La Force Du Destin.

Jun 17, 2014 22:04




Titre : La Force Du Destin.
Chapitre : 8
Auteur : Munnoch.
Langue : Français.
Avis : Adultes.
Genre : AU/AU
Personnages : Les noms des personnages repris dans ce récit, sont propriété exclusive d'Annie Proulx pour laquelle je ressens une profonde admiration.
Notes de l'auteur : Dans le cadre d'une Égypte millénaire, une valise sera le lien qui mettra en présence Ennis del Mar, un jeune et talentueux égyptologue à l'aube de sa carrière et Jack Twist, qui pense fuir son passé.
Encore un mot s’il vous plait : Le prologue, bien que très long, apporte un éclairage indispensable pour la suite de mon récit.
Commentaires : Merci.


Khamsin !  

Pas plus de deux jours s'étaient écoulés depuis leur rocambolesque rencontre
dans le souk, avec monsieur Morqos, Akhmim Maharraq et ses fils, que déjà, nos deux amis se séparaient. Jack,  pour s'embarquer sur un disgracieux bateau de croisière et s'adonner à l'insouciant plaisir de voguer sur l'un de plus beau fleuve du monde. Quant à Ennis, en l’occurrence, il choisit l'avion pour se rendre en un temps relativement court à Louksor, où il rejoindrait Youssef, le chef de son expédition, qui l'avait devancé de quelques jours, soucieux d' installer
le campement dans l'endroit le plus propice du secteur XCP 32 ! Leur site d'investigation archéologique.
Au terme de son voyage, l’atterrissage sur le tarmac à l'aéroport de Louxor, s’effectua  à tout le moins, aussi brutal que zigzagant. Le pilote sans le moindre ménagement pour la mécanique de l’appareil, inversa les gaz, aussitôt les réacteurs vrombirent assourdissant tout autre bruit dans, la carlingue secouée de tremblements assez bruyants, dans un long crissement de pneus.
Dès l’immobilisation de l’appareil, Ennis déboucla sa ceinture de sécurité, non sans éprouver un certain soulagement. Ce qui ne l’empêcha pas, d'établir un parallélisme entre le pilote de l'avion et Lazir, le sympathique, mais néanmoins kamikaze chauffeur de taxi. Arrivée dans le hall de l'aéroport, il aperçut l'imperturbable Youssef. Lequel après l'avoir salué chaleureusement, se chargea sans cérémonie d'une partie des bagages d'Ennis, laissant à ce dernier le soin de le suivre avec sa précieuse valise jusqu'à un vieux véhicule.
Une Jeep probablement vendue par de l'armée égyptienne, mais qui semblait sortir tout droit de la décharge d'un ferrailleur. Durant leurs trajets, empêchés par le bruit du moteur et les grincements de la boite de vitesses qui regimbait à chaque fois qu'elle était sollicitée, ils roulèrent sans trop se parler. Par bonheur, le spectacle sauvage et à la fois sublime qui s'offrait à leurs yeux, valait à lui tout seul, tous les discours du monde.

Et c'est à l'heure où le dieu suprême palissait ses ors et tiédissait sa fournaise, qu'ils arrivèrent en vue, d'une luxuriante palmeraie, que les couleurs du couchant enluminaient d'un vert sombre contrastant avec le bleu du ciel et l'ocre de la terre. C'est là, que très judicieusement, Youssef avait fait installer le campement, non loin des berges du Nil, qui se percevait en contre bas tel un interminable ruban scintillant aux lueurs crépusculaires, tandis qu'à l'ouest, comme lui indiqua Youssef, d'un geste large de sa main, se déployait une étendue comparable à cent fois la superficie de Central Parc. Le site qui lui fut assigné pour réaliser ses premières fouilles.

Non sans éprouver une certaine émotion empreinte de fierté, Ennis, n'en fut pas moins décontenancé, car d'aussi loin que portait la vue, l'on apercevait rien d'autre, sinon l'oppressante désolation d'une mer de sable, qui faisait d'eux d'infortunés naufragés. Cependant, qu'à peu de distance de l'oasis, tel un mirage figé sur les flots solidifiés de cet océan déserté, se dressait un vertigineux amoncèlement rocheux aux crêtes ocrées d'un brun brulé, qui se détachait de l'azur du ciel, de ses formes erratiques, tel un maléfice défiant ce paysage d'éternité. Hormis cette menaçante présence, l'on ne distinguait que le néant dominé par l'oppressante pesanteur du silence.

Pragmatique, Ennis réfuta derechef cette première impression, sous le regard bienveillant de Youssef, qui patient attendait qu'Ennis s'imprègne de son nouveau environnement, avant de l'inviter à le suivre vers les tentes, qui par leurs formes et couleurs, semblaient sortir du fin fond des âges et que très judicieusement Youssef, dans un but de créer un ensemble convivial, les avaient dressées en demi-cercle, face à celle qui devait tenir lieu de briefings comme aussi de réfectoire et sous laquelle d’ailleurs trônait une longue table bordée de bancs. Seule concession accordée au monde moderne semble-t-il, un groupe électrogène qui fournissait l'électricité au campement.
Sans plus attendre d'une voix de stentor, Youssef le présenta à l'équipe, qui dès lors approche, s'était regroupé à l'entrée de la grande tente.
-Salam alikoun.- Chacun à son tour prononça le salut en serrant la main d'Ennis pour ensuite se toucher la poitrine en s'inclinant légèrement, en signe de respect.

- Alikoum salam.- répondit Ennis en les imitant à son tour comme le voulait la politesse.

Après avoir sacrifié aux us et coutumes ancestrales en goûtant les dattes et le lait de chèvre, Youssef l'invita à s'asseoir, et lui tendit un verre étroit aux couleurs chatoyantes, que le jeune Benyamin portait sur un petit plateau en cuivre ciselé.

- Fais attention, c'est très chaud. - L'avertit aimablement le contremaitre.

Ennis, assis sur un banc, dégustait avec délice le breuvage sucré au contrastant parfum de la menthe fraiche et de l'absinthe, entouré de son équipe, qui de toute évidence préféraient aux bancs en bois, s’assoir sur les tapis, usés jusqu’à  la trame et dont la lumière implacable du désert avait terni les motifs autrefois brillants de couleurs. Parmi eux, quelques hommes, fumaient en buvant leur thé, tout en jouant aux osselets, un jeu ancestral.

- Benyamin ! Cria tout à coup Youssef. - Occupe-toi de ton maître, montre lui sa tente et aide-le, à s'installer.- Ensuite, s'adressant à Ennis il poursuivit...- Ce soir se sera fête à ton honneur, demain nous nous levrons tôt et nous suivrons tes ordres...

Après avoir remercié pour le délicieux repas, Ennis alla se coucher sous tente, où il eut la très agréable surprise de découvrir qu'elle jouissait d'air climatisé. Une fois allongé sur son lit, avant de sombrer dans un profond sommeil, l'image de Jack s'imposa à lui, lui faisant regretter son absence...

À l'aube, une main le secoua doucement, mais le réveilla en sursaut.

- Ce n'est que moi monsieur Ennis ! Benyamin ! C'est l'heure de te lever.

Lorsqu'il quitta sa tente, la chaleur matinale le surprit, il se dirigea vers Youssef qui ainsi que toute l'équipe l'attendaient en buvant du thé tout en plaisantant sur le retard d'Ennis. L'un d'eux s' hasarda même à le taquiner bon enfant.

- Monsieur Ennis a oublié le réveil ?

Un peu confus de commencer sa première journée par un retard, Ennis sourit en prenant le verre de thé que lui présenta Benyamin.
Une demi-heure plus tard, ils étaient tous sur pied derrière Ennis, le regardant plein d'espérance comme s'il eut été le messie. Cependant que lui-même se sentait aussi perdu qu'un grain de sable dans la désertique immensité qui s'offrait à eux. Soudain un des manœuvres poussa un cri d'effroi.

- Khamsin !

- Khamsin ? - S'étonna Ennis qui méconnaissait la signification du mot.

- Le sirocco.- Traduisit Youssef. - Un vent terrible qui vient du Sahara, il peut souffler jusqu'à cent quarante kilomètres par heure.

- Si je comprends bien, nous devons nous attendre au pire. - Pronostiqua Ennis.

- Nous sommes en mars Ennis, c'est normal à cette époque de l'année. Regarde le ciel à l'horizon.

Ennis suivit des yeux, la direction que le doigt pointé de Youssef lui indiquait. Sous un ciel bleu, se déroulait un invraisemblable spectacle, fascinant et chargé de menaces. Un nuage ouaté de poussière brune, rampait et roulait sur le sol, à la vitesse d'une avalanche qui dévale vertigineuse les pentes abruptes des falaises, pour effacer à son passage l’existence même dès les dunes. Remplissant l’espace de sa masse à mesure qu’elle approchait, la lumière du jour s’en trouvait oblitérée sous ses panaches
de poussière de sable bouillonnant, d'où par moments semblaient sourdre des formes apocalyptiques.

- Nous n'avons que peu de temps avant qu'il ne nous atteigne ! Vite !  Fermons le mieux que l’on pourra les tentes !  . Fisa !- Hurla Youssef, cependant que face à l'urgence du moment, tous s'activaient déjà à leur tâche.

Qui arrimant avec soin, tout ce qui aurait pu être emporté par la tempête, qui, allant même à attacher sous la jeep, le groupe électrogène et les bidons de fuel.
Indiffèrent à toute l’agitation autour de lui, Ennis, demeura un instant immobile empli d'admiration,
fasciné par la mystérieuse et indomptable beauté de la nature, qui se percevait au loin, déchaînant son courroux.
Mais déjà, en guise de semonce, ce ne furent que quelques rafales bouillantes. Ensuite, comme dans les secondes qui précédent l'entrée du chef d'orchestre dans une salle de concert, le silence tomba. Puis, telle une redoutable progression orchestrale, le vent du dessert amplifiant son chant terrifiant à l'haleine incandescente se mit à souffler. Soulevant des colonnes de poussière, et charriant des paquets de sable qui par leurs puissances, perçaient les vêtements et piquaient comme des milliers de petits projectiles ardents.

L'atmosphère se fit irrespirable, déshydratante, assourdissante, toute dominée par ce souffle infernal qui sifflait et hurlait sa violence déchainée. La tempête, à présent, n’épargnait rien sur son chemin. Dans la petite oasis, les palmes desséchées des dattiers, pliaient en gémissant sinistrement, et s’envolaient arrachées comme des simples fétus de paille.
N'était jusqu'au le Nil, qui quelques instants auparavant se percevait en contre bas coulant paisiblement, qui ne s’hérisse à présent de crêtes d'écumes, comme le ferait un brouet frémissant chargé de maléfices dans le chaudron bouillonnant d'une sorcière.
Alors, seulement, rassasié du sublime spectacle, Ennis alla rejoindre les autres à l'abri dans une minuscule tente ancrée dans le sable comme une souche desséchée.

Des heures durant ! Au milieu de tout ce chaos, Ennis et ses compagnons restèrent réunis à l'abri de la frêle toile, comme si cette relative promiscuité les put protéger du danger. Cependant que le temps passait sans que le vent diminuât d'intensité, la terre se mit à trembler et, telle une gigantesque éruption volcanique, un grondement se fit entendre d'une magnitude apocalyptique.

- Qu'Allah nous protège... C’est la falaise.- Prédit Youssef fatidique. Dans l’obscurité, tous les regards se tournèrent vers lui. Superstitieux, les manœuvres se serrant davantage entre eux, s'écrièrent à l'unisson d'une voix rendue rauque par la peur...

- La porte des enfers s'est ouverte, les morts viennent se venger des profanateurs des tombeaux.

- Assez ! - Leur intima Youssef, - Cessez de proférer ces fadaises, ce ne sont que quelques pierres qui sont tombées.

Et, comme pour lui donner raison, pareillement au silence qui en résulte du passage d'un train qui file à grande vitesse emportant avec lui son fracas mécanique, le sirocco se tut...

Alors, oubliant pour un moment leurs peurs ataviques, tous sortirent dans la nuit, arquant leurs dos en arrière et étirant leurs membres ankylosés, gonflant leurs poitrines, ils respiraient par grandes goulées l'air chaud à l'odeur âcre. Apparut alors à leurs yeux exultant de joie, le firmament limpide sous son manteau d'azur constellé de myriades d'étoiles où seule la lune se cachait encore. Faute de moyens, ce soir-là, ils se restaurent simplement d'une rapide collation.

- Nous pouvons dès à présent regagner nos tentes ! Demain, nous aurons du travail pour tout remettre en état.- Décréta Ennis en se servant un gobelet d'eau à la citerne demeure miraculeusement en place, ensevelie sous un monticule de sable fuyant.

Le lendemain alors qu'Ennis se restaurait, d'un plat d'œufs brouillés, le bruit caractéristique d'une musique cristalline émanant de sa poche de poitrine lui rappela son téléphone cellulaire.

- Allô ?

- Ennis ! Dieu merci, je me suis fait un sang d'encre.

- Jack ! Je suis heureux de t'entendre, tout va bien pour toi ?

- Ennis, je t'ai appelé au moins vingt fois.

- La tempête a perturbé les ondes hertziennes, mais je te rassure, nous nous sommes indemnes.

- Et toi, ça se passe bien à bord de ton bateau de croisière ?

- Nous sommes à Louxor ! La tempête a obligé le capitaine à interrompre la croisière et trouver refuge dans le port. Ennis, j'aimerais te rejoindre dès à présent. Qu'en penses-tu ?

À ces mots, Ennis fronça les sourcils et marqua une brève hésitation, avant de répondre par l'affirmative. Non pas qu'il fut contrarié par le fait que Jack l'eut pris au mot en acceptant avec trop enthousiaste l'invitation qu'il lui fit au restaurant ! Mais tout bien reconsidéré, Jack n'avait aucune notion de ce à quoi il s'exposait en venant partager la vie d'une équipe de terrassier dans la rigueur du désert.

- Rien ne me ferait plus plaisir Jack, nonobstant, je voudrais que tu sois, bien sûr, de ton choix. Tu sais la vie d'un égyptologue sur le terrain, pour exaltante qu'elle soit n'a rien à voir avec ce que nous montre le cinéma.

- Tu m'avais dit que je pourrais venir ...- Hasarda Jack quelque peu déçu par le ton grave d'Ennis.

- Bien sûr Jack et je m'empresse de te le répéter, je serai très heureux de te savoir auprès de moi. Bon ! Voilà ce que je te propose, fais un essai, si tu vois que ça ne va pas tu reprends ta croisière ça te va ?

- Ça me va, comment faire pour te repérer ?

- C'est facile, tu suis le Nil en amont et environ une heure après avoir quitté Louxor, tu me verras assis au bord de l'eau sur un ponton de fortune que nous avons installé
.

- On fait comme ça ! Mais avant de partir demain, j'irais m'acheter quelque vêtement ad hoc. Je te retéléphone avant de quitter Louksor.

Le lendemain, après le coup de téléphone de Jack l'avertissant de son arrivée, Ennis s'avançait sur la grève, jusqu'à toucher de ses pieds nus l'eau du fleuve, sous un languissant soleil couchant qui émaillait les crêtes érodées des falaises de tons vermeil. Éblouie par le silence qui précède le crépuscule, il ferma les yeux pacifiés en respirant l'air encore chaud que la fraîcheur de l'eau chargée d'arômes bucoliques, tempérait, mais comme pour souligner l'inhospitalière solitude qui le cernait, dans le ciel, un rassemblement de vautours tournoyait au loin, survolant probablement la charogne d'une bête vaincue par la tempête de sable. Peu à près, lorsque Ennis fut debout sur le ponton, lui parvint le bruit puissant d'un hors-bord, annonçant l'arrivée de son ami.


munnoch : au/au la force du destin.

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