Titre : La Force Du Destin.
Chapitre : 5
Auteur : Munnoch.
Langue : Français.
Avis : Adultes.
Genre : AU/AU
Personnages : Les noms des personnages repris dans ce récit, sont propriété exclusive d'Annie Proulx pour laquelle je ressens une profonde admiration.
Notes de l'auteur : Dans le cadre d'une Égypte millénaire, une valise sera le lien qui mettra en présence Ennis del Mar, un jeune et talentueux égyptologue à l'aube de sa carrière et Jack Twist, qui pense fuir son passé.
Encore un mot s’il vous plait : Le prologue, bien que très long, apporte un éclairage indispensable pour la suite de mon récit.
Commentaires : Merci.
Le Caire
Dès son réveil, le lendemain de son arrivée au Caire, la première chose qu'Ennis fit, se conformant scrupuleusement aux informations que lui avait transmises le professeur Jeremiah Theophilus Titus, fut de téléphoner à Youssef, le chef de son expédition et responsable des terrassiers lequel s'empressa de l'inviter très aimablement à venir le rencontrer à son domicile le matin même.
C'est donc sans même pas se donner la peine de prendre un petit déjeuner, sinon une simple tasse de café bue à la va vite, qu'il quitta l'hôtel en direction de la file de taxis qui attendaient le long du trottoir face à l'hôtel. Qu’elle ne fut pas sa surprise quand il fut interpellé par un des chauffeurs, celui-là même, qui à son arrivée à l'aéroport, l'avait convoyé jusqu'à l'hôtel en même temps que le couple des Texans et qui apparemment avait troquée l’uniforme aux armes de l’hôtel, pour une tenue plus décontractée.
- Monsieur Del Mar ! Qu'est-ce que tu cherches ? - S'exclama-t-il.
- Visiblement, un taxi. -Répondit Ennis
- Un taxi ? Et tu ne me demandes rien ! Viens mon frère, viens, je te conduis où tu veux.
S'imposant derechef, Lazir le chauffeur, entraina Ennis vers son taxi, en queue de file, supplantant sans vergogne les autres chauffeurs qui eux attendaient rigoureusement leur tour. Imperturbable, Lasir ouvrit la portière arrière de son véhicule qui gémit sur ses charnières rouillées et invita Ennis à prendre place sur le siège arrière. Ensuite, il s’installa derrière le volant et sans même boucler sa ceinture de sécurité, il démarra rageusement sur les chapeaux de roues, dépassant ses collègues en klaxonnant, pour couvrir leurs éclats de voix courroucées de leurs insultes.
Et c'est toujours à coups de klaxon, que Lasir, se frayait un passage tant bien que mal au milieu de la chaotique circulation et des pots d'échappement qui crachent d'épaisses fumées noires. Assis à l'arrière du taxi à la suspension grinçante, Ennis préféra remonter la vitre crasseuse dont la poignée bringuebalait au gré des cahots de la route, plutôt que respirer l’air vicié par le haut niveau de pollution, qui Caire aux heures de pointe atteint des sommets.
Cependant que Lasir, qui fumait comme un sapeur-pompier, ne semblait pas outre mesure incommodé par les relents des combustibles. Il conduisait penché sur son volant comme s’il souffrait de myopie en forçant le moteur de son taxi comme un forcené, sans se soucier le moins du monde du véhicule qui roulait à sa gauche. Enfonçant brusquement la pédale de l’accélérateur, à fond il dépassa dans la foulée, une vielle camionnette cabossée et un motard à l’équilibre incertain, pour finir sa manœuvre en queue de poisson derrière un bus d'un autre âge.
Apres un coup de frein strident, accompagné d'un coup de klaxon en fa majeur suivi d'une accélération digne d'un supersonique le voilà qui au péril de leur vie, il changea de bande de circulation sans même mettre le clignoteur, en coupant au passage la priorité à une vielle Fiat qui pour l’éviter monta de justesse sur le trottoir semant la panique parmi les piétons chargés de ballots aux couleurs bigarrés.
Ennis, pourtant habitué aux prouesses de taxis new-yorkais, n'en croyait pas ses yeux, il se demandait non sans raison s'il en sortirait vivant d'une telle expérience.
Cependant qu’inopinément, Lasir s'engageait dans une rue baignée de soleil et si étroite que l'on aurait pu la comparer, toute proportion gardée, à un long couloir délimité par des hauts murs d'un blanc aveuglant, percés de ci et là, de portes anonymes. Le changement de la conduite fut si brutal, qu'Ennis craignit un instant que la voiture n’ait rendu l'âme.
- Nous sommes arrivés mon frère, c'est ici.
- Ici ? Mais comment savoir quelle est la maison de monsieur Youssef.
-Youssef ? Le chef d'équipe ? Je connais mon frère !- le rassura-t-il en redémarrant tel un super jet pour s'arrêter abruptement une centaine de mètres plus loin devant une porte surmontée d'un œil oudjat.
- Voilà, c'est ici va mon frère.
Mais comme Ennis se penchait en avant pour régler le montant de la course, Lasir l'arrêta d'un geste impérieux en lui disant
- Après, quand je reviens te chercher, quand tu as fini. - Devant l’air perplexe d’Ennis il crut bon d’ajouter.- J’ai confiance, tu es comme un frère.
Se demandant ce que son père dirait de cette inattendue fratrie. Ennis demeura un instant songeur sur le trottoir, devant une porte peinte en bleu cobalt. Il n'attendit pas longtemps avant qu'elle ne s'ouvre sur Youssef, un sourire bienveillant aux lèvres.
Youssef, était un homme de taille moyenne, aux larges épaules. Âgé tout au plus d'une cinquantaine d'années avec une tendance à l'embonpoint, cependant qu’il émanait de sa personne quelque chose d'apaisant et de rassurant à la fois. Sous son turban d'un blanc immaculé, d’où s’échappaient quelques épies de cheveux grisonnants, ses yeux d'un noir d'obsidienne pétillaient de malice.
Après le traditionnel Salam Alykoum, auquel Ennis répondit par Alykoum Salam. Youssef d'un geste enveloppant, l'invita à pénétrer dans un patio noyé de verdure, où le chant cristallin d'une fontaine donnait l'illusoire sensation de rafraichir l'atmosphère ; ils s’engagèrent suivant une l'allée sous la luxuriante végétation, pour arriver aux pieds d'un court mais large escalier, recouvert par la frondaison d’un odorant jasmin. Ayant gravi les trois marches qui les séparaient du porche, ils pénétrèrent sous un porche aux dimensions d’un salon. Au sol, des tapis aux dessins géométriques et des coussins chatoyants les évitaient au repos. Sitôt installés, une femme âgée leur apporta des gâteaux et un délicieux thé noir sucré aromatisé à la menthe et pour surprenant que cela puisse nous paraître de « Chiba » notre absinthe. Après avoir réglé tous les détails de leur future collaboration Ennis fit mine de vouloir se retirer, mais Youssef l'arrêta d'un geste courtois et le pria d'honorer sa maison en partageant le déjeuner avec lui et sa famille
Dès son retour dans le hall de l'hôtel, il n'eut pas le temps de se remettre des émotions causées par la fantasque conduite de Lasir qui le ramena au même rythme qu’il avait adopté pour aller chez Youssef. Arrivé la réception, le proposé lui remit son pass, ainsi qu’un pli sous enveloppe. Intrigué, Ennis remercia. Une fois qu’il fut arrivé dans sa chambre il déchira l'enveloppe et sortit une feuille de papier à l'en-tête de l’hôtel. Juste quelques lignes tracées d'une élégante mais rapide écrire, par lesquelles Jack lui proposait de diner ensemble le soir même, dans un restaurant que lui avait été recommandé chaudement par son agence de voyage à New York.
Sa première réaction fut de décrocher le téléphone pour refuser l'invitation. La journée avait été harassante et il se sentait fatigué. En réalité il préférait de loin diner seul dans sa chambre et se coucher, après avoir siroté un bon whisky en regardant assis sur balcon dans le noir de la nuit, le spectacle qu'offraient les pyramides illuminées. Mais au même moment, comme pour contraindre sa décision il sentit un début d'érection, Jack l'intriguait et cela d'autant plus qu'il ne pouvait s'empêcher de le trouver trop maniéré, trop class, mais aussi, peut-être, parce qu'il avait le plus beau petit derrière qu'il lui ait été donné d'admirer depuis un bon bout de temps déjà.
Non encore bien décidé quant à la réponse qu'il allait formuler, il souleva le combine te tapa sur le clavier numérique le numéro de la chambre de Jack.
- Ennis je vous ai vu arriver, j'attendais votre appel ! - Lui avoua Jack avant même qu'il ait eu le temps de dire un mot.
- Vous êtes d'une présomption agaçante Jack, je regrette vraiment de vous avoir appelé si tôt.
- Hahaha ! Que pensez-vous de mon invitation, c'est d'accord ? Allez dites oui.- Poursuivit Jack faisant abstraction de la sévère intonation de la voix d'Ennis.
- Je ne sais pas encore, vous avez l'air de croire que je suis un garçon facile. - Ajouta-t-il d'une aire faussement enjouée comme pour s'excuser d'avoir été désagréable.
- Ennis je ne demande pas mieux. - Répondit Jack du tac au tac
- Bon, c'est vous qui l'aurez cherché.
- Rendez-vous à huit dans le hall de l'hôtel, ça vous va ?
- Ça me va.- Conclut Ennis avant de raccrocher.
Un peu avant vingt heures Ennis arriva dans le hall, où Jack l'attendait déjà. Celui-ci portait une chemise en lin écru sur un pantalon blanc en coton frappé et chaussait de mocassins de couleur marron sans chaussettes. Mais il restait dans son allure faussement négligée quelque chose d'indéniablement recherché. Quant à Ennis, sur son jean trop neuf, il portait de façon désinvolte une chemise Denim d'un bleu délavé, aux manches retroussées aux coudes qui s’ouvrait sur un t-shirt d'un blanc éclatant qui lui moulait le torse. Aux pieds, des sandales couleur cuivre oxydé.
- Merci Ennis d'être venu. Je me doute que je bouleverse vos plans. Mais avant que nos routes ne se séparent pour un temps, je suppose. Je voulais que nous puissions nous quitter sur une note plus favorable que lors de notre première rencontre.
Ennis, l'écouta attentivement, comme s'il tentait de déchiffrer un sens caché à ses mots. Puis, il sourit à demi et soupira en regardant Jack droit dans les yeux.
- Pour être tout à fait franc, je crois que cela me fera du bien de me changer les idées et si en plus, vous m'offrez la possibilité de nous connaître un peu mieux, pourquoi pas... À la réflexion, je dois avouer que sans en connaître la raison votre côté mystérieux, m'intrigue.
- Hahahah ! Vraiment, vous me flattez, mais en parlant d'air mystérieux, vous n'êtes pas mal non plus.
- Nous voilà donc quitte ! Où m'emmenez-vous ?
- Vous verrez.
Une fois installés sur le siège arrière de la voiture avec chauffeur que Jack avait louée, ils roulèrent en silence, chacun regardant de son côté, comme embarrassés par leur récente familiarité. Parvenus devant une rue trop étroite pour qu'une voiture puisse s'y engager, ils en descendirent et l'empruntèrent sur une vingtaine de mètres.
Quelques minutes après ils aboutir devant une façade décorée de palmiers et autres végétaux empruntés à l'imagerie des tombeaux, où un jeune portier, habillé d'un simple pagne sur ses reins qui accentuait la sveltesse de son corps d'athlète et pour parfaire son accoutrement, il était coiffé d'un némès, sorte de foulard en tissu rayé de couleur jaune et bleu que retenait un bandeau frontal en retombant en deux pans sur les côtés de sa tête. À leur grande surprise, il les salua en anglais et souriant de toutes ses belles dents. Or il s'avéra que c'était un jeune étudiant britannique qui se faisait de la sorte un peu d'argent pendant les vacances scolaires. ...
Lorsque Jack découvrit la salle du restaurant avec son faux décor en carton-pâte, le bruit de la clientèle composée principalement des touristes, il nourrit les plus légitimes doutes quant au bien-fondé de la réputation dudit restaurant. De sorte que son expression exprima la plus totale déception, à tel point qu'il se sentit le devoir de s'excuser auprès d'Ennis.
- Je suis vraiment désolé Ennis ! Je ne m'attendais pas à ça, on dirait une ces productions cinématographiques à petit budget des années trente.
- Ne vous en faites pas Jack. L'important c'est nous.
- Merci ...J'espère que sa cuisine est plus authentique que le décor.
Comme au théâtre, toute tragédie a immanquablement des rebondissements comiques, cet aspect hilarant se matérialisa en l'occurrence, en la personne du maître d'hôtel, qui avec ses cheveux noirs parfaitement gominés, s’avançait à leur rencontre comme l’eût une vielle lady maniérée, cependant qu'imbu de l'importance de sa charge, il se tenait aussi raide qu'un I. Tout en lui donnait à penser qu’il pût sortir tout droit d'un roman d'Agatha Christie.
- Messiers, bonsoir. - Les salua-t-il en soignant exagérément sa diction.
Lorsque Jack eut décliné son identité. Le maître d'hôtel réitéra son salut. Tout en jetant un furtif regard appréciateur sur Ennis!
- Je vous ai réservé une de nos plus belles tables, dans notre en terrasse jardin. Voulez-vous me suivre, je vous prie ?
Effectivement, ils n'en furent pas déçus. De leur table, sise dans un coin, à l'écart du brouhaha de la salle, l'on percevait en contrebas, une chaloupe solitaire qui glissait silencieusement sur le Nil qui coulait en scintillant à la lumière du soleil à son déclin qui se laissait aspirer par l’horizon resplendissant tel un voile orange aux nuances irisées.
Conquis par ce spectacle grandiose d’un crépuscule qui sans cesse se renouvelait sous leurs yeux, ils gardèrent le silence, subjugués par l’or des derniers rayons du soleil qui lentement cédaient aux ombres obscures de la nuit et à la luisante brillance des étoiles.
Le repas s’avéra de saveurs déconcertantes pour les papilles de deux occidentaux, il n’en fut pas moins en tout point excellent. Ils en étaient au désert, quand Ennis fit signe au serveur pour lui demander la carte de liqueurs, à défaut d'un grand cognac français, il opta pour un excellent Metaxás cinq étoiles. Quelques instants plus tard, à leur grande surprise, le serveur déposa la bouteille sur leur table, les laissant boire à discrétion. Assis face à face, leur visage éclairé par la lueur diffuse d'un photophore placé au centre de la table, ils penchaient un peu la tête pour se regarder à la dérobée.
Était-ce parce qu'ils entamaient déjà leur deuxième verre de brandy où parce que l'heure était propice aux confidences ? Qu’Ennis s'en hardi au point de demander, à brûle pourpoint à Jack comment lui était venue l'idée d'entreprendre ce voyage en Égypte.
- Et bien ... Je m'aperçois Ennis, que ce n'est pas aussi facile à raconter que cela en a l'air. Bien sûr, je pourrais vous répondre par un quelconque subterfuge, mais à quoi bon ! Ne vous ai-je pas invité afin de nous mieux connaître ?
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