Fandom : Illusion
Personnage : Ruyvën Taël'Drym et Jaÿnakar IV
Ratting : PG
L'Empereur fixait son Seigneur-Conquérant avec la plus grande attention. Puisqu'ils étaient seuls ce dernier avait ôté son masque, mais il gardait une expression aussi neutre que possible face à son souverain alors qu'il avait, selon le Protocole, mis un genoux à terre et courbé la tête.
- Je croyais t'avoir demandé de faire cesser ces abominations ? demanda-t-il d'une voix qui ne dissimulait pas entièrement sa désapprobation.
- Effectivement Très Haut Seigneur, répondit humblement Ruyvën.
Le ton employé convenait bien mal au guerrier, songea Jaÿnakar. Décidément son général se montrait trop prompte à prendre ombrage de la moindre remarque, trop prompte également à contourner des ordres pourtant tout à fait clair en faisant mine de les avoir tout simplement mal interprété. Il aurait du, il en avait conscience, sévir. Comme un cheval trop fringant Ruyvën avait besoin que son maître lui serre la bride et cesse de le laisser agir à sa guise, mais l'Empereur ne se décidait pas.
- As-tu au moins une explication valable à me fournir concernant cette évidente preuve d'insubordination ?
Ruyvën n'était pas doué pour dissimuler ses émotions, c'était pour cette raison qu'il les masquait d'ordinaire derrière ses illusions, un bref instant sa façade de neutralité se fissura et il posa sur l'Empereur un regard brûlant de fureur avant de se reprendre et de dissimuler à nouveau de son mieux ses sentiments.
- En quoi ai-Je désobéit à Votre Impériale Majesté ? demanda-t-il d'une voix atone.
Il y avait dans son regard une nuance opalescente qui n'échappa nullement à l'Empereur, son général favoris était furieux et se contenait à grand peine. Jaÿnakar examina mentalement cette situation, surpris de voir Ruyvën réagit de manière si disproportionnée à un ordre qui pourtant ne présentait guère de difficulté et n'allait pas à l'encontre de ses principes. Mais ces derniers temps Ruyvën versait dans la Sauvagerie et ce de manière presque alarmante, ses caprices qui, jusque là, ne faisaient que le faire sourire, agaçaient désormais l'Empereur dans le meilleur des cas. Et cette dernière question pourtant posée sur un ton très raisonnable manqua le faire sortir de ses gonds. L'homme qui lui faisait face était beaucoup trop dangereux pour qu'il le laisse agir à sa guise, et pourtant c'était ce qu'il faisait depuis des années, alors qu'est-ce qui avait changé ? Qu'est-ce qui le poussait désormais à se méfier et à s'interroger sur le ben-fondé de ses décisions ? Peut-être, songea-t-il, fallait-il aborder le problème sous un autre angle. Au cours de sa vie Ruyvën avait eut de nombreuses occasion de se rebeller contre son souverains, des occasions qu'ils n'avaient pourtant pas saisies. Et les quelques fois où le Seigneur-Conquérant avait semblé désobéir aux ordres de la Couronne, il n'avait finalement fait que les exécuter d'une manière différente de celle attendue mais qui s'était finalement avérée bien plus efficace.
- Tu sembles en colère, dit finalement l'Empereur d'un ton plus doux.
Un rire à la fois amer, furieux, et méprisant lui répondit et un instant il fut tenté de renoncer à comprendre les motivations de Ruyvën et de se contenter de le punir pour son insubordination. Au lieu de quoi il prit une profonde inspiration et lui fit signe de se relever d'un geste quelque peu agacé.
- Expliques-toi.
Ruyvën lui jeta un regard presque méfiant qui lui déplu profondément. La loyauté des Seigneurs-Conquérant ne saurait être remise en cause, en revanche il était déjà advenu de voir certain d'entre eux sombrer dans la folie, et dans de tels cas le résultat n'était jamais plaisant.
- Soigner uniquement les symptômes d'une maladie n'a jamais suffit à en éradiquer la cause, gronda sourdement Ruyvën. Vous espérer me voir agir efficacement mais vous me muselez avec vos ordres !
Le guerrier étouffait encore son ressentiment, constata l'Empereur. Intérieurement il brûlait sans doute de jeter au visage de son souverain ce qu'il pensait de ses ordres, mais il se contrôlait, faisant naître une angoisse sourde chez Jaÿnakar. Un feu qui flambe haut et clair est une chose moins dangereuse que celui qui couve en menaçant d'exploser à tout moment, et en cet instant c'était exactement l'image qui lu venait à l'esprit en regardant Ruyvën.
- Continue...
- Vous me demandez de régler ce problème de cadavres qui se mettent à déambuler jusque dans nos rues, fort bien, mais laissez-moi traquer celui qui les relève au lieu de me demander de jouer les chiens de gardes en abattant ses marionnettes ! cracha Ruyvën sans parvenir cette fois à dissimuler son amertume et sa frustration.
- Tu ne m'as pas attendue pour te mettre en chasse, répliqua l'Empereur d'un ton raisonnable.
- Non, mais vous me lier les mains ! s'exclama Ruyvën. Vous avez des soldats pour faire ce travail !
Le souverain fronça les sourcils.
- Te crois-tu donc si supérieur que tu ne puisses plus assurer la sécurité de nos rues et de nos sujets ?!
Cette fois le regard que lui jeta Ruyvën fut carrément méprisant.
- Que je sache ce ne sont pas vos Prétoriens que vous prenez comme escorte lorsque vous allez vous distraire dans les bras d'une Dame, ni vos...
- Ruyvën ! Tu t'oublie ! le coupa Jaÿnakar d'une voix cinglante.
- Non, cracha Ruyvën en se laissant finalement emporter par la colère. C'est vous qui oubliez ce dont je suis capable et qui me cantonnez dans des tâches que vous pourriez sans dommage confier à d'autres !
Jaÿnakar observa pensivement le Seigneur-Conquérant, ce n'était pas tant ses propos qui le faisaient réfléchir, même s'ils étaient frappés du sceau du bon sens, mais la manière dont il venait de céder à ses émotions. Ruyvën n'était pas fait pour la vie de palais, sa place était sur le champs de bataille, et quand il n'y avait pas de bataille à livrer il fallait le tenir occupé, c’était une évidence qu'il avait eut tendance à oublier ces derniers temps. Il soupira doucement, admettant mentalement qu'il avait eut tort d'imaginer que le guerrier puisse sincèrement goûter au faste de la Cour s'il n'avait rien de concret à y faire. Il avait eut tort aussi de croire que Ruyvën se contenterait de laisserait amadoué si peu que ce soit par une vie de confort et de luxe. Il avait déjà failli provoquer un scandale en s'intéressant de trop près aux activités du prince, ce premier incident aurait du alerter l'Empereur, au lieu de quoi Jaÿnakar devait admettre qu'il avait refusé de regarder la réalité en face.
- Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il finalement.
- Que vous me laissiez libre de mes mouvements ! gronda sourdement le guerrier. Que vous me laissiez chercher la cause de toute cette agitation !
Le ton aurait du mettre Jaÿnakar en rage, au lieu de quoi il senti au contraire sa colère se dissiper et un vague sourire éclore sur ses lèvres.
- Ce n'est pas réellement la question que je t'ai posé Ruyvën...
Ce dernier eut une expression ironique.
- Je sais, mais je ne demande rien d'autre que d'être en mesure d'agir efficacement, répliqua-t-il d'un ton acerbe.
- Pas même retourner voir où en est la petite rébellion de ton épouse ? demanda les souverain d'une voix doucereuse.
- Je vous serais profondément reconnaissant de ne pas me sous-estimer Votre Majesté, grogna sourdement Ruyvën. Je suis encore à même de juger de l'importance d'une situation malgré l'affection que je porte à mon épouse. Il me semblait vous l'avoir d'ailleurs démontré en agissant selon mes convictions dans cette affaire...
- Et en me désobéissant par la même...
- Est-ce vous désobéir que de m'assurer de faire définitivement disparaître ces macabres marionnettes ?
- Tu joues sur les mots et tes paroles prennent le chemin de l'insolence.
Ruyvën ricana.
- Me direz-vous Très Haut Seigneur en quoi je vous serais utile dans le rang auquel vous m'avez élevé si je n'étais pas capable de penser par moi-même ? demanda-t-il d'une voix moqueuse.
- Il me semble que penser par soi-même ne soit pas obligatoirement un synonyme d'insolence...
Le Seigneur-Conquérant haussa les épaules avec insolence et il défia son Empereur du regard. Un regard où perdurait une opalescence inhumaine et une sauvagerie qui semblait avoir pris le pas sur la raison. Jaÿnakar hésita un instant devant le phénomène avant de soupirer doucement, conscient que le guerrier n'était rien de plus que ce qu'il avait jadis espéré qu'il soit... Rien de moins également et sans nul doute était-il inutile d'espérer la lumière d'un feu si l'on se refuse à le laisser brûler selon sa nature. La loyauté de cet homme lui était peut-être acquise, mais s'il tenait à conserver son respect il lui faudrait accepter de faire parfois des concessions pour le laisser agir selon sa vision des choses, Ruyvën n'en serait alors que plus efficace.
- Agis selon ta conscience, trancha-t-il brusquement. Cette fois au moins ce sera sur mon ordre.
- Ce sera pour mes hommes un soulagement, répliqua le guerrier d'une voix railleuse.
- Tu dérapes à nouveau sur e chemin de l'insolence, commenta l'Empereur.
- C'est que je m'en voudrais de décevoir vos attentes, souffla Ruyvën. Après tout n'ai-je pas été convoqué devant vous pour que vous puissiez me chapitrer pour mon comportement déplorable ?
Jaÿnakar hésita un instant entre le rire et la fureur devant ce flagrant manque de respect de son autorité. Il pris une profonde inspiration avant de laisser un sourire éclore sur ses lèvres.
- Fiches le camp et ramène moi la tête de ce nécromant Ruyvën. Tes sottises m'agacent.
- Mes sottises vous amusent, corrigea tranquillement le guerrier. Tout souverain que vous soyez, vous êtes également un homme.
- Et un homme a besoin d'entendre tes sottises ? demanda l'Empereur en riant doucement.
- Un homme a parfois besoin de laisser de côté les masques, répliqua Ruyvën soudain plus sérieux.
Il salua avec courtoisie mais ne se donna pas la peine de sortir de la pièce à reculons ainsi que le voulait l'usage et Jaÿnakar se contenta de sourire au lieu d'en prendre ombrage. Ruyvën avait raison, il était bon, parfois, de n'être qu'un homme face à son interlocuteur...