Ferdinand, notre gros matou, est porté disparu depuis hier. Je ne sais pas s'il a sauté en bas du balcon ou s'il est simplement glissé en tentant une centième acrobatie. Je pencherais plutôt pour cette dernière hypothèse puisque s'il avait voulu partir à l'aventure, ça ferait longtemps qu'il l'aurait fait. Heureusement, il n'y avait pas de chat écrasé en bas du balcon... Il semblerait donc qu'il soit sorti indemne de sa chute ou de son saut.
Lorsque je me suis levée hier matin, il y avait une longue branche mince à l'entrée de la porte de ma chambre, ce qui est très surprenant puisque un assez grand salon sépare notre chambre du balcon avant. Ce ne peut donc être le vent qui l'ait amené jusqu'à la chambre. Ce ne peut donc qu'être un chat. Serait-ce Elstir ou Badria qui nous l'a apportée pour nous signifier la chute de Ferdinand? Ce qui me ronge le sang, c'est que je crois avoir peut-être aperçu la fameuse branche avant de me coucher. Je ne sais pas, j'étais si fatiguée. Dans un tel cas, cela signifierait que je n'ai pas su observer les signes et que si je l'avais fait, j'aurais peut-être trouvé Ferdinand immédiatement. Amélie dit qu'il est inutile de penser à de telles choses. Elle a sans doute raison.
Nous avons donc scruté notre patelin hier soir, cherchant sous toutes les autos et fouillant autant de cachettes potentielles. Dieu sait qu'elles sont nombreuses. Il y a tant de ruelles, tant de buissons, tant de dessous de balcons. La quantité de cachettes est infinie. Peut-être est-il en train de gambader gaiement dans le quartier, partant dans des sprints incroyables, chassant les souris, les mulots et les imprudents oiseaux qui se posent au sol. Peut-être aussi s'affaire-t-il à tenter de dominer les autres chats du quartier. Fern c'est un thug, un mâle alpha, un grand chat massif... mais ô combien tendre! Lorsque nous commençons à nous réveiller le matin, il s'allonge sur nous et ronronne de son ronronnement exceptionnel à faire trembler la terre. (Sans blague, jamais n'ai-je entendu ronronnement si puissant!)
Mais pas ce matin, bien sûr. Je me suis réveillée une heure plus tôt qu'à l'habitude. Je me suis dit que c'était peut-être un signe, que peut-être Ferdinand attendrait sur le pas de la porte. Les yeux à peine ouverts, j'ai donc descendu les marches de notre escalier qui conduit jusqu'à la porte d'entrée, au deuxième étage. Ferdinand n'était pas là, bien sûr. (Bien sûr, puisque je ne raconterais pas l'histoire ainsi.)
Me voilà donc sur le balcon avant à la première heure, en train d'écrire tout en demeurant attentive aux potentiels cris stridents ferdinandiens qui pourraient percer la relative tranquillité du matin.
J'essaie d'imaginer où je me terrerais si j'étais Ferdinand. Je n'en sais foutrement rien. Ah si je pouvais apprendre ce qui se passe dans la tête de mes félins. Ça me fait penser à une passionnante émission de Radiolab que j'ai écoutée hier,
«Animal Minds », où on réfléchissait à ce mystère que constitue l'esprit des animaux. Peut-être en reparlerai-je plus tard. Peut-être pas. Il y a des éléments si passionnants, je n'ai pas envie de voler des punches!
The Fern: