Himitsu no Kageyama
Le son de la grosse cloche de l’entrée résonna dans l’immense demeure Hosho.
« Kageyama ! Il est là !
-Je vais lui ouvrir mademoiselle.
-Non ! Attends !
-Quelque chose ne va pas ?
-Mes cheveux, ils sont bien comme ça ?
-Très bien mademoiselle.
-Ma robe, elle est bien mise ?
-Parfaitement.
-Le maquillage, il ne coule pas ?
-Pas du tout.
-Le collier, il…
-Mademoiselle ? Je peux vous poser une question ? »
Le majordome qui se tenait jusque-là à quelques mètres de la jeune héritière, se rapprocha, se pencha sur son joli visage et ne s’arrêta que lorsque quelques centimètres séparèrent leurs bouches respectives.
« Qu… Quoi ?
-De quoi êtes-vous dotée à la place du cerveau humain habituel ?
-Quoi encore ?!
-Vos chaussures. »
Cachant mal son mécontentement, la jeune femme baissa le regard et remarqua avec effroi sa terrible erreur. Cet espèce de majordome à la manque avait raison, encore une fois ; Elle était bel et bien stupide. Si les deux souliers étaient de même tailles, c’était bien la seule chose qu’ils avaient en commun. Son pied gauche était enfermé dans un escarpin sobre vernis de noir tandis que du côté droit, elle portait un talon haut d’un rose criard. Retenant des pleurs de rage à grande peine, elle releva tant bien que mal son regard vers son majordome, revêtant une attitude qui se voulait digne malgré l’énième affront qu’elle venait d’essuyer.
« Effectivement. Je crois m’être trompée.
-Sans vouloir vous manquer de respect, mademoiselle, il me semble que deux chaussures identiques seraient peut-être un peu mieux adaptées à la situation.
-Oui ! Je sais. Maintenant vas ouvrir au lieu de jacasser. Je vais me changer, tâche de le faire patienter sans trop l’ennuyer.
-Bien, mademoiselle. »
Le majordome laissa sa jeune maîtresse à ses occupations, quitta le salon dans lequel ils se trouvaient, marcha d’un pas calme et assuré le long d’un étroit couloir s’enfonçant dans l’épaisse moquette du plus pure style anglais, puis, arrivé dans le grand hall, il ouvrit la large porte. Derrière celle-ci ne se trouvait pas un être humain comme il l’avait supposé, mais un amas de housses, étuis et autres boites le dépassant de quelques centimètres.
« Chères boites, on ne vous attendait plus… » Soupira Kageyama, un sourire amusé naissant sur ses lèvres.
A ces mots, une tête se détacha de la pyramide d’objets sur le côté, le jeune homme à l’origine de l’édifice avait apparemment bien du mal à supporter le poids du matériel dans ses bras.
« Bonjour ! Pardon ! Kazama Masamune. Je suis le photographe pour… C’est Hosho-san qui…
-Parfait, parfait. Elle vous attendait avec grande impatience. Laissez-moi vous aider, entrez. »
Le majordome prit d’autorité la moitié des boites, découvrant ainsi le jeune photographe à partir de la poitrine. Des cheveux châtains en bataille venaient lui couvrir les yeux. Il portait un pull écru près du corps sur un jean bien trop grand pour la finesse de ses jambes interminables. A la faveur d’un regard à la dérobée, Kageyama eu l’impression d’avoir déjà vu son visage quelque part, mais où ?
Les deux hommes arrivèrent dans le salon où ils purent poser les différents équipements. Kazama, mal à l’aise, resta un moment debout, jouant avec ses mains d’un air contrit.
« Hosho-sama ne va pas tarder. Elle est en train de régler un petit souci bêtement technique. Je vous offre à boire ? Un thé peut-être ?
-Je ne veux pas vous déranger.
-Vous ne me dérangez pas ! C’est mon métier. Et puis vous n’imaginez pas tout ce que je dois faire pour satisfaire Hosho-sama… Ce n’est pas un thé qui va me déranger. » Avoua Kageyama, le ton lourd de sous-entendus que Kazama ne saisit pas vraiment sur le coup.
« Ah. Alors je veux bien. Merci.
-Installez-vous sur ce fauteuil, je n’en n’ai pas pour longtemps. »
Toujours aussi gêné de se retrouver dans cet univers qu’il n’avait côtoyé que par fantasme, le photographe s’assit sur le vieux fauteuil en cuir windsor. Profitant de l’absence momentanée de ses hôtes, il put observer les lieux à sa guise. Ce salon fastueux quelque peu rétro semblait être le décor parfait pour la séance de photo qu’on lui avait commandé. De partout se dégageait une agréable odeur de vieux bois lustré tandis que les craquements du feu de l’énorme cheminée venait retentir à ses oreilles.
Quelques minutes s’écoulèrent avant que le majordome refasse son apparition, portant à bout de bras un plateau soutenant une théière hors d’âge et une fine tasse. Il posa le tout sur la table basse au milieu des fauteuils, fit couler le liquide brulant dans la tasse et la tendit au photographe.
« Du Darjeeling. Ça vous ira ?
-Oh oui. Merci. »
Une fois le service effectué, Kageyama alla s’asseoir dans le fauteuil qui faisait face.
« Vous… Vous ne buvez pas ?
-C’est gentil mais je n’ai pas très soif.
-Ah bon. »
Le majordome ne quittait plus le jeune homme du regard. Ce dernier, gêné par cette soudaine attention n’osait pas soutenir son regard et préféra se concentrer sur la couleur de ce thé qui était décidemment très bon.
« Ne vous inquiétez pas, Hosho-sama ne va pas tarder à arriver.
-C’est pas grave. Il faut juste que je parte avant quinze heure.
-Oui, il ne faut pas faire attendre votre fille. »
Kazama, interloqué, releva le regard vers son interlocuteur. Comment avait-il fait pour deviner qu’il devait partir tôt pour aller chercher Koaru-chan à l’école ?
« Co… Comment…
-C’est simple, sur votre carte de visite, j’ai lu que vous êtes de Yanaka, je sais que dans ce quartier, les écoles ferment leurs portes à quinze heure trente. Ensuite, votre bracelet au poignet gauche. Il est très joli mais il ne me semble pas être l’œuvre d’un homme adulte.
-Ah. D’accord… Mais… Elle aurait pu être ma petite sœur.
-Oui, c’est vrai. Pour ce coup-ci, j’ai eu de la chance. »
Kazama sourit dans sa tasse et plongea le regard sur le splendide tapis brodé.
« Nous nous sommes déjà vu quelque part, non ? »
Le jeune photographe releva les yeux et observa un instant le majordome qui se tenait droit comme un i sur le fauteuil en face, à deux mètres de lui.
« Je ne crois pas. Enfin, vous ne me dîtes rien…
-Si, si. Je suis sûr que nous nous sommes déjà croisés…
-Je suis désolé, je ne m’en souviens pas. »
Tentant de remettre ses souvenirs en ordre, Kageyama se concentra. Ses mains. Il se souvenait de ses mains, ses doigts fins s’agitant à faire… A faire il ne savait plus quoi mais il jouait particulièrement bien de ses doigts, c’était une certitude. Ce regard. Il reconnaissait ce regard, pourtant dans ses souvenirs il était plus froid. Il se souvenait de sa silhouette élancée qui avait du mal à se distinguer dans une certaine obscurité, un bruit assourdissant et un écran de fumer. Un lieu sombre, enfumé, des souvenirs quelques peu flous…
« Oui ! Ca y est ! C’est vous le barman !
-Hein ?
-Mais oui ! Le barman qui fait des cocktails géniaux au club de Shibuya, l’O…
-L’O… L’Oscar Wilde ?
-Oui ! »
A l’évocation du club, le jeune photographe rougit légèrement, reposa sa tasse et répondit dans un sourire gêné.
« Vous devez confondre avec mon cousin, Sasakura Ryu, c’est lui le barman. Moi je ne saurai pas vous concocter une grenadine.
-Ah d’accord…
-On se ressemble.
-Ah oui. C’est rien de le dire ! »
Le majordome, remarquant la tasse vide de son interlocuteur, se leva et le débarrassa du plateau. Il disparut par une des portes qui donnait sans doutes sur une cuisine, il en réapparu aussitôt, un air songeur accroché au visage.
« A ce propos, vous pensez pouvoir lui glisser un mot pour moi ?
-Euh… Ca dépend lequel.
-Vous lui direz que Kage-sama est toujours à la recherche de son ingrédient secret.
-…Kag…sam… euh… secret ?
-Kage-sama c’est moi.
-Oui, ça j’avais compris ! » Répondit le photographe, ses joues s’empourprant encore un peu plus, cachant mal sa gêne d’aborder le sujet. Le jeune homme était parfaitement conscient du genre d’endroits où travaillait son cousin, il y avait même passé quelques soirées il y a un certain temps. Et s’il n’y avait rien de honteux là-dedans, mais jamais, au grand jamais, il n’aurait imaginé que ce majordome guindé et très propre sur lui pouvait, lui aussi, le fréquenter.
« Votre cousin a toujours refusé de me donner l’ingrédient secret d’un de ses cocktails.
-Le quel ?
-Le Milk.
-Je vois. »
Le silence retomba. Kageyama avait repris sa pose habituelle, debout, les mains jointes, son léger rictus coutumier accroché aux lèvres. Le jeune photographe, quant-à-lui, toujours décontenancé de par la conversation qu’ils venaient d’avoir, était plongé dans un dilemme des plus déchirant ; Devait-il relancer le sujet pour assouvir sa curiosité toute personnelle ? Ou devait-il simplement céder à sa timidité naturelle et se taire jusqu’à l’arrivée salvatrice d’Hosho-san ? Il n’eut pas vraiment le loisir d’y réfléchir de longs moments quand, sans crier gare, sa lange proclama son indépendance d’une façon quelque peu brutale, encouragée par sa curiosité, putschiste en puissance.
« Vous avez l’air d’être un habitué de l’Oscar Wilde…
-Ah ! J’y allais beaucoup à une époque, oui. Je m’y suis beaucoup amusé. Mais maintenant, plus trop.
-Pourquoi ? »
A être dans l’indiscrétion, autant y aller jusqu’au bout, se dit Kazama en tentant de prendre l’air le plus relâché possible.
« Vous savez, il y a certaines habitudes quelque peu incompatibles avec la fonction que j’occupe actuellement.
-Ah oui je comprends.
-Je n’ose imaginer le scandale que produirait Hosho-sama si elle me trouvait dans un endroit tel que le Wilde. Quoique… Cela pourrait être plutôt drôle à voir. Dans l’hypothèse où Mademoiselle puisse imaginer que des lieux comme celui-ci existent. Elle est du genre naïve. Enfin, vous le verrez bien par vous-même, elle arrive ! »
Kazama tourna la tête dans la direction où le regard du majordome s’était posé et vit apparaitre une superbe jeune femme drapée d’une vaporeuse robe noire de jais voletant au-dessus de ses genoux. Perchée sur de hauts escarpins charbon, elle arborait un sourire timide. Le jeune photographe se leva précipitamment et se dirigea vers la propriétaire des lieux.
« Vous devez être Kazama Masamune. Le photographe que j’ai demandé.
-C’est ça. C’est moi. Enchanté.
-Désolée de vous avoir fait attendre, j’ai eu un petit… Imprévu. » Elle lança un regard noir par-dessus l’épaule du photographe pour atteindre Kageyama, resté en arrière. « J’espère que mon majordome ne vous a pas importuné, il peut se montrer plutôt pénible parfois.
-Non, non, du tout. C’était euh… Très agréable de discuter avec lui. »
La jeune femme parut sincèrement étonnée de la réponse.
« Ah… Ah bon ?
-Oui.
-Loin de moi l’idée de vouloir vous presser Hosho-sama mais monsieur est attendu dans deux heures, il serait temps de commencer.
-Voyez ! Qu’est-ce-que je vous disais ? Pénible… »
Hosho-san dépassa le photographe en disséminant sur son chemin une forte fragrance de bergamote. La regardant faire, Kazama se souvint de la commande, il avait été envoyé ici pour faire une série de clichés appelés « lifestyle ». Le principe de ce shooting étant de photographier les personnes dans leur quotidien, s’attachant au naturel des situations, il commença à se poser plusieurs questions sur la vraisemblance de la commande aux vues de l’aspect de la jeune femme. Il la suivit en s’assurant du bienfondé de sa venue.
« Et bein quoi ? Je suis tout à fait naturelle. » Répondit Hosho-san sans même se retourner, ne comprenant pas le but de l’injonction.
Kageyama, à côté duquel passait Kazama, se pencha à l’oreille de ce dernier.
« C’est presque la vérité. Au naturel, elle porte un rubis à son majeur droit en lieu et place de cette émeraude tape à l’œil. »
« Qu’est-ce-que tu dis Kageyama ?
-Rien mademoiselle.
-Alors continue comme ça pour une fois.
-Bien mademoiselle. »
Après avoir installé le matériel et discuté du véritable souhait de Hosho-san (« Des photos qui puissent montrer ma véritable personnalité au-delà de tout stéréotype… Kageyama, ma robe n’est pas trop courte au moins ? ») la séance commença. La jeune héritière se révéla être tout à fait à son aise face à l’objectif. Jouant de ses plus belles moues boudeuses, elle s’amusait à n'en pas douter. Kazama, lui, avait toutes les peines du monde à se concentrer. Non pas que la demoiselle fut ennuyeuse, non, au contraire, elle maitrisait ses charmes photogéniques comme peu de personnes. Le problème était juste un peu plus loin ; Kageyama. Le majordome, s’il ne prenait place en aucun cas dans le shooting, représentait une présence hautement troublante envers le jeune photographe. Il n’avait pas vraiment d’apriori sur les majordomes avant de le rencontrer, mais les quelques mangas qu’il avait lu à ce propos l’avait conforté dans l’idée qu’un majordome était automatiquement vieux, guindé et quelque peu repoussant. Kageyama était guindé, certes mais le mot « repoussant » ne lui seyait guerre. Au contraire, un phénomène étrange attirait systématiquement les yeux de Kazama sur le majordome en question. Hosho-san ayant remarqué ce manque d’attention dont elle était victime commençait à montrer quelques signes d’impatience et d’inconfort. Marques d’humeur que le jeune photographe ne manqua pas de graver sur la pellicule tout en se sermonnant intérieurement de dévorer du regard ce cher Kageyama avec si peu de discrétion.
« Bon ! Kageyama ! Tu veux pas m’apporter quelque chose à boire ? Je meurs de soif ! » Dit la jeune femme tout en tapant du pied, excédée de voir un énième regard du photographe glisser sur le splendide costume de son majordome, accompagné, en plus, d’un petit sourire en coin de ce dernier.
« Tout de suite Mademoiselle. Mais il n’est pas encore l’heure du thé.
-Et bien apporte moi du coca, du jus, du vin, du whisky, je m’en fiche mais vas-y !
-Très bien. »
Le majordome s’éclipsa, suivit évidemment par les pupilles insistantes du photographe.
« Hey !
-…
-Hé oh ! Kazama-san ! C’est ici que ça se passe !
-Oh pardon Hosho-san ! J’é… J’étais distrait.
-Oui, je vois ça. Bon, on reprend.
-On en était où ?
-Je faisais semblant de lire le journal d’un air sérieux et concerné par la misère du monde.
-Ah oui. Continuez. »
Le reste du shooting se passa sans incident majeur, mis à part la crise de colère de la jeune héritière quand son majordome passa un peu trop près du photographe et que celui-ci déclencha le flash de son appareil alors qu’Hosho-san n’avait pas encore pris la bonne pose.
Arrivé une certaine heure, il fut décidé qu’une pause de quelques minutes était nécessaire, la lumière ayant changée il fallait que Kazama change d’objectif et l’héritière voulu changer de robe.
Après avoir réglé tous ses appareils en fonction de l’avancement du soleil dans le ciel de Tôkyô, le jeune photographe s’en alla à la recherche d’une salle de bain pour se rafraichir un instant. Avec l’aide d’une des aides ménagères, il trouva au second étage une petite salle d’eau semblant sortir tout droit d’un manoir anglais du XIXeme siècle. Alors que, les yeux fermés, il se passait énergiquement de l’eau fraiche sur le visage, il sentit une présence tout près de lui. Il ouvrit les yeux et vit, dans le reflet du miroir, Kageyama qui se tenait à quelques centimètres derrière lui. Le majordome le regardait avec insistance, une lueur étrange au fond de ses pupilles. Décontenancé, Kazama le regarda à son tour, ne sachant que dire, l’eau de son visage dégoulinant en fine goutes sur son pull ce qui le fit frissonner.
« Je venais me rafraichir mais je vois que cette salle de bain est déjà occupée.
-Ah oui… Euh… Désolé… Je… Je m’en vais.
-Non, non, restez voyons, il y a bien de la place pour deux. Il fait une chaleur terrible, vous ne trouvez pas ?
-Ou…Oui. »
Le majordome s’approcha du lavabo, posa délicatement ses fines lunettes sur le rebord, attrapa une petite serviette qui se trouvait à proximité, l’humidifia et tamponna soigneusement ses pommettes saillantes. Gêné de cette soudaine proximité, Kazama fit un pas en arrière sans pour autant s’empêcher de fixer le visage à présent humide de Kageyama.
« Je retourne en bas, il faut qu’on…
-Vous me plaisez Kazama Masamune.
-Par… Pardon ? »
Estomaqué par cette réplique, le photographe se figea sur place.
« Vous me plaisez. Répéta le majordome en quittant le miroir des yeux pour se retourner et regarder le jeune homme directement.
-Euh… Merci mais…
-Je ne vous plais pas ? »
Décidemment ce majordome réservait tout un lot de surprises toutes aussi édifiantes les unes que les autres.
« Si, si… Euh… La question n’est pas là mais…
-Je ne fais partie de votre terrain de chasse ?
-Euh… Bein disons que je n’ai pas de terrain de prédilection…
-Parfait !
-Mais je… Euh… Depuis que depuis que Kaoru-chan est avec moi, disons que… Euh…
-Est-ce que ceci empêche cela ?
-Cela quoi ?
-A vous de me le dire. »
A cours de répartie, le photographe resta comme deux ronds de flan à attendre que le majordome n’enchaine. Seulement ce dernier semblait de satisfaire pleinement de ce dialogue sans paroles dans laquelle, du moins du côté de Kazama, la gêne et le malaise semblaient former deux nouvelles entités supplémentaires. Par bonheur, Hosho-san arriva à la rescousse du jeune photographe, d’une façon toute personnelle.
« Kageyama !!! Viens !!! »
« Ah. Je crois entendre mon employeur m’apostropher énergiquement… Je vous laisse, on se voit en bas.
-Ou… Oui. »
Le majordome passa tout près du photographe. Photographe qui se crispa un instant quand leurs deux mains se frôlèrent et quand le souffle chaud de Kageyama sembla l’assaillir de toute part.
Le majordome parcouru les quelques mètres qui séparaient la salle de bain de la chambre de la jeune héritière en quelques foulées avant de frapper et de pénétrer dans la vaste pièce.
« Kageyama, ça ne peut plus durer.
-Qu’est-ce qui se passe mademoiselle ?
-Comment ça « qu’est-ce qui se passe » ? Mais ce Kazama est un incompétent notoire !
-Vraiment ?
-Il ne me regarde même pas ! Son regard est sans arrêts accroché à tes jolis yeux ou pires, tes…
-Qu’est-ce qui vous dérange le plus Hosho-sama ? Le fait qu’il me regarde ou le fait qu’il ne vous apporte pas autant d’attention que vous le souhaiteriez ?
-C’est pas le problème ! Vous feriez mieux d’arrêter de vous tourner autour de cette manière ridicule sinon je me verrais obligée d’appeler mon avocat pour me faire rembourser cette pseudo séance photo.
-Quel avocat ?
-Celui de mon père. Naruse Ryo Sensei.
-Naruse Ryo vous dites ? Il n’a pas vraiment bonne réputation ces derniers temps…
-Je m’en fiche !!
-Bon, pour en revenir au sujet mademoiselle. Pour avoir vu quelques-unes des photos sur son appareil, je peux vous assurer qu’elles sont très belles et après quelques retouches elles seront parfaites.
-Comment ça ? Qu’est-ce que ça veut dire « quelques retouches » ?!
-Rien, rien. Quoiqu’il en soit, le principal est que le résultat vous plaise. Le fait qu’il vous regarde ou pas, ce n’est pas bien important. De plus, cela m’étonnerait très franchement. Pourquoi observer un simple majordome tel que moi alors que nous avons une belle jeune femme au centre de la pièce avec votre charme si…
-Subtil ?
-Discret. »
Le shooting reprit son cours, toujours aussi à son aise face à l’appareil photo, Hosho-san se donnait du mal pour attirer un tant soit peu l’attention de son photographe, en vain tant la présence du majordome semblait le perturber. Si la jeune femme attendait un changement de leur attitude après la pause, elle ne l’attendait pas de cette façon. Kazama se montrait de plus en plus rougissant et ses mains commençaient à trembler, fait fâcheux pour un photographe professionnel. Kageyama, lui, commençait à être à bout de prétextes pour passer le plus près possible du photographe tremblotant.
La séance prit fin sur les coups de quatorze heure trente.
Après avoir plié tout son matériel et salué avec respect Hosho-san qui s’en alla dans ses appartements telle une furie courroucée, le photographe se fit raccompagner vers la sortie par Kageyama.
« Hosho-san n’avait pas l’air très satisfaite de mon travail.
-Ne vous inquiétez pas, dès qu’elle aura vu le résultat, elle oubliera bien vite ce petit malentendu. »
Arrivé sur le perron, Kageyama tendit la main au jeune homme. Ce dernier la lui prit en y sentant un petit papier plié.
« Ce fut un plaisir Kazama-san. J’espère avoir la chance de vous revoir.
-Mer… Merci. Oui, c’était bien.
-Je ne vous force pas la main Kazama-san mais sachez que la porte vous est ouverte. »
La majordome lui lâcha la main et fit demi-tour pour rentrer dans la vieille demeure. Le photographe, déplia lentement le papier.
« Mardi, 13h, devant la statue d’Hachikô. »
S’empourprant une nouvelle fois, le jeune homme releva la tête vers la silhouette du majordome qui s’éloignait de plus en plus.
« Kageyama-san ! »
Ce dernier se retourna d’un sursaut, s’attendant peu à être rappelé si tôt.
« Oui ?
-Euh… Dans le Milk… Je crois que mon cousin y met un peu d’écorce de ginseng…
-Oh ! C’est donc ça ! Il me semblait bien que… »
« Kageyama !! »
« Hum… je dois y aller, le devoir m’appelle.
-Oui, le mien aussi. Répondit Kazama en jetant un œil à sa montre.
-Et bien… Au revoir Kazama-san.
-A bientôt Kageyama-san. »
Les deux hommes se saluèrent respectueusement et chacun repris sa route. Le photographe poussa les lourdes portes en fer de la propriété Hosho, un léger sourire quelque peu idiot sur les lèvres. Puis, il accéléra le pas pour rejoindre l’école de sa fille. C’est sûr, il arriverai encore une fois en retard mais cette fois-ci, au moins, il avait une excuse en béton à exposer à l’instituteur.