Convictions

Dec 28, 2007 12:01

J'aime les pronoms personnels. Ce n'est pas que j'aie un penchant particulièrement développé pour eux. Simplement, ils font partie de la syntaxe de cette langue que j'aime tendrement et je les aime en tant que composantes de celle-ci. Or, j'ai remarqué au cours de la dernière année le développement d'une tendance qui provoque chez moi de violentes crises d'urticaire. Celle-ci consiste à abolir, dans le but de se donner du style à peu de frais, le pronom personnel dans une phrase simple, généralement le « je ». Comme dans la phrase: « N'écrirai plus de pronoms désormais. Veux me donner du style. » Eh bien, mes petits amis, sachez que ce n'est pas un effet de style, mais simplement une désarticulation du langage. Une régression. (Je n'ai rien contre les phrases nominales, vous l'aurez remarqué.) Et puis en arriver à abolir si aisément le sujet, je trouve ça plutôt effrayant, pour tout dire. Je sais qu'il y a des langues dépourvues de pronoms personnels. Le cas qui m'intéresse est tout à fait différent. Je parle de décider d'abolir un pronom personnel là où il y en avait un auparavant. À mon avis, il n'existe aucune distinction entre la liquidation de la personne grammaticale et la disparition du sujet. Et puis, bordel, c'est juste moche! Argument de taille, s'il en est un! N'ai jamais vu de phrase réussie où le pronom personnel était éliminé. Vous voyez? Voilà, c'est dit. Ça fait du bien. N'en parlerai plus. Argh! Une horreur, vraiment. J'ai essayé d'intégrer le procédé pour vérifier quel effet il produirait sur moi. Force est de constater que je suis encore plus révulsée que je ne le craignais. Un de mes plus grands souhaits pour l'année 2008: ne plus jamais avoir le malheur de tomber sur ce prétendu procédé. Avant de me risquer à lire un texte, je devrais évaluer le risque de tomber sur une phrase du genre. Si ce risque m'apparaît trop élevé, je devrais détourner les yeux plutôt que de m'exposer à cette horreur sans nom.

*****

La vie loin de ses chats est pénible. À peine quelques jours passés loin d'eux et je ne tenais plus le coup. Amélie et moi avons passé toute la journée d'hier à rattraper le temps perdu en compagnie de nos chats. La plus grande partie de notre journée s'est déroulée sur le divan où nous étions réunis tous les cinq.

J'aime beaucoup voir des gens. Je ressens toutefois un violent besoin de me recueillir après chaque excursion en société. Je pourrais résumer mon sentiment en une formule très simple: le temps que je consacre à la solitude doit être égal ou supérieur à celui que je passe en société. Ce qui ne m'empêche pas d'avoir besoin de ces contacts. Pour être plus précise, disons que je suis une grande solitaire qui aime les gens.

*****

Parmi la liste esquissée avant mon départ, j'ai apporté presque tous les livres que je mentionnais. Je ne me trompais toutefois pas en disant que je n'en ouvrirais à peu près aucun. Seul Philippe Muray a obtenu ma faveur. J'oubliais ce puissant sentiment de réconfort que provoque en moi la lecture de Muray, en dépit du caractère presque insoutenable de ses analyses. Il n'y a rien de réjouissant chez Muray, sinon sa vitalité incomparable qui nous remet en vie lorsque le courage manque et qui nous rappelle pourquoi il ne faut à aucun prix céder, si grande soit la difficulté, si grand soit l'inconfort. Sans compter qu'il renforce - puisque la chose est possible - ma foi profonde envers la littérature et qu'il me donne le goût d'écrire. Bien plus encore, à la lecture de Muray, je sens à quel point l'écriture est pour moi un impératif. Le doux sentiment de la nécessité. On arrive à tolérer bien des choses lorsqu'on se sent porté par une telle conviction. Je ne devrais jamais cesser de lire Muray.

philippe muray, chats, écriture

Previous post Next post
Up