Hypnosis - 「PROLOGUE」

Dec 29, 2012 01:42


HYPNOSIS

「PROLOGUE」

[« Hypnotise-les [...] Ils n’auront jamais rien entendu de tel »]
J'avais toujours eu le trac, auparavant - cette sourde angoisse acide et brûlante qui me rongeait les viscères - juste avant de poser le pied sur la première marche conduisant à la scène. Cependant que j'effleurais cette marche, ni peur ni aucun doute ne subsistait en moi. Les dés étaient lancés, irréversiblement. Alea Jacta Est aurait solennellement déclaré Harmonie, avec son subtil sourire railleur. J'oubliais tout, et ne me concentrais plus que sur une seule chose. Ce but qui animait ma vie, me motivait sans faillir, et dictait pratiquement chacun de mes pas. Transmettre aux autres, à mon entourage, au monde, ce que j'ai toujours été incapable de formuler par de simples mots que d'autres lancent à la cantonade. C'était ainsi. Je n'étais pas doué pour exprimer mes véritables sentiments.

On ne se trompait pas seulement sur mes intentions, mais aussi sur ma nature même. Afin d'éviter les méprises, il fallait constamment des preuves. J'y étais habitué. Pour les autres, j'étais ambigu par bien des aspects. Je n'y pouvais grand-chose, malheureusement. Seule ma voix était authentique, immuable… universelle, si l’on ne craignait pas les grands mots.

Durant des années, je me moquais bien de ce que l’on pouvait dire de ma voix. A l’époque, je n’avais trouvé en elle qu’une bouée de sauvetage inattendue. Après des mois de travail et de souffrance, le résultat dépassait mes espoirs les plus osés. Malgré le succès évident de cet entraînement, je restais délibérément sourd et aveugle à l’émerveillement que ma voix pouvait inspirer. En mon fort intérieur, je ne trouvais rien de merveilleux à ne posséder que ma voix et n’être plus rien si je m’en retrouvais dépossédé.

Puis ma voix changeât du tout au tout. On m’ouvrit les yeux sur ce que je détenais et que j’avais perdu… remplacé par quelque chose de plus fort et plus puissant que tout ce qu’il avait été donné de voir et d’entendre à l’humanité. Pauvre humanité. Je pus mesurer les dommages que cette puissance nouvelle pouvait infliger… et je pris peur. Un bien faible mot, car j’étais terrorisé par cette force, cette influence qui était désormais mienne.

Par la suite, ce n’était plus le trac qui me tenaillait l’estomac et les intestins, les quelques secondes qui précédaient mon entrée, ces rares soirées où j’osais accepter de participer… mais une peur irraisonnée qui retournait tout mon être. Elle occultait alors de mon esprit tout ce qui m’entourait… les techniciens, la salle bourdonnante de cris et d’autres sons moins identifiables, mon entourage immédiat, et mon propre corps. Je n’étais plus qu’une forme diffuse, enroulée autour d’un point dans lequel se concentrait une force inimaginable qui ne demandait qu’à se libérer et instaurer son règne absolu.

A présent, cette terreur avait cédé sa place à une résignation craintive. Plus rien ne serait comme avant - il était naïf et totalement stupide de croire le contraire - mais le pire était désormais derrière moi. Car il me fallut tout réapprendre… cohabiter, accepter, vivre avec cette voix mutée contre ma volonté et qui échappait à tout contrôle. Le résultat n’était pas décevant, au contraire, selon les dires de ma bonne étoile. Mais la peur, l’authentique terreur que je m’inspirais, subsistait, tapie au plus profond.

L’habitude serait plus forte, m’avait-on assuré.

J’inspirais profondément. L’idée me parut aussitôt très mauvaise. L’air surchargé d’humidité et de relents de fumées, me souleva le cœur. Je dus pâlir bien plus que je ne l’étais car je perçus un petit rire indulgent aux inévitables intonations moqueuses, tout près des rideaux, à ma droite. Du coin de l’œil, je vis cette bonne étoile inespérée, arranger son oreillette avant de s’approcher de moi.

Malgré l’absence relative d’angoisse, j’en ressentais la plupart des effets… à ceci près que mes sens n’étaient plus inhibés mais étrangement aiguisés. Aux aguets, à l’affût, attentif au moindre détail, au plus infime grain de sable qui se coincerait dans l’engrenage gigantesque et provoquerait sa destruction. Le désastre tant redouté. J’en eus des sueurs froides, et frissonnai.

« Calme-toi mon grand… on dirait que tu t’en vas en territoire ennemi, souffla-t-on. »

Ma bonne étoile qui, pour cette soirée s’était revêtue de traits féminins parfaitement lisses bien que indéniablement mûrs, s’affairait à placer et dissimuler ma propre oreillette. Je voulus lui rétorquer que la situation se rapprochait admirablement bien de sa comparaison, mais je n’en eus jamais l’occasion.

« Tu as tes amis de l’autre côté de l’escalier. Penses-y ! »

Voilà qui était sensé me rassurer…

« Des victimes potentielles supplémentaires, rétorquai-je amèrement. »

Elle eut un claquement de langue agacé.

« Tu es stupide. Tous ces mois d’entraînement et de progrès n’étaient donc qu’une mascarade ? »

Je secouai la tête.

« Bien, alors rejoins-les et montre à tout le monde que tu es de retour, pour de bon. Moi… je t’attends.
- Tu disparaîtras, rectifiai-je.
- Je t’attendrai quand même. »

Les doigts fins qu’elle avait ce soir-là serrèrent mon épaule dans un geste rassurant. Il était étrange de ne pouvoir ressentir cette vieille panique dévorante tout en faisant les frais de cette émotivité extrême, alors que j’avais bien plus de raisons de m’inquiéter qu’auparavant. Une partie de moi devait encore être sujette au stress pour réagir de la sorte.

La pression rassurante sur mon épaule disparut, y laissant tout de même un souvenir fantomatique, cependant chaleureux.

D’autres occasions succèderaient à celle-ci, comme beaucoup l’avaient précédée. Je ne pouvais m’y soustraire. Je ne pouvais décemment refuser ce qui était désormais mien. Car ce que j’avais considéré, réaction classique, comme la plus horrible des anomalies, beaucoup la voyaient comme un cadeau des plus inestimables. Un présent que l’on se disputait, qui déchirait des clans entiers, brisait les liens les plus solides… qui poussait les plus désireux, envieux, à tuer, toute raison envolée.

Et ainsi que ma bonne étoile ne cessait de me le répéter, j’avais une chance peu commune de ne pas encore être l’objet de la convoitise des plus dangereux. Singulièrement, je ne parvenais pas à m’effrayer à la perspective que la chasse commencerait sans doute sous peu. Un coin de mon esprit s’enorgueillissait d’être capable de donner le change, aussi inexpérimenté que je l’étais.

« Hypnotise-les, JaeJoong, me souffla-t-elle. Ils n’auront jamais rien entendu de tel. »

La pointe de la chaussure au contact de la première marche, et ma résignation, les quelques doutes que je pouvais encore avoir à cet instant, l’ombre de la crainte cachée dans les profondeurs, de même que le trouble qui me retournait de l’intérieur, s’annihilèrent.

Une profonde mais prudente inspiration - l’air était toujours aussi pollué d’humidité et d’odeurs âcres - et je gravis les quelques marches recouvertes de lino noir et luisant.

Hypnotise-les.

Rien de plus simple.

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