Les faux mecs (ma traduction)
Dmitriy Sokolov-Mitritch parle du vrai homme
Tout va bien. Les mecs n’ont pas disparu. Ils sont là, partout - dans la rue, à pied et en voiture, certains discutent aux réunions, d’autres pilotent des avions, traversent l’espace, prennent des bains de vapeur, font du business, amènent la barre dans les salles de sport, quelques-uns fument ou boivent, même. Mais tous ces mecs, tous sans exception, ont le même défaut : ils sont vrais. Vous voulez qu'ils soient comment ?
Qu’est-ce qu’un vrai mec? Je vais vous le décrire. C’est un grand bel individu, mince, musclé, modérément poilu, aux yeux sauvages, ainsi qu’intelligents. Il doit être indépendant, mais faire de sorte pour ne pas sortir du contrôle de sa femme. Son caractère est fort, passionné, et, en même temps, nordique. Il doit absolument aimer les enfants et sa belle-mère, mais qu’il soit un petit peu salaud, car les bons garçons finissent par ennuyer. Avec lui, vous vous sentez en pleine sécurité, comme derrière un mur de pierre, mais la porte dans ce mur doit être toujours ouverte. Puis, un vrai mec travaille beaucoup pour sa famille, mais il doit être toujours là, à la moindre occasion, car il est tellement important pour la femme de se sentir en sécurité. Et en général. Le rationalisme et la prodigalité ! Le sens des responsabilités et de la folie ! Etre courageux comme un lion et savoir se ménager ! C’est tout, paraît-il, mais c’est seulement le début de la liste.
En traduisant la plainte en question à propos de la disparition des vrais mecs en langage de la logique formelle, nous aurons quelque chose d’inverse : « Où sont les faux mecs ?! » A cela, la réponse sera très simple: il n'y en a pas, il n'y en a jamais eu, et il n'y en aura pas. Il y a toujours eu, il y a, et il y aura les vrais mecs, ceux ordinaires.
Bon, ils ne ressemblent plus aux chevaliers médiévaux, ni même aux hussards ailés. Aujourd’hui, il n’y a plus besoin de brandir des sabres, conquérir la Terre Sainte et se battre pour le coeur d’une belle dame. Aujourd’hui, les vrais hommes construisent des moteurs de recherche, marquent des buts au FC Barcelone, découvrent le boson de Higgs, brûlent par la parole les esprits des humains*, conquièrent des montagnes et des mines - de nos jours, il y a beaucoup de possibilités de se faire la fortune et l’honneur sans verser le sang. Sur ces voies, normalement, même un bidon n’est pas un obstacle. Mais, comme ma fille a deviné à l’âge de sept ans, le plus important pour le garçon, c’est son caractère. Et le caractère est une saloperie qu’un siècle ou deux n’arrivent pas à tuer. Et la capacité massique du caractère fort de l’homme est toujours restée à peu près pareille, à tous les siècles. Enfin, le mot « navet » n’a pas été inventé hier.
Alors, pourquoi les femmes paniquent-elles tant? Car la femme ne panique pas en vain. Il doit y avoir une raison forte.
Je ne me moque pas. Il y en a une, en effet.
Revenons aux jours bénis où, vraisemblablement, les mecs étaient vrais. De quelles nuances de sens le mot « homme » illuminait-il la conscience d’une femme ? Voyait-elle beaucoup d’exemples du comportement masculin autour d’elle ? Deux pelés et un tondu. Si c’était une paysanne, les vrais hommes pour elle, c’étaient son mari, son père, ses frères, oncles, compères, voisins, le pope, le propriétaire foncier et son intendant. Si c’était une marchande, elle connaissait aussi des marchands, et si c’était une fille d’origine noble, elle voyait en plus la cour. L’image de l’homme était extrêmement net, il était limité par l’ensemble de traits masculins qui se manifesaient dans le caractère national russe.
Mais l’humanité ne reste pas stationnaire. L’humanité acquiert un bagage culturel, suit l’instinct du progrès, parcourt la voie de la mondialisation. A un moment donné, la marchande en ayant appris à lire commença à avaler des romans de chevaliers et de princes ; dès lors, les « vrais mecs » de son entourage perdirent sensiblement de leur éclat. La noble dame se lança dans la lutte pour le bonheur du peuple, ou bien, au moins, admirait ceux qui en étaient capables. Depuis, tous, sauf les personnes remarquables, sont devenus compromissoires. Même la paysanne a acheté un téléviseur et il y a déjà cinquante ans, elle savait au juste qu’en outre les moujiks russes, il y avait dans le monde les cowboys américains, les machos espagnols, les samouraïs japonais, ainsi que les don-juans français. Bien vite, sa vie est devenue singulièrement terne et triste.
La nature humaine en général, et celle féminine en particulier, aime tout ce qui est bon et n’aime rien de mauvais. Dans les multiples versions des « hommes idéaux » que la culture de masses nous offre en surabondance, la conscience féminine choisit les tons les plus forts, les plus vifs en rejettant résolument les harmoniques et d’autres sons complémentaires déplaisants qui les accompagnent.
Un vrai mec doit être fort, intrépide et galant, comme un Tchétchène ou un Sicilien. Il doit honorer les aïeux, respecter les femmes et être prêt de mourir en les protégeant à tout moment. Mais, s’il vous plaît, laissez de côté ces «crimes d'honneur» imbéciles ; et, bref, la femme dans la famille doit avoir les même droits que l’homme.
Un vrai mec doit être fougueux et fantasque, comme un Espagnol, un Mexicain ou un Italien. Mais il doit avoir un seul objet de la passion, et que ses folies restent dans des limites raisonnables. Qu’il ne coure pas les jupons, la famille c’est le plus important.
Un vrai mec doit être fiable et prédictible, comme un Européen. Il doit vivre et travailler pour sa famille, assister à l’accouchement, changer le bébé dès sa naissance et puis, passer les jours à faire rouler des petites voitures et trains électriques avec lui. Mais, s’îl vous plaît, épargnez-nous de cette parcimonie propre aux Allemands et aux Français, de ces contrats de mariage détaillés et ces frais partagés aux restaurants.
Les mecs russes sont pas mal, eux aussi, surtout sur les images que nous présente habituellement le magazine « Sept jours ». Une nouvelle villa, des meubles riches, un porsche au garage, la femme heureuse, le père de famille content. Peu importe que cette même femme heureuse dans ce même magazine, après un scandale avec son mari, racontera comment ils vivaient vraiment - bon, c’est leur affaire, quant à nous, ce ne sera pas pareil, sans doute.
La femme moderne, en ayant assimilé au niveau sentimental des standards divers de ce que c’est un vrai homme, en compose un beau bouquet d’espérances à son goût, sans prendre en compte que chaque fleur a son système racinaire qui est beaucoup moins joli que le pistil et l’étamine. Pour être juste, il est à noter que tout ce qui est exposé ci-dessus concerne également le problème des « vraies femmes », dans la même mesure. Où sont-elles parties ? Et bien, pareillement, dans les illusions et les fantaisies. Je voudrais qu’elle soit brune à l’extérieur et blonde à l’intérieur, modeste et casanière, mais, en même temps, une femme fatale, intelligente et sotte à la fois, que la famille pour elle soit prioritaire, mais sa carrière réussie à mourir d’envie, etc.
Un vrai mec, tout autant qu’une vraie femme, ce n’est pas un produit à acheter dans un magasin selon ses demandes. On est né, on vit en faisant de grandes et petites erreurs, on travaille beaucoup en oubliant la date de notre première rencontre, on fait du bruit en mangeant, on s’emporte, on oublie de fermer le tube de dentifrice, on n’arrive pas à s’entendre avec ses enfants et on montre plein d’autres signes de sa naturalité. Tout cela ne vous plaît pas ? Alors, il vous faut chercher parmi les extra-terrestres, peut-être. Quoique, je crains qu’ils n’aient les mêmes problèmes.
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* Citation changée de Pouchkine, le Prophète :
Et la voix de Dieu m’appela :
Lève-toi, prophète,
vois, écoute et parcourant
et les mers et les terres,
Brûle par la Parole
les cœurs des humains.
(en traduction de Prosper Mérimée)
Тут оригинал. Весьма оригинальный:-) Как правило, для мужчины женская душа - потемки, и нам очень часто приходится слышать о странностях (в лучшем случае) женской логики. Поэтому одно лишь отсутствие этого суждения внушает мне искреннее уважение. Очень забавная статья, с которой мне трудно и согласиться, и не согласиться :-)
Tout va bien. Les mecs n’ont pas disparu. Ils sont là, partout - dans la rue, à pied et en voiture, certains discutent aux réunions, d’autres pilotent des avions, traversent l’espace, prennent des bains de vapeur, font du business, amènent la barre dans les salles de sport, quelques-uns fument ou boivent, même. Mais tous ces mecs, tous sans exception, ont le même défaut : ils sont vrais. Vous voulez qu'ils soient comment ?
Qu’est-ce qu’un vrai mec? Je vais vous le décrire. C’est un grand bel individu, mince, musclé, modérément poilu, aux yeux sauvages, ainsi qu’intelligents. Il doit être indépendant, mais faire de sorte pour ne pas sortir du contrôle de sa femme. Son caractère est fort, passionné, et, en même temps, nordique. Il doit absolument aimer les enfants et sa belle-mère, mais qu’il soit un petit peu salaud, car les bons garçons finissent par ennuyer. Avec lui, vous vous sentez en pleine sécurité, comme derrière un mur de pierre, mais la porte dans ce mur doit être toujours ouverte. Puis, un vrai mec travaille beaucoup pour sa famille, mais il doit être toujours là, à la moindre occasion, car il est tellement important pour la femme de se sentir en sécurité. Et en général. Le rationalisme et la prodigalité ! Le sens des responsabilités et de la folie ! Etre courageux comme un lion et savoir se ménager ! C’est tout, paraît-il, mais c’est seulement le début de la liste.
En traduisant la plainte en question à propos de la disparition des vrais mecs en langage de la logique formelle, nous aurons quelque chose d’inverse : « Où sont les faux mecs ?! » A cela, la réponse sera très simple: il n'y en a pas, il n'y en a jamais eu, et il n'y en aura pas. Il y a toujours eu, il y a, et il y aura les vrais mecs, ceux ordinaires.
Bon, ils ne ressemblent plus aux chevaliers médiévaux, ni même aux hussards ailés. Aujourd’hui, il n’y a plus besoin de brandir des sabres, conquérir la Terre Sainte et se battre pour le coeur d’une belle dame. Aujourd’hui, les vrais hommes construisent des moteurs de recherche, marquent des buts au FC Barcelone, découvrent le boson de Higgs, brûlent par la parole les esprits des humains*, conquièrent des montagnes et des mines - de nos jours, il y a beaucoup de possibilités de se faire la fortune et l’honneur sans verser le sang. Sur ces voies, normalement, même un bidon n’est pas un obstacle. Mais, comme ma fille a deviné à l’âge de sept ans, le plus important pour le garçon, c’est son caractère. Et le caractère est une saloperie qu’un siècle ou deux n’arrivent pas à tuer. Et la capacité massique du caractère fort de l’homme est toujours restée à peu près pareille, à tous les siècles. Enfin, le mot « navet » n’a pas été inventé hier.
Alors, pourquoi les femmes paniquent-elles tant? Car la femme ne panique pas en vain. Il doit y avoir une raison forte.
Je ne me moque pas. Il y en a une, en effet.
Revenons aux jours bénis où, vraisemblablement, les mecs étaient vrais. De quelles nuances de sens le mot « homme » illuminait-il la conscience d’une femme ? Voyait-elle beaucoup d’exemples du comportement masculin autour d’elle ? Deux pelés et un tondu. Si c’était une paysanne, les vrais hommes pour elle, c’étaient son mari, son père, ses frères, oncles, compères, voisins, le pope, le propriétaire foncier et son intendant. Si c’était une marchande, elle connaissait aussi des marchands, et si c’était une fille d’origine noble, elle voyait en plus la cour. L’image de l’homme était extrêmement net, il était limité par l’ensemble de traits masculins qui se manifesaient dans le caractère national russe.
Mais l’humanité ne reste pas stationnaire. L’humanité acquiert un bagage culturel, suit l’instinct du progrès, parcourt la voie de la mondialisation. A un moment donné, la marchande en ayant appris à lire commença à avaler des romans de chevaliers et de princes ; dès lors, les « vrais mecs » de son entourage perdirent sensiblement de leur éclat. La noble dame se lança dans la lutte pour le bonheur du peuple, ou bien, au moins, admirait ceux qui en étaient capables. Depuis, tous, sauf les personnes remarquables, sont devenus compromissoires. Même la paysanne a acheté un téléviseur et il y a déjà cinquante ans, elle savait au juste qu’en outre les moujiks russes, il y avait dans le monde les cowboys américains, les machos espagnols, les samouraïs japonais, ainsi que les don-juans français. Bien vite, sa vie est devenue singulièrement terne et triste.
La nature humaine en général, et celle féminine en particulier, aime tout ce qui est bon et n’aime rien de mauvais. Dans les multiples versions des « hommes idéaux » que la culture de masses nous offre en surabondance, la conscience féminine choisit les tons les plus forts, les plus vifs en rejettant résolument les harmoniques et d’autres sons complémentaires déplaisants qui les accompagnent.
Un vrai mec doit être fort, intrépide et galant, comme un Tchétchène ou un Sicilien. Il doit honorer les aïeux, respecter les femmes et être prêt de mourir en les protégeant à tout moment. Mais, s’il vous plaît, laissez de côté ces «crimes d'honneur» imbéciles ; et, bref, la femme dans la famille doit avoir les même droits que l’homme.
Un vrai mec doit être fougueux et fantasque, comme un Espagnol, un Mexicain ou un Italien. Mais il doit avoir un seul objet de la passion, et que ses folies restent dans des limites raisonnables. Qu’il ne coure pas les jupons, la famille c’est le plus important.
Un vrai mec doit être fiable et prédictible, comme un Européen. Il doit vivre et travailler pour sa famille, assister à l’accouchement, changer le bébé dès sa naissance et puis, passer les jours à faire rouler des petites voitures et trains électriques avec lui. Mais, s’îl vous plaît, épargnez-nous de cette parcimonie propre aux Allemands et aux Français, de ces contrats de mariage détaillés et ces frais partagés aux restaurants.
Les mecs russes sont pas mal, eux aussi, surtout sur les images que nous présente habituellement le magazine « Sept jours ». Une nouvelle villa, des meubles riches, un porsche au garage, la femme heureuse, le père de famille content. Peu importe que cette même femme heureuse dans ce même magazine, après un scandale avec son mari, racontera comment ils vivaient vraiment - bon, c’est leur affaire, quant à nous, ce ne sera pas pareil, sans doute.
La femme moderne, en ayant assimilé au niveau sentimental des standards divers de ce que c’est un vrai homme, en compose un beau bouquet d’espérances à son goût, sans prendre en compte que chaque fleur a son système racinaire qui est beaucoup moins joli que le pistil et l’étamine. Pour être juste, il est à noter que tout ce qui est exposé ci-dessus concerne également le problème des « vraies femmes », dans la même mesure. Où sont-elles parties ? Et bien, pareillement, dans les illusions et les fantaisies. Je voudrais qu’elle soit brune à l’extérieur et blonde à l’intérieur, modeste et casanière, mais, en même temps, une femme fatale, intelligente et sotte à la fois, que la famille pour elle soit prioritaire, mais sa carrière réussie à mourir d’envie, etc.
Un vrai mec, tout autant qu’une vraie femme, ce n’est pas un produit à acheter dans un magasin selon ses demandes. On est né, on vit en faisant de grandes et petites erreurs, on travaille beaucoup en oubliant la date de notre première rencontre, on fait du bruit en mangeant, on s’emporte, on oublie de fermer le tube de dentifrice, on n’arrive pas à s’entendre avec ses enfants et on montre plein d’autres signes de sa naturalité. Tout cela ne vous plaît pas ? Alors, il vous faut chercher parmi les extra-terrestres, peut-être. Quoique, je crains qu’ils n’aient les mêmes problèmes.
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* Citation changée de Pouchkine, le Prophète :
Et la voix de Dieu m’appela :
Lève-toi, prophète,
vois, écoute et parcourant
et les mers et les terres,
Brûle par la Parole
les cœurs des humains.
(en traduction de Prosper Mérimée)
Тут оригинал. Весьма оригинальный:-) Как правило, для мужчины женская душа - потемки, и нам очень часто приходится слышать о странностях (в лучшем случае) женской логики. Поэтому одно лишь отсутствие этого суждения внушает мне искреннее уважение. Очень забавная статья, с которой мне трудно и согласиться, и не согласиться :-)