Mar 13, 2012 13:20
Lorsque j'ai commencé à regarder des combats de boxe avec mon amoureuse, une découverte m'a fascinée et dégoûtée: l'organisation ridicule de combats entre un jeune poulain, promis à un grand avenir, et ce qu'on nomme un jambon, c'est-à-dire un belligérant engagé parce qu'on sait qu'il perdra. J'étais troublée d'abord parce que je me disais que c'était trop facile, étant une adepte du À vaincre sans péril on triomphe sans gloire, mais aussi parce que je me demandais à quel moment on devient un perdant. J'imagine qu'à un certain moment on constate que, à défaut d'avoir les capacités de devenir riche en remportant de grands combats, on pourrait gagner quelques sous en perdant. Mais peut-être bien qu'il y a des moments où lesdits jambons pourraient gagner contre de jeunes ambitieux, mais qu'ils savent que s'ils gagnent, ils perdront ainsi leur gagne-pain et que cette victoire serait donc dérisoire. Je rêve pourtant d'un monde où les jambons se mettraient à remporter les combats, jusqu'à renverser le cours des choses, juste pour croire un instant que tout n'est pas toujours joué d'avance.
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Ce qui est terrible avec ce système d'organisation des combats, c'est aussi que le nombre de défaites l'emporte par-dessus tout. On ne considère pas la difficulté de l'ensemble des combats en soi, je le disais, mais on ne considère pas non plus qu'il est beaucoup plus difficile de gagner après une défaite, qu'il est beaucoup plus difficile d'alterner les victoires et les défaites.
Je ne veux pas faire l'apologie des défaites, ni vilipender les victoires. N'empêche, il faut reconnaître qu'il y a des gens qui ont tout facile, ne serait-ce qu'en raison de leurs origines, de leur genre, de leur conformité naturelle ou recherchée aux attentes d'une société. Et que moi qui ai surmonté tant de défaites, je suis, objectivement, beaucoup plus forte qu'un nombre impressionnant d'entre eux. Je connais si peu de gens qui persévéreraient malgré tout.
Moi-même j'en viens depuis quelques temps à me demander: à quoi bon? C'est peut-être juste de l'obstination, aussi. Qui sait?
Ce désespoir me passera. Je vais finir par continuer de me faire croire qu'il suffit de travailler très fort et d'être passionnée pour que ça marche. Je vais profiter des prochains mois et je verrai ensuite. Je redeviendrai ensuite cette doute plus féroce que le plus féroce des attendeurs d'autobus...