[Fic] Un rituel qui a mal tourné, SSSS, Emil/Lalli [Elément déclencheur à Hetepsabet]

Sep 09, 2023 06:00

Titre : Un rituel qui a mal tourné
Auteur : Élément déclencheur (Participant.e 12)
Pour : Hetepsabet (Participant.e 14)
Fandom : Stand Still Stay Silent
Persos/Couple : Lalli/Emil, Reynir, Onni
Rating : T
Disclaimer : ce webcomic appartient à Minna Sundberg et est publié en France par les éditions Akiléos
Prompt : - Fic + Stand Still Stay Silent, Emil x Lalli, Onni. Où Onni décide de mettre à l’épreuve la relation Lalli/Emil pour valider leur couple ou non.
- Et ce, qu’ils soient réellement ensemble ou pas. Peut conduire à une mise en couple.
Notes : Cette fic est inspirée d'un de mes headcanons comme quoi Emil a aussi des pouvoirs qui se sont éveillés au contact de Lalli - et c'est pour ça que Lalli a pu se réfugier dans sa tête.


Ce n'était pas ce qui était prévu.
Le rite était censé donner des capacités temporaires à un non-mage pour lui permettre d'ouvrir son monde intérieur à quelqu’un d'autre - et ainsi permettre à Onni de sonder plus en profondeur le caractère de Emil.
Il ne savait rien de Emil. Tout ce qu'il savait c'était que Lalli l'aimait, visiblement - et il se sentait un peu trahi par cette révélation.
Lalli était un peu comme un petit frère qui suivait ses pas, ce qui lui avait toujours fait ressentir une certaine fierté. Il lui ressemblait et ils s'entendaient bien tous les deux, ils se comprenaient. Ils étaient tous les deux des mages, peu sociables, plutôt marginaux, insensibles et cyniques sur les relations en général. Pas du genre à se lier à n'importe qui.
Alors QUI pouvait bien être ce Emil qui avait percé la carapace imprenable de son jeune cousin ?

Lorsqu'il avait entraîné dehors le suédois avec lui, celui-ci avait posé beaucoup de questions - auxquelles Onni n'avait pas répondu, ne comprenant de toute façon pas un traître mot - mais l'avait suivi sans grande difficulté. Il avait docilement obéi quand Onni l'avait conduit jusqu'au lieu de passage, au bord d'un étang, et qu'il avait créé une barrière avec des amulettes de branchages accrochées aux arbres.
Il avait certes été plus réticent quand Onni avait badigeonné des symboles de sang sur son visage, il avait bien tenté de l'arrêter, mais il avait quand même fini par le laisser faire avec un air de résignation en voyant que ses protestations n'avaient aucun effet. 
Cela tenait-il de la loyauté envers Lalli ? Onni avait eu hâte de le découvrir.
Mais il avait fait une grossière erreur.
Emil n'était pas un mage, de cela il était absolument certain avant de commencer. Il n'avait suivi aucun enseignement et jusqu'à très récemment il n'avait aucune sorte de magie dans les veines.
Seulement il avait hébergé Lalli dans son esprit…et ça avait laissé des traces que Onni avait négligées, sous-estimant la possibilité qu'Emil ait cultivé cela jusqu'à faire grandir ses propres dons enfouis.
Tout seul. Sans l'aide d'un mentor pour le guider.
Et c’était une catastrophe.

- Olet ongelmamagneetti !!, s'exclama Onni en esquivant des serpents ailés décharné aux yeux mangés par les vers.
- Je ne suis PAS un aimant à problèmes !, protesta Emil en se protégeant comme il pouvait avec ses bras des attaques aériennes.
Onni tira une flèche en l'air et d'une rapide incantation, en fit s'embraser la pointe qui se planta dans l'une des bêtes qui les poursuivait. Il ne s'arrêta pas pour voir s'il avait tué sa cible ou non. Pas le temps.
- Ils ont été attirés par ton pouvoir !, gronda Onni.
Le seul avantage de cette situation était que désormais ils se comprenaient parfaitement.
La magie du monde des rêves.
- Il ne faut pas traîner. On est à la limite. Si on s’éloigne trop on risque de pénétrer dans le tuonela.
- Je ne sais pas ce que c'est mais je n'ai pas envie d'y aller, répliqua Emil.
- Tant mieux, parce que moi non plus, répliqua Onni en lui saisissant le bras pour le tirer avec lui dans une crevasse.
Agile et le pied sûr, Onni dévala la pente sans difficulté, glissant sur la roche jusqu’à atteindre le sol mouillé en contrebas et atterrir avec élégance et sans bruit.
Emil quant à lui dégringola cul par-dessus tête et s'aplatit en bas avec un gémissement d’angoisse.
Il finit néanmoins par se redresser en se frottant le visage, pendant qu’Onni examinait les parois de la grotte où il se trouvaient et qui formait une sorte de tunnel.
- Qu’est-ce qui se passe ?, demanda enfin Emil. Pourquoi tu m’as emmené ici ?
Bien que cette fois, Onni puisse comprendre ses questions, il ne prit pas la peine d’y répondre, préférant lire et interpréter les dessins gravés dans le rocher. Il reconnaissait certains symboles; bien que peu adepte des runes, la culture finnoise comprenait des dessins porteurs non pas de magie, mais à vocation de communication, à destination des anciens chamans - aujourd’hui considérés comme des mages.
Il pensait pouvoir traduire à peu près ce que ça disait, mais soudain Emil l’attrapa par le col de son manteau en fourrure et le tira à lui, l’air furieux : 
- Hey, je te parle, et je sais que tu comprends, alors tu vas répondre ! Qu’est-ce qu’on fait là !
C’est à ce moment-là qu’Onni remarqua qu’Emil était fort. Il n’y avait pas fait attention auparavant mais le jeune homme était un soldat, et il était musclé en conséquence.
Il décida de lui répondre : 
- Nous avons passé le lintukoto, la frontière du monde. Je n’avais pas prévu d’aller aussi loin, mais il y a eu un déséquilibre pendant le rituel qui nous a projeté ici.
Il jeta un regard noir à Emil en se dégageant de son étreinte.
- Comble de malchance, nous avons attiré l’attention d’une entité malveillante.
- Ça voulait dire quoi ce rituel ?, s’empressa d’interroger Emil. C’était pour quoi ?
-Je voulais sonder ton esprit et m’assurer que je pouvais te confier Lalli, rétorqua Onni en lui tournant le dos. Mais ton esprit a grandi et je n’ai pas réussi à rentrer. Au lieu de ça, ton luonto nous a propulsé au loin.
- Mon quoi ? Tu…hein ? De quoi tu parles ?
Onni haussa les épaules, lassé de ses sempiternelles questions, et toucha les dessins sur le mur.
- Cette entité, c’est Ajattara, souffla-t-il. On l’appelle aussi le Diable des Bois. Elle répand la maladie et sa spécialité est la traque. Nous sommes loin d’être tirés d'affaires.
- Pourquoi tu as dis “me confier Lalli” ?
Les épaules d’Onni se raidirent et il garda les yeux rivés sur le mur bien qu’il n’y ait plus grand chose à déchiffrer. Il n’avait aucune idée de comment aborder le sujet. Ce n’était pas du tout ce qu’il avait prévu.
- Il tient beaucoup à toi, marmonna-t-il.
Emil sentit ses joues s’embraser. Il se tordit les mains, soudain gêné mais aussi content.
- C’est lui qui te l’a dit ?
- Oui, déclara sombrement Onni en se retournant.
Les yeux écarquillés, Emil se détourna à son tour, les mains contre les yeux et le sourire aux lèvres. Onni le contempla avec commisération : 
- Je veux savoir si c’est réciproque.
Le corps d’Emil se redressa vivement et il regarda Onni avec attention.
- Tu veux dire…je…
Il se gratta la tête, embarrassé.
- J’adore Lalli.
- Ce n’est pas suffisant, le coupa Onni sèchement. Je veux savoir si tu serais prêt à risquer ta vie pour lui !
- Je l’ai déjà fait !, se défendit Emil avec ferveur.
Onni se renfrogna : 
- Je veux savoir si je peux être sûr qu’il est entre de bonnes mains.
- Lalli n’a pas besoin d’être entre de bonnes mains, il s’en sort bien tout seul, enfin la plupart du temps…
- C’est exactement ce genre de réflexions qui me font penser qu’on peut pas te faire confiance !, s’exclama Onni.
Il souffla longuement par le nez, évacuant sa frustration, et fit jaillir son luonto. Un rapace de lumière sortit de lui et s’envola vers le tunnel, créant des reflets sur la roche et éclairant le passage.
- Allez viens, quittons cet endroit, c’est trop dangereux, il faut rester en mouvement, dit-il avant de reprendre la marche.
Le suédois le suivit de mauvaise grâce en grommelant dans sa barbe quelques paroles indistinctes.

A l’orée de la forêt, Reynir trouva Lalli assis sur une souche d’arbre, le menton dans les mains. Il avait l’air de s’ennuyer ferme.
- Salut Lalli !, fit Reynir en l’approchant. Dis-moi, tu n’aurais pas vu Onni ? Il avait accepté de m’entraîner à jeter des sorts cet après-midi…
Enfin “accepté”...il n’avait pas dit non en tout cas.
Comme quasiment à chaque fois qu’il parlait à Lalli, ce dernier exprima de l’agacement, levant les yeux au ciel. Il haussa les épaules et retourna à sa posture boudeuse.
Reynir s’assit à côté de lui, ce qui le força à se ratatiner un peu pour lui laisser de la place, ce qui ne parut guère lui faire plaisir.
- Tu sais, si tu cherches Emil, il est parti il y a une heure avec Onni au bord de l’étang. Si tu veux, on peut aller là-bas, ils y sont peut-être encore !
Bien entendu, Lalli n’avait pas compris grand chose à ce qu’il venait de dire, aussi Reynir se leva en lui saisissant le poignet pour lui faire signe de le suivre en répétant des mots suivis du prénom Emil.
Lalli se laissa faire et ils marchèrent jusqu’à l’étang.
- C’est bizarre, ils ne sont pas là, murmura Reynir en inspectant les lieux.
Lalli, quant à lui, s’accroupit, frotta ses doigts sur les cendres qu’il avait trouvées au sol et les renifla avant de les goûter. Il se releva et observa les amulettes suspendues. Il y avait également une odeur dans l’air qui laissait penser qu’un rituel avait eu lieu, et des résidus magiques emplissaient l’atmosphère - c’était étonnant que la grande asperge ne le remarque pas, c’était très puissant.
- Il s’est passé quelque chose tu crois ?, souffla Reynir en se rapprochant, la mine apeurée - comme quoi il devait bien sentir que quelque chose n’allait pas.
Sans se laisser déconcentrer, Lalli interrogea silencieusement les feuilles, la vase de l’étang, la terre autour, examinant les branches, les empreintes de pas. Celles-ci n’allaient pas plus loin, ce qui signifiait soit qu’Onni et Emil avaient traversé l’étang les pieds dans l’eau, soit qu’ils avaient disparu. Avec l’odeur de magie qui planait encore dans les airs, la deuxième hypothèse était la plus probable mais Lalli ne pouvait écarter la première sans avoir inspecté l’étang.
Il plongea la tête dans celui-ci, laissant un Reynir désemparé le regarder comme s’il était cinglé - ce n’était pas la première fois et certainement pas la dernière que ça arriverait.
- Ils n’ont pas traversé, déclara Lalli en ressortant de l’eau, les cheveux trempés collés au visage et à l’arrière du crâne.
- J’ai rien compris à ce que tu viens de dire mais à mon avis ils ne sont plus là. Il leurs ait arrivé quelque chose, lança Reynir.
Lalli tordit ses cheveux pour les égoutter, puis s’assit contre un tronc d’arbre. Il se cala contre celui-ci pour être à son aise et ferma les yeux.
- Ah, on va dans le monde des rêves, c’est ça ? Ah mais j’ai pas sommeil, comment on va faire ? Hein ? Lalli, tu m’entends ? Hé ho !!
Lalli fronça les sourcils, sentant le souffle de Reynir quand celui-ci s’accroupit face à lui. Sans même rouvrir les paupières, il envoya sa main frapper Reynir à la base du cou et le jeune homme s’effondra, inconscient.
La respiration calme, Lalli appela avec son esprit.
Il appela.
Et son appel le conduisit là où il voulait aller. Ou plutôt auprès de qui il voulait être.

Le luonto d'Onni faisait suffisamment de lumière pour leurs permettre de se diriger dans l'obscurité mais ça n'empêchait pas Emil de buter sur le moindre petit caillou. Le silence était également oppressant et quand il râlait, Onni le sermonnait à coup de "chhhht".
Ce n’était pas juste. Il n’avait aucune idée de comment ils étaient arrivés ici, ni comment en sortir, et en plus de ça Onni n’arrêtait pas de dire que c’était de sa faute alors qu’il n’avait absolument rien fait.
Est-ce que tous les Hotakainen avaient cette fâcheuse manie de retourner la culpabilité résultant de leurs erreurs sur leur victime ? Avec leur mutisme et leur mauvais caractère, Onni et Lalli se ressemblaient vraiment beaucoup - en plus d’avoir les mêmes yeux et les mêmes cheveux.
Emil se demandait vaguement si Lalli allait vieillir comme lui. Devenir aigri et ronchon.
Il était déjà du genre boudeur et solitaire. Emil avait l’impression que ça s’améliorait un peu, tout doucement, même si Lalli restait casanier et introverti, ce qui en soit n’était pas une mauvaise chose. Il voulait juste éviter que Lalli ne s’isole trop et finisse juste par disparaître de sa vue.
De plus, il sentait bien que quand Lalli sociabilisait en sa compagnie, il n’était pas si mal à l’aise que ça. Cela prenait du temps parfois, mais il finissait souvent par apprécier leurs moments ensemble.
En tout cas, Emil les appréciait, lui. Bon et visiblement Lalli avait dû dire quelque chose à Onni pour que celui-ci croit que Lalli “tenait beaucoup à lui”.
D’ailleurs, ça voulait dire quoi au juste “tenir beaucoup à lui”.
- Dis donc, qu’est-ce qu’il t’a dit au juste Lalli sur moi ?
- Que tu étais son ami, grogna Onni.
- Et quoi d’autre ?, insista Emil, à brûle-pourpoint.
Onni se ferma comme une huître. Lalli n’avait pas dit grand chose d'autre - comme à son habitude. Ce n’était pas vraiment nécessaire.
Il n'avait pas envie d'expliquer que le peu que Lalli avait exprimé relevait de l'incroyable.
Cela l'obligerait à dévoiler que Lalli n'avait jamais eu d'ami avant et il ne le souhaitait pas.
Si ce n’était qu'un lien fragile et temporaire pour Emil, il ne voulait pas que Lalli en souffre, il ne voulait pas que celui-ci se rende vulnérable. Parce que l'attachement de Lalli, il en était sûr, n'avait rien d'éphémère. Il faisait confiance à Lalli là-dessus.
Et il avait peur pour lui, car l’attachement chez un mage est rarement une bonne chose.
- Tu as entendu ?, s’exclama Emil. On aurait dit un éboulement.
- La chose qui nous poursuit doit essayer de creuser pour se frayer un passage jusqu’à nous. Il faut que nous pressions le pas, déclara Onni sur un ton neutre.
- Comment on va faire ? Comment on retourne dans le monde réel ?, s’inquiéta Emil, une main contre la paroi pour éviter de glisser à nouveau.
- Il faut trouver un passage, grommela le mage qui l’accompagnait. Mais il faut commencer par mettre suffisamment de distance entre nous et notre poursuivant.
- Pourquoi on ne l’élimine pas ?, interrogea Emil. Je t’ai vu enflammer tes flèches, tu dois bien avoir d’autres tours dans ton sac non ?
Onni se renfrogna : 
- C’est plus facile et moins coûteux de fuir.
Il aurait pu être honnête et dire à Emil qu’ils affrontaient une créature plurimillénaire aux pouvoirs quasi similaires à ceux d’une petite divinité, mais même lui - et son manque d’empathie - était capable de voir qu’Emil paniquait.
Il avait envie de lui en tenir rigueur et de le juger lâche, mais ça n’aurait pas été très honnête de sa part, sachant qu’il était en partie la cause de tout ceci - Emil avait AUSSI sa responsabilité dans cette affaire. Toutefois, ça ne servirait à rien d’en discuter maintenant, ils avaient plus urgent à faire.
Son pied s’enfonça dans de l’eau.
- On y est presque…, murmura-t-il.
L’horizon était devenu plus sombre quand ils sortirent enfin du tunnel, et ils avaient de l’eau jusqu’aux genoux.
- C’est un marécage, s’étonna Emil avec stupéfaction.
- Finement observé, lâcha Onni, pince-sans-rire.
- Tu es obligé d’être tout le temps désagréable ?, protesta le suédois en fronçant les sourcils, mécontent.
- Je ne comprends pas comment Lalli fait pour te supporter, éclata soudain Onni en se retournant d’un bloc. Tu n’arrêtes pas de parler, tu exprimes tout ce que tu penses et ressens, tout le temps ! Tu es épuisant !
- Et toi tu ne dis jamais rien !, contre-attaqua Emil. Tu ne fais que grogner et bouder dans ton coin sans te soucier de personne. C’est peut-être pour ça que Lalli est devenu ami avec quelqu’un comme moi. Peut-être qu’il avait besoin de quelqu’un pour l’écouter, et pas juste lui dire que s’exprimer c’est mauvais !
- Ce n’est pas s’exprimer qui est mauvais !, s’énerva Onni en se penchant vers lui. Mais Lalli est un mage, il ne peut pas se permettre de se laisser déborder par ses sentiments, sinon il risque de se faire envahir !
L’expression d’Emil était trop transparente, ses émotions trop lisibles, comme sur une carte qui indiquerait la direction de son coeur - une faiblesse aux yeux de Onni.
Les yeux bleus obscurcis par la colère d’Emil s’éclairèrent et ses traits se décontractèrent. Il soupira en détournant le regard et Onni considéra qu’il avait compris. 
Pourtant le jeune homme ajouta : 
- Je serais là pour le protéger s’il est en danger.
S’apprêtant à lever les yeux au ciel, Onni s’interrompit brusquement. Il tendit l’oreille et la respiration d’Emil s’accéléra en remarquant sa réaction : 
- Quoi ?
- Dépêche-toi !, gronda Onni en lui prenant la main pour l’entraîner avec lui dans le marais obscur et menaçant.

Après avoir marqué le sol de runes avec l’aide d’une branche, Reynir se redressa en s’essuyant le front.
- Tu penses que ça va nous permettre de les retrouver plus vite ?
Lalli hocha la tête, distrait. Il était impressionné par l’efficacité de l’autre idiot pour dessiner ses runes de mémoire avec autant de facilité. Il espérait que leur plan allait fonctionner - enfin si le rouquin avait bien compris ses instructions bafouillées dans un islandais très très approximatif.
Ils se placèrent au centre du cercle tracé et Reynir lui saisit les mains. Lalli retint une envie instinctive de rejet : ça n’aiderait en rien. Il fallait qu’ils se concentrent.
Reynir ferma les yeux et Lalli l’imita, avant d’entamer une litanie. Le chant était lent comme une berceuse, et répétitif.
Bientôt ils sentirent l’eau couler autour de leurs chevilles, et lorsqu’ils rouvrirent les paupières, ils étaient entourés de roseaux plus grands qu’eux.
Plus loin il y avait des planches et Lalli y grimpa naturellement, familier avec ce type de décor. Reynir le suivit en dévorant le lieu des yeux.
- Donc ils sont dans le monde des rêves…
Lalli haussa les épaules, ne comprenant rien à ce qu’il racontait. Il ne repéra pas tout de suite le chien, mais Reynir oui. Il se précipita vers lui en l’appelant, et l’animal lui tourna autour en aboyant joyeusement, secouant la queue.
- Il va nous aider à les trouver, s’exclama Reynir.
Cette fois, Lalli n’eut pas besoin de traduction pour comprendre à peu près la signification de ses paroles.
Les petites pattes griffues du chien se mirent à cliqueter sur les planches tandis qu’il s’éloignait et les deux garçons le suivirent.
Lalli sentit comme un fil le tirer vers le brouillard…

…tandis qu’Emil sentait comme un fil se tendre derrière lui. Entre deux clapotis vaseux, il avait presque l’impression d’entendre le son discrets de clochettes qui s’entrechoquaient.
Ce n’était sans doute que le fruit de son imagination. Par contre, ils s’enfonçaient de plus en plus profondément et l’eau leurs arrivait jusqu’à mi-cuisse, ce qui rendait la progression difficile. Et surtout, Emil avait l’impression de voir des choses dans l’eau. Elle était croupie et boueuse, ce qui dégoûtait Emil au plus haut point.
Mais Onni avançait devant lui sans hésitation, la main toujours fermement accrochée à son poignet.
Emil ne savait pas comment aborder la question : il n’était plus un enfant qu’on doit guider en le tenant par la main.
A moins que ce soit autre chose…
Cette façon de rechigner à le voir proche de Lalli…le fait qu’il l’ait emmené ici où ils sont rien que tous les deux…son refus d’en dévoiler davantage sur ce que Lalli a bien pu dire de bien à son propos….
Emil tira vivement son poignet, faisant un pas de côté. Onni, surprit, tituba en arrière et le lâcha. Il écarquilla les yeux et Emil s’écria en prenant son courage à deux mains, fermant les yeux pour ne pas le regarder : 
- JE SUIS DÉSOLÉ ! Je ne partage pas tes sentiments !
Onni tenta de lui reprendre la main mais Emil s’écarta avec vivacité : 
- Je…je crois…je crois que j’ai des sentiments romantiques pour Lalli !, clama Emil en rougissant. Et même si…je ne sais pas s’il ressent la même chose, je…
- Tais-toi idiot et prends ma main !, rugit Onni en essayant de la prendre de force.
Emil le repoussa rudement, choqué par son attitude.
- Quoi ? Non ! Je viens de te dire que…
L’eau à leurs pieds commença à faire des vaguelettes. Onni se redressa et saisit son arc.
- Trop tard, il nous a retrouvé.
Une énorme masse gélatineuse recouverte d’aiguilles de sapin jaillit des ombres de la mangrove.
- Il faut que tu partes !, ordonna Onni. Je vais tenter de le retenir !
- Non mais ÇA VA PAS BIEN !, hurla Emil en l’attrapant par le col pour le secouer. Déjà tu vas pas me laisser tout seul alors que je sais pas où on est, et surtout, tu vas pas combattre ce truc sans moi c’est compris ?!
Il pointa une sorte d’îlot un peu plus loin : 
- Montons là-dessus, au moins on sera plus au sec. Et il faut essayer de réunir des branches. On pourra peut-être faire du feu…
- C’est stupide, grommela Onni.
Pourtant il suivit Emil et arracha des branches au passage, tandis qu’ils courraient aussi vite qu’ils le pouvaient.
Emil grimpa sur l’espèce de promontoire et tendit la main à Onni dès qu’il fut dessus. Onni exprima une certaine surprise pendant une fraction de seconde avant de la saisir pour le rejoindre.
Avec des branches et quelques végétations à moitié sèches, Emil s’empressa de faire un petit feu. Onni devait s’avouer qu’il était impressionné par la technique du garçon dans un environnement aussi humide.
Les tentacules de la chose qui les suivait se rapprochèrent et Onni traça une barrière à l’aide d’un bâton. Il chantonna une prière pendant qu’Emil essayait de faire croître les flammes.
Les appendices du monstre se heurtèrent à la barrière dans un crépitement et elle poussa un grognement furieux.
- C’est bon ! Ça marche !, s’exclama Emil en soufflant doucement sur le feu.
Celui-ci s’embrasa et Emil s’empressa d’enrouler des herbes sur des bouts de bois pour les enflammer. Il les planta de chaque côté de la barrière et fit signe à Onni de reculer pour que la bête avance.
La créature se hissa lentement vers eux en glissant, comme si elle savourait l’instant, retardant leur mise à mort. Les flammes la forcèrent à se rétracter pour passer entre, et c’était à ce moment-là qu’Onni lança son attaque.
Des flèches psychiques fendirent les airs depuis toutes les directions. Certaines rebondirent sur l’armure d’aiguilles de la monstruosité mais une partie se planta dans sa chair et elle poussa un cri suraiguë.
- EMIL !!
Le suédois n’eut pas le temps de voir qui avait appelé son nom. Un tentacule énorme le heurta de plein fouet, l’envoyant valdinguer comme un fétu de paille, droit dans l’eau du marais. Il s’agita dans l’eau, battant des bras pour retrouver la surface et ressortit la tête en crachant ses poumons, les cheveux collés dans le visage.
- N’APPROCHE PAS !, hurla-t-il, mais sa demande fut royalement ignorée.
Lalli qui se tenait à quelques distances de là sur des planches de bois, plongea et le rejoignit malgré son dégoût pour l’eau sale et visqueuse.
Onni essayait de garder l’attention du monstre mais celui-ci avait vraisemblablement une préférence pour Emil et se détourna.
Elle était attirée par l’énergie vitale très vive qu’il dégageait, et une magie très intense qui avait été amplifiée par le rituel.
Lalli pouvait la sentir remonter le long de son bras alors qu’il avait saisit celui d’Emil pour tenter de l’éloigner du Ajattara.
- Tu n’aurais pas dû venir, hoqueta Emil, le regard débordant d’inquiétude en dépit de leur situation critique - ou à cause de cela.
Lalli esquiva un coup de la créature et émit un son entre ses dents. Le son se changea en lumière bleutée qui heurta le membre du monstre, dont un bout tomba avec bruit dans l’eau.
- Par ici !, appela Reynir en se penchant depuis les planches suspendues.
Lalli et Emil nagèrent jusqu’aux planches et grimpèrent dessus. Onni, depuis son îlot, envoya une dernière salve sur la bête avant de bondir. Des ailes dorées se déplièrent dans son dos et il atterrit avec grâce et élégance près de Reynir.
Les yeux de Lalli scintillèrent d’une lueur bleue et surnaturelle. L’eau autour d’eux s’agita.
Les flammes s’épaissirent et envahirent la ramure des arbres
Les deux éléments formèrent comme une cage autour de l’entité qui commença de s’effondrer sur elle-même, comme si elle était en train de fondre. De la brume, née de la chaleur et de l’eau, finit par les entourer.
Emil s’aperçut que Lalli lui serrait la main en plus du bras, aussi fort qu’il le pouvait, et même si ça faisait un peu mal, ce n’était pas déplaisant. Il s’appuya légèrement contre lui, culpabilisant un peu de profiter de l’occasion pour jouer du contact - mais c’était si rare, et de toute manière ce n’était pas réel.
Sa vision se voila progressivement, et les cris du monstre se changèrent en mélopée. C’était comme si quelqu’un psalmodiait contre son oreille…

Une gifle le ramena à la conscience.
- AÏE !!!!
Les bras de Lalli l’entourèrent et il oublia rapidement la douleur. Il marmonna pour la forme : 
- T’étais pas obligé de faire ça.
L’étreinte de Lalli se resserra davantage, le forçant à se taire.
Ils se trouvaient au bord de l’étang qu’ils avaient quitté au début du rituel. Ils étaient revenus dans le monde réel.
Reynir aida Onni à se relever. Ce dernier essuya de la suie qui souillait son visage en soupirant puis il observa son cousin et son ami Emil enlacés au milieu des cendres. Le pouvoir qu’ils avaient invoqué à eux deux étaient hors du commun, il n’avait jamais rien vu de tel.
Deux éléments si disparates, et pourtant totalement complémentaires et fonctionnant en harmonie l’un avec l’autre.
A nouveau, il soupira. Il tapota l’épaule de Reynir et tourna les talons.
Il devait le reconnaître : il avait eu tort.
Ils étaient bien plus forts à deux et il fallait qu’il respecte cela.
- N’empêche que ce garçon est un idiot maladroit, grogna-t-il entre ses dents.
- De quoiiiii ?, demanda Reynir en lui courant après.
Dans leur dos, Lalli embrassa vivement un Emil surpris sur la bouche.

auteur:élément déclencheur, fic, pour:hetepsabet, stand still stay silent

Previous post Next post
Up