Ode pour la Valentine :
Erylis_blackTitre : Question de temps
Cupidon :
Lupi_de_lune Couple : Drago/Luna
Rating : PG-13
Nombre de mots : 1134
Disclaimer : Les personnages utilisés et l'univers duquel ils sont tirés appartiennent à JKR.
Mot de la Valentine : J'espère que la lecture de ces quelques lignes jetées à la figure du bon sens et des grands courants te plaira autant qu'à moi lors de leur écriture, sinon plus!
« - Tiens, tu es déjà rentré? »
Encore et toujours cette même question. Au début, il avait trouvé ça drôle, intéressant, attirant, un tel point de vue, si différent des autres, permettant toujours de ne pas reléguer les choses à un stade de banalités. Mais le début, puisqu'il était question de lui, était passé depuis longtemps déjà. Et il avait changé. Mais elle pas.
« - Oui, » finit-il par répondre d'un ton las.
« - Que veux-tu manger? »
« - Ce que tu veux. »
« - Très bien, alors j'ai pensé qu'un steak de cheval avec de la purée et de la salade te feraient plaisir. »
« - Oui. »
« - Je vais dresser la table. »
« - Très bien. »
Tandis qu'elle s'éloignait, il soupira. Encore une fois, au début, cela l'avait considérablement surpris. La première fois qu'elle lui avait posé la question, il avait justement une idée assez précise en tête. Et quand il lui avait répondu honnêtement, pensant qu'elle allait préparer ce qu'il avait mentionné, elle avait pris un air désolé et ennuyé. Après un moment, et sur son insistance, elle avait fini par avouer qu'elle s'était totalement méprise sur son envie et avait déjà préparé autre chose. Étonné, il l'avait rassurée en promettant que ce n'était rien. Et puis, elle lui avait fait le coup plusieurs fois, à quelques semaines d'écart. Au bout de quelques mois, il avait compris. Mais les années s'accumulaient, et devoir parer à tous ces détails ahurissants commençait à l'épuiser plus que de raison.
Il s'assit, avec une lassitude extrême, dans le divan, à la place qui l'attendait, comme tous les soirs. Et son cerveau se mit à travailler tout seul. Il n'avait de toutes façons pas la force de le retenir, ni l'envie de le brider. Les yeux dans le vague, il se laissa porter par les réflexions qu'il s'était trop souvent interdites. Et quand Luna l'appela du fond de la cuisine, il était allé trop loin.
Il se leva du divan, lentement, essayant de maîtriser sa fureur passagère, ce à quoi il finit par parvenir alors qu'il franchissait la porte entre le salon et la cuisine. Il s'adossa négligemment au mur et observa sa femme. Ses longs cheveux blonds étaient toujours aussi décoiffés, ses yeux perdus dans ce qu'elle faisait. Elle avait pris un peu de poids, renforçant ses formes, mais restait toujours mince de corpulence. Quelque part, il la trouvait encore mignonne. Mais la sensation qui le prenait aux tripes n'avait plus rien à voir avec un quelconque désir pour elle. Elle releva la tête et lui sourit.
« - Tu peux t'asseoir, Drago, » dit-elle d'un ton doux.
Il s'exécuta en silence. Elle lui servit une assiette, puis en garnit une autre et s'installa à son tour. Il la remercia d'un bref signe de tête et avala une première bouchée. Puis il prit une profonde inspiration et posa ses couverts dans son assiette.
« - Luna, je veux que tu m'écoutes attentivement. »
« - Je t'écoute toujours attentivement, Drago. »
« - Non, » répliqua-t-il d'un ton dur, « regarde-moi et écoute bien. »
Elle lui obéit, le regard tout de même vague. Quelque part au fond de ces grands yeux bleus, il devait y avoir une inquiétude qui flottait. Mais il en avait assez de chercher.
« - Luna, » reprit-il, un peu moins sec, un peu moins assuré, « je ne sais plus pourquoi on est ensemble... »
Il se sentit soudain excessivement mal à l'aise. C'était pire qu'une bombe, ce qu'il venait de mettre sur la table. Il examina sa femme pour détecter un semblant de réaction. Mais elle restait silencieuse. Dans un coin de son esprit, une certaine forme de soulagement se manifesta: au moins lui avait-elle épargné les stupides réflexions du genre « parce qu'on est mariés, parce qu'on habite au même endroit, etc ».
Le silence commença à peser très lourdement sur lui, devenant plus assourdissant qu'une centaine de mandragores hurlant de concert. Et ce n'était pas pour le calmer, bien au contraire. Ne tenant plus en place, il se leva brusquement de sa chaise et abattit ses deux mains sur la table.
« - Et ça ne te fait rien de plus que ça? » s'exclama-t-il, presque furibond.
Elle releva la tête pour croiser son regard. Il ne détourna pas les yeux, mais à nouveau, il ne vit rien comme expression d'émotion dans ce regard flou. Et cela l'enflamma davantage, mais pas ouvertement. Alors qu'il bouillonnait de rage à l'intérieur, il se refroidit à l'extérieur.
« - Très bien, » reprit-il d'un ton froid et distant, « je m'en vais. »
Toujours aucune réaction, mais il n'en attendait pas. Il quitta la pièce d'un pas mesuré, attrapa sa cape au passage, et sortit. Il transplana aussitôt, dans un endroit qu'il fréquentait souvent depuis quelques temps, et entra dans une espèce de taverne d'un aspect chaleureux pour s'installer dans un coin à l'écart.
Quelques heures plus tard, il était toujours assis là, la bouteille de whisky pur feu qu'il avait commandée posée sur la table devant lui, à côté du verre à moitié plein ou à moitié vide selon ses pensées au moment où il le regardait. Il soupira, pour la énième fois, et regarda d'un œil distrait les gens qui occupaient la salle. Il arrêta son lent balayage sur un couple qui discutait tranquillement, et l'observa pendant un moment. Bien que le sujet de leur conversation lui échappât, Drago comprenait qu'ils échangeaient leurs points de vue sur l'une ou l'autre chose. Au fil de leur discussion, tour à tour, ils se faisaient rire mutuellement, par leurs expressions faciales, leurs propos parfois passionnés, leurs façons de s'expliquer.
L'espace d'un très court instant, il vit alors Luna à la place de la jeune femme, souriante, l'air perdue, lui racontant une histoire totalement abracadabrante dont il ne croyait pas un traître mot, mais qu'il écoutait néanmoins avec attention pour sa manière unique de dire les choses.
Sa vue se brouilla, et Luna disparut de sa vision. Il vida son verre d'un trait, empoigna la bouteille et se leva pour se diriger vers le comptoir. Il laissa la bouteille au patron et régla son dût avant de quitter l'établissement.
Dehors, dans le froid de la nuit, il inspira profondément. Oui, c'était dur. Oui, il devait prendre sur lui. Oui, il avait changé. Mais au fond, il était toujours le même.
Il transplana pour se retrouver face à la porte de son domicile. Là, il hésita un instant. Puis il entra. Luna était dans le salon, face à la cheminée. Elle réarrangeait la décoration dans un ordre qu'elle seule pouvait appréhender. Lentement, il enleva sa cape et la rangea. Puis il s'approcha de sa femme. Elle se tourna vers lui. Ses yeux étaient rouges. Elle avait donc pleuré. Il s'en voulut, mais ne dit rien, se contentant de lui sourire simplement. Elle lui rendit son sourire, et il décela une étincelle de soulagement au fond des grands yeux bleus qui le regardaient.
« - Tiens, » dit-elle sur un ton qui n'était vraiment pas anodin, « tu es rentré... »