Le Spiderman: into the spider-verse, c'est juste une tuerie. Bon, j'avoue que j'ai toujours eu un gros faible pour ce superhéros là, mais je me suis régalée devant le film. Vraiment. Pourquoi on en parle pas plus?
Les vacances commencent, et il était plus que temps que je finisse la série de posts sur le NaNo! Donc aujourd'hui, c'est le vrai TGIO et l'extrait des 50k (plus un autre, parce que je ne savais pas lequel choisir).
Comme je le disais l'autre fois, j'ai vraiment galéré cette année. Ca s'est joué à deux mots près. Je ne regrette pas, parce que j'ai avancé sur cette histoire et que c'est toujours de l'expérience acquise, mais si c'est la même chose l'an prochain, je laisserai tomber en chemin (je dis ça, mais je me connais... ^^").
Alors, comme d'habitude, c'est du premier jet, plutôt lointain de qui plus est, donc je m'excuse par avance des fautes, coquilles et autres maladresses qui parsèment les deux extraits!
Contexte:
[Contexte]Après son déjeuner avec Apollon, Nina a repris le travail et rentre à l'appartement tard après la fermeture des bureaux. (oui, c'était bien la peine de le mettre sous spoiler! ^^')
Je n'ai même pas relevé. Epuisée, je l’étais. Comme tout le monde, la fée l’avait vu. Comme tout le monde, la fée avait ressenti le besoin de me le dire. Pleine de surprises, la journée avait surtout été interminable. [...]
J'étais à deux doigts de boucler tout le dossier. Nour m'avait fait promettre de ne pas tarder, quand elle-même était partie, bien après que le service ait été déserté. Sans m'en rendre compte, le temps avait filé. Ce n'était que lorsque je m'étais retrouvée dans la rue et que j'avais sorti mon téléphone de mon sac que j'avais vu l'heure qu'il était. Et les nombreux messages qu'on m'avait envoyés. Nour pour s'assurer que j'étais bien partie, et surtout bien rentrée. Rash pour savoir ce qu'on allait manger.
Et, j’eus du mal à le croire, Apollon pour me féliciter pour le budget, s’excuser de n’avoir rien pu faire et espérant ne pas m’avoir mise mal à l’aise lors de notre déjeuner. Pas impossible qu'un sourire m'ait échappé.
J’étais épuisée, mais dans l'ensemble, ça avait plutôt été une bonne journée.
Et elle n’en fut que meilleure quand, lorsqu'en rejoignant l'apparteement, je vis la nourriture disposée sur la table.
- Vous avez fait à manger ? me suis-je écriée en me tournant vers la fée, le faisant sursauter.
Rash me foudroya du regard, n’appréciant visiblement pas mon étonnement.
- J’ai pris à emporter, rectifia-t-il.
Ma gorge se serra. Ereintée comme je l'étais, j’aurais pu en pleurer. Je savais pourtant que la fée avait dû utiliser mon argent ; en tous cas, c’était plus ou moins ce qu’agacé, il laissait entendre. Rash pouvait dire ce qu’il voulait: il avait faim, il n’avait pas voulu attendre, je n’avais pas répondu à ses messages… Il avait toutes les raisons possibles pour justifier ce qu’il avait fait et démontrer qu’il ne l’avait pas fait pour moi.
Mais les plats étaient intacts. Il était très tard, bien plus tard que nos habitudes en matière de repas. Il se plaignait de mourir de faim.
Pourtant, il m’avait attendu.
Je me tournai vers l’évier, tant pour nous servir de l’eau que pour tenter de me recomposer.
La journée avait été intense, surprenante. Elle le serait jusqu’au bout.
Me tournant, je le découvris à table. Je pris place face à lui et ne pus m’en empêcher:
- Vous m’avez attendue.
C’était plus un constat qu’une question dans mon esprit mais je n’ai pas réussi à le rendre, ma voix ayant fait un tour dans les aigus. Ce n’était pas ma faute, j’essayais vraiment de ne rien laisser paraître, sachant d’avance que cela le ferait réagir, mais je ne pouvais m’empêcher de sourire bêtement.
Ce que je redoutais arriva, Rash le prit affreusement mal. Relevant la tête, il me fusilla du regard.
- Pas du tout, dit-il froidement. J’étais simplement absorbé par ma lecture.
Je haussai un sourcil, incrédule. Après avoir lu « Un amour de marquis », Rash était actuellement plongé dans « La damnation de l’immortel », une romance à fée démoniaque comme il adorait les détester.
Si c’était vrai, si véritablement sa lecture l’avait absorbé au point de ne pas manger (et vu le message qu’il m’avait envoyé, il avait eu faim !), c’était hilarant.
Si c’était faux en revanche…
Si c’était faux, ça me faisait quelque chose, vraiment. Et je ne voulais pas y penser.
- Merci, Rash, ai-je dit doucement.
Il fit rouler ses yeux et entama son plat. Me fendant d’un sourire, je finis par l’imiter.
- Ca ne devrait pas vous faire autant plaisir, vous savez ? signala-t-il un sourcil froncé, voyant mon air enchanté.
- Rash, me suis-je justifiée, croyez-moi, je suis épuisée.
Il n’y avait que la fatigue pour expliquer ça. Car la fée disait vrai. J’en étais plus que consciente, malheureusement. La moindre de ses attentions positives à mon égard me touchait plus qu’elle ne devrait. C’était même effrayant par moment.
Il pinça les lèvres, sur le point de dire quelque chose, mais finalement se ravisa, admettant à nouveau que j’avais l’air effectivement fatiguée ("que j’avais une sale tête", avait selon lui plus d’impact… chose qu’évidemment j’ai apprécié et qui eut le mérite de faire disparaître mon sourire presque attendri).
- Comment s’est passé votre journée ? finit-il par soupirer.
De surprise, j’en laissai tomber ma fourchette. Le bruit attira son attention et il releva la tête vers moi.
- Quoi ? demanda-t-il les sourcils froncés.
- Ne me mentez pas, me suis-je écriée, inquiète. Il s'est passé quelques chose, pas vrai ?
Rash me demandait rarement comment c’était passé ma journée, et jamais de manière aussi ouverte. Il prenait toujours soin de fermer le plus possible ses questions pour éviter que je ne me lance dans un récit exhaustif de ce qui m’était arrivé (et comme il aimait à le dire, il ne m’arrivait jamais rien, et c’était selon lui mon problème !). Qu’il me le demande, ajouté au dîner qu’il avait préparé… quelque chose de grave s’était forcément passé. Il me préparait et détournait mon attention pour me l’annoncer. Ou alors…
Ou alors, il savait.
Mon sang se glaça.
Il savait que quelque chose était arrivé, quelque chose en rapport avec Apollon. Il savait que j'avais enfreint la seule règle qu'il m'avait fixée. Et tout ça n’était qu’une manière de me pousser à l’aveu. Me mettre en confiance pour m’arracher cette confession.
Méfiante, je l’observai alors qu’il me demandait de ne pas être stupide et me rappelait qu’il n’en avait rien à faire, et qu’il le disait pour parler. Ce qui honnêtement était la preuve même qu’il avait quelque chose derrière la tête.
Par chance, j’avais d’autres choses à raconter qu’Apollon. Il suffisait donc que je ne l’évoque pas et m’en tienne éloignée.
- La journée s’est très bien passée, ai-je fini par répondre, avec prudence. Le budget est passé, enfin ! ai-je ajouté d’un air entendu (auquel la fée répondit d’un haussement de sourcil appréciateur). Oh, et ils ont aussi accepté l’idée de la pré-inauguration !
- C’est bien, fit Rash sans ironie aucune pour une fois. C’était une bonne idée.
- Une idée brillante, n’ai-je pu m’empêcher de rectifier.
Il me décocha un sourire en coin. Et parce que j’étais épuisée, ça m’a peut-être un peu plus troublée que prévu. C’est sûrement pour ça que j’en ai rajouté.
- Mon idée.
Il secoua la tête, faussement attéré. Enfin, peut-être qu’il l’était vraiment. Mais comme il souriait en même temps, le doute était permis.
- Il ne me reste plus qu’à boucler le dossier, ai-je repris avec un peu plus de sérieux. Je pensais pouvoir le finir au bureau mais j’ai mis plus de temps que prévu. C’est pour ça que je suis arrivée si tard. Ils m’ont mis dehors en fait.
Ce qui était la triste vérité. J’imagine que Rash aurait préféré que je lui dise que j’avais fait la tournée des bars, mais non, je bossais. Preuve qu’il s’y attendait, et que j’étais moins surprenante que prévu, il ne parut même pas étonné.
- Du coup, je vais devoir finir ce soir, ai-je soupiré, abattue par cette perspective.
- Vous en faites trop, Nina…
Surprise, je le dévisageai. Il n’y a pas si longtemps, il m’assurait tout le contraire, que je n’en faisais pas assez !
- Comme ça, c’est fait, ai-je répondu en haussant les épaules. S’il est rendu demain, on pourra enfin officialiser une date et lancer les réservations, les invitations et tout le tintouin...
Rash parut prêt à objecter quelque chose mais finalement renonça.
- Et vous, votre journée ? ai-je repris. Tout va bien à Féérie ?
- Parfaitement bien, répondit Rash d’une voix atone qui laissait plutôt penser le contraire. Tout rentre dans l’ordre.
Ca en revanche, je le croyais volontiers. Quand il se retourna vers moi, je lui souris. Il n’alla pas jusqu’à me le rendre mais nous nous étions compris.
- Et comment va la fée Morgane ?
Là en revanche, je l’avais surpris.
- Je ne l’ai pas vue, dieu merci, marmonna-t-il.
- Comment elle est ? ai-je fini par demander, curieuse.
Rash m’observa avec méfiance.
- C'est-à-dire ? dit-il, étirant chaque syllabe.
- Comment elle est ? ai-je répété amusée.
Il prit le temps de la réflexion, paraissant chercher les mots.
- Flippante, finit-il par statuer.
Un léger rire m’échappa. Je le croyais volontiers, même si personnellement au téléphone, elle m’avait plutôt fait bon effet. Mais Rash, en tant qu’employé rebelle, avait sûrement une autre relation avec sa patronne que moi, cliente lésée.
- Elle est jeune ? Elle est belle ?
Rash me dévisagea un sourcil haussé. Il excellait dans l’éloquence de ses expressions. Un « qu’est-ce que ça peut vous foutre ? » mis en muscles faciaux.
- Vous avez eu une histoire avec elle, pas vrai ?
Par un petit miracle, j’ai réussi à le dire sans me mettre à ricaner. Pourtant, c’était une possibilité. Je voyais parfaitement une explication aux rapports tendus entre Rash et sa supérieure comme les conséquences d’une malheureuse liaison. Si Morgane était jeune, belle et talentueuse comme je l’imaginais, elle et Rash était parfaitement assortis.
Pas impossible que la lecture de « Embauche et débauche », une romance épicée en open-space, ait légèrement influencé mon idée !
- Parce que selon vous, l’amour se trouve forcément sur notre lieu de travail ? répliqua Rash froidement.
Je savais qu’il disait ça pour me renvoyer le sujet Apollon à la tête. Parce qu’il trouvait ridicule que je craque pour un collègue de travail dont je ne connaissais que très peu de choses, juste parce qu’il était beau et qu’il sortait avec ma colocataire. Mais je n’étais pas encore prête à aborder le sujet.
- J’ai demandé si vous aviez eu une histoire avec elle, ai-je signalé. Je n’ai pas parlé d’amour…
Je pensais qu'il me reprendrait de volée, arguant qu’il ne parlait pas de lui mais de moi. Mais à la place de ça, il marqua un léger temps d’arrêt (parce que je le regardais, cela ne pouvait pas m’échapper) et finit par se lever pour porter ses affaires dans l’évier.
Et preuve que cette journée était vraiment hors norme, il se mit à faire sa vaisselle.
- Je parlais de vous, Nina, finit-il par signaler aussi sèchement qu’il le put.
Trop tard. Toute fatiguée que j’étais, je l’avais mouché. Toutefois, je n’ai pas insisté et ai savouré silencieusement mon triomphe.
- Je plaisantais, ai-je répondu. Je sais qu’il n’y a ni histoire, ni amour pour vous au travail.
Haussant les sourcils, il m'adressa un bref regard avant de retourner à sa vaisselle. Dommage, un bref instant je crus qu’il allait me contredire.
Le moment était venu de parler d’Apollon. Un simple « A ce propos, vous savez ce qui m’est arrivé aujourd’hui ? » suffirait. Ok, il m'avais demandé dernièrement de m'en tenir à distance. Mais cette rencontre fortuite (et ce qui en avait découlé) était forcément une avancée ! Rash, avec son recul, m’aiderait à comprendre ce qu’il en était. Et avec sa façon bien particulière et particulièrement désabusée de l'interpréter, il m’aiderait un peu à descendre sur Terre.
Encore que, je me trouvais raisonnablement calme à ce sujet.
Pourtant, malgré ça, j’hésitais à lui en parler. Je ne savais pas si j’avais vraiment envie d’entendre ce qu’il en pensait.
Et l’idée me mettait mal à l’aise.
Parce que, j’en prenais conscience maintenant, son avis comptait.
C’est peut-être ce constat qui a fait que je me suis décidée. Je l’ai même fait sans m’en rendre vraiment compte en vérité.
- Parlant de ça… D’amour au travail, ai-je précisé, voyant qu’il se crispait légèrement, comprenant certainement où je voulais en venir désormais. Quelle est la prochaine étape pour Apollon ?
Mon cœur se mit à battre un peu plus fort et je serrai nerveusement mon verre entre mes mains. Rash me tournant le dos, il ne s’en était sûrement pas aperçu. Il avait cependant probablement noté l’hésitation dans ma voix. De la même façon que j’avais perçu la tension dans son dos soudainement de se relâcher.
- Il vous manque tellement ? ricana-t-il froidement.
Baissant la tête, je rougis légèrement. Concrètement, non, et j’aurais sûrement dû m’en inquiéter. Mais si je posais la question, c’était par rapport à ce qui était arrivé aujourd’hui. Parce qu'autrement…
L’idée me donna le vertige.
Autrement, je me serai simplement contentée de profiter de cette soirée et du fait que Rash m’ait attendu pour manger.
L'ignorant, la fée se faisait une fausse idée et me jugeait pour ce qu’il pensait être vrai. Mais je ne pouvais pas dire la vérité. Si j'avouais tout maintenant, cela ne ferait que rendre un peu plus bizarre le fait de ne pas l'avoir fait avant. La Nina des débuts lui aurait sûrement même téléphoné dès qu’Apollon aurait eu le dos tourné.
- Je me pose simplement la question, ai-je marmonné, regrettant de ne pas paraître plus assurée.
La fée secoua la tête et soupira, ouvrant le robinet.
- Normal, finit-il par dire.
Sauf qu’il n’ajouta rien. Ni fit aucun commentaire, ni ne développa son plan.
J’attendis quelques secondes, tentant de mettre en place ce stratagème du silence auquel j’étais incapable de résister. Sauf que la fée en était l’inventeur et le maître. Et contrairement à ce que je pensais, il ne gardait pas le silence pour faire un effet. Il ne comptait vraiment rien ajouter.
Et le problème du silence s’est retourné contre moi. Je fus donc celle qui finit par parler.
- Mathilde a rompu avec Apollon.
J’avais jeté ces quelques mots, comme si le faire aller aider.
La fée interrompit ses gestes un bref instant (lui au courant de tout, l’ignorait ?), avant de reprendre.
- Il était temps, non ? se moqua-t-il. Comment vous…
- La rumeur, l’ai-je interrompu précipitamment.
Je ne voulais pas lui dire qu’Apollon me l’avait annoncé, pas vu la tournure que la conversation prenait. Mais mon empressement à mentir ne faisait que rendre le tout un peu plus suspect. Encore que, j’en faisais certainement tout un plat. Rash devait se foutre totalement de tout ça au fond.
Je ne voulais pas parler du déjeuner. Ce qui était idiot, parce que clairement, j’aurais dû en être fière. J’avais pu partager un bon moment avec Apollon, ce qui n’était pas prévu. Je ne l’avais pas non plus forcé. Et pour quelqu’un qui était incapable de lui faire face sans rougir jusqu’ici, je trouvais que je m’en étais plutôt très bien sortie. Oui, c’était idiot en vérité. Pourquoi le cacher ?
La fatigue, me suis-je répétée. J’étais épuisée. C’était sûrement pour ça que tout me paraissait tellement embrouillé.
- La rumeur… finit par répéter la fée, avant de ricaner. La place est libre désormais, pas vrai ?
Pour une raison que je ne comprends toujours pas, j’ai détesté l’entendre dire ça. Encore plus qu’il le fasse de cette façon. C’était bizarre parce qu’il n’y avait rien de nouveau ou de surprenant dans tout ça. Et c’était même plutôt l’exacte vérité.
Pourtant, j’ai détesté. J’ai détesté ses propos et son ton, tout comme j’ai détesté la tournure que prenait cette soirée. Je voulais retrouver la légèreté un peu cotonneuse du début de notre repas, du moment où j’avais réalisé les efforts que Rash faisait.
C’est sûrement pour ça que je me suis sentie obligée de plaisanter.
- Les connaissant, ils risquent sûrement de coucher ensemble encore quelques fois, ai-je dit dans un souffle.
Rash me décocha un regard furtif par-dessus son épaule et esquissa un sourire. L’expression de son visage finit par enfin s’adoucir. Je me mis à sourire à mon tour et acceptai le silence, plus apaisé, cette fois.
- La prochaine fois, finit-il par dire en rinçant ses couverts, ce sera l’opération Cendrillon. Et je préfère vous prévenir, il va y avoir du boulot. Pas par rapport à… commença-t-il à dire, imaginant sûrement que je l’avais mal pris (et c’était quand même un peu le cas), se risquant à un regard dans ma direction.
Constatant que je n’étais pas affreusement vexée, il reprit, cherchant un peu mieux ses mots.
- Il va y avoir du boulot, parce que vous allez devoir lui mettre une claque. Métaphoriquement, ajouta-t-il un sourcil haussé (mais d’un ton qui me laissa croire qu’au sens propre, l’idée lui plaisait également). Il a besoin d’un électrochoc. Donc il va falloir y aller, à fond.
Une vraie métamorphose, je comprenais ce qu’il voulait dire. Bizarrement.
- Donc Cendrillon.
- Cendrillon, répéta la fée amusée.
*
Et le second extrait a lieu le même soir, juste un peu plus tard.
La fatigue finit par me rattraper et je dus me résoudre à faire une pause. Je dodelinai devant mon écran. Par réflexe, je sauvegardai mon fichier, le copiai sur ma clé et me l'envoyai par mail. Fermant l’ordinateur, je vins appuyer ma joue contre le haut du dossier, me tournant vers Rash.
Repenser aux derniers jours me donnait presque le tournis. Nous étions passés par tant d’états, d’émotions, pour finalement en arriver à ce résultat : lui et moi, sur le même canapé, après avoir dîné ensemble sans nous disputer. Une bonne soirée. Et il ne m’avait pas donné l’impression de se forcer.
La fée était absorbée par sa lecture. Il ne souriait pas. Et je ne savais pas si c’était une bonne chose ou pas. Quelque part, c’est que l’histoire ne le faisait pas rire (et clairement, quoi qu'il ait pu en dire, il n’y avait aucune vocation comique dans ce manuscrit !). Mais une partie de moi le regrettait. Le sourire lui allait. Une vision rare que j'avais appris à apprécier. Cela le rendait encore plus charmant.
Secouant la tête (même si ce fut faible vu mon état), je me corrigeai mentalement. Cela le rendait juste charmant.
Le manque de sommeil commençait déjà à me faire délirer.
- Rash ?
Peut-être était-ce d’être restée silencieuse toute une partie de la soirée ou peut-être avais-je déjà à moitié sombré, mais ma voix me parut peine audible. Quoi qu'à y réfléchir, j'étais peut-être tout simplement plus enfoncée dans le canapé que ce que je pensais.
Avec lenteur, absorbé par sa lecture et gardant les yeux sur la page qu'il parcourait jusqu'au dernier moment, la fée se tourna vers moi.
Surpris de me voir ainsi, il pencha légèrement la tête et attendit.
- Comment c’est la vie à Féérie ? ai-je demandé.
Levant les yeux au plafond, il laissa échapper un « On y revient… » dans un murmure. Un faible sourire m’échappa. Il ne s’énerva pas, se contenant de ramener son attention vers moi et d’attendre. Il savait que je finirai par continuer.
- Vous avez des ennemis ?
Son éclat de rire me fit sursauter. J’étais très sérieuse pour le coup et je ne pensais pas que c’était le genre de question qui allait l’amuser. Pourtant, c’était vraiment le cas. La fée avait ri de manière spontanée, au point que je n’ai pu m’empêcher de l’imiter.
- Quoi ? ai-je fini par demander.
Il se reprit, gardant un léger sourire en coin.
- Rien, assura-t-il. C’est juste que… vous êtes tellement prévisible et surprenante à la fois.
Ce qui, je pense, était un compliment. Dans sa bouche, en tous cas, je le prenais comme tel.
- Quand vous parlez d’ennemis, reprit-il une fois son attitude habituelle retrouvée, vous voulez dire…
- Ennemis jurés, ai-je précisé, avec sérieux.
A nouveau, le sourire menaça de gagner le visage de la fée, mais il se recomposa rapidement un masque impassible, à mon grand regret.
- Bien entendu ! assura Rash, comme s’il s’agissait d’une question d’honneur.
Ce fut à mon tour de sourire. Le contraire aurait été étonnant. Je voyais mal la fée faire l’unanimité. Enfin, sauf s’il la faisait contre lui. Encore qu’aujourd’hui, même de cette certitude je finissais par douter.
J’avoue, une partie de moi pensait qu’il m’enverrait bouler. Et pourtant, la fée avait accepté de répondre et ne se fit pas prier pour continuer.
- Il y en a un en particulier. Au travail, précisa-t-il, voyant que ma curiosité était piquée. Un connard fini. Il fait ce qu’il peut pour me faire virer.
Ma curiosité était plus que piquée. J’aurais aimé voir ce que Rash pouvait qualifier de connard fini, autant que ce que pouvait donner un homme prêt à s’opposer à l'irascible fée. Surtout dans le travail, où il laissait libre cours à tous ses mauvais côtés.
- Vous l’adoreriez, reprit Rash en me jetant un regard en coin, visiblement satisfait, avant d’ajouter devant ma surprise (vu comme il le décrivez, mon premier réflexe fut de douter…). Il aurait exaucé vos vœux et réglé vos problèmes d’un simple claquement de doigts.
Bien évidemment, la némésis de Rash était forcément son opposé. Consciencieux, travailleur, dévoué…
Barbant, me suis-je surprise à penser.
Pour une raison idiote, mises bout à bout, ces qualités ne me faisaient plus autant rêver.
- Alors que vous… ai-je dit d’une voix traînante.
Lui avait fait tout le contraire, bien évidemment. Rash se tourna vers moi, et me lança un regard pénétrant. Du moins, dans le brouillard ensommeillé dans lequel j'étais en train de glisser, c’est comme ça que je l’ai interprêté.
- Ce que vous voulez au fond Nina, c’est être heureuse, se contenta-t-il de formuler, comme un constat, sans aucune agressivité. Et je sais que vous ne l’admettrez jamais mais vos vœux ne vous l’apporteront pas. Tenez, votre travail, ce n’était pas dans vos vœux, n’est-ce pas ? demanda-t-il en me prenant à témoin et en attendant que j’acquiesce (ça pour le coup, je ne pouvais que le reconnaître). Mais vous êtes heureuse, pas vrai ?
J’étais surtout épuisée mais la fée avait peut-être raison.
J’étais loin d’être si malheureuse que ça en ce moment, je devais l'admettre.
- Donc, j’ai eu de la chance de ne pas tomber sur le Connard, c’est ça ?
Rash haussa un sourcil surpris avant d’affirmer qu’effectivement, oui.
- Et j’imagine qu’il est affreusement proche de la fée Morgane, pas vrai ?
La fée sembla peser le pour et le contre.
- Il aimerait ! ricana-t-il.
C’est idiot, mais c’est ce détail qui me convainquit qu’il n’était pas en train de me balader. Un sourire m’échappa.
Les moments où Rash se confiait étaient tellement rares. Bon, une fois de plus, ça n’avait rien de réellement personnel. Mais quand même… Est-ce qu'il en était conscient ? Peut-être qu’il le faisait exprès. Peut-être que cela faisait partie d’un plan destiner à m'amadouer pour sauver cette mission, sa carrière, et donc aussi son derrière.
Quoi qu’à voir le plaisir qu’il avait à dire du mal du Connard (le surnom avait été plébiscité et adopté), je me suis surprise à penser qu’il le faisait plutôt volontiers.
- C’est lui qui vous a cassé le nez ? ai-je finalement demandé.
Rash eut l’air d’abord surpris, puis consterné pour laisser l’amusement commencer à pointer.
- Vous n’arrêtez jamais, dit-il avec un sourire.
Pour une étrange raison, je ne pus soutenir son regard. Cette fois, la nullité de ma plaisanterie n’était pas à blâmer.
- Et des a… des alliés ? me suis-je corrigée. Vous avez aussi des alliés ? Des collègues de travail ? ai-je ajouté voyant qu’il ne réagissait pas.
A la base, j’allais demander des amis, mais je savais que la fée ne me répondrait pas. La question m’intéressait vraiment. Au début, j’imaginais Rash comme un solitaire misanthrope en marge de la société. Maintenant, il n’était plus qu’un caractériel mal embouché. Il avait forcément des amis. Même s’il ne l’avouerait jamais. Et il y avait obligatoirement, au travail, des gens de son côté.
Pourtant, la fée parut rechigner à l’admettre, se contenant de grimacer.
- Il y a bien des personnes qui vous parlent, Rash ! ai-je dit avec un sourire.
Vu comme ça, il dut admettre que oui.
- Peu, tint-il à préciser.
Comme si le fait qu’il soit populaire puisse changer quelque chose à ma manière de le considérer, puisse ternir l’image qu’il s’était forgé. Un léger rire m’échappa.
Des voisins de bureau plus que des collègues. Trois, affirma-t-il non sans fierté, comme si au-delà, cela ne collait plus avec son personnage. Des cas. A l’écart du monde et de tous. Pour diverses raisons.
Il n'entra pas plus dans les détails. Il n'en eut pas besoin. Je les imaginais parfaitement.
- Ils vous ont parlé de notre situation ?
Rash haussa aussitôt un sourcil et je regrettai immédiatement ma question.
La situation. Elle nous concernait, mais c’était "la" situation. Les vœux ratés et tout ça. Pas forcément notre cohabitation.
Enfin, pas du tout notre cohabitation.
Gênée, je prétextai un soudain besoin de me frotter les yeux, histoire de me soustraire un bref instant du regard de la fée.
- Le Connard ne s’en est pas privé… finit par dire Rash après un instant qui me parut être une éternité.
Il me sembla déceler une pointe d’amertume dans la voix de la fée. Mais cela ne faisant pas sens, j’imputai cette impression à la fatigue et n’en tins pas compte.
Rash se détourna et reprit sa lecture, avant de finalement ajouter.
- Lui pense qu’il aurait pu instantanément vous combler.
Quelque chose me mit mal à l'aise dans les paroles que Rash venait de prononcer. Les termes choisis, la façon dont il les avait prononcés, ce qu'ils pouvaient impliquer... Je ne savais pas vraiment à quoi ça tenait. Ce quelque chose aurait sûrement mérité que je me penche dessus.
Insensible à mon trouble, la fée ne se tourna pas vers moi, se contentant de tourner une page du manuscrit. Sur son profil, je ne décelai aucun indice me permettant d’interpréter tout ça. Autant laisser filer.
- Un Connard, quoi… ai-je fini par soupirer.
Me lançant un rapide regard, Rash se fendit d’un sourire en coin, de mon côté.
Autant dire qu’il estimait que je l’avais parfaitement cerné.
Songeuse, je restai immobile à observer le visage de la fée, notant distraitement le mouvement de ses yeux, les réflexes moteurs dus à sa respiration. Il savait que je le faisais, il sentait forcément que je le regardais. Mais il n’a rien dit. Ce qui était surprenant. Ou alors, il sentait que je commençais à sombrer doucement.
Je ne voulais pas d’une autre fée. D’un Connard ou d’un allié. De plus en plus souvent et pour des raisons de plus en plus diverses, je me disais que j’avais eu de la chance de tomber sur cette fée.
Ma fée.
La fatigue l’emporta et je rendis les armes sur cette pensée.
Quand mon réveil sonna le lendemain, c’était dans mon lit que j’étais couchée.