Hypnosis - 「ACTE 1」

Dec 29, 2012 02:12


#~1~#

[Son monde semblait s’écrouler pour de bon…]
Il régnait dans les couloirs de la bâtisse en bois, le silence le plus ténu qui put exister sur Terre. Le moindre de ses pas déchirait l’air, et se répercutait dans tout l’étage. Précédé et suivi de l’écho sacrilège, le jeune homme arpentait le vieil immeuble sans se soucier du bruit monstrueux dont il était l’origine.

Les décorations taillées, gravées à même les murs, boiseries aux reflets miel, chatoyaient, incrustées dans la demeure. Toutes n’étaient qu’arabesques incompréhensibles qui s’entrelaçaient indéfiniment, sans origine ni conclusion. Il traversa le couloir sans daigner leur accorder le moindre regard. Il connaissait ces torsades illogiques à la boucle près… trahissant sans nul doute une fréquentation un peu trop assidue des lieux. Il dépassa une volée de portes toutes gravées de motifs différents d’un panneau à l’autre. Le visiteur se posta face à ce qui semblait être une forêt d’arbres surmontés de cheminées étroites. Il n’avait jamais réellement compris le motif malgré toutes ces années passées à l’observer.

Sans prendre la peine de frapper ou de s’annoncer d’une quelconque façon, il poussa la porte simplement rabattue. Elle n’était jamais verrouillée. Un hululement sinistre qui se voulait enthousiaste l’accueillit avant même de franchir le pas de la porte. L’étrange oiseau bleu nuit survola l’entrée en plusieurs cercles relâchés puis s’éloigna du visiteur. Ce dernier le vit se poser sur son perchoir habituel prêt de la fenêtre, et lisser ses plumes face aux vitres blanchies par le temps. Le jeune homme s’engouffra dans les appartements. Il n’y en avait pas de semblable dans tout le bâtiment. Un brouhaha sourd et assourdissant emplissait l’air semblant lui-même doué d’une vie propre. Le métal avait remplacé le bois. Des tapis aux couleurs capiteuses dissimulaient un sol en cuivre poli. Un bric à brac mécanique et bruyant inondait les étagères en fer forgé qui recouvraient la grande majorité des murs. Le reste supportait une bibliothèque surchargée d’énormes volumes, de boites et de cartes. Des fumées d’encens envahissaient la pièce principale, traçant leur chemin sinueux depuis une chambre reculée de l’appartement.

« Je ne t’attendais pas aussi tôt dans la semaine… fit une voix trainante, féminine mais suavement grave. »

Le jeune homme rejoignit la chambre où les fumées d’encens semblaient avoir remplacé l’air. La maitresse des lieux occupait un fauteuil où se mélangeait métal rouge et velours ocre. Avachie sur un des bras du fauteuil, les jambes étendues et légèrement croisées sur l’autre, la femme ne semblait pas s’émouvoir de la position peu élégante avec laquelle elle accueillait son visiteur. Son étrange coiffe faite d’engrenages et de tubes, soufflait sans cesse ses effluves d’encens qui manquaient d’étouffer le jeune homme.

« Les choses se précipitent… et je n’apprécie pas la tournure que cela prend. »

La femme quitta sa position et s’assit plus dignement, arrangeant les pans de son kimono flamboyant. Le phœnix peint sur le satin, s’ébroua avec noblesse, réveillé de sa sieste par les mouvements de sa propriétaire. Il lissa ses plumes, poussa un cri silencieux de protestation, et retourna à sa sieste. En d’autres situations, le jeune homme aurait souri. Un peu. Un sourire assez tordu cependant.

« Mais ça, tu dois le savoir Lady, lui reprocha-t-il.
- Peut être bien, minauda-t-elle. Rafraichis moi la mémoire, mon amour… »

Il grimaça à la façon cavalière dont elle s’adressait toujours à lui.

« Deux chasseurs, en trois jours, à découvert, grinça-t-il. Dans notre Niveau. »

Lady fronça les sourcils.

« Ils étaient donc à ta poursuite, murmura-t-elle. Ils sont têtus…
- Et complètement inconscients ! Ils n’hésitent plus à se montrer et attaquer en public… ils ont failli la tuer !
- Et bien quitte la ! Elle sera enfin en sécurité. Je ne sais même pas ce que tu lui trouves ! »

Le jeune homme fut sur elle en une enjambée, les mains crispées sur les accoudoirs, ses pupilles noires luisant de rage à quelques centimètres des siennes. Lady l’avait rarement vu dans une telle colère, lui qui d’ordinaire semblait si calme et froid.

« Tu penses vraiment que je vais croire à ta petite comédie, siffla-t-il. »

Lady roula des yeux, et repoussa nonchalamment le jeune homme.

« Il y a des rumeurs qui circulent, déclara-t-elle à contre cœur. Un nouveau don va être octroyé. »

La femme le vit se tendre aussitôt.

« Dans la même zone que la tienne, compléta-t-elle. Ils veulent juste en finir avec toi avant que la nouvelle chasse ne soit ouverte. Courir deux lièvres à la fois ne leur a jamais réussi. D’autant plus que les chasseurs te recherchent toujours. Les Corbeaux n’aiment pas vraiment te savoir aussi libre, mais je doute qu’ils veuillent ta mort. Je pense que ces chasseurs-là prennent des initiatives qui ne vont pas dans le même sens que celui des Juges. »

Le jeune homme éventa les dernières paroles de Lady d’un revers de la main. Les accords entre chasseurs et Corbeaux ne l’intéressaient guère.

« Le réceptacle est-il défini ?
- Son tuteur est désigné depuis des semaines, mon amour~ il ne reste plus que son Nom.
- Un prédisposé ? s’étonna-t-il. »

Lady acquiesça avec un sourire amusé.

« Quel don ? demanda-t-il brusquement.
- Vous vous complèterez parfaitement, éluda-t-elle avec un sourire railleur. »

Il se renfrogna. Lady jouait encore la comédie. Elle savait toujours tout, avant tout le monde, mais laissait filtrer ses informations au compte-goutte pour son plus grand énervement. Tout ne semblait qu’être jeu et devinette pour la femme.

« Mais ne t’inquiète pas, mon trésor, pour moi il n’y aura qu’un Maître dans cette Nation. »

Excédé par cette mise en scène, le jeune homme tourna les talons et se dirigea vers la sortie. Il avait obtenu les informations qu’il voulait…

« Attends toi à ce que d’autres ne viennent t’embêter, le prévint-elle. Et si tu tiens un tant soit peu à sa vie, éloigne la de toi. »

Il s’arrêta au cadre de la porte et s’y appuya.

« Il ne le supporterait pas. »

Lady eut un ricanement moqueur.

« Depuis quand te soucies-tu de ses sentiments ? C’est toi le Maître, pas lui.
- Et c’est moi qui décide, trancha-t-il. »

Il traversa l’appartement avec humeur, prenant soit de faire claquer violemment la porte derrière lui.

~°~

« YooChun ! Bouge tes fesses de là, ou tu prendras l’autre vol avec toutes les fangirls potentielles qui s’y trouveront !!! tonna la manager »

J’écarquillai les yeux. Miss Red était rarement aussi vulgaire, sauf en cas de grande colère. La situation devait être critique. Depuis sa chambre, j’entendis YooChun gémir de désespoir. La manager soupira, exaspérée.

« Heureusement que toi et Harmonie, vous sauvez les meubles… »

J’eus un sourire quelque peu… faux-jeton. Je ne devais mon exploit qu’à ma traitrise et une bonne synchronisation. Kim JaeJoong. Lead vocal de COLORS, et traître.

« Et c’est valable pour toi aussi, YunHo !
- Je saaaaiiiiiis~ »

Pour YunHo, par contre, je n’y étais franchement pour rien. Il avait passé une demi-heure à chercher son téléphone pour le retrouver finalement dans la cuisine là où il l’avait abandonné la veille. Comme toujours.

« Dans trois minutes, si vous n’êtes pas devant moi, je vous laisse vraiment en pâture aux fang-
- J’AI FINI !!! hurla YooChun. »

Il se précipita hors de sa chambre dans la pire dégaine qui pouvait exister : ceinture toujours ouverte, t-shirt à l’envers et pas rentré dans le jeans, les cheveux mouillés en bataille, le sac prêt à exploser sous la pression d’une tonne d’affaires fourrées n’importe comment. YooChun pouvait s’estimer heureux que nous soyons en été, et pouvoir se suffire d’une paire de tongs à enfiler d’un geste. Miss Red le considéra d’un regard très critique mais ne fit aucune remarque. YooChun profita des quelques minutes restantes à YunHo pour se rendre un minimum présentable. Le rangement du sac attendrait le trajet dans le van.

« YunHo… ? menaça la manager.
- J’arrive tout de suite !!
- Ca fait juste dix minutes que tu le dis…
- Tu peux parler JaeJoong ! C’est pas moi qui ai retardé le réveil de YooChun pour avoir la salle de bain avant lui ! »

Mon cœur rata un battement. Il savait. Comment pouvait-il savoir ?! Je sentis plus que je ne le vis, le regard noir et menaçant de notre pianiste vissé sur ma nuque. Je me crus aussitôt obligé de minimiser le problème.

« Je l’ai retardé juste de deux minutes, tentai-je lamentablement avec le plus beau sourire d’excuse de mon répertoire.
- Deux minutes suffisantes pour me griller la place dans la salle de bain, gronda-t-il.
- J’y peux rien si tu sais pas gérer ton temps…
- Si on n’avait pas besoin de ta voix, j’étranglerais bien ton joli cou. »

YunHo arriva sur ces entre-faits, mieux habillé que ne le fut YooChun. La manager consulta sa montre.

« Dix secondes de retard, déclara-t-elle. Tu passeras le contrôle de police en dernier. »

Il en soupira presque de soulagement, heureux de ne pas être obligé de nager dans la mer de fangirls en délire à l’aéroport.

« Allez COLORS, on se bouge et en vitesse. On est presque en retard ! Melbourne vous attend~ »

Le trajet dans le van se fit plus ou moins calmement… entre le chauffeur qui râlait sur les conducteurs mollassons du lundi matin, Miss Red qui passait d’innombrables appels téléphoniques, et YooChun qui rangeait son sac en me maudissant copieusement en bon faux frère que j’étais. Harmonie écoutait tranquillement sa musique, YunHo finissait un niveau dans un jeu sur son téléphone. Et moi… j’effaçai les derniers messages enflammés de numéros inconnus que je recevais régulièrement. La routine. Je devrais sûrement faire comme YunHo qui gardait son téléphone en mode avion et ne le réactiver qu’en cas de besoin. Ca n’éviterait pas d’en recevoir, mais au moins je ne serais pas réveillé à quatre heures du matin par une déclaration d’amour de psychopathe du dimanche accro à Criminal Minds. Mais j’avais vraiment la flemme de bidouiller mon téléphone, ne serait-ce que pour couper la sonnerie. Je sais, ça se soigne.

La traversée du dépose-minute et du hall de l’aéroport fut aussi chaotique que prévue. Si avec le temps on se faisait finalement une raison à la cohue, les bousculades, le rétrécissement instantané de notre espace vital… la cacophonie était la seule chose à laquelle on ne pouvait s’habituer. On ne pouvait que s’y adapter. YooChun et YunHo étaient abonnés aux écouteurs intra-auriculaires, un bon vieux hard rock braillard mis à un niveau sonore tout juste supportable. Accroché au bras de YooChun, Harmonie avait opté pour un casque très isolant, de ceux qui recouvraient complètement les oreilles, et un morceau de violon tournant en boucle. Vu la foule, sortir sa canne blanche ne lui rendrait pas service. D’autant plus qu’elle détestait par-dessus tout s’en servir. Elle préférait tenir la main de YooChun, et lui faire confiance… aveuglément. C’était le mot juste.

Je préférais les stop bruit. Ce jour là ils étaient d’un magnifique orange fluo, visibles des dizaines de mètres à la ronde. Tant pis. C’était les seuls que j’avais trouvés ce matin. Tant pis aussi pour les remarques, commentaires et débats stériles que cela provoqueraient. Le soir même sur internet, certains me traiteraient de salaud fini. Beaucoup auraient de la peine pour moi et mes tympans sensibles que je protégeais comme je le pouvais. Mais pratiquement personne ne blâmerait la source inépuisable de cette apocalypse sonore. Du moins leurs remarques subtiles et acerbes seraient toujours noyées sous la masse de commentaires idiots. J’allais bien rire cette nuit avant de me coucher.

A peine avions nous franchi le seuil du hall frais, que la cohue prit forme. La sécurité de l’aéroport semblait tout juste être capable de contenir la vague qui avançait de tous les côtés. La foule était bien plus compacte et enfiévrée que d’ordinaire. Le départ pour une série de festivals musicaux semblait avoir déclenché une hystérie générale. A travers mes protections j’entendais malgré tout le brouhaha qui grondait autour de nous. Je sentais mon crâne vrombir sous ce son horrible. J’en avais des nausées. Mais taisez-vous bon sang. Gardez-en pour les concerts !

Un maillon du cordon humain de sécurité lâcha prise une seconde… une brèche. Un type surexcité en profita et parvint à s’y faufiler. Mais avant qu’il n’eut le temps de se précipiter sur la manager, deux molosses l’attrapèrent et l’évacuèrent très, très loin de nous. J’en restai coi. Miss Red avait des fans. Je m’en doutais depuis quelques temps, mais je n’avais jamais eu de preuves concrètes. Furtivement, elle se tourna vers moi, je ne pus retenir un sourire amusé malgré son expression mortifiée. Je me penchai vers elle.

« Bienvenue dans notre monde ! lançai-je suffisamment fort qu’elle m’entende. »

Miss Red roula des yeux et me poussa devant elle. Mais à peine eus-je fait difficilement quelques pas dans le couloir que nous frayaient les gardes du corps, que je m’arrêtai brusquement.

Quelqu’un me regardait.

Tout le monde nous regardait ; on ne voyait que nous, forcément… ces regards n’avaient rien de particulièrement intenses. Tout n’était qu’agitation, cris, pleurs, rires… jamais suffisamment calme pour nous fixer longuement avec application. Et pourtant. C’était exactement ce qui se produisait. Je cherchais autour de moi, par-dessus la tête des gens, en vain. Je ne me trompais pourtant pas. Je connaissais cette sensation inexplicable. Par deux fois cela m’était déjà arrivé. Sentir quelque chose m’envelopper complètement et avoir l’impression que quoi que je puisse faire, ce regard pouvait creuser jusque dans mon cœur et y lire comme dans un livre ouvert.

Mais bien que dérangeante, cette sensation n’était pas désagréable. Cela me semblait être un regard protecteur. Couver quelqu’un du regard prenait tout son sens. Je ne souhaitais que d’autant plus trouver qui en était à l’origine. Jusqu’à ce que YunHo m’attrapa par le bras et m’intima d’avancer. Il dit quelques mots.

« J’entends que dalle, YunHo ! »

Je le vis soupirer lourdement tandis qu’il me montrait son propre passeport. D’accord… je sortis le mien et me préparai à passer le contrôle de police tandis que YunHo, dépité mais fidèle à son gage, passa derrière moi, puis derrière la manager. Cet étrange regard invisible me poursuivit jusqu’en salle d’embarquement. Malgré toutes mes tentatives pour le trouver, personne ne semblait en être le responsable.

Dans le couloir d’embarquement, au plus profond de moi, je la sentis sourire.

{Bon courage !}

~°~

Ecœuré, Hayao jeta la télécommande sur le fauteuil non loin de lui. Trois chaines nationales diffusaient en direct la cérémonie de remise de récompense de musiques de film, qui avait lieu à Melbourne cette année. De nombreux invités célèbres de toues les domaines… de la politique à l’opéra en passant par la banque et la musique moderne. Une foule prestigieuse hétéroclite. La ville avait voulu faire les choses en grand pour l’occasion. L’animation comprenait de nombreuses performances gigantesque des artistes les plus en vogue du moment et quelques légendes vivantes.

Il aurait voulu briser l’écran de ses poings lorsque le visage rayonnant du lead vocal de COLORS apparut devant lui. Un visage qu’il avait appris à détester depuis quelques temps. Quelqu’un s’accouda au dossier de son fauteuil.

« Tu tiens vraiment à te torturer toute la nuit ? s’enquit la voix blasé de son collègue et ami. »

Hayao renifla de dédain.

« C’est nous qui aurions dû être à ce festival, pas eux, cracha-t-il.
- Plains-toi au CEO~ »

Le japonais fusilla du regard le jeune homme qui eut un ricanement moqueur. Cependant, TaeHo ne pouvait pas lui en tenir rigueur… deux semaines plus tôt, l’agence avait décidé de changer ses plans pour la saison. STRIKE qui devait revenir sur scène retourna en hiatus et COLORS qui devait profiter de quelques semaines supplémentaires de « repos » pour vaquer à leurs obligations individuelles, prit tout simplement sa place. Soi disant COLORS convenait mieux aux tendances du moment que STRIKE.

« Tu parles… »

Ce qui l’énervait au plus haut point, était de ne pas y avoir été invité. Une place à l’une de ces tables aurait aidé à faire passer la pilule. Niveau influence, STRIKE en avait bien plus que le pâlichon groupe COLORS qui ne parvenait toujours pas à se décider sur un genre musical bien défini. Mais ça semblait plaire.

TaeHo s’empara de la télécommande et zappa quelques secondes. A part trois films X et une pelletée de documentaires somnifères, il n’y avait rien d’intéressant. Tout l’audiovisuel avait misé sur la cérémonie. Il éteignit la télévision.

« Au fait, demain, réunion au siège… discussion en tout genre sur le planning du mois à venir, annonça-t-il.
- Oh génial ! Encore trois heures entendre que JunSu va participer à la bande son de deux drama japonais et ChangMin faire la couverture d’une demi-douzaine de magazines. Rappelle-moi ce qu’ils foutent dans ce groupe ! »

TaeHo s’installa à côté de lui.

« Sais pas. Mais ils sont utiles.
- On aurait du continuer en trio, sans eux, grogna Hayao.
- Et les autres finir en solo, oui je sais… »

Il se redressa et se tourna vers lui, avec un étrange regard.

« Et si, au lieu de ressasser toujours les mêmes plaintes, tu passais à l’action ?
- Quoi ? »

TaeHo sourit.

« YoungIl a une idée qui vaut le coup d’être exploitée. »

ChangMin figea sa main à quelques millimètres de la porte de sa chambre. Il était sur le point d’en sortir, demander à TaeHo et Hayao ce qu’ils voulaient qu’il prenne à l’épicerie de l’autre côté de la rue. Le battant entr’ouvert lui laissait l’occasion d’entendre tout ce qui se passait dans le salon. La chambre qu’il partageait avec JunSu était la pièce la plus proche des deux autres membres. Son cœur se mit à battre à tout rompre, comprenant qu’il espionnait désormais une discussion qu’il aurait mieux valu pour lui ignorer. Ce qu’il entendait le dépassait. Il espérait de tout cœur que ce n’était qu’une plaisanterie idiote comme TaeHo les affectionnait tant. Mais le ton qu’il employait était bien trop éloquent, pour laissait planer une quelconque ambiguïté.

Son monde semblait s’écrouler pour de bon…


#~2~#

[Et le silence se fit. Définitivement.]
« YooChun, gronda YunHo. Tu nous avais parlé d’une fête entre amis… pas d’un remake d’un bal de fin d’année ! »

YooChun eut un regard profondément navré à l’attention de YunHo. Ce dernier jeta un coup d’œil inquiet à la foule bruyante et jacassant qui remplissait le salon.

« Je crois que la petite fête d’EeTeuk a eu un peu trop de succès, laissai-je échapper. »

Harmonie nous décrocha un sourire radieux dont elle seule avait le secret. Lumineux et distrait.

« Au moins, notre départ ne laissera pas trop de vide. »

J’acquiesçai en silence, le regard rivé sur YunHo qui soupira lourdement. Nous n’étions censés rester qu’une petite heure, temps nécessaire et suffisant pour prendre un ou deux verres, féliciter nos trois amis pour leur éclatante réussite, discuter un peu avec tout le monde, avant de repartir précipitamment pour notre ultime répétition.

Le moindre déplacement était chronométré à la seconde près, ne laissant de chance à aucun écart qui nous détournerait des répétitions, représentations, dédicaces…

Et notre présence dans ce salon transformé en discothèque à l’ambiance survoltée, était le pire écart qui nous était donné de faire. Le manager en ferait un arrêt cardiaque s’il venait à l’apprendre.

Ignorant totalement ma présence, Harmonie enroula ses bras autour de celui de YunHo et l’obligea à faire un pas vers la cohue.

« Allez Yunnie, ne fais pas cette tête… un aller et un retour, comme prévu ! Le chemin sera juste plus long à parcourir vu le nombre de fêtards qu’il y a entre EeTeuk et nous… »

L’expression de détresse absolue que YunHo affichait à cet instant provoqua mes rires. Et l’envie de l’asticoter me prit subitement. A l’instar de Harmonie, je m’accrochai à son autre bras.

« Allez Yunnie, insistai-je d’une voix suraiguë. »

Harmonie se renfrogna.

« Hey ! Je n’ai pas la voix si aiguë, protesta-t-elle. »

YooChun éclata de rire.

« Chun ! Tu nous aides ?
- Avec joie… »

Il contourna YunHo et prit appui sur son dos pour le pousser un peu plus vers la fête. YunHo capitula plus vite que d’ordinaire. J’avais appris avec le temps que YunHo était de ces personnes chez qui le stress annihilait toutes formes de résistances pour peu qu’on sut comment s’y prendre.

« Teukie ! cria YooChun. On est là ! »

Une tête blonde hirsute se faufila entre les convives.

Comme nous l’avions décidé plus tôt, nous ne nous attardâmes pas plus que nécessaire. Nous avions une longue et dernière séance de répétitions avant notre première prestation de la saison. Rien de gigantesque. Trois chansons parmi tant d’autres… un groupe parmi tant d’autres… pendant le festival de pop-rock australien qui aurait lieu quelques heures plus tard. A cette heure-ci de l’après-midi, nous avions pleinement conscience que les files d’attente commençaient à gonfler. Et nous étions très loin du parc où se tiendrait l’évènement.

La journée d’été semblait à mille lieues de s’achever. Dans se ciel se mélangeait le bleu phosphorescent de l’azur et le jaune paille des nuages. Nous n’avions pas encore traversé le perron ni mis beaucoup de distance avec l’ambiance festive, que l’on perçut les vibrations impatientes d’un téléphone portable. YunHo sortit le sien d’une poche de son jean et l’ouvrit.

« JiHye… marmonna-t-il après avoir pris connaissance du message que sa jeune sœur lui avait envoyé. Je dois la rappeler… désolé. »

Il s’éloigna rapidement, vers la maison de plus en plus bruyante, avant que je n’aie le temps de lui faire remarquer que l’endroit n’était pas approprié pour un appel téléphonique. Je haussai les épaules. Il était grand, c’était son problème.

Il se passa cinq longues minutes durant lesquelles il nous fut impossible à tous les trois de ne pas parler de notre fin d’après-midi et notre soirée chargées. YunHo finit par revenir, les traits impassibles, mais le regard soucieux, troublé. Que pouvait bien lui avoir raconté sa sœur ?

« Des problèmes ? s’enquit Harmonie. »

S’il lui était impossible d’appréhender visuellement le monde, elle le faisait volontiers en se fiant à son ouïe. Aussi, elle perçut clairement la tension présente dans sa voix lorsqu’il nous demanda de nous remettre en route.

« Je ne sais pas quoi penser… »

Personne ne releva. Personne n’insista. Mieux valait attendre que le festival se termine… quitte à discuter des heures durant, à trois heures du matin. Le soleil poursuivait lentement sa course, peu désireux de disparaître du ciel. Il faisait chaud.

~°~

Les répétitions furent horribles… les conditions l’étaient tout autant. L’éclat lourd du soleil couchant, tombait à l’endroit exact où fut installée la scène. La chaleur était atroce. Il nous tardait de voir la nuit arriver avec sa fraîcheur, même relative, et sa légère brise tiède. L’air serait bien plus respirable sans cette luminosité traîtresse.

L’eau ne suffisait plus à nous désaltérer, encore moins nous rafraîchir. Le liquide translucide et tiède que contenaient nos bouteilles, n’avait plus rien à voir avec de l’eau. Elle était tout simplement impropre à la consommation - bien que parfaitement pure. Un technicien parvint à dénicher une boîte de bonbons mentholés qui se retrouvèrent bien vite déversés sur une table. Tous s’étaient rués dessus et il n’en resta plus qu’un pour moi. Bien que brève, j’accueillis avec bonheur la fraîcheur que procurait la confiserie et pour l’étendre à toute ma gorge, je bus de longs traits de cette eau presque chaude qui devint aussitôt agréablement fraîche.

J’avais les idées un peu plus claires…

YunHo s’était adossé au synthétiseur que YooChun avait abandonné un peu plus tôt, lassé de cette distraction, pour retourner à son propre piano. Il me regardait, inquiet. Et semblait si perdu, noyé dans un monde de pensées qui m’était totalement inconnues. Je haïssais ne pas savoir ni comprendre ce qui le tracassait au point de l’emmener aussi loin de nous. JiHye lui avait manifestement donné matière à réfléchir, mais je ne comprenais pas pourquoi il ne cessait de me fixer.

« JaeJoong ! Salut ! »

Je sursautai et me tournai vers une voix que je n’avais pas entendue depuis des semaines.

« Salut ‘Min ! lui retournai-je. »

YunHo se contenta de le regarder. ChangMin lui adressa un sourire gêné, auquel il répondit par un pincement de lèvres guère encourageant. Perdu à mon tour, je fouillai dans ma mémoire, le souvenir de notre dernière véritable discussion avec ChangMin, qui pourrait expliquer le comportement hostile de YunHo à son égard. En vain. ChangMin m’adressa un dernier sourire, de ceux qui me manquaient atrocement, avant de s’enfuir presque, hélé plutôt brusquement par un membre de son propre groupe.

Qu’est-ce qui ne tournait plus rond sur cette planète ?

Je ne parvenais plus à me souvenir du moment où nos relations avec les autres avaient commencé à se dégrader. A dire vrai, je doutais que cela put arriver un jour. De nous quatre, ce jour-là, seul YunHo semblait se comporter avec plus ou moins d’hostilité envers les autres. Et d’un autre côté j’avais remarqué depuis le début des répétitions que ChangMin essuyait constamment la mauvaise humeur de son propre groupe.

YunHo remarqua à peine ma présence à ses côtés.

« YunHo… appelai-je. »

Il cligna longuement des paupières. Il semblait revenir de si loin, que c’en était inquiétant.

« Jae… ? Qu’est-ce qu’il y a ? Tu veux qu’on retente une répèt’ ? »

Je le voyais prêt à reprendre son instrument et enchaîner sur un titre, n’importe lequel, comme si son absence n’avait jamais eu lieu.

« Reste tranquille ! intimai-je. C’est moi qui dis ça mais… on a suffisamment répété pour un mois entier ! »

Je me rendis enfin compte de l’obscurité qui envahissait peu à peu le ciel. C’était un réel soulagement. La chaleur avait le don de me faire perdre un peu mes repères.

« Il y a quelque chose qui te remue, YunHo. »

Il poussa un profond soupir… désespéré.

« J’ai peur qu’on essaye de s’en prendre à vous… »

Je fronçai les sourcils. A quel genre de menaces faisait-il allusion ? Et quelles pouvaient en être les motivations ?

Il ne fallait pas être un génie pour avancer les plus évidentes réponses. Notre quatuor avait du succès… un succès fou, il fallait avouer. Un autre groupe tentait de se frayer un chemin dans notre sillage… et y parvenait avec difficulté. Nous obnubilions le marché, bien que notre musique n’eut rien de révolutionnaire dans le genre. Il était aisé alors d’en connaître la raison.

Si j’avais intégré un autre groupe, celui-ci aurait la place que nous occupions. Bien que je trouvais la réflexion un peu extrême, je devais me rendre à l’évidence que j’étais celui qui faisait la différence. Sans ma voix, jamais nous n’aurions atteint un tel niveau. Et ce que beaucoup ignoraient : je n’étais pas né avec.

Je n’avais ébahi personne, enfant, par une voix cristalline et pure d’enfant de chœur. Du tout. Je me contentais d’écouter, rageur de ne pas être capable de maintenir stable, une misérable note, plus de trois secondes. Je dus apprendre à chanter. Échauffer, entraîner, mettre à l’épreuve ma voix, comme on le ferait avec ses muscles en pratiquant un sport.

YunHo continuait de me fixer avec inquiétude.

« YunHo, arrête… je vais finir aussi parano que toi, raillai-je. »

Ma plaisanterie - mauvaise à souhait - le ramena sur terre. Je préférai ne pas m’étendre dans mes propres pensées, échos de celles qui hantaient l’esprit de YunHo.

« Désolé, souffla-t-il. J’ai… de drôles d’idées, parfois. »

Son bras se posa sur mon épaule, dans un geste qui se voulait désinvolte. Cependant, je sentais sa main crispée comme jamais.

« Je crois que je vais prendre une douche… glacée, lança-t-il après un silence. »

Il nous restait à peine plus d’une heure pour nous préparer. Nous avions tous besoin d’un jet d’eau polaire pour nous ressaisir.

« On a tout juste le temps de s’asperger et de se changer, ajouta-t-il en consultant sa montre. »

YooChun dut chuchoter un commentaire osé à l’attention seule d'Harmonie, car elle eut une exclamation outrée, mais amusée.

« YooChun !!
- Bah quoi ? Ça ira plus vite, non ? »

Harmonie leva aux cieux ses yeux pâles, un rictus désespéré sur les lèvres, et secoua la tête.

« Toi alors… soupira-t-elle.
- Quoi donc ? s’enquit YunHo. »

Il connaissait YooChun depuis suffisamment longtemps pour imaginer ce qu’il avait pu dire… seulement je connaissais YunHo suffisamment pour le savoir très curieux.

« Il propose une douche collective. »

YooChun eut un grand sourire, très fier de lui. Je soupirai. Il fallait s’attendre à cette proposition.

« … pervers, marmonna YunHo. Comment tu fais pour vivre avec lui ? »

Harmonie alla lui répondre, mais YooChun chuchota de nouveau à son oreille. Son expression désespérée changea radicalement. Je poussai alors YunHo vers les coulisses.

« C’est justement ça le truc : elle vit avec, expliquai-je. »

~°~

L’heure suivante, nous étions fin prêt et rafraîchis, mais pas en meilleure forme… l’angoisse et le stress s’avéraient dévastateurs pour chacun d’entre nous. Dans la tiédeur de la soirée, Harmonie semblait sur le point de succomber à un hiver particulièrement glacial, malgré les efforts que YooChun déployait à réchauffer ses mains en les frottant entre les siennes. Lui-même paraissait malade sous le léger maquillage réglementaire.

« Je ne sais pas ce qui me retient de détaler à toute vitesse, marmonna-t-il. »

Je devinais qu’il avait le cœur au bord des lèvres.

« Les quelques huit mille spectateurs de l’autre côté du rideau, peut-être ? railla nerveusement Harmonie. »

YooChun grogna.

« Redis moi un truc du même genre et tu peux dire adieu à ton radiateur humain…
- … c’était même pas drôle… »

Malgré les années, je m’étonnais toujours de ce côté émotif de Harmonie qui présentait à tout moment un calme olympien. Elle était gelée, la mine pâle, les mains marbrées, les doigts presque violets, figée par une angoisse aussi insupportable qu’irrépressible.

J’étais dans le même état, bien que loin de la tétanie et de la baisse de tension dont elle était sujette. Mon estomac se retournait sans cesse, m’obligeant parfois à me plier pour mieux respirer et étouffer une crampe intempestive.

« Où est YunHo ? s’enquit Harmonie. »

Je haussai les épaules en soupirant.

« Si je ne te connaissais pas, Jae, je dirais que tu n’es pas très loin de rendre tes tripes.
- Charmant… souffla Harmonie.
- A ta façon de parler je dirais que t’es pas loin de faire pareil avec les tiennes, rétorquai-je. »

YooChun ricana nerveusement avant d’être interpellé par Harmonie qui sentait ses doigts devenir des glaçons.

« Qui se dévoue pour aller chercher YunHo ? demanda-t-elle.
- Je pensais que tu avais besoin de moi ? »

Elle roula des yeux… comme si YooChun n’avait pas compris le sens caché de sa question…! Je souris.

« J’y vais…
- N’oublie pas de parler ! Par.Ler. Tu es carrément muet… »

Sa phrase se perdit derrière moi tandis que je me détournai et pris une direction au hasard. YunHo s’était une fois de plus isolé avec son téléphone portable, en conversation avec sa sœur. Mon cheminement de pensées fut horrible, j’en vins à passer de la fête à sa sœur, du téléphone aux craintes de YunHo et de son attitude étrange avec ChangMin… une crampe à l’estomac me cloua sur place. Plié en deux, je tentai de retrouver une respiration normale.

« … stupide festival d’été… stupide contrat… stupide stress… »

Deux bras puissants s’enroulèrent autour de ma taille, me soutenant alors que j’étais encore plié par la crampe.

« Ça va ? s’enquit la voix soucieuse de YunHo.
- … et stupide toi de te cacher à dix minutes du live, terminai-je de marmonner. »

Je n’eus guère besoin de me retourner pour voir la mine contrite de YunHo.

« Je suis navré… mais c’était vraiment urgent.
- Si tu le dis. »

Je me relevai, à peine plus tranquille à présent que YunHo ne manquait plus à l’appel. Il ne restait plus qu’un fond douloureux supportable, ajouté aux étranges acrobaties auxquelles mon estomac s’adonnait avec allégresse. Ma réaction au stress restait inchangée avec les ans, et je m’étonnais encore que je pus à chaque fois chanter aussi facilement que s’il n’y avait jamais eu de parc entièrement occupé de spectateurs.

« Il faut se bouger, soufflai-je. »

YunHo me tenait toujours contre lui. Il posa sa tête sur mon épaule.

« Je sais…
- Explique-moi encore pourquoi on doit assurer l’ouverture du Festival… ? »

Il fit mine de réfléchir intensément.

« Hum… parce qu’on est les meilleurs ? proposa-t-il sur le ton de l’évidence absolue.
- Tes chevilles, YunHo… tes chevilles… »

Il eut un rire léger. Son étreinte se resserra.

« Non, c’est toi le meilleur.
- Tais-toi… »

Il n’y avait pas plus ridicule *compliment* que celui-ci. Me dire cela, à cinq minutes de l’ouverture… un instant !

« YunHo ?
- Hum… oui ?
- Tu crois qu’il faut commencer à paniquer ?
- Pourquoi ?
- Parce qu’il nous reste cinq minutes. »

YunHo me relâcha brusquement, comme électrocuté, tout à coup très pâle, aussi raide qu’un piquet. J’étais rassuré de constater qu’il n’avait pas oublié que nous avions une ouverture de festival à assurer.

« Faut qu’on y aille… »

J’acquiesçai, puis me sentis brusquement mal au son des cris et applaudissements qui retentirent lorsque les premières notes de l’introduction s’élevèrent. Plus le film diffusé avançait, plus le bruit s’intensifiait. Horrible.

Par-dessus l’épaule de YunHo, j’eus tout juste le temps d’apercevoir JunSu courir plus loin dans les coulisses, le visage fermé, les poings serrés. Je fermai les yeux.

Ne plus se remémorer l’après-midi. Ne plus songer à ce qui s’était passé.

YunHo m’attira vers la scène, m’attrapant le bras. Devant les marches qui y conduisaient, nous trouvâmes YooChun qui avait retrouvé un semblant de couleur, s’échauffant doucement les doigts, et Harmonie serrant son violon contre elle comme si elle voulait l’intégrer à son corps. Cette pensée me fit sourire. Ce violon était déjà une partie d’elle-même… une extension de son corps et de son âme.

~°~

Le son était bon, presque parfait. Tous les instruments se faisaient entendre distinctement sans créer de cacophonie, nos voix de même. Pourtant, durant ces quinze minutes de live, quelque chose n’allait décidément pas… heureusement, imperceptible pour les autres. Ma voix avait un véritable problème. D’ordinaire, je n’avais pas à la forcer, sinon très peu.

Je compris que j’étais sûrement tombé malade lorsque ma vue se brouilla aux dernières secondes de la chanson. Je n’avais plus à chanter, j’en étais soulagé. Avec le flou que je voyais, s’ajouta la sensation horrible que le monde basculait d’avant en arrière. J’espérai de tout cœur que mon visage ne trahissait rien de ce que je ressentais à cet instant… il y avait peu de risques. La note traînante et vibrante du violon clôtura définitivement notre partie. Un son qui aurait arraché une larme à plus d’un. Et lorsque la note s’évanouit, un grondement lui succéda, accentuant mon malaise.

Je tournai la tête vers le reste du groupe, sans parvenir à distinguer leurs traits. J’étais comme devenu myope en quelques secondes. Je me sentais atrocement mal. Même la discrète oreillette m’était insupportable. Je l’arrachai presque de mon oreille.

Un bras se posa sur mes épaules. YunHo me serra contre lui. Son rire forcé résonna dans mon crâne. Il avait compris que j’étais mal… il me soutenait discrètement. J’essayai de ne pas laisser paraître la poupée de chiffon que j’étais dans ses bras. Je passai le mien sur son épaule, donnant le change, et je risquai un sourire que j’espérai convainquant.

Je sentais qu’il me traînait plus vers les coulisses qu’il ne me guidait. Je me moquais éperdument de ce que l’on remarquerait… ma seule préoccupation était de ne pas m’évanouir sur scène. Le reste m’importait peu. Ce ne serait pas la première fois que l’on jaserait à mon sujet, notre sujet. A cet instant, le monde ne se résumait qu’aux lumières floues qui dansaient devant mes yeux, et YunHo qui me soutenait comme un pilier supporterait une bâtisse chancelante.

YunHo cessa de marcher. Il faisait sombre, nous étions derrière les rideaux et, déjà, un autre groupe entamait sa partie. Dans le brouhaha environnant je parvins à distinguer la voix reconnaissable entre mille de JunSu. Cette fois, je souris sans me forcer.

« Jae… »

Je chancelai brusquement.

« Je ne suis pas bien… murmurai-je.
- Sans blague, grogna YunHo. »

J’entendis vaguement Harmonie suggérer que j’avais peut-être une angine, ma voix lui ayant parue voilée. Je me mis à rire… si une personne pouvait entendre ce qui était imperceptible aux autres, c’était bien notre violoniste.

« Ce n’est pas drôle JaeJoong, sermonna YunHo. »

Je ne pus répondre. Mon rire s’étrangla dans ma gorge, et je toussai, toussai, toussai… à n’en plus finir. Le flou environnant se mua en obscurité étouffante. Je me sentis vaguement sur les genoux, une main crispée sur ma gorge en feu. Ma bouche me paraissait remplie d’un liquide épais et chaud, et envahie par un fort goût métallique. Je tentais de le recracher pour ne pas m’étouffer plus que je ne l’étais.

Quelqu’un cria… ou peut-être plusieurs personnes. Je ne savais plus. Ma tête était une simple caisse à résonance qui amplifiait, décuplait le moindre son. Je ne souhaitais qu’une chose : perdre conscience et ne plus avoir à supporter ce bruit infernal. J’entendis pourtant assez distinctement les voix auxquelles j’étais habitué depuis des années.

Les cris inquiets et désespérés de Harmonie demandant qu’on lui explique ce que ses yeux ne pouvaient voir. La voix étranglée de YooChun qui tentait de la calmer, en vain. YunHo hurlant qu’on appela les secours.

Je glissai au sol, toussant toujours, recrachant ce que j’avais compris être du sang. Les bras de YunHo ne suffisaient plus à me retenir de tomber. Une nouvelle paire de bras me rattrapa avant que ma tête ne cogne le sol.

Tous les sons m’étaient déformés, le monde s’était finalement entièrement transformé. Je voulais partir, le plus vite possible, retrouver un silence absolu. Mon corps me fut soudain plus lourd que jamais, cloué fermement au sol. Je n’avais plus aucune force, ni de volonté pour tenter de rester en surface alors que je sombrais un peu plus chaque seconde.

Et le silence se fit.

Définitivement.

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