GSL N°37 - Suppléments spécial : Les 1000 ans de la Biéraubeurre.

Oct 16, 2011 15:39

La Biéraubeurre : mille ans de plaisir ambré.

En bock ou en bouteille, le souvenir des premières sorties à Pré-au-Lard, le réconfort chaleureux des jours d’hiver… et une longue histoire ! En ce mois d’octobre, la biéraubeurre fête son premier millénaire.

Leader du marché depuis plus de cent-vingt ans, Wizz’Butter a choisi de célébrer dignement l’occasion. Samedi 29, dès 11h du matin, avec le concours de Mrs Rosmerta, une cinquantaine de tonneaux seront mis en perce sur la grand-place de Pré-au-Lard, et les sorciers de tout horizon invités à diverses réjouissances.

Mais si aucun sorcier ne peut ignorer cet anniversaire, amplement annoncé à grand renfort de publicité et d'offres spéciales, qui se souvient encore de l’histoire de la Biéraubeurre, pourtant riche en rebondissements et en anecdotes ?

Au cœur du Moyen-Age, au fond de la forêt de Brocéliande, une mixture inédite naît dans les cuisines des moines-sorciers de l’Ordre de Merlin. La légende raconte qu’un jeune novice l’a inventée pour aider le Père-Vénérable, miné par le poids des ans, à affronter son dernier hiver. Toujours est-il que le breuvage apparait pour la première fois dans un document d’archive du monastère, daté du mois d’octobre de l’an 1011.
« Dans un pot de bière de l’an, une once de beurre fondu, miel du rucher, bâtons de cannelle pilée, muscade et autres épices, alcool du bois de Merlin. Macéré sept jours, bouilli sept coups de cloche et filtré. »
La recette a l’imprécision de toutes celles de l’époque. On sait que l’alcool du bois de Merlin était un élixir magique, distillé à base d’eau de source de la forêt, de mélisse et de nombreuses plantes soigneusement choisies, mais la composition exacte en est aujourd’hui perdue.

Quoi qu’il en soit, la biéraubeurre ne prendra son nom que bien plus tard, vers la fin du XIIIe siècle, lorsqu’une formule un peu différente se répand dans les tavernes sorcières de Bretagne puis d’Angleterre, à la faveur des guerres et des échanges nombreux entre les deux pays. L’alcool de Merlin y est alors remplacé par diverses eaux de vies ou hydromels, selon les productions locales.

Dès la fin de l’époque médiévale, la biéraubeurre commence à être servie et commercialisée en bouteilles, comme en attestent plusieurs documents, dont une illustration de la deuxième édition des Contes de Canterbury par W. Caxton, représentant le repas des pélerins. (1483)



Au cours du XVIe puis du XVIIe siècle, plusieurs traités des gouvernements magiques français et britanniques réglementent la production. Tords-boyaux, bières frelatées ou épices douteuses sont officiellement écartés, et plusieurs grands producteurs en viennent à se partager le marché. C’est notamment le cas de Thomas « Butternut » Mandrake, en Cornouailles, de Phillis & Daughters à Londres, ou encore d’Ambroise Le Blanc à Quimper.

Peu à peu, la boisson devient à la mode, jusque dans le monde moldu qui, bien entendu, ignore tout de ses origines. On commence à trouver la petite bouteille à long col sur de nombreux tableaux - natures mortes, scènes de festin mais aussi portraits officiels.
Le plus charmant est sans doute celui de l’épouse de Thomas Gainsborough, peint vers 1778, qui semble arborer le flacon comme un accessoire de mode.



Le plus inattendu est peut-être cet Enfant Samuel remerciant Dieu pour le don de la Biéraubeurre, par Sir Joshua Reynolds (1776) :



Mais l’inspiration artistique suscitée par le breuvage sucré ne s’arrête pas là !

Lors de la Révolution des Trois Glorieuses, en France (1830), le peintre Delacruche tourne en dérision le grand élan libérateur avec son Ebriété guidant le peuple, sur lequel on reconnait bien la désormais fameuse bouteille.



L’œuvre sera refusée au Salon, au profit d’une copie moins iconoclaste par un quasi homonyme de notre artiste.

Parmi de nombreuses autres mises en scène, comment ne pas citer le célèbre Pluie, Vapeur et Bieraubeurre de W. Turner, où notre bouteille devient une allégorie de la modernité en marche ?



Il faut dire qu’à cette date (1844), l’industrialisation commençait à toucher le monde sorcier… et la production de Biéraubeurre. En 1812, Mandrake est racheté par Phillis & Daughters, qui domine le marché anglais jusqu’à l’émergence d’un petit nouveau… prometteur !

Aloysius Jefferson est le seul enfant sorcier d’une famille de petits négociants moldus, né en 1847 à Portsmouth. La Biéraubeurre fut-elle l’une de ses plus belles découvertes à Poudlard ? Dès sa sortie de l’école, il se fait engager par la firme Phillis, dans l’usine de Shadwell tout d’abord puis dans les bureaux de Londres, où il ne tarde pas à gravir les échelons.
Mais à 30 ans, il a déjà compris que la modestie de son sang et de sa naissance lui interdisent d’accéder aux sommets qu’il désire. Peu à peu, il forme ses propres projets, et finit par convaincre Lord Londubat de financer son entreprise.

En 1881, naît la première usine Jefferson. Une brasserie de taille relativement modeste, mais qui révolutionne les méthodes de production de biéraubeurre.
« Qualité, tradition et innovation », tels sont les trois mots d’ordre de la nouvelle marque. De nouvelles machines sont créées, inspirées des technologies moldues et mêlant magie et vapeur. Le travail des elfes est diminué de moitié, et la moitié restante recentrée sur la qualité de leur intervention.
De nouvelles recettes sont élaborées, dont la « Cherry Delight », la « Viviane’s Kiss » à l’absinthe ou encore la « Young Wizard », à teneur réduite en alcool… qui fait aujourd’hui toujours le régal de nos écoliers.
Bouteilles et étiquettes, affiches publicitaires, dessinées par les plus grands de l’époque, sont à elles seules de véritables œuvres d’art et contribuent sans doute au succès de l’entreprise.

Dix ans plus tard, Phillis doit fermer ses portes : comme au XVIIIe siècle, la Biéraubeurre - mais la biéraubeurre Jefferson - est devenue une boisson à la mode. Jefferson ne cessera plus de maîtriser le terrain, malgré un léger essoufflement à la fin des années 1920 qui entrainera une nouvelle démocratisation du produit, et la création de la marque Wizz’Butter.

L’innovation ne cesse pas pour autant, puisqu’on nous annonce une édition spéciale millénaire, qui sortira au moment d’Halloween.

Ysandre Luska

Pour en savoir plus :

- Petite histoire illustrée de la Biéraubeurre, Joëlle McMillan (Mnémée, octobre 2011)
- Aloysius Jefferson, le roi de la biéraubeurre, John Scribus (Flourish, octobre 2011)
- Du flacon à l'ivresse : les alcools sorciers dans l'art, dir. S. Flint (Mnémée, janvier 2005)

gazette du sorcier

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