Du sentiment

Nov 23, 2007 15:49

Un petit jeu dans l'esprit du « Quand je vais au marché, je mets dans mon panier ». Ça va comme suis: « J'arrive sur Terre et j'ai dans mon panier... »

Alors je commence. J'arrive sur Terre et j'ai dans mon panier une dose excessive de sensibilité. Au risque de sombrer dans les clichés, je dirais que c'est utile quand on a des ambitions artistiques, mais pas pour survivre dans le monde. Quand j'ai commencé à écrire ce journal, j'étais une jeune fille excessivement sensible et sentimentale. Je le suis encore pas mal, bien que je le montre de moins en moins. Toutes les violences que je me suis faites à moi-même ou qu'on m'a faites n'ont pas réussi à liquider tout ça. Peut-être un jour. Quoique ça m'étonnerait, puisqu'au fond j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Mais je me passerais bien d'être faite comme de la guimauve. Je voudrais être dure et sensible à la fois. Je préférerais parfois ressentir un peu plus à la surface, sans que chaque chose ne laisse son empreinte pendant des heures, sinon des jours, sinon des années. Je suis tellement facile à avoir que c'en est ridicule. J'ai beau me promettre chaque fois de ne plus me laisser atteindre, je baisse les armes au bout de deux minutes. Sans doute resterai-je sensible et sans doute finirai-je par crever de cette sensibilité dégueulasse.

Cette sensibilité contredit complètement ma vision du monde et mes principes esthétiques. Alors que je crois fermement que d'un point de vue rationnel et esthétique on doit se préserver de la sentimentalité, je ne peux faire autrement que de me laisser émouvoir par des représentations sentimentales. J'aime les histoires touchantes mais ça insulte mon intelligence quand on sort les violons. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de brailler comme un veau. Je me trouve tellement ridicule et facile à avoir. En tous cas, c'est ainsi que je me suis sentie quand j'ai lu ce comic, une traduction maison (dans laquelle il y a malheureusement beaucoup de fautes de français...) d'une traduction anglaise d'un comic écrit en chinois. Je ne croyais pas que j'avais plus les émotions à fleur de peau qu'une autre journée. Ça ne m'a pas empêchée de pleurer pendant plusieurs minutes après avoir lu cette histoire. Évidemment, j'étais touchée parce que cette histoire me ramenait vers ma propre vie. Dans ce personnage de gentille maman attentionnée, je ne pouvais que voir ma propre mère, si complètement dévouée aux siens. Je succombais à une sorte de flatterie, je succombais à ce narcissisme sans fin qui consiste à être touché parce que ça nous fait penser à notre petite histoire. Ce n'est pas un élan vers l'autre, qu'un retour vers soi. Et pourtant, si je refusais d'être touchée par cette histoire, ne témoignerais-je pas d'une attitude encore plus dénuée d'humanité?

Dans tous les cas, je me méprisais. Je me méprisais d'être aussi sensible, méprisais d'avoir honte de cette sensibilité et méprisais d'avoir, par le sentiment de ridicule qui m'avait envahie, fait violence à cette personne qui avait raconté cette histoire en toute candeur. Je suis un être aussi sensible qu'odieux. Un beau duo.

origines, chromo, humanité, cynisme, sensibilité

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