Sourire

Nov 03, 2008 16:03



Vous savez peut-être que tout n’est pas joyeux dans ce monde. Cette histoire en est la preuve. Vous avez peut-être de la chance, ou peut-être pas, je ne sais pas. En tout cas, il peut vous arriver n’importe quoi, comme à eux. Alors n’oubliez pas, après l’amour, il ne reste que la Mort.

C’était un matin d’automne, nostalgique comme seule les matinées d’automne ensoleillées savent si bien l’être. Un matin déjà jauni, un souvenir presque déjà oublié. Son sac sur l’épaule, ses longs cheveux auburn balayant librement ses épaules, sourire aux lèvres, Catherine allait en cours.

Tin marchait derrière elle. En tendant le bras, il aurait pu attraper une de ses longues mèches qui flottaient sur l’air, juste devant lui, et qui lui caressait presque le visage. Il sentait son odeur si particulière, mélange de Chocolat, de Citron et de Miel, et elle ne savait même pas qu’il était là. Comme tous les matins…

Il n’existait pour elle que les soirs, quand elle lui confiait ses peurs et ses peines. Elle pleurait sur son épaule, sans jamais comprendre qu’il était beaucoup plus triste qu’elle. Il se sentait comme une ombre qui suit le soleil. Mais ce soir, ce soir, il allait lui montrer. Lui montrer  que la vie ne se résume pas à des petits chagrins d’adolescente heureuse qui se croit malheureuse.

Catherine ne se doutait de rien. C’est à peine si elle avait conscience de Tin, juste derrière. Il la suivait tout le temps, alors… Et puis ses pensées étaient accaparées par les fréquences respiratoires et autres débits ventilatoires. Ils avaient un D.S.T. en première heure, en  bio en plus, la matière où elle était la plus nulle.

Leur journée se déroula comme tous les jours de cours, c’est-à-dire trop lentement ou trop vite, comme tout les jours pour toutes les personnes qui ont l’immense chance de vivre.

Catherine souriait sans penser et Tin pensait sans sourire. Dehors, les feuilles continuaient de tomber, et le temps de tourner. Un papillon battait de l’aile, et, en Asie, c’était le début d’un Ouragan. Mais tout le monde s’en fout.

A la fin des cours, ce fut la même chose qu’au début, mais dans l’autre sens. Jusqu’au soir. Tin monta sur le toit de l’immeuble, comme d’habitude. Elle était déjà là. Comme d’habitude. Il allumait une cigarette, lui en offrait une. Elle refusait. Il s’asseyait à côté d’elle, en s’adossant contre le mur. Ils regardaient les étoiles en silence. Et puis elle parlait.

« -J’ai peur.

-Moi aussi, lui répondait-il. »

Et c’était la vérité>;. Ils ne se mentaient jamais. Il ne lui demandait jamais de quoi elle avait peur, car il le savait très bien. Cette peur que partage tout les adolescents, peur mêlée d’envie, peur de vieillir, peur d’être seul, peur d’être autonome, peur du changement, La peur de la petite fille ou du garçon qui se rend compte que du poil lui pousse sur les jambes.

Toujours ils se retrouvaient là, au même endroit, à la même heure. Pourtant, lui n’était rien pour elle, et elle tout pour lui. Derrière ses cheveux sales, ses yeux froids la regardaient avec une sorte de désir. Mais elle ne s’en rendait pas compte. Elle ne s’en doutait même pas.

Ce jour-là, il prit son courage à deux mains. Il était temps de briser le cycle répétitif du temps qui s’écoule dans les sabliers de la Mort, prête à faucher votre vie quand le dernier grains de sable fin et doré a terminé sa courte chute. Il attrapa le bras de Catherine et lui murmura un « Viens ! » pressant. Elle ne pouvait pas se dégager, sa grande main blanche, luisante dans la nuit noire, serait avec force son bras fin. Il la tracta jusqu’en bas de leur bâtiment, jusqu’au bout de la rue. Ils tournèrent à gauche, à droite, à gauche, à gauche, firent demi-tour, allèrent à droite, encore à droite, et puis à gauche, et à droite, jusqu’à ce qu’elle soit totalement perdue. Tin, lui, semblait comme un poison mortel et totalement invisible dans une coupe de cristal pleine à ras bord  d’un vin rarissime et excellentissime : à l’aise, alors que pour la plupart des gens il n’est vraiment pas à sa place, sournois, et élégant pour ce qui n’est pas censé l’être.

Ils étaient dans un quartier riche. Les maisons, droites, fiers et imposantes sous les ornements qui les recouvraient, ressemblaient à des tanks, avides de destruction et de mort et de sang, qu’on aurait camouflés en sapin de Noël, les fausses dorures jouant le rôle de boules et de guirlandes.

texte, ecriture, original, fic

Previous post Next post
Up