Tu ris, tu pleures, tu vis puis tu meurs.

Jan 15, 2015 16:57

Je ne voulais pas faire d'article sur Charlie, parce que tout le monde en parlait déjà, et parce que les attentats m'ont coupé le souffle et les mots. Ca fait plus d'une semaine. Une semaine que je passe mes soirée à lire des articles sur les survivants et un peu sur les victimes. Une semaine que j'ai les larmes aux yeux en passant devant la statue de la République transformée en oraison funèbre. Et j'y passe tous les jours.

J'ai écouté les gens parler, j'ai vu des dessins qui m'ont fait rire, j'ai entendu plein de choses et j'ai essayé de savoir où je me plaçais là-dedans. Charlie Hebdo, je l'ai lu un peu, en fait j'ai lu les chroniques que Renaud écrivait dedans entre 92 et 96, pour connaître le journal c'est léger. Cabu, je connaissais vaguement, c'était le papa de Mano Solo et le nez de Dorothée. Non je ne savais rien des autres. Mais mercredi, quand j'ai vu les noms des victimes sur l'écran de l'ordi de la salle de travail, je crois que j'ai été sidérée. Comme si le coeur ratait un battement, que les poumons se bouchaient et que les mots restaient coincés. J'ai essayé d'imaginer la scène, mon cerveau fait toujours ça, je ne peux pas l'en empêcher. J'ai eu envie de vomir. Les mots sont restés coincés longtemps. J'ai entendu parler de liberté d'expression qu'on assassinait, j'ai pensé qu'on avait surtout assassiné de grands gamins qui faisaient des dessins. J'ai entendu chanter la Marseillaise sur la place de la République un soir, ça m'a rendue mal à l'aise et je suis partie. On a fait une journée de deuil national, on chante l'hymne patriotique, je me méfies toujours du patriotisme, c'est plein de dérives, j'ai peut-être trop écouté Renaud dans mon adolescence... On parle d'un pays blessé, mais ce n'est pas sur la France qu'on a tiré à coups de Kalachnikov, c'est sur des hommes et des femmes qui se moquaient bien des drapeaux. C'est vrai on a tiré sur la liberté, mais la liberté n'a pas de frontières, ce drame va bien au-delà d'un simple pays. Alors ta gueule la Marseillaise ! J'ai lu les massacres qui avaient lieu simultanément très loin de chez nous et dont on ne parlait pas, j'ai pensé à ce monde barbare. On a parlé de symboles, tout le monde a dit qu'il était Charlie. Je ne crois pas être Charlie, je n'ai pas bien compris ce que ça signifiait, j'ai trouvé ce slogan bizarre. Ca veut dire être triste ? Oui je suis triste, mais pas comme le sont ceux qui sont vraiment Charlie, tous ces gens de Charlie Hebdo et leurs proches. J'essaie d'imaginer cet homme cagoulé qui entre dans une salle de rédac, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est la dernière chose qu'ils ont vue... Et je pense à l'horreur que vivent les survivants, au chagrin immense des proches, à la colère qu'ils doivent ressentir. Je pense à Mano Solo qui a retrouvé son papa. Pour ceux qui sont encore là, je me demande comment on survit à ça. Voilà ce qui me hante depuis une semaine, c'est le carnage qui a eu lieu à moins de 2km de ma maison, c'est de penser à ce qu'ils ont ressentis, à la façon dont les survivants vont pouvoir se relever. Je pense à ce qu'ils ont vu, et j'ai des nausées. Je ne vous dirai pas ce que j'imagine.

Et puis hier soir j'ai vu cet article de Elle d'Elsa Wolinski qui s'adresse à son père. Et j'ai lu ça "Papa, je me pose la question. Est-ce que t’as souffert ? Parce que c’est ça qui m’angoisse, tu sais. J’ai peur que t’aies eu peur, j’ai peur que t’aies eu mal"
et je me suis mise à pleurer. Parce que j'ai compris que c'était ça qui ne sortait pas depuis une semaine. Oui j'ai été choquée qu'on ait froidemment abattu des gens innocents, des gens qui faisaient des dessins pour faire rire et réagir le monde, des gens qui les protégeait et des gens qui n'avaient rien à faire dans le débat. Mais ce qui m'empêche de dormir le soir, c'est de me demander ce qu'ils ont pensé, s'ils ont eu le temps de comprendre, s'ils ont eu peur. Cette idée qu'on puisse mourir terrifié d'horreur en plein coeur de Paris. C'est ça qui me serre le coeur quand je m'arrête chaque jour au pied de la statue de la République, couverte de fleurs, de stylos, de bougies et de banderoles...

searching my soul

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