[Fic] Yggdrasil octobre : L’assemblée des dieux égyptiens
Les déités de la majestueuse Egypte doivent faire face à une douloureuse révélation, aujourd’hui.
Le tout dernier temple vient d’être abandonné par leurs fidèles. C’en est fini de toute croyance en eux.
Désormais, c’est l’islam qui domine, en ce territoire traversé par le vénérable Nil, le dieu Hapy.
Mais même ce dieu a été chassé de son sanctuaire, maintenant que les croyants ne sont plus persuadés de son existence.
A présent, ils ne continuent à exister que par la force des écrits d’Hérodote, cet historien naïf qui a parlé d’eux à maintes reprises.
Ils ne sont plus adorés. Il est maintenant inutile de le nier, tant c’est évident.
Leurs pouvoirs s’étiolent, leur chair est agitée de tremblements, leurs yeux s’aveuglent, leurs corps deviennent transparents, le cours de leur pensée devient plus erratique.
C’est impossible. Ils n’ont pas être annihilés à ce point !
Les dieux de l’Ennéade se sont rassemblés pour une toute dernière fois à la cité antique d’Héliopolis, accompagnés d’autres divinités mineures mais qui ont absolument tenues à être présentes.
Toutes les forces de l’univers sont réunies en ce lieu magique et sacré.
Le démiurge Atoum lève la main afin que Tefnout et Shou cessent enfin leur conversation. Geb, incarnation de la terre, se présente à la porte, légèrement en retard, tandis que Nout, figure du ciel, soupire. Osiris toussote légèrement afin que le silence se fasse enfin, mais cela n’empêche pas Isis et Seth de continuer à se disputer au sujet de la présence d’Horus. Nephtys assiste au contentieux, silencieuse, comme presque toujours.
« Silence, vous tous ! », ordonne le chef des dieux pour que les quatre personnes toujours en train de parler se taisent enfin. C’est ce qui arrive, finalement, même si Isis et Seth se regardent en chiens de faïence pendant tout le reste de la réunion.
« J’ai demandé à ce que le conseil divin se réunisse en cet endroit parce que l’heure est grave, annonce solennellement Atoum, un peu courroucé par l’attitude puérile des deux adversaires. C’est pourquoi j’aimerais que vous m’accordiez toute votre attention.
-Quelqu’un peut me dire ce que ce gamin d’Horus fiche ici ? l’interrompt le dieu à tête de chacal. Ce n’est pas une crèche, ici, et encore moins une garderie. Que fait ce mioche parmi nous ?
-Le mioche, comme tu dis, t’a vaincu plus d’une fois, sale chien puant ! s’écrie la reine des magiciennes.
-Taisez-vous, taisez-vous, taisez-vous ! hurle le roi des dieux, comme un professeur au milieu d’une classe indisciplinée. Seth, tu ne dois pas t’interroger sur la présence de ton neveu ici. Il le mérite amplement.
-Ah oui ? Je suis curieux de savoir pourquoi, maugrée ce dernier.
-Je t’interdis le moindre commentaire. Quant à toi, Isis, reprend la déité en se tournant cette fois contre la femme aux yeux ourlés de khôl, ce n’est absolument pas la peine d’insulter ton ennemi. Je sais pertinemment que vous relations sont conflictuelles, mais ne me fais pas regretter de vous avoir invités tous les deux, veux-tu ? »
La déesse rejette ses longs cheveux en arrière et ne pipe mot.
« Bien. Maintenant que ce petit détail est réglé, venons-en au fait. Quelqu’un veut résumer la situation ? »
Thot, dieu mineur qui n’appartient pas à l’ensemble des neuf déités protectrices d’Egypte mais qui détenait tout de même son utilité en tant que responsable des scribes et de l’écriture, prit la parole.
« Nous avons été abandonnés. Nous avons été oubliés. Nous avons été évincés.
-C’est juste. Par qui ? s’enquit Geb.
-Par une entité plus puissante encore que nous tous réunis. Par le Dieu Unique, révéla l’homme à tête d’ibis.
-C’est impossible ! éructa Osiris. Personne ne peut dépasser notre pouvoir. Personne.
-Il semblerait pourtant que cela a déjà eu lieu dans ton cas, pharaon, insinua Seth, toujours aussi sournois.
-Je veux dire, pas de manière loyale, persifle la momie à la peau verte. Je ne parle pas des traîtres dans ton genre.
-N’empêche que c’est possible de te tuer, poursuit le maître du chaos. Puisque je l’ai fait. Et même plutôt deux fois qu’une !
-Et je suis revenu. Match nul, mon vieux.
-N’avez-vous pas bientôt fini ? les interrompt Atoum. J’en ai assez de vos enfantillages ! Si cela continue, j’efface vos noms de toutes les cartouches et vous tomberez dans l’oubli ! C’est ce que vous voulez ? »
Les deux frères baissent la tête, penauds.
« Pardonne-nous, ô grand maître, énonce Osiris, un peu honteux.
-Je préfère cela, se radoucit le créateur. Bien, nous venons donc d’écouter Thot. Un commentaire, les autres ?
-C’est de plus en plus difficile de vaincre Apophis, les informe Seth. Comme si l’obscurité prenait de plus en plus de forces durant la nuit.
-J’ai du mal à invoquer des végétaux, à présent, explique le dieu vert. Comme si mes pouvoirs s’amenuisaient, déclinaient.
-La magie des morts et des mots ne fonctionne plus », souffla Nephtys.
C’est la plus douce et la plus timide des femmes présentes en cette assemblée. Nout sait s’affirmer de temps en temps et Isis possède son propre franc-parler, bien évidemment. Mais elle, elle ne parvient pas à se comporter de cette manière.
C’est encore plus difficile depuis qu’elle a trompé son mari malfaisant avec son autre frère, Osiris. Depuis ce jour, elle se cache aux yeux de son époux légitime, rongée par les remords. Pourtant, il ne lui en absolument pas.
Il faut aussi se dire que Seth a fait pire, de son côté : il l’a tout de même trompée avec Horus, un autre homme.
Etrangement, cette pensée ne parvient pas du tout à la réconforter. Lorsqu’elle lui vient à l’esprit, cela lui fait même se sentir encore plus mal qu’auparavant.
Mais aujourd’hui, elle a tout de même réussi à prendre la parole en public. C’est une grande victoire, pour quelqu’un d’aussi réservé qu’elle.
Atoum, qui en est fortement conscient, le sait et lui sourit donc.
« Merci, Nephtys. D’autres constats ? »
Les réponses fusent.
« Je n’arrive plus à rendre la terre arable !
-C’est difficile de maintenir la voûte céleste en place !
-C’est devenu impossible de faire tomber la pluie, s’écria Tphenis.
-Les nuages ne se déplacent plus aussi facilement qu’avant !
-Et j’ai l’impression que je vais mourir à chaque fois que le soleil se couche », acheva le maître de la lumière afin de clore ce cahier de doléances.
Le tour de table s’est vraiment montré fructueux. Toute la Pésédjet a une réclamation à déclarer, en fin de compte.
Mais maintenant que ces récriminations ont été réalisées, comment y répondre ?
Comment les résoudre, surtout ?
« Mes amis, affirme Thot en reprenant la parole, écoutez-moi attentivement. J’ai pris connaissance d’un ange déchu qui veut construire une armée, afin de vaincre ce Dieu Unique qui nous a déjà causé tant de mal. »
Le silence a instantanément lieu dans le groupe. Tous se sont mis à suivre avec attention ce que le dirigeant des scribes veut leur expliquer.
« Il a pour nom… Lucifer. »