Escaflowne - Les Ombres de Gaia Partie 2 (A)

Feb 22, 2006 17:14

Les Ombres de Gaia
Genre : romance
Rating : PG
Année : mars-avril 2001

Seconde Partie : l’Essence du Dragon

Le roi Van Fanel et le général Allen Schézar rentrèrent au palais épuisés. Une semaine s’était écoulée depuis la signature de la paix, et ils avaient travaillé sans relâche pour ramener de l’ordre dans le royaume. La reine Mirana Aston, le Duc Cid de Fleid et le président Marun étaient rentrés dans leur pays respectif dès le lendemain du dîner.

Van et Allen étaient préoccupés : on n’avait aucune nouvelle des garnisons disparues de Zaïbacher, et les rumeurs s’étaient confirmées : les Morph fuyaient cette partie de Gaia, terrorisés par d’étranges disparitions dans leurs rangs, et même les tribus d’hommes-animaux quittaient la région désormais maudite de Zaïbacher pour se réfugier dans les forêts d’Astria, de Vidarus, de Fleid et bien sûr de Fanélia.

Il était impossible de localiser les Sorciers. A croire qu’ils avaient complètement disparu de la surface de la planète.

Et cette attente était la pire : ne pas savoir quand et où l’ennemi allait frapper. Van et Allen avait passé la semaine à sillonner le pays pour recueillir la moindre information, le jeune roi sur Escaflowne, et Allen avec le Croisé et son équipage.

Ils entrèrent au palais, salués par tous, et se dirigèrent vers la salle du trône. Allen prit place sur un siège, et Van s’écroula littéralement sur son trône, tellement il était fatigué. Mais il se redressa vite, et interrogea du regard les conseillers qui avaient assurés la direction de Fanélia pendant son absence.

- Bienvenue, Majesté. Bazhram a commencé à envoyer les dédommagements en nature, commença Kean. Vidarus et Astria s’en remettent à vous pour résoudre les problèmes dus aux Sorciers en fuite.

- Evidemment, murmura Van.

- Par contre, le Duc de Fleid tient à participer à la chasse, et propose l’aide de ses moines, et nous donne un accès libre au Temple de Fortuna. Il désire être informé de chaque découverte.

Van acquiesça, apparemment soulagé d’obtenir au moins l’aide de Cid.

- Il y a un problème sur la frontière ouest, continua Kean. Une tribu Morph demande l’asile, mais les villages aux alentours refusent de les accueillir à cause de leur mauvaise réputation. Ils ont peur, et c’est compréhensible.

Van fronça les sourcils. Les Morph…Un peuple maudit, tout comme celui du Dieu-Dragon. Tout comme le sien.

- Laissez-les s’installer de l’autre côté de la Forêt des Dragons, ordonna-t-il. Je sais qu’il n’y a aucun village de ce côté. Et donnez-leur l’autorisation de se nourrir dans le périmètre de forêt qui leur sera attribué.

- Mais, Majesté… ! s’écrièrent tous les conseillers, stupéfaits.

- J’ai dit. Autre chose ?

- Un écroulement dans le quartier sud de Fanélia, annonça Iran, le Conseiller Interne. Il semblerait que la reconstruction ait été négligée ici. C’est le quartier pauvre, et…

- Le quartier pauvre ? coupa Van d’une voix cassante. En quoi cela excuse cette négligence ? Tous à Fanélia ont droit à la sécurité, quelle que soit leur richesse ! Les dégâts sont-ils très importants ?

- Deux maisons à terre, le marché sud détruit et un homme a été gravement blessé.

- Vous enverrez une équipe de reconstruction et l’architecte du palais. Je veux qu’on vérifie toutes les fondations, et qu’on refasse tout si nécessaire.

- Majesté, le coût…

- Qu’importe. S’il n’y a pas assez d’argent dans les caisses du royaume, ce qui m’étonnerait beaucoup, et bien vous vous arrangerez avec Litan pour réduire les dépenses à l’intérieur du palais. Vous autoriserez également les vendeurs du marché sud à s’établir sur la Place Bleue. Les personnes dont les maisons se sont écroulées seront logées à l’Auberge Royale ; quant à l’homme qui a été blessé, je veux qu’on le soigne au palais même.

- Bien, votre Altesse, fit Iran, apparemment résigné.

- Encore autre chose ?

- Moi ! intervint Allen.

Jusque-là, il s’était contenté de regarder Van régler ces problèmes avec une certaine admiration. « C’est un grand roi », pensa-t-il. Mais il ne pouvait pas le laisser continuer comme ça.

- Allen ? s’étonna Van. On a passé la semaine ensemble ! Si tu avais quelques chose à me dire, tu aurais pu le faire plus tôt.

- Je voulais juste te signaler en passant que ça fait deux jours que tu n’as pas dormi. Je suppose que maintenant, il n’y a plus rien de très urgent et que tu peux aller te reposer sans que Fanélia souffre de ton absence nocturne…

- Le général Schézar a raison, approuva Litan, l’Intendant du palais. Vous êtes épuisé, et le reste peut bien attendre demain.

- Vous pouvez disposer, fit alors Van en acquiesçant. Merci à vous.

Iran, Kean et Litan s’inclinèrent et sortirent de la salle du trône. Van étouffa un bâillement, et Allen eut un sourire amusé. Le jeune roi avait jusque-là réussi à dissimuler son épuisement, mais la fatigue semblait le rattraper. Il faut dire qu’il ne s’était pas ménagé, et qu’à lui tout seul il avait fait plus de la moitié du travail.

Un cri les fit tous les deux sursauter : « MAAAAAAAAAAAAAITRE VAAAAAAAN ! ! ! s’écria Merle avant de sauter au cou du jeune roi. Tu es revenu ! »

Derrière elle entrèrent Elianor, Séréna et Hitomi. Séréna se jeta dans les bras d’Allen, tandis qu’Elianor bombardait Van de questions à propos de sa santé, questions auxquels il répondait avec un sourire un peu las. Hitomi resta à l’écart, se contentant de lancer un sourire de bienvenue à Allen. Van et elle n’avaient pas vraiment eu l’occasion de se réconcilier.

- Alors ? Quelles nouvelles ? demanda-t-elle.

- Echec sur toute la ligne, répondit Allen. Personne n’a rien de concret à dire.

- Demain j’irai interroger personnellement les Morphs, annonça Van.

- Vous les avez laissé pénétrer à Fanélia ! s’indigna Elianor. Mais enfin, Van, il s’agit d’un peuple maudit et vous connaissez leurs méthodes !

- Ils sont inoffensifs, répondit doucement le roi. La plupart d’entre eux sont pacifiques, et avant d’être un peuple maudit, il s’agit d’un peuple en exil.

- Je savais que tu ne les laisserais pas mourir de faim à la frontière ! lança Hitomi avec un sourire à l’adresse de Van.

Elianor lui lança un regard meurtrier, et Allen devina que les Morphs avaient dû être un sujet de discorde entre les deux jeunes filles. Il avait d’ailleurs remarqué qu’Elianor se montrait particulièrement agressive envers Hitomi, alors que cette dernière n’avait rien fait pour.

- Van, j’avais pensé à une chose, commença justement Elianor. Vous dites ne pas trouver les Sorciers, mais puisque Hitomi en a le pouvoir, pourquoi ne pas lui demander de les trouver ?

Il y eut un silence, où tous regardaient la Terrienne.

- Je peux le faire, affirma-t-elle. C’est une bonne idée. Avec l’aide d’un moine hypnotiseur de Fleid, je peux le faire.

- Tu veux dire, une plongée volontaire ? fit Allen en secouant la tête. Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment une bonne idée. Rappelle-toi, à chaque fois que tu as fait une plongée de toi-même, tu as failli mourir. Il y a eu la crise avec le Morph du Seigneur Placto où Van t’a ramené de justesse, et puis quand tu as plongé pour le ramener, la fois où Escaflowne est devenu noir, si Merle ne t’avais pas réveillée, vous y seriez restés !

- Sans compter ta plongée pour arrêter la guerre ! ajouta Van. Et tu as dit toi-même qu’à chaque fois ça te faisait souffrir. Il est hors de question de te risquer encore à essayer ça.

- Mais c’est mon choix, Van ! s’écria Hitomi, apparemment énervée. Arrête de prendre les décisions à ma place, sur ce qui est bien ou mal pour moi ! Si je te dis que je peux le faire, c’est que je peux, un point c’est tout ! Je ne peux pas laisser passer une chance de vous aider à cause de considérations privées. La dernière fois que j’ai refusé, tu sais personnellement ce que ça a donné ! Tu as failli mourir ! Et je ne veux pas que quelqu’un risque encore sa vie à cause de moi !

Van serra les lèvres. Merle et Allen craignirent un nouvel affrontement, mais il finit par dire d’une voix calme.

- Très bien. Je vais envoyer un messager à Fleid. Et aussi à Astria, autant que Mirana soit là aussi, ça nous fera une autre sécurité au cas où. Je suppose que si c’est pour toi, elle acceptera de venir.

Sans un mot de plus, Van se leva et sortit de la salle. Merle, hésitante, marcha jusqu’à la porte, mais revint vers les autres.

- Il est très en colère, dit-elle d’une toute petite voix.

- Oui, mais il sait que j’ai raison, répondit Hitomi, butée.

- Est-ce que tu es certaine de pouvoir t’en sortir ? demanda Séréna.

- Je ferais attention.

- Ne nous fais pas le coup de la dernière fois, avec le Morph, promis ? insista Allen.

Hitomi hocha la tête, et un silence s’installa. Séréna avait un air lointain. Elle ne se souvenait pas de tout ce qu’elle avait fait lorsqu’elle était Dilandau, mais parfois un flash dans sa mémoire lui rappelait les horreurs commises par son terrible double. Ces souvenirs la faisait souffrir. Le Morph…oui, elle se souvenait. Et après, le combat contre Van où il avait désespérément voulu tuer Hitomi. Séréna frissonna, et Allen la prit dans ses bras.

Elianor réfléchissait. Quelque chose l’intriguait. Puis soudain, elle parut comprendre, et se tourna vers Hitomi, l’air stupéfait :

- Mais, bien sûr ! Vous devez être la Fille de la Lune des Illusions ! Celle qui guidait Escaflowne durant la Grande Guerre !

Tous sursautèrent, Merle sortit ses griffes.

- Comment vous savez ça ? demanda Allen, inquiet.

- En tant que noble de Vidarus, je me suis renseignée sur la Grande Guerre. Mais tout le monde sait qu’une Déesse venue de la Lune des Illusions a aidé Escaflowne à vaincre Zaïbacher ! Mais en définitive, vous n’avez rien d’une déesse, ajouta Elianor, perfide.

Hitomi haussa les épaules et se passa une main dans les cheveux. « Je vais me coucher », dit-elle. Elle sortit de la salle, suivie de Merle qui partit à la recherche de Van. Allen se tourna vers Elianor.

- Comprenez qu’il faut garder la présence d’Hitomi sur Gaia secrète. Elle est en danger.

- Je ne dirais rien, affirma Elianor.

A leur tour, Séréna et Allen sortirent, laissant Elianor seule et pensive.

Trois jours plus tard, Cid et Mirana étaient arrivés. Une pièce avait été préparée spécialement à l’intention de la séance, obscure et uniquement éclairée par des bougies. Hitomi s’était déjà installée, et tous étaient là. On n’attendait que Cid. Il entra, suivi d’un moine.

- Je vous présente le Seigneur Arul, dit-il. C’était le meilleur élève de Placto.

- Est-ce vraiment lui ? demanda Van, méfiant.

- Nous avons fait les vérifications nécessaire, affirma Cid. Hitomi ne risque rien.

Van n’avait pas l’air convaincu, mais il s’adossa au mur. Arul s’assit en face d’Hitomi.

- Etes-vous prête ? demanda-t-il.

- Oui.

- Bien. Faites le vide en vous. Regardez-moi bien droit dans les yeux, et ne pensez plus à rien. Laissez-vous porter.

Hitomi sentit la fumée des bougies s’épaissir, jusqu’à former un brouillard. Une étrange torpeur la prit, et elle crut s’endormir. Lorsqu’elle s’éveilla, elle était de nouveau dans un univers noir. Arul était près d’elle. « Vous pouvez partir, dit-elle. Je préfère me débrouiller seule. Merci beaucoup. »

Surpris, les autres virent Arul se relever d’un coup, l’air sidéré.

- Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda vivement Van.

- Sa puissance est extraordinaire ! Elle a repoussé mon esprit sans efforts !

- Qu’est-ce qu’elle nous prépare encore ? murmura Mirana, inquiète de la savoir seule.

Hitomi sentit l’univers sombre tourner autour d’elle. Des images défilèrent. Des centaines et des centaines de Morphs décharnés, aux yeux tristes et terrorisés, enfermés dans des cages, tendaient leurs mains maigres vers elle. « Au secours ! Aidez-nous ! Aidez-nous ! »

Hitomi sentit un frisson glacé la parcourir. « Oh mon Dieu… »

Les appels retentissaient en elle, la terrifiant. Un Sorcier apparut soudain, sortit un Morph d’une cage. Le Morph terrorisé se mit à hurler, à supplier qu’on le laisse, tandis qu’il l’entraînait dans une salle pleine d’instruments étranges. Des bouts de phrases résonnaient dans la tête d’Hitomi, des mots qui la terrifiaient sans qu’elle en ait besoin de comprendre le sens. « Modifier le pouvoir… » « Capturer l’Essence du Dragon… » « L’Essence du Dragon… » « Continuer l’expérience… » « L’Essence du Dragon… » « Comprendre le Pouvoir Réuni… »

Soudain, Van apparut devant elle, mais ce n’était qu’une partie de sa vision. Il avait un regard étrange, meurtrier. Derrière lui, un autre Van. Celui-là avait ses ailes sorties et semblaient souffrir horriblement. « Van ! » appela-t-elle, incapable de dissocier la réalité de l’illusion. Elle voulut courir vers celui qui souffrait, mais elle sentit quelque chose la transpercer et une douleur horrible l’envahir. Elle tomba à genoux, mit les mains sur sa poitrine d’où venait la souffrance. Lorsqu’elle les regarda, elles étaient couverte de sang. Hitomi hurla.

Tous sursautèrent en l’entendant crier, et Van bondit près d’elle. Mirana prit le poignet d’Hitomi. « Son pouls est très faible, dit-elle, angoissée. On dirait qu’elle nous lâche ! »

Van, furieux et mort d’inquiétude, se tourna violemment vers Arul.

- Ramenez-la !

- Je ne peux pas ! Son esprit m’est fermé.

- Bon sang, est-ce qu’on ne peut pas faire quelque chose ? !

Hitomi se releva en titubant, balayant autour d’elle l’univers noir pour chercher ce qui l’avait blessée. Mais il n’y avait rien. Elle se rendit compte alors que sa blessure avait disparu, alors que la souffrance était encore là. « Une illusion, murmura-t-elle. Encore une illusion. »

Une voix explosa alors dans sa tête. « Il nous faut ramener Dilandau, disait la voix. Que se passera-t-il alors ? Que feront-ils ? Il nous faut ramener Dilandau. »

Le sang d’Hitomi se glaça dans ses veines. « Oh non ! Séréna ! »

Mirana, Allen, Séréna et Van, les plus près d’Hitomi, sursautèrent en l’entendant murmurer le nom de la sœur d’Allen. « Elle m’appelle », murmura Séréna, le regard étrangement fixe. Sans que personne n’ait pu la retenir, elle posa ses mains sur le visage d’Hitomi.

Hitomi se retourna soudain en sentant une présence près d’elle, et aperçut avec terreur que Séréna était là, l’air un peu perdu. « Va-t-en, Séréna ! hurla-t-elle. C’est un piège ! Va-t-en ! »

La voix maléfique résonna à nouveau dans l’univers sombre. « Reviens à nous, Dilandau, reviens à tes créateurs… » « NOOON ! »hurla Hitomi.

A la grande terreur de tous, les yeux bleu pâle de Séréna changèrent d’un coup de couleur pour devenir rouge sang, ses cheveux blonds s’éclaircirent, se fanèrent et prirent une teinte gris-blanc… « C’est pas vrai ! » s’écrièrent Van et Allen en même temps. Mirana s’effraya, et Cid regardait la scène d’un air sidéré, alors que Merle se dissimulait dans un coin. Elianor ne comprenait pas. Arul, lui, savait déjà. Il avait senti l’esprit double de la jeune fille en entrant dans la pièce.

« Je…Elle est… » fit Cid perturbé. « Taisez-vous ! » hurla Merle. Une onde d’énergie sembla naître du corps d’Hitomi, et projeta Séréna à l’autre bout de la pièce. « Elle a repoussé Séréna Schézar aussi », s’exclama Arul, de plus en plus impressionné. Allen se précipita vers sa sœur qui reprenait son apparence lentement. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle se jeta en larmes dans les bras de son frère. « Je ne veux pas que ça recommence ! Je ne veux pas ! Allen ! Ne les laisse pas me reprendre ! ». Allen serra sa sœur contre lui, accablé et désolé. « Ne t’inquiète pas, petite sœur. Ne t’inquiète pas. »

Cid était désorienté. On lui avait dit que Dilandau avait été tué par Van. Et il apprenait que Séréna Schézar - sa tante ! - était ce même monstre. Et Mirana, le cœur serré, regardait Allen consoler sa sœur en larmes, se demandant comment cet homme si tendre, si sensible, avait pu tuer Elise et son père.

Un bruit les fit tous sursauter, et à part Allen et Séréna, ils reportèrent leur attention sur Hitomi. Elle s’était écroulée sur le sol, des larmes silencieuses coulaient sur ses joues.

- Elle…elle est en train de partir ! s’écria Mirana.

- Non ! se révolta Van.

Il posa ses main sur le visage trempé de larmes d’Hitomi, et chercha à l’atteindre. Mais l’esprit de la jeune fille semblait tellement loin. Elle ne répondait pas à ses appels, et c’est à peine s’il sentait sa présence. « Hitomi ! Reviens, bon sang ! Reviens ! »

Mirana sentit à son tour des larmes de peur lui monter aux yeux. Elle craignait tellement qu’Hitomi ne se réveille pas, cette fois. La jeune reine ne pouvait rien faire, le cœur d’Hitomi continuait de battre, et ses compétences de médecine ne servaient à rien dans un cas pareil.

Merle, prise d’une crise d’hystérie, hurlait à Elianor que tout était de sa faute. Cette dernière ne faisait pas attention, fixant avec une sorte d’effroi les efforts désespérés de Van pour ramener Hitomi.

« Reviens, Hitomi ! Réveille-toi, bon sang ! Reviens ! » répétait inlassablement le jeune roi en se concentrant de plus en plus.

Cid ne savait plus où regarder, entre l’horrible surprise de la véritable identité de Dilandau, et la crise d’Hitomi. Tout s’enchaînait trop vite pour lui ; comme lors de la prise de Fleid par Zaïbacher, il avait l’impression de n’être qu’un spectateur terrifié et impuissant.

Arul, fasciné, ne lâchait pas Van et Hitomi du regard. Il n’avait jamais assisté à une telle démonstration de puissance d’esprit. Il était le seul dans la pièce à voir l’aura dorée de pure énergie entourant le roi ranimer lentement l’aura sombre de la jeune fille, l’attirant à lui comme un aimant, et partager sa force pour la faire renaître comme le phénix de ses cendres. L’aura de la jeune fille se mit à luire faiblement, puis de plus en plus fort, jusqu’à revenir entièrement à la vie. Arul crut à cet instant voir des anges voler autour d’eux. « C’est incroyable », murmura-t-il.

Alors les deux auras se mélangèrent et fusionnèrent pour n’en plus faire qu’une seule et unique, une auréole de pure énergie, une puissance jamais égalée.

« HITOMI ! » hurla Van.

La jeune fille ouvrit instantanément les yeux et se mit à respirer de façon saccadée. Van, soulagé et épuisé, murmura de nouveau son prénom. Hitomi se jeta alors à son cou et se mit à pleurer violemment sur son épaule. D’abord déconcerté, il finit par l’entourer de ses bras, pas vraiment à l’aise dans ce rôle de consolateur. « Calme-toi, dit-il doucement. C’est fini, maintenant. Tu ne risques plus rien. »

Mais Hitomi semblait incapable de se calmer, et Van, comprenant qu’aucun mot ne lui ferait de bien, se contenta de la serrer contre lui sans rien dire, oubliant la présence des autres autour de lui. « C’est…c’est horrible, dit-elle en sanglotant. Ils…ces monstres…ils capturent les Morphs pour les modifier…c’était horrible, Van…ils…les Morphs hurlaient, appelaient au secours et je ne pouvais rien faire ! Je…ne…pouvais…rien faire ! Les Sorciers veulent modifier leurs gênes…Je…Et…et ils ont utilisé mon esprit pour…appeler Séréna ! Je ne voulais pas, j’ai essayer de repousser l’esprit de Séréna…mais ils ont réussi à introduire un nouveau trouble… ils la manipulent de là où ils sont…Séréna ! Je suis désolée ! Je…je ne voulais pas ! »

Elle se remit à pleurer plus fort.

- C’est clair, maintenant, dit Mirana. Ils se sont servis de l’esprit d’Hitomi pour réintroduire son double dans celui de Séréna.

- Quels monstres ! s’exclama Merle, révoltée.

- Qu’est-ce qu’on va faire, maintenant ? demanda Allen d’une voix découragée.

Une voix enfantine s’éleva alors, les faisant sursauter.

- Il y a à Fleid des sages qualifiés, dit Cid. Peut-être là-bas pourra-t-on vous aider. Qu’en pensez vous, Seigneur Arul ?

- Je suis d’accord, acquiesça-t-il. Il ne s’agit que d’un cas de schizophrénie. Un peu spéciale, je l’admets, et qui a pris la forme d’un esprit possédé. Mais en renforçant votre esprit et votre force intérieure, mademoiselle, nous pourrions vous guérir définitivement.

Séréna leva ses yeux mouillés vers eux.

- Vous…pourriez…m’aider ?

- Vous pouvez vraiment faire ça ? demanda Allen, plein d’espoir. Vraiment ? Vous le feriez ?

- Evidemment, fit Cid.

- Mais nous devons nous dépêcher, prévint Arul. La prochaine crise risque d’être plus violente, et je ne sais pas quand elle se fera.

Séréna se leva d’un pas un peu chancelant.

- Je peux partir dès maintenant, dit-elle.

- Je viens avec toi ! s’exclama Allen.

- Non, répondit-elle d’une voix douce. Van a besoin de toi ici. Je suis en de bonnes mains. Ne t’inquiète pas, Allen.

Indécis, il ne semblait pas convaincu.

- Tu viendras me voir, ajouta-t-elle.

Alors Allen hocha la tête. Cid et Arul les saluèrent tous, et s’apprêtèrent à sortir.

- Merci, Altesse, dit Allen.

Cid s’immobilisa un instant, mais ne dit rien et finit par sortir. Séréna se pencha sur Hitomi qui n’avait pas bougé, et continuait à pleurer en silence. « Ne t’inquiète pas, Hitomi. Tout ira bien. Je sais que tu m’as défendue. Ce n’est pas ta faute. » La jeune Terrienne hocha la tête, sans qu’on puisse interpréter ce signe comme un acquiescement ou autre chose. Séréna sortit après avoir embrassé son frère.

- Je ne pensais pas que Cid réagirait aussi bien, dit Van.

- Moi non plus, répondit Allen l’air bouleversé.

Tout s’était passé tellement vite que Mirana avait du mal à réaliser que Séréna et Cid étaient déjà partis. Rassurée sur l’état d’Hitomi, elle se leva.

- Bien, dit-elle. Je crois que je vais aussi y aller.

- Tu peux rester pour la nuit, proposa Van. Il y a pas mal de chemin à faire avant Pallas.

Mirana eut l’air d’hésiter, puis acquiesça.

- D’accord, merci, Van. Je rentrerai demain matin.

A cet instant, Elianor qui n’avait pas dit un mot depuis longtemps, éleva la voix :

- Je…je ne comprend rien ! balbutia-t-elle, l’air perdu.

Puis, regardant Van et Hitomi qui était toujours dans ses bras :

- C’est indécent !

Elle s’enfuit en courant.

- Qu’est-ce qui lui prend, encore, à celle-là ? lança Merle, méprisante. Quelle hystérique !

Hitomi et Van semblèrent alors seulement se réveiller. Ils s’écartèrent brusquement l’un de l’autre, l’air profondément gêné.

- Désolée, murmura Hitomi en détournant les yeux.

- C’est rien, marmonna-t-il.

Merle les regarda tous les deux d’un air exaspéré.

- On devrait tous aller se reposer, maintenant, dit Allen. Je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai l’impression que tout est allé très vite, et j’ai besoin de réfléchir. Oh, et puis Van, si tu veux mon avis, tu ferais bien d’aller expliquer à Elianor ce qui s’est passé.

- Même pour ta sœur ?

- Si ça peut l’aider à mieux comprendre, vas-y.

Van hocha la tête et sortit. Allen se tourna alors vers Hitomi : « Ça ira ? ». Avec un sourire un peu pâle, elle lui fit signe que oui et retourna dans sa chambre, suivie de Mirana.

Merle tapa du pied par terre, l’air mécontent.

- Quels imbéciles, ces deux-là !

- C’est plus compliqué que tu ne le crois, Merle.

Elle haussa les épaules. C’étaient eux qui compliquaient les choses, rien d’autre !

Ce soir-là, Hitomi ne vint pas dîner. Mirana avertit que la jeune Terrienne était fatiguée et n’avait pas faim. Van et Allen se regardèrent, consternés. Hitomi n’avait pas forcément aussi bien récupéré qu’elle l’avait dit.

- Je savais qu’il ne fallait pas qu’elle le fasse ! fit Van. Ça nous a avancé à quoi ? On ne sait toujours pas où se cachent les Sorciers, et on risque le retour de Dilandau.

Il s’assit, apparemment énervé.

- Peut-être qu’à Fleid, ils réussiront à soigner Séréna, répondit Allen.

- Je l’espère.

Elianor s’était assise sans un mot. Les révélations de Van l’avaient choquée, et elle avait du mal à lui pardonner le « dérapage » avec Hitomi lors de la plongée. Cette fois elle en était sûre : il y avait eu quelque chose entre eux. Quelque chose qui n’était peut-être pas fini.

Merle était assise à côté de Van. Normalement, les êtres-animaux n’étaient pas admis à la table des Humains, mais Van avait « officialisé » Merle. A ceux qui avaient protesté contre sa présence à table, il avait répondu que dans ce cas, il ne pouvait s’asseoir non plus car après tout, il était une sorte d’homme-oiseau…Et si Merle n’avait pas participé au dîner avec le président Marun, c’était uniquement parce qu’elle ne l’avait pas voulu.

- Merle, tu pourras aller voir si Hitomi va bien ? demanda Van.

La jeune fille-chat lui lança un regard en dessous. Elle y serait allée, même sans qu’il lui demande, mais là…

- Pourquoi t’y vas pas, toi, maître Van ?

- Je suppose qu’elle a envie qu’on la laisse tranquille.

Merle n’osa pas relever l’incohérence de ses propos. Elle haussa les épaules et termina de manger en silence.

Lorsqu’elle se leva, Van l’interpella une dernière fois :

- Au fait, Merle ! Avant d’aller te coucher, viens me voir. Il faudrait que je te parle.

- D’accord, maître Van !

Elianor avait relevé la tête, et regarda Merle s’éloigner.

Hitomi se recroquevilla dans un coin du balcon et regarda la Terre qui luisait doucement de le ciel. L’air était chaud, mais un vent léger rafraîchissait l’atmosphère.

Hitomi avait toujours détesté le moment de s’endormir, à chaque fois elle avait cette impression désagréable qu’elle ne se réveillerait pas. Et ce soir c’était pire que d’habitude. Les hurlements des Morph étaient trop présents dans sa tête.

Hitomi serra son pendentif dans sa main. Ce serait tellement facile, là, à cet instant souhaiter rentrer sur Terre. Se débarrasser de tous ses problèmes.

Mais elle savait qu’elle ne le ferait pas. Rentrer sur Terre n’arrangerait rien.

Elle soupira. « Van, murmura-t-elle. J’aimerai tellement pouvoir te regarder dans les yeux et dire sans trembler que je ne t’aime plus. »

Elle posa sa tête sur ses genoux. Elle ne s’était jamais sentie aussi mal à l’aise de sa vie. « Sauf peut-être la fois où j’ai refusé Allen », pensa-t-elle avec un sourire qui s’effaça vite. Elle comprenait brusquement ce qu’avait pu ressentir Mirana, partagée entre Allen et Dryden. « Peut-être lui demander conseil ? Non…Elle a trop de problèmes, déjà, sans que je l’ennuie avec les miens. »

Jusque-là, Hitomi avait pensé qu’elle arriverait à résister. Mais c’était uniquement parce que Van et elle se disputaient que c’était si facile.

Tout à l’heure, lorsqu’elle était restée prisonnière de son esprit, elle avait toujours su qu’il viendrait la chercher. Elle l’attendait, terrifiée, mais elle l’attendait, et elle n’attendait que lui. Elle n’aurait pas pu imaginer que quelqu’un d’autre vienne. Et lorsqu’elle avait senti son énergie l’entourer, cette énergie qui se mêlait et se complétait si bien à la sienne, cette puissance si douce, si réconfortante qui l’appelait, toute sa peur avait disparu, et elle n’avait eu qu’une idée en tête : le rejoindre. Alors elle avait couru dans l’univers sombre pour le retrouver, comme elle avait couru sur la piste d’athlétisme, suivi l’énergie protectrice de Van jusqu’à trouver la lueur de la sortie, et ouvrir les yeux, couvée par son regard inquiet qui s’était éclairé de soulagement en la voyant s’éveiller.

Et lorsqu’elle s’était réfugiée dans ses bras, elle avait eu l’impression d’avoir attendu ça si longtemps, comme si après un très long voyage, elle était enfin arrivée à destination.

Et c’était ça qui lui faisait peur.

Ça la terrifiait d’autant plus qu’elle était sûre d’aimer Shinji.

Shinji qui l’attendait, là-haut, sur la Terre, la Lune des Illusions… « Mais où est l’illusion, et où est la vérité ? se demanda-t-elle. Je suis complètement perdue. »

Elle se recroquevilla un peu plus. « Qu’est-ce que je dois faire ? murmura-t-elle. Fuir Van ? » Puis elle leva les yeux vers les étoiles. « Vous devez bien vous amuser, à nous regarder, n’est-ce pas, Dornkirk ? Vous devez bien rire. »

Hitomi appuya sa tête contre le mur et ferma les yeux. Elle n’avait plus envie de réfléchir, plus envie de se torturer. Et doucement, elle commença à chanter : Open the door To a room I’ve never been before Counting all the books I’ve read so long…Something is wrong where love has gone…

Merle l’écouta chanter quelques minutes, se sentant soudain triste, puis fit demi-tour et sortit comme elle était entrée, sans un bruit.

Comme promis, elle se dirigea vers la chambre de Van, mais au milieu du couloir, Elianor lui barrait le passage.

- Merle, dit-elle d’une voix un peu tremblante, il faut que je te parle.

- Pas le temps, répliqua la fille-chat. Maître Van m’attend.

- Il discute avec Allen, riposta Elianor. Tu as le temps. Réponds-moi, je veux savoir : qu’est-ce qu’il y a entre Van et cette Hitomi ?

Merle la regarda avec un peu de pitié. Elle n’aimait pas beaucoup Elianor, mais comprenait à peu près ce qu’elle devait ressentir.

- Plus rien, en théorie, répondit-elle pourtant.

- Plus rien ? Explique-moi. Qu’y a-t-il eu entre eux ?

Merle haussa les épaules. Elle se sentait un peu mal à l’aise.

- Ben quoi ? Vous êtes pas la seule fille dans l’univers ! Van a le droit d’en avoir connu d’autres avant vous !

- Pourquoi est-elle là ? Est-ce qu’elle l’aime toujours ?

- On vous l’a dit : elle est là pour nous aider. Et puis zut, vous avez cas le demander directement à Hitomi ou à Van. Mais si vous voulez mon avis, vous avez pas à vous inquiéter. S’ils continuent à faire les imbéciles comme ça, ils vont sûrement pas se retrouver…

Surprise, Elianor la laissa passer, et avant de disparaître dans le couloir, Merle, perfide, ajouta : « …et c’est bien dommage ! »

Merle courut à quatre pattes jusqu’à la chambre de Van et frappa. Pas de réponse. Elle entra avec précaution, mais la chambre était plongée dans l’obscurité et le jeune roi n’était pas là. Elianor n’avait pas menti. Merle s’asseyait sur le lit, se demandant ce que Van voulait, lorsqu’il entra. Il alluma les chandeliers, ne paraissant pas surpris de la présence de Merle.

- Ah, tu es là, dit-il simplement.

Il retira son épée et la posa sur une chaise, puis alla ouvrir les fenêtres pour laisser entrer l’air. Alors seulement il s’approcha lentement du lit, et s’y assit. Merle savait ce que signifiait son comportement : il voulait lui demander quelque chose d’important pour lui, mais ne savait pas comment s’y prendre.

- Qu’est-ce qui ne va pas, maître Van ? demanda-t-elle doucement. Tu sais que tu peux tout me demander.

Van laissa errer son regard dehors, sur les deux Lunes, puis le reporta sur Merle.

- J’aimerais que tu me racontes ton voyage sur la Lune des Illusions.

La fille-chat tressaillit, embarrassée. Pourtant elle savait qu’un jour il faudrait le faire.

- Je veux tout savoir, Merle.

Elle hocha la tête.

« Ben en fait j’ai atterri dans un endroit plein d’herbes. J’étais pas mal fatiguée, mais heureusement Hitomi était là. Et il y avait aussi ce type, Shinji. »

Merle jeta un coup d’œil rapide à Van qui n’avait pas bronché.

« Hitomi lui a demandé de me ramener, et elle m’a mis dans sa chambre. Je lui ai dit qu’il fallait qu’elle revienne, mais elle ne voulait pas. Alors je lui ai tout raconté, pour la guerre, Allen, Cid et Mirana, je lui ai dit que tu avais du mal à tout régler. Alors seulement elle a dit oui. Shinji, il s’est énervé parce qu’il comprenait pas et Hitomi voulait pas lui expliquer. Il ne voulait pas qu’elle parte. Finalement c’est lui qui est parti. On a dormi chez Hitomi, et on est parties le lendemain. On est retourné au « parc », comme a dit Hitomi. Mais avant, y’a sa copine Yukari qui est arrivée et s’est fâchée après elle. Elle disait qu’elle n’avait pas le droit de partir et de faire ça à Shinji. Hitomi a dit qu’elle aimait Shinji, que ça ne changerait rien. »

Cette fois, Merle aperçut une légère crispation sur le visage de Van, mais elle continua bravement : « Yukari a dit que si Hitomi revenait malheureuse et triste, comme elle l’avait été la dernière fois après votre séparation, elle trouverait le moyen de venir ici et elle te tuerait. » Elle se tût, et Van ne disant rien, le silence se prolongea longtemps. Au bout d’un moment, Merle, inquiète, se risqua à intervenir :

- Maître Van ? Est-ce que ça va ?

Il sembla se réveiller et la regarda comme s’il était surpris de la trouver là. Il lui sourit.

- Oui, Merle. Ne t’inquiète pas. Et merci.

La fille-chat baissa les oreilles, malheureuse de savoir qu’il souffrait et de ne pas pouvoir l’aider concrètement.

- Dis, maître Van…Pourquoi tu l’as laissée partir, Hitomi ? Puisque tu l’aimais…

Van sursauta, et son regard se troubla.

- Tu sais, Merle…dit-il après un temps de silence. On n’a pas le droit d’enfermer les gens. Chacun doit pouvoir être libre, sans se sentir prisonnier…tu comprends ?

- Oui, répondit-elle, plus lucide qu’elle le laissait croire. Tu voulais laisser Hitomi libre de ses choix. Tu ne voulais pas qu’elle se sente obligée de rester si tu le lui demandais. Tu as peur d’enfermer les gens parce que tu les aimes. Et c’est pour ça aussi que tu n’arrêtes pas de me dire que je peux partir quand je veux. Tu as peur que je me sente obligée de rester près de toi.

Comme Van ne répondait pas, elle comprit qu’elle avait touché juste. Elle eut un sourire un peu triste. « Mais tu sais, Van, si tu ne dis jamais aux gens que tu tiens à eux, ils finissent par croire que tu n’as pas besoin d’eux, alors ils partent pour ne pas te déranger. En agissant comme ça, non seulement tu te fais souffrir, mais tu fais souffrir aussi ceux qui t’aiment. »

Et en trois bonds, elle était à la porte. Lorsqu’elle l’ouvrit, un courant d’air éteignit les chandelles. Merle sortit, abandonnant Van dans le noir. Il s’allongea sur son lit, et se sentit soudain très seul.

A Fleid, enfermé dans une cellule du temple de Fortuna, Dilandau hurlait sa rage aux moines qui l’observaient et attendaient la fin de la crise.

Hitomi fut réveillée par le soleil de l’aube. Elle s’était endormie sur le balcon sans s’en rendre compte. Elle déplia le bras sur lequel elle s’était appuyée avec une grimace de douleur, et se leva. Elle regarda par dessus le balcon. Il était tellement tôt que les rues de Fanélia étaient encore vides. Son regard se posa plus loin, sur la forêt des Dragons.

Elle rentra alors dans sa chambre, ferma la fenêtre doucement et alla se laver. Elle prit une robe bleu pâle dans le placard et s’habilla. Puis, silencieusement, elle sortit de sa chambre, traversa les couloirs calmes du palais, et demanda à un garde de lui ouvrir la porte. Celui-ci, un peu embêté, n’osa pourtant pas l’en empêcher et lui permit de sortir.

Hitomi marcha dans la ville, sans se presser, admirant la nouvelle Fanélia. Le soleil montait plus haut dans le ciel, les gens sortaient dans les rues, s’interpellant entre eux joyeusement, et saluant la jeune fille comme si elle faisait partie du décor. A la terrasse d’une taverne, elle aperçut Ort, Kio et Liden affalés sur des tables pleines de gobelets vides où ils avaient probablement dormi toute la nuit. Elle sourit, et passa son chemin sans les réveiller.

Elle arriva à la limite de la ville, et s’apprêtait à en sortir quand une voix l’interpella :

- Eh ! Jeune fille !

Hitomi se retourna, et vit un vieil homme assis à l’entrée de Fanélia.

- Tu ne devrais pas te promener seule dehors, dit-il. C’est la saison des amours des dragons terrestres, ils sont tous de sortie.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, dit-elle avec un sourire. Je sais comment les éviter.

Le vieillard hocha la tête, et haussa les épaules. « Fais attention quand même. »

Hitomi sortit de la ville et entra dans la Forêt des Dragons. Sans hésitations, elle marcha jusqu’à la clairière par laquelle elle était arrivée et s’approcha de la tombe de Folken. Elle s’assit à côté. « Bonjour, Folken. »

Van, Elianor et Allen assistaient au départ de Mirana dans la cour du palais, on attendait plus qu’Hitomi. Le vaisseau était près à partir, et la jeune reine s’apprêtait à y monter lorsqu’un cri les fit tous sursauter.

- MAAAAAAAAAAAAAAAITRE VAAAAAAAAAAAAAAAN ! ! ! !

Merle arrivait à toutes vitesses sur ses quatre pattes, l’air affolé. Elle bondit sur Van.

- Qu’est-ce qu’il se passe, Merle ?

- C’est Hitomi, maître Van ! Elle était pas dans sa chambre, et le garde qui était de service à la porte a dit qu’elle est sortie il y a déjà plus de trois heures !

- Bon sang ! s’écria Van. Qu’est-ce qu’elle fabrique encore ?

- On ferait mieux d’y aller, intervint Allen. Je vais au Croisé pour voir si un membre de l’équipage ne l’a pas vue !

- Et moi je descend à Fanélia ! Elle est forcément passée par la ville !

Le jeune roi, Merle et Allen partirent en courant et disparurent dans Fanélia. Mirana se tourna alors vers Elianor qui paraissait furieuse. « Il va falloir que vous vous y habituiez, dit-elle. Dès qu’il s’agit d’Hitomi, il est impossible de raisonner ces deux-là. »

Et sans un mot de plus, elle monta dans son vaisseau. Il s’envola. Elianor se retrouva de nouveau seule.

Van et Merle interrogeaient les gens sur leur passage. Ravis de pouvoir aider leur roi, chacun faisait de son mieux et bientôt tout Fanélia fut au courant de la disparition de « la jeune amie » du roi. Très vite, une femme vint lui dire qu’on l’avait aperçue se dirigeant vers la sortie de la ville. Van remercia tout le monde, et tous les deux coururent jusqu’aux dernières maisons. Un vieillard assis là leur indiqua qu’une jeune fille correspondant à la description d’Hitomi s’était dirigée vers la Forêt des Dragons.

A l’orée des arbres, Van ferma les yeux, se concentra, et visualisa le pendentif d’énergist. L’instant d’après, il pouvait sentir la présence d’Hitomi, et surtout, celle, plus inquiétante, d’un danger. « Reste à quelques pas derrière moi, Merle, dit-il en sortant son épée. Surtout ne fais pas de bruit. » Merle acquiesça en silence, effrayée. Van suivit l’énergie d’Hitomi, et réalisa qu’elle se dirigeait vers la tombe de son frère. Un peu avant la clairière, il demanda à Merle de se cacher dans un buisson.

En voyant Van pénétrer dans la clairière, Hitomi commença à s’agita furieusement. Mais l’homme qui lui tenaient les bras étaient beaucoup trop fort. « Ça valait la peine d’attendre, murmura-t-il à son oreille. Le roi en personne, et sans Escaflowne. Ça n’en sera que plus facile. Je dois te remercier. Tu nous as amplement simplifié la tâche. Je n’aurais jamais cru que tu viendrais toi-même te jeter dans nos bras ! »

Près d’elle, Hitomi vit les deux guymelefs à cape mimétique se préparer. Désespérée, elle mordit violemment dans la main de l’homme qui lui couvrait la bouche. Surpris, il la retira en poussant un cri de douleur.

« Van ! Attention ! » hurla Hitomi.

Le jeune roi sursauta, et se tourna vers le cri, épée en avant. « Ils ont des capes mimétiques ! » cria de nouveau Hitomi avant que l’homme, furieux, la gifle violemment pour la faire taire.

Mais Van était averti, et il se concentra pour visualiser les guymelefs. « Va-t-en, Merle ! Cours ! Va avertir Allen ! »

Merle affolée bondit de son buisson et commença à courir. Un guymelef lança une lame de fluide vers elle, mais Van la dévia légèrement grâce à son épée, et la fille-chat put disparaître.

- Lâchez votre arme, Altesse, lança une voix.

Un homme sortit alors du couvert des arbres. Il avait les cheveux brun, tirant sur le gris, un bandeau sur l’œil gauche et une énorme cicatrice en travers du visage. Mais surtout, il tenait Hitomi, un couteau sous sa gorge. Van eut un sourire sans joie, et lâcha son épée. Un autre homme descendit alors d’un guymelef et lui attacha les mains.

- Vous êtes raisonnable, Altesse, c’est bien, dit l’homme au bandeau.

- Qu’est-ce qu’on fait du chat ? demanda celui qui dirigeait le premier guymelef.

- Laissez tomber, répondit l’homme au bandeau, haussant les épaules. Elle n’est pas primée.

- Des chasseurs de primes ! s’exclama Van, furieux.

- Eh oui ! Vous ne saviez pas que les Sorciers avaient mis une énorme prime sur votre tête à tous les deux ? Vous avez eu l’honneur d’être capturés par la bande de Gomo !

- Je vous donnerai le double si vous nous relâchez, lança Van.

- Vous voulez rire ? Nous sommes recherchés dans tous les royaumes de Gaia. Nous n’avons pas d’intérêt à traiter avec l’un d’eux.

- Laissez-la au moins partir, tenta une dernière fois le roi en désignant Hitomi.

- Ne vous fatiguez pas, Altesse ! La prime n’est valable que si on a le couple !

Puis il fit un signe aux autres hommes qui l’entouraient. « On rentre au vaisseau ! » ordonna-t-il. Van et Hitomi furent poussés en avant et forcés à marcher.

- Que s’est-il passé ? demanda le jeune roi à la Terrienne.

- Je suis désolée, Van, dit Hitomi. Je voulais juste aller à la tombe de Folken, et ils étaient cachés dans la forêt…

- Silence ! ordonna l’un des bandits.

Ils marchèrent quelques minutes avant d’arriver à une autre clairière, plus grande où était posé un vaisseau ressemblant au Croisé, mais en bien plus neuf…On les fit monter de force et s’asseoir au fond du vaisseau, en compagnie d’une dizaine d’hommes.

Au bout d’un moment, l’un des chasseurs de prime se leva et s’approcha d’eux. Il prit de force le menton tremblant d’Hitomi dans sa main et l’obligea à relever la tête vers lui. « Elle a un joli minois, la gamine ! » dit-il avec un mauvais sourire. Les autres ricanèrent.

Van, sans se préoccuper de ses poignets attachés, se jeta entre la jeune fille et l’homme, le bousculant. « Ne la touche pas ! » gronda-t-il avec rage. Le bandit furieux se releva et frappa avec violence le jeune roi qui tomba brutalement sur le sol, et s’ouvrit la tempe.

- Van ! s’écria Hitomi en s’agenouillant près de lui. Est-ce que ça va ? Tu saignes !

- C’est rien, répondit-il. Reste derrière moi, Hitomi.

Elle obéit, tremblante, et Van se releva en lançant un regard meurtrier au chasseur de prime. A cet instant, Gomo sortit de la cabine de pilotage.

- Qu’est-ce qu’il se passe, ici ? demanda-t-il. Vous faites un boucan à réveiller les morts !

- C’est le roitelet, chef, répondit l’homme avec un détestable sourire. Il défend sa femelle comme un vrai dragon !

- Laisse-les, Arly, ordonna Gomo. Les Sorciers les veulent intacts.

Arly haussa les épaules, et s’éloigna d’eux en lançant à Van un regard méchant. Les heures passaient, longues, et Hitomi finit par s’endormir sur l’épaule de Van. Lui essayait de repérer où ils étaient, dans quelle direction ils allaient, mais il n’y arrivait pas. Tout ce qu’il savait, c’était qu’ils se dirigeaient loin vers l’ouest.

Un autre chasseur de prime entra, et déposa deux assiettes de nourriture et un bol d’eau près d’eux. Puis à la grande surprise de Van, il les détacha. Mais de toutes façons, qu’auraient-ils pu faire, seuls, sans armes, contre une dizaine d’hommes ? « Réveille-toi, Hitomi, dit-il d’une voix douce. Réveille-toi. »

La jeune fille ouvrit les yeux, et le regarda d’un air un peu étonné, avant de se souvenir. Elle se redressa alors. « Tu devrais manger un peu, dit-il en désignant les assiettes. On ne sait pas combien de temps ça durera, et il vaut mieux prendre des forces. »

Elle acquiesça. « Attends », fit-elle soudain. Elle déchira un morceau de sa robe et le trempa dans le bol d’eau. Puis, sans faire attention aux remarques moqueuses et obscènes des chasseurs de primes, elle nettoya avec douceur le sang et la blessure sur le visage de Van. Déconcerté et interdit, le jeune roi ne bougeait pas.

Hitomi prit ensuite son assiette et commença à manger sans un regard de plus pour Van. En reposant l’assiette, elle s’adossa au mur et garda longtemps le silence. Au bout d’un moment, elle jeta un coup d’œil aux bandits qui ne s’occupaient plus d’eux et se tourna vers le roi.

- Van, murmura-t-elle. Est-ce que tu ne pourrais pas appeler Escaflowne, comme la dernière fois, quand on était enfermés à Zaïbacher ?

Van eut un sourire approbateur. Il n’y avait pas pensé.

Alors ils se prirent les mains, et fermèrent les yeux, pénétrèrent ensemble dans l’univers sombre. « Escaflowne ! appelèrent-t-ils d’une même voix. Viens, Escaflowne ! »

Une énergie douce naquit de leurs mains jointes. La forme blanche du guymelef d’Ispano apparut, mais lointaine, trop lointaine…Ils se concentrèrent plus, l’appelèrent de nouveau, mais c’était trop difficile, comme si le guymelef ne les entendait pas. Et soudain Van comprit. Il lâcha les mains d’Hitomi, et ils revinrent à la réalité. « Mais Van… ». Sans répondre, le jeune roi sortit une drag énergist de sa poche. Hitomi leva les yeux vers lui sans comprendre. « C’est la drag énergist d’Escaflowne, dit-il. Je l’ai retirée hier soir par sécurité. Escaflowne était nerveux et se déplaçait tout seul la nuit. » Comprenant soudain ce que ça voulait dire, Hitomi prit un air de désespoir et d’abattement.

- On trouvera un autre moyen, Hitomi, dit-il pour la rassurer. On s’en sortira.

- Oui, répondit-elle. Tu as raison.

Elle lui sourit, et il y avait dans ses yeux une telle lueur de confiance et d’espoir que Van fut convaincu lui-même qu’ils s’en sortiraient. Parce qu’elle croyait tellement en lui qu’il se sentait assez fort pour briser toutes les chaînes qui auraient pu les retenir.

De longues heures passèrent encore, ennuyeuses, interminables ; on leur servit un autre repas. Hitomi s’endormit de nouveau sur son épaule, et Van se sentait gagner par la fatigue lui aussi lorsqu’il sentit que le vaisseau amorçait la descente. A peine quelques minutes plus tard, ils atterrissaient sans douceur, et Hitomi se réveilla.

Arly vint leur rattacher les poignets, et les jeta sans ménagement à l’extérieur du vaisseau. Il faisait nuit noire, et seule la fraîcheur de l’air fit deviner à Van qu’ils étaient en altitude. Hitomi frissonna. Les pirates allumèrent des flambeaux, et, nerveux, discutaient entre eux, semblant attendre quelque chose.

Des bruits de galop se firent bientôt entendre, et trois chevaux portant des hommes vêtus de noir apparurent. « Nous vous amenons le roi de Fanélia et la fille de la Lune des Illusions, annonça Gomo, avec l’épée royale de Fanélia. »

L’un des hommes descendit de son cheval, prit l’épée et un flambeau et l’approcha du visage de Van et d’Hitomi. A la lueur du feu, les deux jeunes gens constatèrent qu’il s’agissait d’un homme-chien. « C’est bien eux », dit-il en se tournant vers les deux autres.

« Attachez-les aux chevaux, mais surtout séparément, ordonna le deuxième homme. On ne sait pas de quoi ils sont capables lorsqu’ils sont ensemble. »

L’homme-chien leur prit les mains et les attacha tous les deux à un cheval différent avant de remonter sur le sien. « Et la récompense ? » demanda Gomo, méfiant.

Le troisième homme lui jeta une énorme bourse en silence. Gomo l’ouvrit, et compta l’or. Son regard s’éclaira. Une vraie fortune. « Allez les gars, on y va. »

Les chasseurs de prime remontèrent dans le vaisseau qui s’envola rapidement. Dès qu’il s’éloigna un peu, le troisième homme, toujours en silence, tendit le bras vers lui. Une lance de fluide jaillit de son bras sur des centaines de mètres et transperça les ailes du vaisseau, déchirant les maintiens des roches flottantes. Horrifiés, Van et Hitomi le virent vaciller, puis perdre rapidement de l’altitude et disparaître derrière une masse sombre, probablement une montagne. L’instant d’après, une énorme explosion fit trembler le sol, et des flammes jaillirent. Sans un regard de plus, les trois hommes firent avancer les chevaux, et, toujours choqués, Hitomi et Van durent suivre. Le trajet ne dura qu’une petite heure, mais l’obscurité rendait la marche pénible aux deux jeunes gens qui trébuchaient fréquemment.

Les trois hommes arrêtèrent enfin leurs montures face à une falaise, et l’homme-chien descendit de son cheval pour s’approcher de la roche. Quelques instants plus tard, devant les yeux stupéfaits de Van et d’Hitomi, l’immense pan de montagne se déplaça lentement et sans un bruit, découvrant une grotte. Les trois chevaux se remirent en route, et les deux jeunes gens durent les suivre dans les profondeurs du gouffre noir.

(suite)

escaflowne, escaflowne : les ombres de gaia

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