 1287 mots
La jeune femme posa l’assiette fumante sur le plateau, y ajoutant le pot de crème glacée. Il commencerait à fondre pendant qu’elle mangerait, mais elle préférait manger sa glace ainsi. En grimaçant elle ajouta le dossier qu’elle devait examiner pour le lendemain. Dyëndra emporta le tout dans son salon appréciant le silence régnant dans la vaste demeure. Ces derniers temps elle ne supportait plus la présence continuelle des siens et la promiscuité que leur imposait le nouveau règlement. Privée de toute vie privée, elle devenait irritable.
Non qu’elle ait jusque là eut une vie privée trépidante, mais au moins avait-elle la possibilité d’en avoir une, ce qui était tout simplement exclu désormais. La jeune femme déposa le plateau sur la table basse et chercha la télécommande. Elle n’avait jamais apprécié la vie en communauté, ce n’était pas maintenant que cela allait commencer, surtout lorsqu’il s’agissait de supporter des gens avec qui elle n’avait pas choisi de vivre. Il ne se passait pas un jour sans que n’éclate une nouvelle dispute. Et comment pouvait-il en être autre quand on lui demandait de vivre sous le même toit qu’un homme dont la conception de la place d’une femme aurait déjà été considérée comme rétrograde durant le bas moyen-âge ? Il avait frisé la crise d'apoplexie la dernière fois qu’elle avait mit une robe digne de ce nom.
Dyëndra sourit en mettant enfin la main sur la télécommande. Un bon film d’action, voila ce qu’il lui fallait pour se détendre. Elle s’installa confortablement dans le canapé en entamant son repas. Des acteurs aux corps virils, une débauche de testostérone, de violence et de dialogues rien moins que subtils. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour faire naître sur ses lèvres un sourire satisfait. Si seulement ce dossier pouvait disparaitre... Mais il s’agissait là d’un voeux vain et il lui faudrait bientôt se détourner de son film. Reposant son assiette vide la jeune femme tendit la main vers le pot de crème glacée avant de jurer entre ses dents, réalisant qu’elle avait oublier de prendre une petite cuiller. Blottie dans le canapé, le regard rivé sur son film, Dyëndra n’avait pas la moindre envie de se lever.
Elle hésita, bientôt la glace aurait trop fondue, et en se levant elle pourrait en profiter pour attraper un plaid dans lequel s’enrouler afin de parfaire ce moment. Bien sur, pour que le moment soit vraiment parfait, il aurait fallut qu’elle puisse en plus se lover dans les bras d’un homme qui n’aurait rien eut à envier aux créatures qu’elle admirait à l’écran. Cette dernière remarque, faite à voix haute la fit rire, et une part de la tension accumulée ces derniers temps se dissipa.
Sa solitude lui pesait , elle se sentait une étrangère même parmi les siens et ce sentiment devenait difficile à supporter pour elle. Elle sursauta quand on posa deux cuillères près du pot de glace et un plaid sur ses épaules.
- Comment es-tu entré ? Demanda-t-elle en se redressant furieusement.
Cette intrusion ne la surprenait nullement, pour être honnête avec elle-même la jeune femme s'étonnait même d'une si longue absence de la part de Cyrus.
- Moi aussi je suis heureux de te voir Dyëndra, commenta-t-il avec ironie d’une voix grave et veloutée qui était désormais trop familière à la jeune femme.
Il attrapa le pot de glace et l'ouvrit avant de planter l’une des cuillères dedans et de le lui tendre le tout avec un sourire moqueur.
- Ai-je quoi que ce soit à envier à ces gamins ? demanda-t-il en désignant l’écran d’un geste dédaigneux.
Elle aurait du se mettre en colère, exiger de savoir comment il avait contourné les alarmes de la demeure, et bien sur, elle aurait du, au minimum, le mettre à la porte. Dans l’idéal il aurait fallut qu’elle l'enchaîne pour le livrer pieds et poings liés au Conseil. Au lieu de quoi elle lui fit une place sur le canapé en haussant les épaules.
- Depuis quand aimes-tu la crème glacée ? demanda-t-elle quand il plongea la seconde cuillère dans le pot.
Pour toute réponse il s’installa plus confortablement et l’attira fermement contre lui. Dyëndra résista pour la forme, avant de céder avec un petit haussement d’épaule. Après tout elle n’avait rien d’autre que ce qu’elle avait elle-même souhaité à voix haute quelques minutes plus tôt.
- Tu n’as pas encore anéanti tes collocataires ?
La question avait été posée d’une voix amusée.
- T’arrive-t-il de régler tes problèmes autrement qu’en tuant des gens ? répliqua-t-elle d’une voix caustique.
Cet échange de questions auxquelles ni l’un ni l’autre ne répondait leur était familier. Parfois cela durait des heures, d’autre fois ils s’en lassaient en quelques minutes. Ce soir elle ne répliquait que par habitude, trop lasse pour ne pas s’en agacer.
- T’aurais-je manqué ? demanda-t-il avec désinvolture en prenant une nouvelle cuillère de glace.
La jeune femme hésita, blottie contre ce corps on ne peut plus masculin, un pot de crème glacée entre les mains et enveloppée dans un plaid épais, il lui semblait assez difficile de prétendre qu’elle n’appréciait pas sa présence.
- Et quand bien même serait-ce le cas ? demanda-t-elle d’une voix acide.
Il était l'ennemi. Elle voyait son visage chaque jour sur le tableau des cibles les plus dangereuses, quiconque le livrerait au Conseil se verrait accorder plus d’honneur et de récompenses qu’on pouvait l’imaginer. Elle ferma un instant les yeux, écoutant les répliques du film.
- Dans ce cas je serais navré d’être resté absent sil longtemps.
Voila. Il avait cédé, mettant fin à leur petit jeu de question. Il n’y avait plus la moindre trace d’amusement ou de désinvolture dans son ton, quand il cessait de faire l’imbécile et se décidait à lui répondre il le faisait toujours avec un sérieux absolu. Elle le senti poser son menton sur le sommet de son crâne et la serrer un peu plus contre lui. La jeune femme rouvrit les yeux pour suivre une scène où s'enchaînaient de multiples explosion.
- C’est quoi ce dossier ?
- Des documents à traduire...
Il tendit la main et attrapa la liasse de feuilles. D’une main il feuilleta les diverses photocopies couleurs.
- Quelqu’un à une idée de ce dont il s’agit ?
- Non.
Depuis des semaines ils buttaient sur ces documents, les traductions lui avaient déjà values de nombreuses nuits blanches. Les rares mots qu’elle parvenaient à traduire appartenait à une langue archaïque dont leurs meilleurs experts ne connaissaient que de vagues rudiments.
- Regardes ton film, je vais y jeter un oeil... murmura-t-il pensivement.
Dyëndra ferma un instant les yeux. La fatigue et la solitude la minaient lentement mais inéxorablement. Elle aurait du le haïr, le voir comme un monstre, au lieu de quoi la jeune femme remua un peu pour s’installer plus confortablement. Il lui offrait une compréhension dont aucun des siens ne semblaient capable, sa présence l’apaisait et lui procurait un sentiment de sécurité trop rare sur lequel elle ne souhaitait pas se pencher. Elle s’était sentie soulagée d’un grand poids, il lui traduirait les documents, et s’il n’y parvenait pas il serait inutile de s’acharner plus longtemps.
- Un de ces jours, toi et moi devrons discuter sérieusement, murmura-t-il en attrapant un stylos.
- Oui... admit-elle. Mais pas ce soir.
- Pas ce soir, approuva-t-il doucement. Profite de ton film.
Elle eut l’impression qu’il déposait un baiser furtif dans sa chevelure mais rien ne vint le lui confirmer et il resta plongé dans l’examen des documents. Les questions attendraient, pour l’heure il lui suffisait de avoir qu’elle pouvait terminer sa glace en paix en profitant de son film.
Le doux froissement du papier avait quelque chose de rassurant. La crème glacée était terminée depuis longtemps et le film n’était plus le même. Sa tête reposant sur la cuisse de son visiteur nocturne elle l’écoutait écrire en regrettant la rareté de tels moments.