Titre : Au pays du haggis sauvage
Auteur : Hetepsabet (Participant.e 14)
Pour : Cocoal (Participant.e 3)
Fandom : Gradalis
Persos/Couple : Perceval/Mordred
Rating : G
Disclaimer : Gradalis appartient à Kochei
Prompt : Perceval(/)Mordred. Où Mordred fait découvrir la ville d’Edimbourg et d’éventuelles spécialités écossaises à Perceval.
- Possibles sentiments balbutiants. Spécialités culinaires comme le haggis (avec l’éventuelle plaisanterie sur le haggis sauvage), vestimentaires comme le kilt…
Notes : merci pour ce prompt, c’était bien amusant à répondre ! Ici, les sentiments balbutiants sont à peine suggérés, j’espère que cela t’ira quand même.
Depuis son départ du domaine de sa mère, Perceval n’avait eu de cesse d’aller de surprise en surprise, tandis qu’il découvrait des territoires dont il n’avait même pas soupçonné l’existence durant l’essentiel de sa vie. Les villes, les royaumes réunis sous une seule bannière… Et sans doute n’était-ce pas fini. Le territoire d’Arthur était grand et lui-même n’avait voyagé que dans une petite portion.
Edimbourg n’était en rien comparable à Camelot, tant concernant son architecture que sur bien d’autres détails culturels… même les vêtements portés différaient en cet endroit ! Perceval était intrigué par ces sortes de jupes ou robes à carreaux que les hommes portaient, taillées dans un tissu épais, absents en Logres ou en Pays de Galles. Mordred n’avait pas tardé à remarquer sa curiosité insistante mais, lancé sur les spécialités sucrées de son pays et profitant de l’occasion pour vanter les mérites de ses desserts préférés, il n’en dit d’abord rien et Perceval ne chercha pas à l’interrompre. Il avait déjà goûté au Scottish tablet plus tôt dans la matinée, et la publicité que faisait Mordred du reste éveillait son envie, notamment ce fameux cranachan. Il lui faudrait attendre juin et la récolte des framboises, cependant.
Arrivés la veille, ils étaient bloqués au sein de la cité, le temps que Tristan se rétablît. Le jeune écossais lui avait alors proposé de visiter la ville sur laquelle régnait sa mère, ce que le gallois avait accepté avec joie. Découvrir la ville de naissance - ou était-ce en Orcanie ? - de son ami l’avait fortement enthousiasmé. Il avait été étonné d’apprendre que sa lignée régentait deux royaumes bien distincts, le Lothian et l’Orcanie. Une séquelle des conquêtes du temps de leurs parents, d’après Mordred. Une concession d’Arthur pour tenter de s’arracher la fidélité de Lot ? Perceval n’avait pas compris pourquoi la situation avait été laissée ainsi, si cette situation convenait réellement à tout le monde, mais il ne l’avait pas questionné à ce sujet. Mordred n’avait pas forcément la réponse et lui-même ne désirait pas créer un malaise entre eux, ni risquer de le laisser croire que le ton était accusateur.
Depuis combien de temps avaient-ils quitté le château ? Il n’en avait aucune idée ; il avait seulement conscience que la matinée devait être bien avancée. Ils marchaient le long d’une large rue passante, en contrebas du massif bâtiment royal. Sa position en hauteur le rendait immense et plus impressionnant encore. Perceval peinait à déterminer si cela le rendait admiratif ou mal à l’aise. Autour d’eux, la foule était dense, mais pas autant qu’il ne l’avait craint, et la présence de Mordred le rassurait. La visite et tous ces détails qu’il apprenait lui permettaient d’éclipser partiellement cet aspect plus dérangeant.
- Ce sont des kilts.
L’affirmation extirpa Perceval de ses pensées. Il cligna des yeux et Mordred répéta sa réponse. Le nom lui était totalement inconnu. L’adolescent lui désigna alors du doigt les tissus qu’il scrutait tantôt pour relier ce mot à l’objet en question.
- Des kilts ? répéta-t-il, curieux.
- Oui. Ce sont des vêtements traditionnels écossais. C’est assez fréquent de les porter chez nous, surtout lors de grandes occasions… mais aussi au quotidien. Tu ne l’avais pas remarqué sur le trajet, depuis que nous sommes entrés en Ecosse ? Ce n’est pas une spécificité du Lothian.
- Je n’avais pas remarqué, non, avoua le gallois, un peu penaud.
Comment avait-il pu manquer cela ? La différence avec la vêture habituelle des autres bretons était si flagrante ! Il n’y avait sans doute pas prêté attention, tout simplement. Et puis, tout à leur traque de Breuse, ils n’avaient traversé aucun village, n’en avaient contourné que quelques-uns, avaient finalement croisé peu de gens, s’efforçant d’aller au plus vite pour combler rapidement la distance entre le voleur et eux. Par conséquent, ils n’avaient pas croisé tant d’écossais que cela, et le contact s’était souvent restreint au remplissage de besoins alimentaires ou à la quête d’un logement pour la nuit. Perceval ne se rappelait pas avoir vu de kilts, mais Dinadan s’était souvent chargé seul des transactions, pendant que les deux écuyers s’occupaient des chevaux ou s’entraînaient avec Tristan.
Ceci expliquait sans doute cela.
Perceval sourit, ravi. Ce détail s’ajoutait à la liste de ses découvertes. La plupart avait été de nature gustative, avec de nombreuses pâtisseries et friandises locales, sujet amené après leur passage dans une boulangerie plus tôt pour compléter leur petit-déjeuner. Il avait également eu l’occasion d’observer quelques instruments utilisés par des musiciens dans les rues, comme une sorte de cornemuse… La culture écossaise était si différente de celle dans laquelle il avait grandi, au pays de Galles !
Il tourna la tête vers Mordred. Les yeux de ce dernier erraient devant eux, semblant s’interroger sur la prochaine direction à prendre, la prochaine destination à atteindre.
- Et ça a une signification particulière ?
- Eh bien…
Après quelques secondes d’hésitation, Mordred se mit à déblatérer sur le kilt et ses usages, ainsi que le tissu utilisé, et Perceval l’écouta attentivement. A ses yeux, son ami se révélait être un bon guide, même s’il fallait parfois le pousser un peu pour qu’il développât ainsi, sans doute hésitant à trop en dire au risque de l’ennuyer. Mais il ne l’ennuyait pas. Il ne risquait pas de l’ennuyer. La curiosité de Perceval se révélait là insatiable, et puis il s’agissait de Mordred, ainsi que du peuple auquel il appartenait. Sans qu’il n’en connût la raison, cela renforçait son désir d’en apprendre plus.
Un gargouillement sonore interrompit net Mordred dans ses explications. Les yeux agrandis de surprise, il fixa son aîné, qui rosit. Son ventre semblait bien mieux renseigné que lui sur l’heure... Il leva la tête vers le ciel et considéra la position du soleil, qu’il avait ignoré jusque-là. Il haussa un sourcil. Tant de temps que cela ? Midi était déjà passé, l’après-midi bien entamée.
- Je ne m’étais pas rendu compte qu’il était si tard… Tu souhaites que nous retournions au château pour manger ?
Perceval n’avait pas si hâte, malgré la faim qui le tenaillait soudain, suite à ce signal bruyant. Il aimait être là, seul avec Mordred, et craignait un peu qu’en croisant un adulte, la poursuite de leur promenade fût compromise.
Ce fut au tour de Mordred de prendre quelques couleurs. Il se frotta l’arrière de la tête, embarrassé.
- Je… j’ai pensé que nous pourrions manger à l’extérieur, ce serait plus rapide. Et puis, ce pourrait… ce serait l’occasion de découvrir des spécialités locales ? Salées, je veux dire ?
Perceval rayonna à cette suggestion. Les plats servis la veille au soir étaient similaires à ceux qu’il consommait habituellement et il soupçonnait la régente d’avoir adapté le menu à ses hôtes, à moins qu’elle-même eût conservé ses habitudes culinaires de Cornouilles. Morgane n’était pas écossaise, après tout, mais venait de Tintagel.
- Bonne idée !
Mordred le guida alors jusqu’à une première taverne, qu’il avisa avec hésitation. L’écriteau qui pendait au-dessus de l’entrée figurait un animal étrange, ramassé sur lui-même et poilu, qui n’évoqua rien à Perceval, pourtant connaisseur de la faune. Une espèce locale, peut-être.
- Je ne sais pas si…
- Que servent-ils ici ? demanda-t-il avec curiosité, comme Mordred s’enlisait dans son incertitude.
- Du haggis surtout. Du cullen skink aussi, il me semble. Tu connais ?
- Non, c’est quoi ? Des spécialités d’ici ?
- Ecossaises, oui.
Cela l’enthousiasma.
- Et c’est bon ?
Mordred haussa les épaules.
- Moi, j’aime bien. Mais je suis plus palais sucré.
- Ce sera l’occasion de goûter ! Au pire, ils servent bien d’autres choses ?
- Oui.
- Alors mangeons ici ! proposa-t-il, comme son ami ne se montrait qu’hésitant, et non pas réticent.
Il en concluait donc que son ami réfléchissait plutôt aux probabilités qu’il appréciât les plats en question, et non à d’éventuels éléments négatifs au sujet de la taverne et de ce qu’elle servait. Mais y avait-il seulement mangé un jour ?
Mordred acquiesça. Puis il sembla se rappeler quelque chose, car alors qu’ils allaient entrer, il lui demanda :
- Au fait, tu n’as pas de restriction alimentaire ? Ou quelque chose qui… ?
Perceval le jaugea avec étonnement.
- Non, rien de particulier.
- D’accord, fit-il juste avec un hochement de tête, sans détailler davantage.
Ils pénétrèrent dans la taverne. La salle, inégalement éclairée, n’était que partiellement remplie, mais les sons de conversation l’emplissaient. Ils commandèrent au bar - du fameux haggis, cité précédemment par l’écossais - et s’installèrent à une table. Cependant, un détail chiffonnait Perceval.
- Au fait, c’est quoi le haggis ? Un animal ? Celui de l’écriteau ?
Il se sentait un peu stupide de ne pas l’avoir demandé avant, ayant fait le lien entre l’animal de l’écriteau et le plat sans chercher à le valider au préalable, après que Mordred eut affirmé qu’il s’agissait du principal plat cuisiné là. Ce dernier cligna des yeux et le considéra un instant, perplexe puis incertain. Perceval observa son manège sans comprendre. Enfin, son ami acquiesça, les joues cramoisies.
- Oui, c’est… un animal sauvage. Il est vraiment bien caché, on… on en voit rarement. Voire pas vraiment. C’est… Une sorte de rongeur, qui vit dans les bois. Un petit rongeur, enfin non, plutôt moyen… ou plutôt gros, si l’on compare à un rat ?
En même temps qu’il parlait, il effectuait des gestes pour tenter de représenter les dimensions de la créature, mais ses indications variaient tant que Perceval fut incapable de les apprécier.
- Et poilu, avec de petites pattes, et… c’est une bestiole assez bizarre, en fait, acheva-t-il, gêné, avant de détourner le regard de son compagnon.
Le gallois l’observa avec douceur, attendri. Il peinait à visualiser le haggis dans son esprit mais n’insista pas. Durant la quête, Mordred n’avait pas semblé s’y connaître en matière de faune sauvage, ainsi suspectait-il qu’il ne l’eût vu que sous sa forme cuisinée. Il admettait donc aisément qu’il fût difficile pour son ami de la décrire dans ces conditions. Mais était-il à ce point transformé dans les plats, jusqu’à en affecter sa taille ?
Dans tous les cas, il était curieux d’observer le haggis sauvage dans son habitat naturel. Il lui faudrait être attentif, la prochaine fois qu’il s’introduirait dans les bois écossais. Peut-être devrait-il, au préalable, consulter des ouvrages, voir s’il existait des dessins qui le représentaient. Cela faciliterait les choses.
Perceval eut sa réponse lorsque leurs assiettes furent posées sous leurs nez. Une sorte de boule reposait au centre, recouvert d’une sauce claire au whisky et accompagné d’une purée de rutabagas et de pommes de terre. Curieux, il le scruta quelques secondes avant d’imiter Mordred et de le couper puis comprit. Une fine membrane enveloppait de la viande hachée.
Ainsi, tout s’expliquait.
**
- Vous avez passé une bonne journée ? On ne vous a pas vus du tout, tous les deux !
Dehors, le soleil déclinait et le ciel fonçait progressivement. Les deux écuyers étaient retournés depuis peu au château et Perceval avait tenu à rendre visite à Tristan à l’infirmerie. Ils y avaient retrouvé Dinadan, qui les avait accueillis avec enthousiasme.
- Oui, Mordred m’a fait visiter la ville.
Ce dernier rosit à cette mention, tandis que les deux chevaliers rivèrent brièvement leur attention sur lui. Perceval s’étendit alors avec joie sur ses découvertes de la culture locale, sans qu’aucun des chevaliers eussent à l’y inciter. Cela fit sourire les deux hommes.
- … Et nous avons mangé du haggis !
- Oh, tu as goûté ? Tu as aimé ?
- Oui, c’était bon. Je serais curieux de voir l’animal vivant, la préparation ne permettait même pas de reconnaître la forme de l’animal…
Après un bref instant de surprise, les traits des deux trentenaires se plissèrent, comme s’ils se retenaient de rire. Mordred, lui, entra la tête dans les épaules, lèvres pincées, désormais incapable de soutenir son regard. Son visage et ses joues colorées trahissaient cependant un amusement similaire. Perceval haussa un sourcil. Il ne comprenait pas leur attitude soudaine et sentait que quelque chose lui échappait. Mais quoi ?
- Qu’est-ce que j’ai dit ?
Dinadan toussota et glissa une œillade au jeune écossais qui paraissait ne plus savoir où se mettre et cachait ses lèvres d’une main, trahi par ses fossettes.
- Je crois que tu as été la victime d’une plaisanterie.
- Pardon ?
Une plaisanterie ? Mais de qui ? Et quel rapport ?
- Je ne te savais pas si blagueur, Momo, s’égaya ensuite le français, et le concerné vira au cramoisi.
Tristan étouffa un gloussement derrière son poignet. Perceval les considéra avec incertitude. Dinadan reporta alors son attention sur lui.
- Les écossais aiment bien faire cette blague aux autres, ne t’inquiète pas.
Perceval ignora la remarque, toujours aussi perdu.
- Mais quelle blague ?
- Le haggis n’est pas un animal, répondit-il alors. C’est une panse de brebis farcie d’un hachis à base de viande - généralement des abats de mouton - et d’avoine. Désolé, Percy, pas de petit haggis sauvage à découvrir dans les bois, je le crains, termina-t-il avec un clin d’œil.
Dépité, Perceval se tourna vers Mordred qui se racla la gorge, penaud. Pourquoi lui avoir menti ? Son cœur se serra. Peut-être ne l’appréciait-il pas vraiment, finalement ? Il lui semblait pourtant que leur relation avait évolué dans le bon sens, depuis quelques semaines, malgré un début assez difficile. Il en était même venu à le considérer comme un ami. Mais Mordred ressentait-il la même chose à son égard ? Cependant, c’était lui qui avait proposé cette visite de son propre chef, sans y avoir été contraint. Ou peut-être pas… ?
Dinadan l’arracha à ses réflexions en lui brossant les cheveux.
- Ce n’est pas grave si tu es tombé dans le panneau. Breuse nous a fait le même coup, il y a des années, et Tristan a sauté dedans à pieds joints !
Perceval écarquilla les yeux. Breuse… ? Mais ils avaient été proches à l’époque, non ?
A ces mots, Tristan fit la moue.
- C’aurait pu être vrai. Et toi, tu n’y as pas cru parce que tu t’es toujours montré suspicieux à son égard, alors forcément…
- Non, c’est juste que je me doutais qu’il s’agissait d’une plaisanterie.
Perceval secoua la tête alors qu’ils commençaient à se chamailler.
- Mais pourquoi… ?
Dinadan perçut l’inquiétude dans son regard et le rassura aussitôt :
- Ce n’est pas méchant. Les écossais font souvent la blague à leurs proches non-écossais. A ce niveau-là, on pourrait presque considérer cela comme une tradition, dans le coin !
Perceval acquiesça et n’écouta plus alors que Tristan reprenait son ami au sujet de l’épisode avec Breuse, qui ne l’intéressait déjà plus. Son cœur avait bondi, heureux. Il se mit à fixer un Mordred toujours pivoine qui préférait scruter les murs plutôt que croiser son regard. Ainsi, il le considérait bien comme son ami ? Il en était soulagé, et même un peu satisfait, aussi. S’il s’agissait là d’un rite presque obligé à effectuer auprès de ses connaissances ! Il lui adressa un sourire timide, que le jeune homme n’aperçut pas, mais Perceval n’en tint pas compte. Il espérait réellement que Mordred appréciait tout autant sa compagnie que lui-même appréciait la sienne. Il voulait…
Ses yeux dévièrent alors vers la haute fenêtre qui donnait sur la cour et, au-delà, la ville. Elle se résumait là en un défilé de toitures étroites. Il songea alors qu’il aimerait lui rendre la pareille. Lui faire découvrir sa culture et son pays, comme son ami lui avait fait découvrir la sienne, au travers de cette visite.
Un jour, peut-être.