Voilà ma contribution au défi
Une image en 1000 mots organisée par
miya_tenaka sur
cette photo. Un défi vraiment enrichissant à relever.
Note: Je choisis volontairement ne la publier qu’ici pour une simple et bonne raison. Cette fiction est amenée à faire partie de Jeux de Scène, une fiction multichapitres sur laquelle je travaille depuis deux ans. Je crains que cet OS ne soit pas totalement compréhensible sans avoir lu la fic en question ou qu’elle ne la spolie. Il sera donc publié ultérieurement sur mes sites de publications habituels.
Disclaimer: @ M. Kishimoto.
Bêta: Tamaki.
A l’ombre de la scène
Pendant longtemps, les coulisses avaient été son endroit préféré, le lieu où il passait le plus clair de son temps. Il en connaissait chaque recoin, chaque cachette, chaque trésor aussi. Il n’y avait pas un centimètre carré qu’il n’ait foulé ou exploré, pas la moindre pile de caisses qu’il n’ait escaladée, quitte à provoquer quelques catastrophes, le plus petit rideau qu’il n’ait soulevé. Il en avait trouvé des choses au cours de ses expéditions, des colliers, des gants, qu’on croyait perdus depuis belle lurette, des clous, des photos abîmées, des affiches qui dataient d’un autre temps. Il avait longtemps conservé certaines de ces trouvailles, dans sa chambre, comme un butin qui n’appartenait qu’à lui.
Il n’était pas le seul enfant à se balader de cette façon dans les coulisses, mais il était le plus casse-cou et celui qui y passait le plus de temps. Après tout, il n’avait pas de parents pour le surveiller. Aussi, à peine avait-il su se déplacer qu’il avait commencé ses explorations, ressortant couvert de poussière et de toiles d’araignée, un grand sourire sur le visage alors qu’il tétouillait une perle ou une pièce. Avec le recul, c’était un petit miracle qu’il ne lui soit jamais rien arrivé.
On s’était habitué à le voir disparaître et chacun savait que si on le cherchait, c’était par là qu’il fallait commencer. Mais parce que c’était son territoire privilégié, vous aviez peu de chance de tomber sur lui s’il ne le souhaitait pas. Cela l’avait d’ailleurs bien souvent aidé quand il voulait s’isoler, ne plus subir les moqueries des autres enfants ou quand il en avait frappé un et qu’il lui fallait se mettre à l’abri des colères de Aa. Il n’y avait bien que Bee qui était capable de le trouver, comme s’il avait une sorte de sixième sens ou de boussole qui n’aurait pointé que vers le bambin. Pour autant, il n’était pas rare qu’il se contente de lui adresser un clin d’œil avant de passer son chemin. Il était conscient que les autres enfants étaient durs avec lui et s’ils se tenaient toujours à carreau quand Naruto était perché sur ses épaules, les choses étaient différentes dès lors qu’il n’était plus là. Mais le gamin était débrouillard, Bee le savait. Il parvenait toujours à se glisser quelque part où les autres n’osaient pas le suivre.
Et une fois qu’il avait trouvé son poste d’observation, il pouvait passer des heures à regarder les adultes et à rêvasser. C’était toujours mieux que d’apprendre à lire et à écrire et toutes ces choses ennuyeuses qu’on voulait lui faire entrer dans la tête, quand lui ne voulait que monter sur les poutrelles qui surplombaient la scène et les coulisses et observer les machinistes huiler les poulies qui permettaient de contrôler les décors, avant de les tester, de bander leurs muscles pour tirer sur les cordes, de soulever à bout de bras certains panneaux qui pesaient l’équivalent de plusieurs hommes.
Ces décors l’avaient toujours attiré. Combien de fois s’était-il laissé emporter dans des rêves, lorsqu’il se baladait dans la réserve, rentrant dans la peau d’autres personnes pour un temps. Il était tout autant fasciné par les costumes. Mais plus que le résultat final, c’était la façon dont les décorateurs ou les couturières travaillaient qui était envoûtante. Il y avait quelque chose d’incroyable à les voir créer, à prendre les matériaux, les allier les uns aux autres, les découper, les transformer pour se conformer aux besoins des uns et des autres. Les mouvements de leurs doigts, masculins et abîmés pour les premiers, féminins et délicats pour les secondes se révélaient hypnotisants. D’une certaine manière, il avait toujours trouvé que ces personnes étaient tout autant des artistes que ceux qui étaient sur scène, même s’ils n’obtenaient jamais les applaudissements du public. Pendant longtemps, il avait imaginé que sa vie serait comme cela : dans les coulisses, dans l’ombre, à travailler dans le faux silence des représentations, se concentrant sur les voix déformées des acteurs sur la scène, les rires ou les exclamations du public, à sourire quand il entendait que le spectacle était un succès. Et cela lui convenait. Certains disaient que voir l’envers du décor amputait une partie du plaisir, que cela cassait un peu le rêve, mais il ne trouvait pas, bien au contraire. Il y avait une satisfaction à faire partie d’un tout. En tout cas, c’était ce qu’il s’était longuement dit.
Et puis un jour, il était passé de l'autre côté, par hasard. Il avait treize ans, et il lui avait semblé évident que là était sa place. Les coulisses étaient devenues l’étape avant la scène et même s’il aimait toujours y être, même s’il en appréciait toujours l’ambiance, l’odeur et l’agitation qui y régnaient, il ne se sentait chez lui qu’avec les regards des spectateurs rivés sur lui.
- Naruto.
A l’entente de son prénom, il sursauta légèrement, revenant sur terre. Il se retourna vers Sora et Lee qui se tenaient à ses côtés.
- Ça va bientôt être à nous, chuchota ce dernier.
Il hocha la tête et s’approcha de la scène. De là où il était posté, il pouvait voir les filles alignées sur le devant de cette dernière, la main gauche posée sur la taille de leur voisine, la droite occupée à tenir leur jupon. Les lumières, braquées sur elles, empêchaient que l’on puisse distinguer le public depuis les coulisses et c’était toujours mieux ainsi, en tout cas, c’était ce que préférait Naruto.
Il prit un instant pour observer les danseuses. C’était amusant de les voir toutes sur scène comme cela. C’était tellement rare que la troupe au complet assure le spectacle, mais il s’agissait d’une soirée spéciale avec des numéros uniques, leur client avait payé assez cher pour cela. D’un mouvement synchrone, elles plièrent le genou droit. C’était le signe. Il réajusta sa veste, prit une profonde inspiration et expira très lentement.
Les notes d’introduction du french-cancan résonnèrent dans le club et les filles poussèrent le cri qui signifiait qu’ils devaient entrer en scène.
C’était l’heure.