Artiste :
lilou_blackTitre de l'œuvre : Pardon impossible
Rating : PG
Genre : Général
Nombre de mots : 1010
Une commande de :
archea2 sur le prompt : "pardon"
Le petit sourire mystérieux qu’abordait Pheasant ce matin-là à la table du petit-déjeuner ne trompa pas Mrs. Whiteoak. La vieille dame n’avait pas vécu cent ans, traversé la terre et eu quatre enfants pour rien : elle savait ce que signifiait cet air secret. La petite était enceinte. Il était évident qu’elle l’avait dit à son mari puisque Piers paraissait de fort belle humeur, riant des bêtises enfantines du petit Wakefield, mangeant comme quatre et buvant tasse sur tasse de thé brûlant. La vieille Adeline était ravie de son sens de l’observation puisque personne d’autre ne semblait avoir remarqué quoi que ce soit. Les autres membres de la famille se comportaient tous comme d’habitude.
Piers attendit un moment de calme autour de la table pour annoncer la nouvelle. Il espérait que la grossesse de sa femme serait bien acceptée par la famille après tout ce qui s’était passé. Bien que beaucoup de choses aient changé - et en mieux - ces derniers mois, il n’en restait pas moins que Pheasant n’était pas n’importe qui et que ses erreurs passées resteraient dans les annales de la famille, et ce bien que lui-même ait fini par lui pardonner. Il s’éclaircit la gorge et annonça :
- Écoutez-moi tous. Je dois vous dire quelque chose.
Le silence se fit dans l’immense salle à manger mais cela ne dura pas : Wakefield fit tomber sa fourchette sur le tapis et Finch lui donna une claque derrière la tête. Le benjamin des Whiteoak se mit à crier, la grand-mère se fâcha contre ces jeunes malappris qu’il faudrait calmer à coups de canne et Renny eut bien du mal à faire taire les uns et les autres :
- Ça suffit ! cria-t-il. Finch, laisse ton frère. Wake, ramasse ta fourchette et tiens-toi correctement. Et que quelqu’un redonne une part de pudding à Gran ! Piers, nous t’écoutons.
Tous les regards se tournèrent vers le jeune homme qui rougit légèrement. Il jeta un regard à Pheasant dont le petit sourire avant disparu : elle se tenait tassée sur sa chaise. Ne trouvant aucun encouragement à la vue de sa femme, il prit une profonde inspiration et annonça :
- Pheasant est enceinte.
Wakefield accueillit la bonne nouvelle en applaudissant à tout rompre, ce qui lui valut un regard désapprobateur des deux vieux oncles. Finch sourit bêtement d’une oreille à l’autre et la vieille Adeline essuya les miettes de pudding sur son menton avant de sourire à son tour de toutes ses fausses dents :
- J’en étais sûre, dit-elle d’un ton satisfait. Cela mérite que je mette mon plus beau bonnet, celui avec des rubans mauves. Que quelqu’un aille me chercher mon bonnet ! Et que quelqu’un m’embrasse ! Vite !
Le jeune couple fut à la fois heureux et soulagé que la famille accepte si bien la perspective de cette naissance. Piers se leva et alla déposer un baiser sonore sur la joue de sa grand-mère qui soupira bruyamment d’aise. Les félicitations fusèrent de toute part et Pheasant remercia les uns et les autres en rougissant. Peut-être qu’enfin, ses fautes étaient oubliées.
Renny était content. L’arrivée prochaine d’un nouveau membre de la famille était une excellente nouvelle pour le maître de maison qu’il était, même si cela représentait à plus ou moins long terme des dépenses supplémentaires et une bouche de plus à nourrir. Il espéra que Gran, qui avait tout de même cent ans passés, vivrait assez longtemps pour voir son premier arrière-petit-fils. Ce qui le réjouissait le plus cependant, c’était que la vie de couple de Piers et Phesant avait pris un nouveau départ à titre définitif. La courte liaison qu’avait entretenue la jeune femme avec Eden appartenait au passé pour de bon, même s’il était évident que Piers ne pardonnerait pas de sitôt à son frère aîné, qui de toute façon s’était évanoui dans la nature. Dommage.
Le maître de Jalna eut l’occasion de féliciter personnellement son jeune frère lorsqu’il le croisa à l’écurie. Piers fut ravi d’avoir l’approbation du chef de famille.
- C’est une bonne chose, affirma Renny, que tu aies un enfant. Cela renforcera tes liens avec ta femme et c’est la preuve que tu lui as pardonné.
L’air ravi de Piers s’évanouit immédiatement à l’évocation de ce qui s’était passé.
- Je n’ai rien à lui pardonner, gronda-t-il, si ce n’est de s’être laissée aveugler par ce bon à rien qui ne mérite rien d’autre que de se faire remettre les idées en place avec une paire de claques !
Renny aurait dû s’y attendre. Il avait cru que sa future paternité mettrait un peu de plomb dans la tête de Piers et qu’il serait prêt à admettre que malgré ce qui s’était passé, la famille était plus importante que ces enfantillages. Pourtant, le garçon avait la rancune tenace et il ne semblait pas prêt d’oublier, après avoir rejeté toutes les responsabilités sur Eden.
- Tu parles de ton frère, signala-t-il tout de même.
- Je regretterai pour le restant de mes jour d’être du même sang que lui, répliqua Piers. C’est la seule chose qui nous lie et dont je ne peux pas me défaire. Il ne fait plus partie de ma vie, et s’il remet jamais les pieds à Jalna, je lui casserai la figure.
Renny ne répondit pas. Il se prit à espérer que, malgré le lien familial, Eden ne reviendrait jamais. Ce serait une source d’ennuis. Piers le tuerait et Pheasant serait traumatisée. Et lui, Renny, qui commençait juste à chasser de sa mémoire la si jolie Alayne… Le retour d’Eden ne ferait que raviver ce souvenir… Il se rembrunit.
Piers se dépêcha de changer de sujet. Ainsi qu’il l’avait dit, Eden ne faisait plus partie de sa vie. À défaut de pouvoir jamais lui pardonner, il préférait l’oublier et prier pour qu’il disparaisse pour toujours. Il avait une chance de recommencer sa vie avec sa femme, comme si rien ne s’était passé, alors autant faire en sorte que le fantôme de ce frère détesté ne le hante pas indéfiniment.
Et gare à Renny s’il osait encore prononcer son nom.
Fin.