Naaaan pas les stagiaiiiiires !

Nov 17, 2010 19:24

Les démarches pour un stage, c'est génial. Surtout pour un stage dont personne ne comprend le but, pas même toi : un stage d'OBSERVATION. Qui comme son nom l'indique mais comme personne ne percute, te demande d'observer. Observer quoi ? T'en sais rien. Tu conçois vaguement que tu vas t'asseoir au fond de la classe, te taire, et écouter, et observer. Bon.

Tu choisis une école presque au hasard dans le bottin. Tu dégaines ton GSM, ton meilleur ami dans ce genre de cas où tu passes ta vie scotchée au téléphone alors que tu es au kot et que donc tu n'as pas de fixe. Au passage tu auras prévu au préalable de mettre beaucoup de crédit sur ton GSM, parce que le premier coup de fil est loin d'être le dernier.

Tu tombes sur la secrétaire du secrétariat - jusque là c'est logique, tout va bien.

Bonjour je suis étudiante en Romanes et je fais l'agrégation cette année, je cherche un stage d'observation de quatre heures dans une école.

Là, en général, au mot STAGE, on te refile le dirlo ou le préfet. Tu recommences.

Un stage de quoi ?
D'observation.
Ca consiste en quoi ça ?
À s'asseoir au fond de la classe et à observer (pignouf). 
Pourquoi on vous fait faire ça ?
(Pour nous faire chier et les profs avec.) Pour qu'on comprenne mieux l'ambiance d'une classe et qu'on mette enfin du concret sur les théories (à la con) qu'on nous apprend depuis trois mois.
Ah mais de toute façon on prend pas les stagiaires qui sont pas des anciens élèves hein, au revoir mademoiselle.

2€ de crédit pour ça, ça valait la peine.

Tu choisis une autre école. Rebelotte. Encore une, encore pareil. Parfois tu prends la peine de te déplacer sans téléphoner quand c'est pas loin de chez toi, mais on t'envoie péter de la même façon. Parfois tu envoies un mail, et on ne te répond jamais. Cool. Le GSM est ton meilleur ami, disais-je.

Finalement, tu te décides à téléphoner à TON ancienne école, même si les profs l'ont très fortement déconseillé, question de va fourrer un peu ton nez ailleurs que dans tes slips ma fille. Mais j'y peux rien madame on veut pas de moi ailleurs, ça te semble un argument parfait. Tu téléphones donc, pareil, secrétariat, dirlo, on te demande d'envoyer un mail. Inch Allah, ça a l'air d'avancer. Tu ponds ton mail bien pompeusement, bien comme il faut, avec un Madame la directrice pour commencer, un Je vous prie de redevoir Madame la directrice mes salutations pour finir, tu mets en pratique les tonnes de diplomatie et de langage administratif que tu as fini par connaître à force de courir lesdites administrations pendant l'été, bref, tu y mets deux heures, à pondre ton mail, et cinq jours plus tard on te répond : "Ok, vois ça avec madame Machin, voilà son adresse e-mail." Ca valait la peine. Mais au moins ça avance un poil. Y'a de l'espoir dans les chaumières.

Tu envoies un mail à la madame Machin (ancienne amie de ta soeur, donc tu y vas moins allègrement sur le tartinage de suavités), qui te répond Gott seid dank en moins de dix minutes ! Vivent les profs jeunes légèrement geekettes scotchées à leur pc. Enfin tu sens venir quelque chose de concret. Tu choisis donc avec elle la classe que tu vas suivre, et puis... Et puis faut l'accord des autres profs. Aïe.

Tu ré-empoignes donc ton téléphone (le forfait commence à gémir), tu retéléphones au secrétariat.

Oui bonjour je suis stagiai-
Ah est-ce que vous avez téléphoné à la directrice ?
Oui madame, j'ai son accord. Donc je disais, je suis stagiaire ce vendredi chez les 6D, il me faut leur horaire de cours.
Les 6 quoi ?
Les 6D, comme Denise. (Là, c'est juste l'influence d'Au Bonheur des dames, dernière lecture en date, qui te fait dire ça. Bref.)
Pour vendredi, vous dites ?
Oui (greluche, je vais devoir te le répéter combien de fois ? ).
Attendez je cherche...

(LA phrase qui peut te faire poireauter longtemps, nondidju.)

Vous êtes toujours là ? (C'est dire si ça a duré longtemps, faudrait voir à mettre de l'ordre dans les papiers du secrétariat.)
(Fidèle au poste, on m'appellerait Lassie. Ahum.) Oui.
Oui donc ils ont géo et histoire juste après avec Monsieur Bidule et Monsieur Bazar.
Merci, pourriez-vous me donner un numéro pour les joindre ?
Oh, mais je ne sais pas si je peux, c'est confidentiel...
Ok bah alors vous leur demandez de ma part, ça m'arrange, ça me fera moins de frais de téléph-
Alors leurs numéros sont le...

Tu vois quand tu veux, grognasse. Bon, première désillusion, ce sont des numéros de fixe. Hors de question de les appeler avant 16h30. Tu te souviens vaguement que monsieur Bidule le prof de géo est entraîneur de foot à ses heures perdues, donc lui ça sera entre 16h30 et 18h. Crotte de bique, tu as cours, à ces heures-là, faudra tenter ta chance à un autre créneau. Tu commences donc par monsieur Bazar. tu tombes sur madame.

Bonjour madame, monsieur Bazar est-il là ?
Oui, c'est à quel sujet ?
Pour un stage. (Tu sens qu'elle tique, mais tu vas pas tout réexpliquer deux fois à quelqu'un qui n'a rien à voir là-dedans, tu l'as déjà fait trop souvent.)
Ah oui, je vais le chercher.

Tu les entends discuter, pinailler, le coq chanter (quinze fois sur deux minutes, incroyable), tu entends qu'elle lui passe le téléphone, ton coeur bat, boum-boum, tu prépares mentalement ton speech qui doit être le plus concis et le plus clair possible, t'as le temps de le répéter trois fois avant qu'il se saisisse enfin du cornet (MON FORFAIT BORDEL !) et tu te lances :

Bonjour monsieur je suis stagiaire en observation ce vendredi dans la classe de 6D et vous leur donnez cours en quatrième heure, est-ce que ça ne vous dérange pas que j'assiste donc à votre cours en tant qu'observatrice ?
Euh, tu veux dire que tu vas donner cours à ma place ? (C'est quoi que tu comprends pas dans le mot OBSERVATION, encore ?!)
Non non, juste o-bser-ver.
Ah euh, ben, tu en as parlé à la direction ?
Oui oui j'ai son accord.
Ah euh. (Tu sens qu'il cherche une excuse pour refuser. Tu le sens. Mais il n'en a pas, CONNARD !) Dans ce cas ça va. Tu fais tes études en quoi ?
En romanes.
Ah ça n'a donc rien à voir avec l'histoire.
Non, ce sont les profs qui ont décidé qu'on ne devait pas s'arrêter à notre branche pour aller voir un peu ce qui se passait ailleurs.
Pourquoi ?
(J'en sais rien, j'ai pas compris moi-même, ça me fait chier autant que vous mais c'est comme ça.) Pour qu'on s'imprègne de l'atmosphère de la classe.
Ah bon. Et comment tu dis que tu t'appelles ?
Truc Brol.
Aaaah, la soeur de l'autre ! (Oui parce que ta soeur a eu le malheur de jouer la remplaçante pendant quelques mois dans ladite école, et tout le monde se souvient d'elle. Tu es spotted.)
Ouais, celle-là...

Bon, une affaire rondement menée, tout va bien, tu te rapproches de la victoire.

Mais le dernier à joindre est un gratiné. Quinze appels sur trois jours plus tard, tu parviens enfin à l'avoir, entre deux pleurs de bébé et autres joyeusetés. (Tiens, il a une vie sexuelle, l'entraîneur de foot ? Première nouvelle.) Idem, tu tombes sur madame.

Bonjour, monsieur Bidule est-il là ?
Euh, oui, je vous le passe ?
S'il vous plaît, merci.

Là, tu les entends discuter, lui qui demande qui c'est, elle qui ne peut pas lui répondre. (Et toi tu as renoncé depuis longtemps à donner ton nom comme introduction à deux minutes intenses d'informations condensées. Les gens ne vont de toute façon pas le retenir, ils te demanderont de le répéter après ta tirade une fois qu'ils auront compris qu'ils sont concernés. Ca te chiffonne toujours d'un point de vue diplomatie et tout ça, mais c'est un mal pour un bien. Et de toute façon ton nom ne sert à rien, ils ne savent pas qui tu es. Ou au moins ils ne percuteront pas tout de suite. Donc tu ne te présentes pas. Na.) Le temps que tu te justifies toute seule in petto, on te le passe enfin.

Bonjour monsieur Bidule, je suis stagi-
Ah je ne prends pas de stagiaire cette année, désolé.
Pardon, j'insiste : je suis stagiaire en observation pour quatre heures ce vendredi (tirlititi) et je dois suivre une classe qui vous aura en troisième heure (là ça commence juste UN PEU à faire redondant), j'aimerais savoir si ça ne vous dérange pas que j'assiste à votre cours en tant qu'O-BSER-VA-TRICE (tu découpes les syllabes n'importe comment mais c'est pas grave, du moment qu'ils comprennent).
Euh et donc, tu vas faire quoi, en fait ?
Observer... en silence... (et pleurer peut-être sur mon sort...)
Ah ben ok oui ça me pose aucun problème.
(ALLELUYAH !!) Merci beaucoup monsieur.
Tu fais tes études en quoi ?
En romanes.
Oh. (Là, tu sens TOUTE la déception du type qui n'aura pas affaire à une future collègue enthousiaste avec qui il pourra parler de la dégradation des annonces météo ou de la condition catastrophique de la politique au Moyen Orient. Non, tu es une sale littéraire. Mais c'est pas grave, il a dit oui, tout est là.) C'est quoi ton nom ?
Truc Brol, oui, la soeur de l'autre, on me l'a déjà faite...

Et là, LÀ, c'est la VICTOIRE ! Tu as décroché ton stage !

Ben putain, si on m'avait dit qu'il fallait un abonnement de téléphone spéciales longues communications, pour passer l'agrégation...

nombril

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