Depuis la nuit des temps, je porte attention à tout ce que les gens disent pour comprendre comment ils pensent. Il m'est arrivé des centaines de fois de m'exclamer : « Wah! Ils pensent comme ça. Il sont tellement plates! Incroyable ». Plates, sans grandeur, sans générosité... Au
royaume de la sécheresse, c'est pire encore. Puisque là-bas ils ne sont pas obligés d'être si ennuyants, il est évident qu'ils sont bel et bien conditionnés à l'être. L'autre jour, je parlais des gens ennuyants à l'Américaine et je m'emportais un peu en anglais. Je ne trouvais plus les mots pour m'expliquer. Je n'arrêtais pas de répéter qu'ils étaient « too careful ». Elle me disait que « cautious » était plus approprié à mon propos. Après en y pensant, ça m'a frappé : careful. Drôle de choix de mots. Ils sont tellement « care / less », si on pense au « care » dans une perspective plus large que sa simple autoconservation. Ils sont aux petits soins, oui, mais pour eux seulement.
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C'est fou le spectacle que font les gens qui manquent de confiance en eux. Parfois j'ai envie de crier : « Arrête, stp, tu ne m'impressionnes pas! Au contraire, tu m'écoeures! » Tsé, moi, j'aime les gens capables d'exposer leur fragilité. Les autres ne m'intéressent pas. Devant quelqu'un qui me fait un spectacle pour me démonter son assurance, je me sens comme une petite fille. Ils m'envoient à la face leur assurance et moi, je ne vois que leur fragilité qu'ils tentent de masquer pathétiquement. Je reçois tous leurs sentiments maladroitement dissimulés et je me sens mal pour eux. Je me dis que ça doit être dur de se sentir si petit et d'avoir tant besoin de se gonfler.
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Je suis une femme professionnelle. Dans l'avion régional à hélices qui m'amène dans le nord, je suis assise avec des hommes et des femmes d'affaires. On me demande à toutes les deux secondes si j'ai besoin de quelque chose. Comme si mes petits besoins étaient une priorité nationale. « Encore un peu de café, madame ? », « Avez-vous froid ? », « Avez-vous assez de lumière ? ». Ouais, ça va, je suis ok. Je suis toujours ok. Je suis ok comme une fille de prolétaire sage et raisonnable qui ne pense pas qu'on lui doit mer et monde.