Titre : Entre deux mondes
Auteur : Mokoshna
Fandom : Harry Potter
Disclaimer : Harry Potter est la propriété de J.K. ROWLING
Rating : PG-13
Avertissements : Slash, Albus-Severus/Scorpius (entre autres)
Notes : Série de chapitres courts basés sur les thèmes de la communauté Livejournal 30_slash_hp. Les chapitres respectent l'ordre chronologique même s'ils ne sont pas forcément agencés de manière « logique ». L'histoire marche par ellipses, c'est fait exprès, soit pour respecter les thèmes, soit simplement pour donner un côté décousu à l'ensemble.
Recueil des chapitres 27- Art
La cheminée dans laquelle les Malefoy allumaient leur feu parlant était si grande qu'on aurait facilement pu y mettre un bûcher pour y brûler dix sorcières. C'était un peu intimidant, quelque part, surtout en sachant qui Al allait appeler. Il n'avait jamais eu l'occasion de voir ses parents vraiment en colère. Ces mêmes parents avaient fait face à Voldemort et à ses meilleurs hommes.
- Tu es sûr de ce que tu fais ? demanda Scorpius qui le veillait derrière lui. Le bal est ce soir.
- À vrai dire, non. Mais je les aime.
- C'est ce que tu n'arrêtes pas de répéter.
- Quand j'étais plus petit, je le disais encore plus. Je m'imaginais que si je le répétais assez souvent et assez fort, cela allait marcher.
- Et ça a marché ?
- Je pense. Je veux dire, je les appelle, pas vrai ?
Scorpius soupira.
- Fais ce que tu veux. N'oublie pas ce que je t'ai dit.
- Je ne l'oublie pas. Merci.
- Tu veux que je te laisse seul ?
- S'il-te-plaît. Je crois que ça les énerverait de te voir.
Scorpius s'esquiva sans mot dire. La pièce ne s'en retrouva que plus froide malgré le feu immense qui brûlait. Al prit une grand inspiration : il était temps.
Le feu craquela tout d'abord, sans donner signe de vie. Al hésita ; peut-être avait-il mal choisi son moment pour appeler...
- Maman, c'est Al !
La voix de Lily, claire et un peu paniquée. Des bruits de pas précipités. Il n'y avait toujours pas d'image ; juste les flammes qui s'agitaient un peu plus. Enfin, le visage hagard de Ginny apparut dans le feu.
- Al ! Mon chéri, tu vas bien ?
- Bonsoir, maman.
- Harry, c'est Al !
Le visage d'Harry côtoya celui de Lily. Contrairement à sa femme, il ne paraissait ni fatigué, ni inquiet ; il gardait une expression neutre qui rappela à Al le jour où quelqu'un était venu lui dire qu'Hagrid était mort. Al leur fit un sourire vide.
- Tout le monde va bien ?
- Où es-tu, Al ? fit Ginny d'une voix apeurée. Tout le monde est très inquiet pour toi.
- Je suis en France.
- Quoi ? Mais...
- Comment va Malefoy ? l'interrompit Harry.
- Bien. Il me demandait justement de tes nouvelles.
- Dis-lui que je vais bien mais que j'aimerais lui parler.
- Tout de suite ?
- Non, ça peut attendre. Tu es seul ?
- Oui. Scorpius m'attend dans la pièce d'à côté.
- Je vois.
- Harry, fit soudain Ginny, je...
Harry se tourna vers son épouse.
- Ginny, tu peux nous laisser seuls ? Emmène les enfants avec toi.
Ginny regarda longuement son époux. Que pouvait-elle voir dans ses yeux ? En tous les cas, elle acquiesça sans rien dire de plus et sortit du champ de vision d'Al. Elle avait dû vider le salon dans lequel se trouvait la cheminée ; Harry se remit à parler.
- Tu te plais, là-bas ?
- Pas spécialement. Le château est très beau.
- Je sais. J'y ai fait une fouille l'année dernière, au moment de son ouverture. Narcissa Malefoy n'avait pas aimé.
- C'est une femme remarquable.
- Je sais, ça aussi. Tu aurais dû la voir pendant la guerre. Elle n'a pas fait grand-chose, mais le peu qu'elle a fait a changé le cours des choses.
- C'est un peu le cas de tout le monde, non ? Tu n'aurais pas pu gagner cette guerre à toi tout seul.
- C'est vrai.
Ils gardèrent un silence confortable.
- En quoi t'ai-je fait défaut ? demanda Harry dans un murmure.
Al ricana.
- En rien. Tu étais un père parfait. Tu l'es toujours, d'ailleurs. C'est moi qui n'étais pas un bon fils.
- Tu parles déjà au passé ? Tu as l'intention de...
- Je ne sais pas encore.
Al laissa son regard vagabonder sur les murs, les peintures qui y étaient accrochées et les statues qui décoraient la pièce. Feu Lucius Malefoy avait été un grand amateur d'art, apparemment. Dommage que l'ensemble forme un décor aussi peu chaleureux. Ce salon était à l'image de la famille : froid, pompeux et totalement impersonnel malgré la beauté de l'œuvre et son prix.
- Je ne suis pas sûr de savoir qui je suis ou ce que je vais faire, continua-t-il. Je vous aime tous très fort, mais j'ai bien peur qu'en fin de compte, cela ne suffise pas.
- Je ne comprends pas.
- Moi non plus.
Il soupira.
- Je suis désolé d'avoir parlé à Rosie de cette manière. Je suppose qu'elle est choquée ?
- Oui. Elle s'est refermée comme une huître et refuse d'en parler à qui que ce soit.
- Tu savais que c'était de ma faute ?
- Je l'ai deviné.
- Tout le monde doit être fâché après moi, hein ?
- Oui et non. Ils ne comprennent pas.
- C'est normal.
Al n'osait pas regarder son père dans les yeux.
- Je ne veux pas spécialement être mauvais. C'est juste que des fois, j'ai ces envies qui me prennent. Je veux faire du mal. Ça me fait un bien fou, si tu vois ce que je veux dire. Comme si j'existais pour cela. J'ai l'impression d'être... vivant.
Harry resta de marbre.
- Ça fait longtemps ?
- Depuis toujours, je crois. J'ai essayé très fort de vous le cacher, mais des fois, ça sortait. Et plus je fais des efforts, plus j'ai envie de faire du mal. Quand j'ai raconté tout ça à Rosie, j'ai eu envie de l'étrangler pour voir ce que ça faisait.
- Mais tu ne l'as pas fait, dit Harry d'une voix étrangement aiguë.
Pauvre père ! L'avait-il ému à ce point, qu'il n'arrivait pas à le dissimuler ? Al aurait voulu le toucher, lui dire que ce n'était qu'une mauvaise farce, mais cela aurait été mentir. Il commençait à être fatigué de toujours se cacher.
- Quelquefois, comme maintenant, je regrette. Pas toujours. Tout à l'heure, j'avais envie de m'allier aux Malefoy pour mettre à bas le monde magique.
La voix d'Harry tremblait.
- Tu veux devenir le futur Tu-Sais-Qui ?
- Tiens, depuis quand tu as peur de prononcer son nom ?
- Depuis que mon fils m'avoue qu'il est près de le devenir.
- Près, je ne dirais pas... mais disons que j'en envisage la possibilité.
Al préférait ne pas lui révéler le don de vision de Scorpius ; cela n'aurait fait qu'ajouter de l'huile sur le feu.
- Je ne veux pas avoir à te combattre.
- Ça n'arrivera peut-être pas. Si vous trouvez le moyen d'annihiler ma personnalité...
- Quoi ? Pas question !
- Alors peut-être vais-je changer. Et puis, même si je reste le même, je n'ai pas les compétences pour devenir un tyran...
- Je crois au contraire que si, dit Harry.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Mon intuition. Et une solide expérience en ce domaine.
- Cela ne veut rien dire...
- Al, j'ai rencontré Tom Jedusor alors qu'il n'était que l'ombre de Voldemort. L'impression que j'ai ressentie ce jour-là... c'est celle que tu me donnes.
- Tu dis ça uniquement parce que tu es au courant.
- Non. Je l'ai toujours ressentie, depuis ta naissance. Je fermais les yeux parce que tu étais mon fils. C'était une erreur monumentale ; je ne la referai plus.
Al se mit à rire ; doucement tout d'abord, puis son rire s'amplifia jusqu'à résonner sur les murs.
- Je vois. C'est dommage. Je pensais faire plaisir à Ginny.
- Tu ne l'appelles plus maman ?
- Ce serait admettre que son fils a encore une part d'humanité.
- Ce n'est plus le cas.
Ce n'était pas une question.
- Si, sûrement. Quand on a vécu aussi longtemps de cette manière, ce n'est pas quelque chose qu'on peut oublier.
Harry garda le silence.
- Je peux te promettre une chose, néanmoins, en souvenir du bon vieux temps, si je puis dire. Je ne tuerai aucun des membres de notre famille.
- Je pourrais venir te chercher. Je pourrais t'arrêter, toi et toute cette famille de traîtres.
- Techniquement, les Malefoy n'ont rien fait de mal.
- Ils t'ont enlevé.
- Je suis venu de mon plein gré. Les sorciers français considèrent qu'un enfant est pleinement responsable de ses actes à quatorze ans. Et ils ne laisseront pas des agents anglais s'attaquer à un membre aussi éminent de leur communauté qu'est Malefoy.
Il lui fit son plus beau sourire.
- Embrasse Ginny pour moi. C'est dommage, c'est sans doute la dernière fois qu'elle me voit en tant que son fils.
- Je ne désespère pas, dit Harry. Je te ramènerai.
- Bonne chance, alors.
Le feu s'éteignit.