Titre : Oasis perdue
Auteur : Sinead (Participant 34)
Pour : Melin (Participant 23)
Fandom : Dune
Persos : Duncan Idaho, Gurney Halleck
Rating : K+/PG
Disclaimer : Tout appartient au grand et regretté Frank Herbert, tant au niveau de l’histoire générale que des notes annexes sur les personnages, à part peut-être la mise en page qui appartient à son fils Brian ainsi qu’à Kevin J. Anderson pour la trilogie de l’Avant Dune.
Prompt : De l'interaction Duncan/Gurney, en gen, si possible. Je voudrais qu'ils discutent de Caladan, sitôt après être arrivés sur Arrakis, et qu'ils se montrent un peu mélancoliques, peut-être? Ou alors une discussion sur Jessica, avec leurs sentiments contradictoires à son sujet au début des bouquins.
Note : Hm, c’était loin d’être une œuvre de base facile à respecter en tout point, et j’espère ne pas avoir massacré l’univers de Dune… Ensuite, j’espère que mon interprétation de ton prompt sera à ton goût, j’ai essayé de traiter un maximum des aspects de ta demande. En tous les cas, je suis ravie d’avoir tenté l’expérience, et croise les doigts pour que cela te convienne ;)
La première chose qui les avait frappés… non, giflés à l’arrivée sur la planète des sables, c’était le vent sec du désert. Un vent rude, violent, vicieux et corrosif qui s’attaquait à la moindre parcelle de chair laissée à découvert. Duncan, qui avait été envoyé en avant-garde et donc avait déjà goûté à la morsure avide, ne broncha pas, mais ce ne fut pas le cas de Gurney. Dans un sursaut vite réprimé, il s’était un instant cru revenu des années auparavant, dans la bouche de l’Enfer qu’était Giedi Prime, le trou répugnant de sueur et de chaleur moite et sanglante des Harkonnens.
Mais la confusion fut de courte durée, puisque le souffle impatient n’avait rien d’artificiel, et n’apportait sur ses ailes ni cris de souffrance, ni relents de souffre. Il était sec, comme purifié, primitif. En un sens, cela le rassurait un peu sur sa terre d’exil, malgré un petit frisson accompagnant ses pensées. Combien de temps ici, combien de temps loin de notre monde d’accueil ? Cela avait quelque chose de pathétique, mais il sentait que Caladan lui manquerait, quand bien même cette nouvelle planète userait de tous ses charmes pour détourner son mal du pays. Et Arrakis était loin d’être la parfaite alternative à la planète bleue des Atréides, puisqu’elle se présentait comme son antithèse.
Gurney laissa échapper un faible soupir - ce qu’il ne se permettait que parce que c’était Idaho et pas un autre qui se tenait à ses côtés - tandis que sa bouche déjà desséchée esquissait un début de moue résignée, plissant sa cicatrice de vinencre. Duncan, un léger sourire tordu en coin, tournait déjà la tête vers lui quand le balladin-épéiste réalisa combien son comportement était enfantin. Dans un grognement sourd, il ébouriffa son compagnon d’arme tel un vulgaire gamin avant même qu’il puisse ouvrir la bouche, et le traîna avec lui à sa suite.
~°~
- C’est ça la nouvelle demeure ducale ? siffla Gurney.
- Oui, répondit son interlocuteur d’un ton neutre. J’admets qu’elle paraît assez rustique et inadaptée au premier abord, mais elle est conçue de manière assez stratégique pour une bonne défense.
- Bon…
Gurney observa en silence le plafond couleur ocre pendant une bonne demi-seconde, puis s’affala sur un semblant de banc de pierre taillé à même le roc de la demeure. Duncan s’esclaffa bruyamment.
- Allons mon bon Halleck, serait-ce déjà le mal du pays ? Râle maintenant, avant que notre Duc et son fils n’arrivent, après cela sera trop tard.
- Un bon soldat ne se plaint pas, grommela le joueur de balisette entre ses dents.
- A d’autre. Quand je suis arrivé ici…
- Tu n’es encore qu’un jeunot inexpérimenté, c’est différent.
- … Je n’ai pas pu m’empêcher de pester contre tous les Dieux de la galaxie…
- Et blasphémateur avec ça.
- Pour aussitôt les supplier et leur promettre n’importe quoi en échange d’une bonne tranche de melon de Caladan, tu sais ceux qu’on récolte dans la grande serre en cristoplaz à l’est du château ducal…
- Sans oublier avide et glouton, décidément tu as tout pour plaire Duncan Idaho !
- Dois-je te rappeler que j’ai suivi et accompli ma formation de Maître d’escrime de Ginaz durant huit ans sans me plaindre, vieux débris ?
- Tu parles, formation, formation, je suis certain que tu étais chouchouté parce qu’adressé là-bas par le Duc Leto.
- Vas-tu cesser de gémir et de jouer les vieillards rabat-joie Gurney Halleck, tu m’écorches les oreilles plus que l’horrible cacophonie que tu tires de ta balisette !
Il y eut un bref moment de silence, puis tous deux éclatèrent d’un rire qu’on aurait pu qualifier de complice s’il n’y avait pas eu tant entre eux. La vie les avait marqué durement, mais chacun avait su surmonter les épreuves et retrouver une raison de vivre qui brûlait plus fort dans leur poitrine que le soleil le plus ardent de la planète aride. La Maison des Atréides leur avait donné un but auquel s’accrocher, à défendre bec et ongles, quitte à provoquer les pires massacres dans les rangs de leurs adversaires.
Un fois leur rire calmé, Duncan reprit une attitude plus mesurée. Ce qui ne l’empêcha cependant pas de s’affaler aux côtés du petit homme rude et balafré.
- Caladan va me manquer… Lâcha-t-il dans un souffle. Elle me manquait déjà lors des premières missions où l’on m’a envoyé en éclaireur dans les sietch, maintenant ce sera bien pire encore, puisque toute la famille ducale se déplace ici.
Gurney observa attentivement son cadet. Le visage d’Idaho était devenu rude avec le temps, taillé par les combats et l’entraînement intensif qu’il s’imposait pour protéger sa Maison. C’était à présent un homme mûr, digne de respect, qui avait acquis sa réputation au fil de son épée, la fameuse épée que lui confiée Paulus Atréide, le père de Leto. Pourtant, quelque part derrière ces traits qui avaient perdu tout de la rondeur de leur enfance, il arrivait encore à distinguer le jeune gamin à peine revenu d’apprentissage chez les maîtres de Ginaz, plein d’espoir et d’honneur, prêt à tout pour son Duc. La ferveur qui habitait Duncan était loin d’être éteinte, tout comme la flamme qui brillait dans son propre cœur. Foutus Atréides grommela-t-il intérieurement. Tellement doués pour susciter l’admiration et le respect de leurs sujets.
Ce n’était pas tant les rizières abondantes de Caladan qu’ils regretteraient tous les deux, mais plutôt la planète qui les avaient recueillis, eux, les naufragés de la vie. Une planète recouverte d’eau bienveillante qui n’avait pas tenté de les noyer, une planète aux gemmes iridescentes qui leur avait donné une raison de se battre.
- Bah, enchaîna-t-il d’un ton badin. Il va falloir t’y faire, plus de petit-déjeuner à base de riz pundi ou de baignade matinale dans l’océan. Plus même d’affreuse mouette pour te réveiller en sursaut le matin. Tu survivras.
Ils n’avaient pas besoin de mots pour partager le lien qui les unissait à cette planète d’adoption. Leur planète. Et tout ce sable à perte de vue ne leur ferait pas oublier.
Idaho se redressa sur son séant, soudain sérieux.
- Gurney, je crois qu’un hommage s’impose.
Dans ses yeux vifs et alertes brillait une lueur qui ne plaisantait qu’à moitié. L’autre moitié était tristesse mélancolique. Gurney acquiesça silencieusement, et sortit avec douceur la balisette de l’étui qui reposait contre son flanc. Il l’accorda rapidement, et presqu’aussitôt les notes harmonieuses s’échappèrent sous ses doigts.
« Je me souviens de la fumée de sel d’un feu de plage
Et des ombres sous les pins,
Dures, propres… Solides.
Des mouettes au bout de la terre,
Blanches sur tout ce vert,
Et du vent qui venait dans les pins
Faire se balancer les ombres.
Des mouettes qui déployaient leurs ailes
Vers le ciel
Et qui l’emplissaient de cris
Dans le bruit du vent
Qui soufflait sur la plage,
Et le ressac.
Et je vois notre… »
Feu qui a brûlé les algues. Tous deux avaient en tête la fin de la ballade triste du musicien, qu’ils avaient maintes fois écoutée ensemble. Aujourd’hui elle prenait soudainement tout son sens et son poids.
Le silence prit son envol et de ses ailes de plomb figea la scène… Jusqu’à ce qu’un brouaha lointain retentisse, bientôt accompagné de bruits de pales d’orni et de crissements du sable sous les courants d’air vifs.
Idaho sortit de son mutisme et sauta sur ses pieds.
- Allons mon vieil ami, hauts les cœurs. Le temps n’est plus aux regrets, allons de l’avant. Le Duc nous attend, ainsi que Paul et Jessica…
Le visage de Duncan s’adoucit une fraction de seconde, tandis qu’à l’opposé les traits de Gurney se durcissaient aux derniers mots de son camarade. Le cadet parut remarquer les mâchoires serrées et la moue sceptique, peu confiante du balladin, mais ne releva pas. Ils s’étaient déjà suffisamment disputés à propos des rumeurs qui couraient sur la concubine du Duc, dûment propagées par Thufir Hawat, et ne désiraient pas recommencer à s’affronter.
Duncan n’esquissa donc qu’un haussement de sourcil confiant pour que Gurney se lève aussitôt à sa suite, souple comme un félin.
Et rien d’autre. Pas même quand son compagnon d’arme ne siffla entre ses dents quelques mots acérés.
En espérant que les mirages du désert soient les seules tromperies que l’on rencontre…