(Et c'est une bonne chose. Une fois qu'on a pris conscience de ces trucs c'est impossible de continuer à les ignorer.)
Pas de petit boost post-crisis. On ne compte plus sur les artifices. La vie la vraie la dure et la mort. Alors peut-être le sentiment de prendre de vraies décisions motivées par une vraie énergie qui n'est plus celle du désespoir - quand il n'y a plus d'espoir, il ne peut plus y avoir de dés-espoir. J'ai l'impression de pousser des cubes au lieu d'attendre que le vent souffle dessus pour les faire bouger.
Je peux attendre longtemps avant que me vienne enfin LE Sujet de Mémoire Parfait. Mon grand-œuvre. À vrai dire je sais qu'il ne viendra pas, mais c'est plus simple de dire "mmouiii je veux prendre le temps d'y réfléchir". Mieux vaut faire des choses, même en tapant à côté, que d'attendre de trouver la route parfaite, non ? Si j'avais attendu la route parfaite, je n'aurais pas fait d'études. Au lieu de ça j'ai fait un peu tout et n'importe quoi, et ça m'a toujours semblé cohérent. (la cohérence est là où on le veut.)
Alors la recherche - non, mais je vais quand même y aller. Get my hands dirty and all. Juste un petit peu, juste pour le faire et y être, parce qu'il faut que ce soit fait. Ce n'est plus à propos d'un idéal, d'une perfection, de l'achèvement d'une réflexion, de la priorité donnée à telle ou telle activité - fais, et vois ce qui se passe. Le contrepoids de la perte des garde-fou : la perte des boulets. Un fil est un fil, et quitte à couper les bons, autant couper aussi les mauvais.
Je suis plutôt contente que Mériadeck ne veuille plus me voir, alors je vais en profiter pour ne pas laisser la peur de l'absence de revenus prendre le dessus. Il y a forcément un moyen. Et c'est moi qui décide. Je suis grande, j'ai passé ma vie à résister à leurs pressions, y a aucune raison que je cède maintenant que j'ai réellement les moyens de décider pour moi.
(Discussion avec une proche du CNT : "Ah ouais, H&M ? C'est l'horreur là-bas niveau droit du travail, hein ?" Ouais.)
Donc
- je réponds à April pour notre projet musical/cinématographique
- je trouve quelqu'un pour aller chanter dans les bars
- (je me procure une nouvelle paire de lunettes)
- je prépare le concours d'entrée au Conservatoire (et éventuellement je réfléchis à m'inscrire uniquement en solfège, même si ça ressemble à une mauvaise idée)
- je vais voir les profs d'anthropo pour causer mémoire et réinscription (oh, je pourrais postuler à la BU ou au musée ? :O). Parce qu'après tout, même si l'idéal de ma poursuite d'études se trouve à Paris (et l'idéal tout court au Canada, vous vous souvenez, la route parfaite que je n'ai pas prise), rien ne m'empêche d'y aller plus tard. Je peux faire autant de master que je veux. HÉ OUAIS.
Et si je change d'avis en cours de route, je laisse tomber. Là, comme ça. Je m'en fous, j'ai toute la vie (et je pense que by now on a compris que si je mourais "avant" - mais avant quoi ? - j'en avais rien à foutre), je fais ce que je veux.
Hier soir, la nouvelle du meurtre d'un militant antifa par un groupe d'extrémistes de droite. L'info tenait en un court paragraphe sur le site du Parti de Gauche - le manque de précision et le contexte de récupération politique m'ont retenue de relayer. Ce matin, réveillée par un texto - "rassemblement à 19h place Jean Moulin" - il y avait longtemps que je n'avais pas répondu si vite. Dans la journée, renseignements pris, le NPA, le PCF, le Parti de Gauche partout au-dessus des rassemblements - vague nausée, très courte hésitation, on y va quand même. Sur place, tant de monde... tous si différents. Stéphanie, bien sûr. Et une prof d'anthropo pas vue depuis longtemps. Son terrain : la mémoire du nazisme et du fascisme en Europe du Centre et de l'Est. Discussions. Confirmation des impressions. Tristesse plus que peur, parce qu'il n'est déjà plus temps pour la peur - ou alors la peur c'est pas mon truc, je sais pas. Les anar' qui ne sont pas venus à cause de la récupération politique de l'affaire - tu m'étonnes. LE CON QUI À SA FENÊTRE SUSPEND LE DRAPEAU DE LA MANIF POUR TOUS. Ouais. À sa fenêtre, au-dessus du rassemblement. Là, on est là pour protester contre la montée du fascisme et du néo-nazisme en France (c'est pas récent, moi je m'étouffe depuis que j'ai vu qu'on laissait des gens comme Guéant ou Hortefeux exprimer librement leurs propos haineux en tant que représentants du gouvernement, mais avec le laxisme et la complaisance du gouvernement faussement socialiste qu'on nous a collé, les mouvements de jeunes "identitaires" se sont senti pousser des ailes et loin de se cacher, ils peuvent à présent être vus marcher fièrement dans la rue, arborant tous les signes représentatifs du néo-nazisme (jusqu'au salut hitlérien et aux chants nazis, sisi, 2013 LA FRANCE RPZ putain merde au secours. -___-') et autres joyeuses conneries nationalistes), un gars s'est fait tuer à cause d'eux, et ce petit con vient suspendre un drapeau de la manif qui a accepté en son sein des néo-nazis et leur a servi de tremplin. ... "Non mais là je pense qu'il peut pas y avoir de contre-manif hein, haha, je veux dire, ils contre-manifesteraient pour quoi ?" Bah pour défendre leur opinion d'extrémistes, tiens. Tu pensais qu'il pouvait pas y avoir de manifestation d'extrémistes ? Retourne-toi et regarde le drapeau de ce gars. Sans doute pas un néo-nazi lui-même, mais son acte, qu'il en ait pleinement ou seulement vaguement conscience, vient se poser comme un soutien aux leurs. (Putain, j'entends déjà (encore ?) ceux qui me parleraient (parlaient !) d'amalgames ! Y a un moment où il faut prendre conscience de ses actes, de ses responsabilités. Se taire, se fabriquer une confortable neutralité, c'est déjà aller dans le sens de l'oppresseur.) Oh, et les gars que j'ai vu samedi dernier en rentrant du boulot ? C'était la marche au flambeau des "identitaires". Voilà. Y a des affiches intéressantes dans les ruelles, j'ai vu celle-là un peu trop tard...
Alors quoi ? "C'est la vie", "tu vas pas changer le monde", "c'est pas ton problème, pas à toi de t'en occuper" ? Tous les arguments qu'on te sort quand tu démontres l'horreur sociale qu'entraîne le capitalisme, quand tu t'inquiètes du sort des pauvres - des plus pauvres que toi -, quand tu parles des conséquences de la crise, celles qu'on ne voit pas depuis les places boursières, celles dont personne ne semble se préoccuper parce que seul l'état de la monnaie compte. Hum.
J'étais horrifiée de voir des homophobes manifester par millions sans se voir inquiétés par les autorités - bien sûr ils étaient trop nombreux, mais SÉRIEUX, l'homophobie est interdite par la loi et leurs manif n'étaient rien moins que des manifestations d'homophobie, merde ! -, j'étais scandalisée de voir les militants d'extrême-droite prendre de plus en plus de libertés et de confiance en eux - leur apparition il y a deux ans à la cérémonie d'accueil de Judith Butler comme docteur honoris causa à Bordeaux 3. Les seules informations disponibles sur cet incident - des informations uniquement relayées par leurs médias, et complètement faussées - VOMIR - et à présent ils tabassent des gens, ils les tuent ? Et il s'agirait d'une "rixe" ? D'un "incident isolé" ? Allez-y, ayez le courage de vous rendre aussi stupides que ce député UMP qui a ressorti l'excuse éculée et déjà invalidée (mais le jour où les gens liront les études de socio/psycho/anthropo/histoire... -___-') de l'influence des jeux vidéos !
C'est clair que si on se bouge pas tant que ça ne nous est pas tombé sur la gueule - tant que "ça n'est pas notre problème" -, on va pas changer le monde. Mais eux se bougent. Eux aussi veulent changer le monde - et si leur direction ne nous plait pas, on n'a pas le choix : BOUGEONS-NOUS.
(je vais pas terminer sur le poème "quand ils sont venus chercher..." parce que ce serait hyper cliché, mais il résume tout.)
(c'est l'heure de manger et de répandre l'amour. L'amour, les gens, l'amour. é___è)
En rentrant je suis passée devant un chantier vide dans une rue très calme. Je me suis arrêtée, je sais pas pourquoi. Il y avait un bruit mais je n'ai pas réagi de suite. Puis j'ai levé les yeux : c'était un corbeau. Gros, noir, il lançait son cri de corbeau depuis le pilier sur lequel il s'était perché. Puis il s'est envolé, lentement, et j'ai vu ses grandes pattes noires qu'il a allongées sous son corps pour prendre son envol. Il est allé se poser sur une antenne qui dépassait du toit d'ue grande maison (un manoir) de l'autre côté de la rue, et soudain j'ai cru qu'un miroir était apparu au milieu de l'air, car à quelques distances à côté se tenait un autre corbeau sur une autre antenne.
En ce moment je discute avec des gens qui me stimulent intellectuellement et musicalement, j'en avais besoin, et je me suis souvenu que les hippocampes étaient des êtres fabuleux (souvenirs d'il y a 21 ans à Arcachon, un aquarium, un poulpe, des hippocampes, fascination).