[Semaine de la Fic] Dimanche

Sep 12, 2010 09:34

Le dernier jour...
et le chapitre 2 des Immortels ^^

j'ai écris ces deux chapitres lors du dernier muse_random , et malheureusement je n'ai pas encore la suite. Enfin, si, j'ai un chapitre supplémentaire qui correspond au chapitre 5 ou 6 ;p (une scène que j'avais besoin d'exorciser).
Les Immortels ne sont absolument pas ma priorité pour le moment. Il risque de se passer un certain temps avant que je m'y remette.


Les Immortels

Résumé : mille ans avant les Héritiers de Magnus, Tugdual et Nassim croisent la route des Chasseurs de Dragons, dans un Royaume de Dorwel en cours de colonisation. Slash.

Chapitre 2
An 497 de la Cité, printemps.
Jamais tu ne tueras de mortel pour son sang.

La fille glousse et pousse quelques piaillements, songeant sans doute que ça m'excitera davantage et que je finirai plus vite. Je n'ai encore jamais rencontré de prostituée capable de s'apercevoir que je ne recherche pas la même chose que ses autres clients.

Celle-ci cherche en plus à m'embrasser, ce qui m'agace au plus haut point. Je finis par prendre une pleine poignée de cheveux pour tenir sa tête à distance.

« Arrête », je souffle, le regard dur.

Au moins, elle est suffisamment intelligente pour ne pas prendre le risque d'insister. Qu'elle écarte donc les cuisses et se laisse faire !

Le bordel n'est qu'une baraque en bois avec un étage qui résonne de soupirs et de cris - de plaisir ou d'autre chose. Je sais que je ne peux pas me permettre de trainer. La soif me tiraille et Nassim est parti avec une autre fille ; il ne se passera pas longtemps avant qu'il ne sème la dévastation dans l'établissement, tel un renard dans un poulailler.

Je tends mon esprit vers celui de la fille tout en donnant un coup de rein un peu plus profond. Il n'en faut pas plus pour englober son esprit tout entier et faire d'elle une marionnette sans trop de volonté. À choisir, je préfère de loin que les mortels sur lesquels je me nourris ne se souviennent pas de ce que je leur fais. Il m'est déjà arrivé de rencontrer une volonté plus forte que je ne peux pas duper, mais le risque est faible avec une prostituée avinée et stupide. En ce qui concerne celle qui se trouve en dessous de moi en cet instant, son esprit s'est ouvert comme du beurre sous la lame d'un couteau.

Tenant sa tête penchée de côté d'une main, je glisse mon visage dans son cou et n'attend pas plus pour mordre ; sa peau a un goût salé et son sang celui de l'alcool bon marché avec lequel elle est payée. La soif me harcelait depuis plusieurs jours et je dois me faire violence pour ne pas aspirer plus que nécessaire. Petite gorgée par petite gorgée, je finis par donner un coup de rein libérateur et la relâche en soupirant. Un coup de langue sur la blessure pour éponger les quelques gouttes qui percent et il n'y a presque plus rien à voir.

« Tu m'as fait une marque, proteste-t-elle faiblement.

- Mais non, je souffle. À peine. Ça partira dans un moment.

- Tu y as mis les dents, marmonne-t-elle tandis que je me redresse et me retire. Et je suis sûre que j'ai un suçon par-dessus le marché. »

J'ouvre la bouche pour lui donner raison - chercher à discuter avec ce genre de femme n'est guère recommandé - quand un hurlement retentit plus loin. Je me tends et attrape ma chemise pour me rhabiller rapidement.

« On dirait que Millie est encore tombée sur un taré », fait remarquer la fille, pas plus perturbée que cela.

Je me retiens de dire que c'est sans doute le dernier sur lequel elle tombe. Il y a un deuxième cri, d'une autre voix. Ça a commencé. Au moment où je vais enfiler mon pantalon, la fille tend une main vers mon entrejambe.

« Oh j'avais pas vu ! On dirait un zizi de petit garçon », glousse-t-elle.

Je chasse ses doigts d'une tape et fini de m'habiller. Je ne suis pas d'humeur à discuter pilosité avec une fille qui en a plus que moi. Je sors du réduit qui lui sert de chambre en bouclant ma ceinture. Il y a un troisième cri et cette fois du grabuge l'accompagne : deux hommes à fortes carrures sont montés et traversent l'étroit couloir au galop. Quelques visages curieux dépassent d'autres chambres.

Un des deux hommes entre dans un réduit pour en ressortir aussitôt, plaqué contre le mur du couloir par un Nassim nu et barbouillé de sang. Il le tient à la gorge et montre les dents comme un chien enragé, prêt à mordre. Mais l'autre réagit vite et lui donne un coup de matraque sur le crâne qui le fait lâcher prise.

Ils ont l'habitude de maîtriser des forcenés, et malgré sa force largement supérieure Nassim est gêné par l'étroitesse du couloir. Les coups de matraque pleuvent et ils finissent par l'immobiliser en lui bloquant les bras. Je les laisse passer devant moi en l'entrainant pour redescendre. Ignorant les cris, les hurlements de dégoût et la rage ambiante, je me glisse jusqu'à la chambre qu'il vient de quitter pour récupérer ses vêtements. Personne ne m'empêche de le faire et c'est heureux. La fille avec laquelle il est monté n'est plus qu'un amas sanglant éparpillé sur les draps. Je ne peux m'empêcher de pincer les lèvres devant un tel gaspillage de sang mais je ne traine pas ; on commence à me regarder d'un drôle d'air.

Les filles et les clients sont encore trop sous le choc pour avoir l'idée de m'arrêter et je file aussi vite que possible. Dans la salle du bas Nassim a mis à profit le plus grand espace pour se débattre et assommer l'un des hommes. Je vois du coin de l'œil deux clients parier sur le vainqueur et la quantité de sang versé, tandis que le reste des personnes présentes est plaqué contre les murs ou cherche à fuir.

Nassim va tuer l'homme qui lui fait face et je ne peux pas le permettre. Qu'une pute meurt sous les coups d'un forcené, ça arrive régulièrement. Mais le meurtre d'un homme en public nous vaudra des ennuis certains avec la milice. Je me glisse derrière lui, lui attrape la tête à deux mains et lui brise la nuque. Il s'affale comme une marionnette dont on aurait brusquement coupé les fil.

Son adversaire me lance un regard ahuri et hésite, me fixe, puis baisse la tête vers le corps de Nassim. Il lui faut de longues secondes pour reprendre ses esprits et comprendre que le combat est bel et bien terminé. Sans un mot, je prends mon arme et celle de Nassim au râtelier de l'entrée et plonge la main dans la bourse de ma ceinture.

Nous avions payé d'avance pour les filles, mais je glisse tout de même une boulette d'or, grossière mais véritable, dans la main de la gérante qui tient le bar.

« Pour le désordre », je murmure.

Puis, je prends un des pieds de Nassim et sort, trainant son corps derrière moi comme un vulgaire sac. Il a plu pendant des jours et le sol n'est qu'un immense bourbier. Les températures sont douces, le solstice n'est pas loin, mais je sais que cette pluie a fait pourrir sur pieds plusieurs âcres de champs fraîchement semés. La famine va guetter cette année, d'autant plus que les colons n'ont que peu de rapports avec leurs voisins - les plus proches se trouvant à un demi-millier de lieues au sud, autant dire qu'il n'y a pas de voie commerciale du tout.

Je sors de la bourgade par le chemin le plus court et rejoint la rivière un peu en amont. Nassim ricane doucement tandis que je traverse une pâture vide mais ne cherche pas à se libérer de ma poigne, se laissant trainer dans l'herbe qui essuie un peu la boue et le sang qui le recouvrent. Lui briser la nuque ne lui fait pas grand mal : il ne perd pas de sang ainsi et ça ne fait que le paralyser un petit moment. Je me sers de cette technique depuis des années pour le calmer quand il devient incontrôlable. Et ainsi les personnes présentes dans le bordel l'ont vu « mourir » et ne chercherons donc pas vengeance.

Enfin, dans l'hypothèse où il y aurait eu quelqu'un pour vouloir venger la mort d'une putain.

Je lance Nassim dans la rivière et il pousse un glapissement en entrant en contact avec l'eau froide. Avant de rire aux éclats et de patauger comme un gamin. La nuit est tombée depuis un moment et le ciel s'est dégagé ; quelques étoiles sont visibles et la lune nous gratifie même d'un croissant bien lumineux.

Je sens une présence sur ma droite au même instant que d'entendre un mouvement et je sors mon épée d'un geste vif. La lame est déviée par une force qui n'a rien de physique. Sortant de l'ombre, Hoel me rejoint d'un pas trainant.

« Un de ces jours tu vas te faire trouer le cuir, je lui lance en rengainant mon arme.

- Il a encore tué ? fait le magicien en regardant Nassim lui grimacer un sourire en contrebas.

- Oui », je souffle.

Hoel ne dit rien mais je sens sa désapprobation. Les Chasseurs de Dragons ont été créé pour chasser des créatures monstrueuses et permettre aux colons de s'installer dans le Royaume auto-proclamé du sieur Dork de Wehl. D'une certaine façon, Nassim est une de ces créatures monstrueuses dont Hoel aimerait bien débarrasser le territoire.

« C'était quoi cette fois ? Mendiant ?

- Une pute », je réponds, laconique.

Il claque la langue, contrarié.

« Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi tu t'obstines à le laisser boire du sang humain. Ça finit toujours par une catastrophe.

- Parce qu'il en a besoin.

- Des conneries, oui... c'est un malade, Tugdual.

- Un malade qui ne peut pas mourir », je précise.

Cela fait plus d'un an maintenant que nous avons rejoint les Chasseurs. Aucun d'entre eux n'a fait le rapport entre la soif de sang de Nassim et son incapacité à mourir proprement quand il se fait briser les os par un dragon. Quant à ma soif, je ne la leur ai pas révélé. Pas encore. Reste sans doute des règles des Immortels que l'on m'a inculquées à l'époque où j'étais encore un novice. J'estime avoir enfreint suffisamment de règles comme ça : c'est déjà beaucoup qu'ils sachent que je cicatrise très rapidement, et que des blessures théoriquement mortelles guérissent en quelques heures au grand maximum.

Ce qu'ils savent, par contre, c'est que je suis le seul à avoir une influence et un contrôle relatif sur Nassim. Achraf m'a sorti, un soir où la bière lui avait donné un esprit de poète, que je suis le jour de la nuit de Nassim. Il s'est aussi ouvertement étonné du fait qu'il puisse y avoir un rapport de force entre nous, puisque nous sommes tous deux potentiellement indestructibles. C'est honnêtement une question à laquelle je n'ai pas de réponse : Nassim me suit partout comme un chien perdu et il n'a jamais émis la volonté de partir de son propre côté. Je ne m'explique pas sa fidélité.

Bien qu'il soit novice et qu'il m'ait été confié, rien ne le relit à moi, ne l'oblige à m'obéir et à me suivre. Il n'a jamais émis le souhait de repartir à la Cité, et pourtant cela fait presque trente ans que nous en sommes partis. La compagnie des autres Immortels ou du Père ne semble pas lui manquer.

D'un autre côté, elle ne me manque pas à moi non plus.

« Il a toujours été comme ça ? souffle Hoel à mes côtés, me tirant de mes pensées.

- Non, je réponds sur le même ton. Au début ça allait. Et puis ça a empiré, d'année en année. Je dirais qu'il est stable maintenant. »

Je ne sais pas ce qu'il me prend de parler de ça avec Hoel. J'évite de parler de moi, de nous, et de mes expériences passées en général. Le magicien n'utilise même pas sa magie contre moi pour tenter de me tirer les vers du nez.

Cela fait trop longtemps que je n'ai pas parlé à cœur ouvert avec qui que ce soit.

« Tu penses que ça finira par régresser ? »

Je me retiens de dire que le Père ne permettra pas à Nassim de vivre assez longtemps pour que je puisse le voir.

« Je ne sais pas.

- Et toi ? Tu aimerais ? »

Par la Mère, qu'est-ce qu'il essaie au juste de me faire dire ?

« De quoi est-ce que tu parles ? je m'agace. Nassim m'a été confié avec les germes de la folie en lui. Je n'y peux rien.

- Mais est-ce que...

- Ça suffit Hoel. Mêle-toi de tes affaires de mortels », je siffle.

Nassim sort tout juste de l'eau, une grenouille démembrée dans une main, et je profite de son arrivée pour me détourner du magicien. Je lui lance ses vêtements en lui sommant de s'habiller et part rejoindre le campement sans attendre. Derrière moi, je sens le sourire de Hoel aux coins de ses lèvres et je ne sais même pas pourquoi je m'énerve contre lui.

Le campement des Chasseurs se dresse à quelques distances du village. Nous ne profitons jamais des auberges que l'on rencontre, même quand nous revenons vers la côte où, d'un mois à l'autre, de nouveaux villages semblent apparaitre comme par magie. Je me demande régulièrement ce qui peut bien pousser ces mortels à quitter le continent d'Ick et sa civilisation pour cette terre sauvage infestée de dragons. Quoiqu'il en soit, le résultat est là : un royaume se forme depuis que Dork de Wehl, petit nobliau à l'égo démesuré, a posé le pied sur une plage pluvieuse et décidé de créer sa propre nation.

Il est mort il y a quelques années. Son alcoolisme l'aura empêché de voir son rêve devenir réalité : car le territoire a pris le nom de Dork de Wehl, et l'histoire oubliera sans doute son penchant pour la boisson.

Les dragons ne parviennent pas à décourager les colons ; un village se fait raser ? De nouveaux habitants s'y installent avant la fin de l'année et reprennent les champs. Un dragon est aperçu au loin ? Ils se réfugient dans des caves ou des grottes et attendent qu'il aille voir ailleurs. Je savais les mortels opiniâtres, mais ils le sont à un point qui frôle la stupidité.

Tout cela ne me concerne pas directement. Chasser les dragons est une occupation complètement folle, mais exaltante. Vivre en groupe me fait du bien, et fait du bien à Nassim : pour la première fois depuis longtemps, il peut côtoyer des mortels sans avoir envie de les vider de leur sang. Enfin, plus précisément, en se retenant de les vider de leur sang. Il n'y a eu qu'un seul incident, le jour où nous les avons rencontré. Depuis je le garde à l'œil et ma vigilance a empêché plusieurs massacres. Ce qui n'enlève rien au fait que Nassim fait des efforts.

Je secoue légèrement la tête en arrivant en vue du camp. Ça ne change surtout rien au fait que Nassim est condamné.

La masse d'Achraf se découpe sur le feu et il gesticule en braillant. Les effectifs des Chasseurs se renouvellent régulièrement et les nouvelles recrues ne sont généralement que des paysans en mal de sensations fortes. La plupart d'entre eux se font dessus quand ils voient leur premier dragon de près et ne survivent que rarement jusqu'à leur troisième rencontre.

Certains sont plus rapides, ont les nerfs plus solides que les autres et survivent davantage. C'est le cas de Rinor, petite boule de nerf vive, et de Vlada, la seule femme de la troupe. Elle n'a guère de charme, trop osseuse et musclée ; ses cheveux coupés court et l'absence de poitrine lui donnent l'air d'un jeune homme un peu androgyne. Elle dresse la tête alors que je passe vers elle et me suit du regard.

Elle a un pouvoir latent, léger, non entrainé. Hoel s'en est aperçu et tente de l'aider à le développer, mais elle est trop âgée pour que les résultats soient probant. Quoi qu'il en soit, depuis que le magicien lui parle, elle me regarde fixement quand je passe près d'elle. La Mère sait ce qu'il lui a dit sur moi.

Achraf se retourne et un mélange de soulagement et d'agacement se lit dans son regard.

« Par les couilles de Lug, Tugdual ! Enlève-moi ces cul-terreux de ma vue ! »

Je tourne la tête vers cinq gamins un peu crottés et dégingandés. Sans doute les nouvelles « recrues » récupérées au village. Ils n'en mènent pas large : de jour et de bonne humeur, Achraf est déjà impressionnant. De nuit et énervé, il y a de quoi terroriser le plus volontaire des apprentis Chasseurs.

« Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse ? » je lance, un peu énervé.

Les autres Chasseurs plus anciens ont pris bien garde de ne pas se mettre en vue du géant. Plongé dans mes pensées en arrivant, je me suis retrouvé en première ligne pour servir de déversoir.

« M'en fous du moment que c'est utile. De l'engrais pour un champ, de la bouffe pour Nassim, mais je ne veux plus... »

Il n'a pas le temps de terminer sa phrase que Nassim jaillit de l'ombre pour se jeter sur le gamin le plus proche en hululant de joie. Tout se passe si vite que je n'ai pas le temps de réagir avant qu'il ne soit trop tard : il est sur sa proie et la saigne comme un poulet.

Je pousse un juron et me jette sur lui, mais lui arracher le jeune homme revient à signer son arrêt de mort. Ses dents ont déchiquetés une artère et il glisse vers le sol, les mains sur sa gorge, tentant de retenir un flot de sang qui se déverse dans l'herbe humide.

Je frappe Nassim et le repousse en arrière, mais il répond et m'attaque. Il ne me pardonne pas de lui avoir arraché son repas. J'ai à peine le temps de penser que ça fait longtemps qu'on n'en est pas venu aux mains qu'il est sur moi, frappant, jurant, les dents en avant. Quand Nassim est plongé dans une telle fureur, il en oublie les techniques de combat que je lui ai enseigné, et c'est ma chance ; il a bu plus que moi dans les dernières heures et sa force en est décuplée. Ses coups portent, cependant, et je sens mes côtes craquer sous sa rage. Je dévie son poing, frappe au plexus et à l'aine, tente de toucher la gorge. Mais il s'écarte vivement pour mieux replonger sur moi.

Nous roulons dans l'herbe, tombons dans le feu ; je sens l'odeur âcre des cheveux qui s'embrasent et quelqu'un pousse un cri. Autour de nous c'est la débandade, mais je suis trop occupé à essayer d'éviter le plus de coups et d'en placer pour voir ce qu'il en est. Les braises brûlent ma peau et j'en attrape une pleine poignée pour la lancer vers les yeux de Nassim.

De tels accès de rage sont courts, normalement. Le tout est d'y survivre jusqu'à ce que ça passe. Il me repousse des jambes et je tombe à la renverse sur un paquetage. Les pieds emmêlés dans une sangle, je ne parvins pas à me relever avant qu'il soit sur moi.

Je ne sais pas d'où sort la dague. Peut-être est-ce la sienne, ou peut-être l'a-t-il ramassé pendant notre lutte. Mais la lame brille un court instant dans la lueur du feu qui crépite et crachote après notre passage. L'instant d'après je sens le métal glacial passer à travers ma gorge comme dans une motte de beurre.

Je me redresse, trébuche, serre les mains sur la blessure, tente de retenir le sang. Il y en a tant qui s'écoule sur le sol, bien plus qu'un corps humain devrait pouvoir en contenir. Nassim reste figé, la dague poisseuse dans la main. Il me regarde comme un gamin qui a fait une bêtise et sait qu'il va se prendre une taloche par son père.

La blessure est dangereuse. Je le sais aussi clairement que je sais que le soleil se lève le matin et se couche le soir. Je perds trop de sang et la torpeur me guette, la même torpeur que l'on inflige aux Immortels qui ne respectent pas les règles, lorsqu'on les plonge dans le sommeil de l'Oubli. La lame a tranché les deux artères de la gorge ainsi que la trachée : je ne cicatrise pas assez rapidement pour limiter l'écoulement.

J'ouvre la bouche pour dire à Nassim de faire quelque chose, de ne pas rester planté là, de m'aider. Mais mes cordes vocales sont déchiquetées et de toute façon le flot de sang empêche l'air de passer.

Ma vue se trouble. Il me faut du sang. L'inconscience me guette. Nassim saura-t-il quoi faire ? Se souviendra-t-il de cette leçon que je lui ai appris il y a déjà si longtemps ? Ou laissera-t-il mon corps prendre la poussière dans un coin, oubliant qu'il suffit de me faire boire du sang pour me réveiller ?

Le trou noir m'a pris par surprise. Lorsque je rouvre les yeux, je tiens un corps contre moi et, les dents plantées dans une gorge, je bois à longs traits. Stupéfait, je lâche le mortel.

Il ne s'est écoulé que quelques instants. Mon instinct de conservation m'a fait bondir sur la personne la plus proche pour la boire, presque jusqu'à la dernière goutte. Un silence choqué règne tout autour de moi ; même des guerriers habitués à se battre contre des dragons n'ont su que faire face à mes réflexes.

Hoel se recroqueville, hoquète. Il tente d'invoquer sa magie, mais il est trop faible pour lancer le moindre sort. Et moi je fixe le magicien, bêtement, horrifié. La seule chose à laquelle je parviens à penser est qu'en trois cents ans d'existence, je n'ai jamais tué de mortels en buvant son sang. Et que je ne veux pas que Hoel soit le premier.

Pour info/rappel, j'avais dessiné Tugdual et Nassim ^^

semaine_fic

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