Artiste= Miss Device
Titre de l'oeuvre= Souvenirs
Fandom= Carnivale
Rating= R/NC-17
Genre= yaoi
Nombre de mots= 1961 (4 pages word)
Une commande de=
la_halfeline Commentaires= Voila, j'espère que ça t'ira Half. Et encore désolée pour le retard (me suis fait surprendre par mes partiels)
Quand l'Incroyable Homme du Monde Miniscule Samson avait rejoint la troupe du Carnivale en tant que gérant, celle-ci était déjà en bien mauvais état. Les personnes dont les particularités physiques étaient suffisamment rares, impressionnantes et authentiques pour leur laisser espérer de bonnes chances d'embauche avaient quitté la troupe, et les rares parmi ceux qui restaient à être capable de présenter un numéro potable ne pouvaient le faire en raison de l'état lamentable du peu de matériel subsistant.
Elle était, de l'avis du nain, des plus sinistre.
Il ne donnait pas longtemps aux propriétaires pour s'en débarrasser à moindre frais -un incendie peut-être- et ne voyait son travail ici que comme une activité passagère destinée à faire durer ses quelques économies un peu plus longtemps.
Et puis, un jour, une roulotte se présenta. Conduite par un aveugle qui, selon ses dires, avait été montreur d'ours, elle abritait en ses tréfonds un être doté d'une voix envoûtante et crispante, au fort accent russe, qui demanda à discuter avec les responsables du rachat de la troupe.
Les deux hommes restèrent dans la roulotte une bonne partie de la journée, s'entretenant avec la voix, puis finirent par ressortir, le soir venu, l'air d'espérer pouvoir saisir cette chance inattendue.
Samson hésita un peu mais finit par toquer à la porte, demandant s'il pouvait avoir un entretien avec le nouveau venu. Sur la demande de celui qui était apparemment son chef, l'aveugle le fit entrer avant de lui-même sortir pour les laisser seuls.
« Que voulez-vous ? Et à qui ais-je l'honneur ?
- Bonjour... Monsieur. Je m'appelle Samson, je travaille ici. A vrai dire, je suis juste assez curieux de savoir, pourquoi diable quiconque voudrait acheter ce tas de débris et de poussière qu'est Carnivàle.
- Tas de poussière et de débris, vraiment ? Ces messieurs m'ont pourtant assuré de la valeur du bien qu'ils se disposaient à me vendre.
- Eh bien je suppose en effet que si vous ne pouvez mettre un pied en dehors de cet endroit et que vous comptez sur un aveugle pour vous décrire les alentours...
- Et que pouvez-vous me dire, vous, sur cet endroit ?
- Oh et bien, tout les gens un tant soit peu doués de talent sont partis, laissant des ruines et des incapables, ainsi que de pauvres bougres qui ne peuvent faire leur numéro faute de matériel.
- Et vous, Monsieur Samson, dans quelle catégorie vous classez-vous ?
- Oh moi, je ne suis que de passage ici en attendant de rencontrer une meilleure opportunité sur la route.
- Et connaissez-vous bien le monde des foires ambulantes ?
- Un peu oui, j'y ai passé presque toute ma vie.
La voix émit un bruit de gorge songeur, qui ne fut suivit que par un long silence. Samson commençait à s'agiter et a devenir nerveux, s'apprêtant à dire quelque chose, mais il fut précédé par le russe, qui siffla : « Regardez moi.
- Pardon ?
- Soulagez votre curiosité. C'est bien pour cela que vous êtes venu, non ? Alors approchez-vous, écartez le rideau et regardez moi. »
Le ton avait un quelque chose d'indéfinissable qui faisait craindre le pire quant à l'apparence du possesseur de la voix. Samson n'hésita pas un instant. C'était en effet bien pour cela qu'il était venu, et ayant grandit au milieu de freaks en tout genre - en étant un lui même - il n'avait pas peur de ce qu'il pourrait voir.
Il s'avança donc, écarta le lourd drap rouge, contempla le corps mutilé qui s'offrait à sa vue. Le détailla quelques instant, impassible, puis planta son regard droit dans les yeux de l'ancien soldat, sans ciller.
« Vous pensez que le Carnivàle peut se redresser de cette désastreuse situation, monsieur Samson ?
- Avec un peu de temps, de moyen et avec les bonnes personnes pour le faire, oui.
- M'y aiderez-vous ?
- Oui.
Un mois après, Samson était fatigué, mais sacrément satisfait du travail accomplis. La compagnie avait reprit sa route, recrutant au passage quelques éléments intéressants. Des hommes compétents pour assurer les travaux physiques absolument nécessaires -plus qu'on ne pourrait le croire à première vue, ne pensant qu'aux artistes, alors que sans des gens capables de monter les chapiteaux, maintenir les véhicules en état de marche ainsi que toutes ces choses ordinaires et indispensables, rien ne fonctionnerait- avaient été embauchés. Notamment un vieil homme sec comme du bois mort, qui faisait tourner une grande roue, accompagné de son apprenti, un grand type dur à la tache et consciencieux.
Quelques femmes, également. Une charmeuse de serpents des plus charmantes -et Samson s'y connaissait en la matière !- dont le fils était un musclor des plus satisfaisant, ainsi qu'une véritable femme à barbe, qui avait bien vite succombé au charme de l'aveugle télépathe.
Bien sûr, ça n'était pas parfait, il manquait des choses. Du sexe en premier lieu, bien entendu. Le numéro de Ruthie avait beau déborder de sensualité, ça ne suffisait pas. Il fallait quelque chose de cru, de pornographique. C'était ça, leur boulot à eux, les freaks et les forains. Apporter aux péquenots l'étrange, l'inhabituel, le piment qui manquait à leur vie et, en l'occurrence, ce qu'ils ne pouvaient trouver dans la société bien pensante et moraliste de leur quotidien.
De la chatte et des nibards.
C'était de ça qu'il entretenait le management, en cette soirée de mai, où la brise, en plus d'être douce était même un peu parfumé de lilas.
Son supérieur, et désormais ami, lui répondit sur un ton amusé. « Je vous laisse vous occupez de ça. Je sais que vous êtes très doué pour sélectionner nos collaborateurs. Et que votre expertise en matière de charmes féminins est sans pareil. »
Le nain eut un léger sourire, se leva et s'avança vers le lourd rideau de drap rouge, l'ouvrant pour s'assoire à coté de son patron. « J'ai en effet une vaste expertise tant esthétique que technique, et je n'ai jamais eu que d'excellents retours quant à mes prestations. »
« C'est en effet ce que j'ai entendu. Votre réputation n'est plus à faire, et m'est parvenue jusque dans ma réclusion. »
Ils échangèrent un sourire ironique, deux monstres au physique abjecte parlant de sexe, au delà de tout les tabous que l'esprit humain, si tordu, avait pu inventer, et le plus petit entrepris la tâche, éprouvante pour l'autre, de la toilette.
C'était un moment intense, presque religieux, que la toilette de Lucius Belyakov. Cet instant était irréel, magique. Le morceau de drap humide passant sur le corps meurtri, l'effleurant à peine, doux, délicieusement frais dans la chaleur oppressante de cette veille d'orage, faisait beaucoup de bien à l'ancien soldat.
De fait, depuis l'accident qui l'avait mutilé, il n'avait pas vraiment eu de contact physique et celui-là... prouvait à Samson que son patron n'était pas amputé de tous ses membres...
La première fois, ça avait été pour le moins... inédit dans leur relation. Mais cela ne l'avait pas gêné. Il comprenait ce que Lucius pouvait ressentir. Et le fait qu'ils soient tout les deux des hommes n'était bien sûr pas un point pertinent dans le monde des freaks et des bêtes de foire. Alors Samson fit la chose la plus raisonnable qu'il pouvait faire. Il procura un plaisir physique, sexuel, à Lucius. Il le fit bien - il était doué pour ça, comme pouvaient le confirmer un certains nombre de dames à travers le pays qui s'étaient, au cours de leurs vies, retrouvées suffisamment en besoin d'argent pour surmonter la répulsion qu'engendrait de prime abord son apparence - et y pris lui même du plaisir.
Parce que les bruits émis par son patron, le plaisir qu'il se sentait offrir à cet homme exceptionnel était profondément gratifiant et bon.
Alors, cela été devenu une habitude entre eux. Un moment de joie et d'apaisement. Là, entre les quatre murs en bois de la roulotte du Grand Patron, Samson s'était crée des souvenirs parmi les meilleurs de sa vie.
Puis, brusquement, aussi subitement que le malheur, tout cela avait pris fin.
Il avait éprouvé de la jalousie envers Ben Hawkins dès l'instant où Lucius lui avait ordonné de l'engager. L'intérêt vif, brûlant qu'il avait senti émaner du russe pour ce gamin sale et grossier avait fait naître une rivalité dont le texan n'avait jamais prit conscience. Mais ça n'était pas tout. Dès le départ, Samson s'était méfié de lui, comme si un étrange sixième sens de forain lui avait confié que cette rencontre était le début de la fin.
Pourtant, pendant si longtemps, ça c'était si bien passé. La vie était rude, bien sûr, et le confort dans la caravane bien souvent rien d'autre qu'une vue de l'esprit.
Mais leur petite entreprise avait plutôt bien réussi, les recrutements s'étaient déroulés sans problèmes, comme la démonstration, peu de temps après la discussion qui s'était finie par une modification de leurs habitudes de toilette, du spectacle d'effeuillage de Rita Sue. Il devait bien admettre que cette fille avait de la classe, surtout pour quelqu'un exerçant sa profession. Et oui, il savait de quoi il parlait. Quant au mari c'était un bon forain, sans aucune moralité et suffisamment obsédé par l'argent pour être aisément contrôlable. Les gamines elles étaient adorables, et encore innocentes, ce qui n'allait bien sûr pas durer.
Sortant d'une séance privée qui l'avait convaincu d'engager la dame, il se rendit dans la caravane du Patron pour lui faire son rapport, le sourire aux lèvres. Chose qui ne fut pas pour briser sa bonne humeur, la voix qui l'accueillit était amusée.
« Je déduis à votre allure que votre stripteaseuse a su se montrer douée. »
Samson ne se démonta absolument pas. Il ne ressentait aucune gêne mais plutôt une certaine impatience à l'idée des possibles développements rendus possible par son propre état présent et l'humeur de Lucius.
Oui, ça avait vraiment été de bonnes années. Et puis la Crise était arrivé, avec sa cohorte de malheurs et de restrictions. Le russe s'était renfermé sur lui même, murmurant des choses à propos de l'arrivée du Mal. Peu de temps auparavant, la petite Sophie et sa mère les avaient rejoint, avec leur numéro de bonne aventure.
Lucius était agité et nerveux, parlant d'un certain Scudder qu'il fallait tuer, et Samson était à la fois inquiet et peiné. Sa tristesse venait d'un sentiment de rejet, l'impression que lui, et ce qu'il y avait eu entre eux, ne comptait plus pour celui qu'il considérait depuis longtemps comme son ami.
L'arrivée de Ben Hawkins n'avait, finalement, été qu'une confirmation, une apothéose de la dégradation de la situation. Le Grand Patron s'était définitivement éloigné et, durant les derniers mois, il n'y avait plus rien eu entre eux. Lodz, son rival de toujours, était lui remonté dans les bonnes grâces de leur chef. Même après sa mort, le lien brisé n'avait pas été vraiment réparé.
Jusqu'à ce qu'un soir, terriblement agité, cherchant du réconfort pour calmer un peu les craintes et appréhensions qui semblaient le dévorer, il fasse, presque timidement, venir Samson.
Ça avait été une bonne nuit. Avec, en fait, de la tendresse, de la complicité et aucune crainte du lendemain.
Vingt-quatre heures après, Lucius était mort.
Samson regardait la poussière voler au dessus du sol aride, les bruits pourtant proches et habituellement assourdissants de la caravane étaient assourdis par le coton doucereux et un peu écœurant de la nostalgie. Ça lui arrivait parfois. Devoir travailler avec Ben, le voir prendre la place de Lucius peu à peu, et ne pouvoir s'empêcher, parfois, de l'estimer, de voir les ressemblances avec son grand et défunt patron.
Il soupira, puis se retourna vers sa caravane, houspillant les uns et encourageant d'un ton moqueur les autres. Il avait du travail. Le temps des regrets et des souvenirs heureux serait pour plus tard.