"L'iris sauvage", "Meadowlands" et "Averno" par Louise Glück
Environ 450 pages, donc 400 pages de poésie en bilingue (donc on ne lit que la moitié), et 50 pages d'introduction et préface.
L'iris sauvage parle d'un jardin, du point de vue des fleurs, et du point de vue du jardinier, et parle de l'humanité, du point de vue des humains, et du point de vue de Dieu, et tous ces points de vue, en quelques sorte, se confondent.
Meadowlands met en parallèle ses problèmes de couple, et les problèmes de couple d'Ulysse et Pénélope après son retour. Averno parle de Persephone, et aussi des relations de Louise Glück avec sa mère, mais aussi avec ses enfants.
On a vraiment chaque recueil qui a une structure, et à l'intérieur chaque poème a une structure. Rien n'est là par hasard. Cela devrait être positif comme critique, mais c'est parfois trop meta pour moi, trop intelligent pour être touchant. Et finalement, je ne m'intéresse pas tant que ça à la vie personnelle de Louise Glück, peut-être que là aussi je cherche de grandes émotions plutôt que de la subtilité.
It is snowing on earth; the cold wind says
Persephone is having sex in hell.
Unlike the rest of us, she doesn't know
what winter is, only that
she is what causes it.
7/10
"The Collected Poems of Audre Lorde"
Environ 480 pages de poésie. Tous ses recueils publiés de son vivant, incluant certaines versions remaniées et republiées de certains poèmes. Cela parle de vie quotidienne : être une femme noire, être une militante, être une mère, être bisexuelles. Tous les poèmes sont politiques, même ceux qui sont personnels. Parfois, cependant, les images les rendent difficiles à comprendre pour moi.
Mes recueils préférés sont "New York Head Shp and Museum" et "Coal".
Separation
The stars dwindle
and will not reward me
even in triumph.
It is possible
to shoot a man
in self defense
and still notice
how his red blood
decorates the snow.
7/10
"Avec la permission de Dieu" par Angèle Vannier
Une toute petite plaquette de 40 pages de poésie. J'avais lu une anthologie d'elle, cela m'avait donné envie d'en lire plus, et j'aime toujours autant son écriture et ses images teintées de mythe. Dans ce recueil, les thèmes principaux sont sa romance, qui mène sur une sorte de méditation sur un équilibre entre sensualité et religion.
Dévêtus de vos chairs sans avoir pu tarir
La source ardente des désirs
Vous n'êtes pas des morts vous n'êtes plus vivants
Vieux fantômes sans yeux sans bouche sans oreilles
Marchant tête à l'envers sur un ciel trop glissant
Vous cognez au carreau des maisons endormies
Pour voler le sang clair du petit de la femme
Qui ne sait pas encore la couleur de son âme
Comment voir sans nos yeux ? dévorer sans nos bouches ?
Ecouter sans oreilles une musique douce ?
Jésus-Christ remettez de la chair sur nos os
Remettez remettez tout juste ce qu'il faut
Laissez-nous peser lourd
D'un mouvement d'amour
Sur le plaine semée
De chaudes graminées
Sue marguerite qu'on effeuille
Sur le duvet perdu par un jeune écureuil
Blessé par un chasseur qui n'a pas faim d'étoiles
Sur le troupeau sans Dieu des fourmis besogneuses
Et sur les pas des morts où croissent les scabieuses
Jésus-Christ faites-nous faites-nous peser lourd
Sur plante grasse et son velours.
9/10
"Je ne sais quelles gens" par Wisława Szymborska
Poésie (précédée de son discours d'acceptation du Prix Nobel), environ 150 pages.
Le poèmes de Wisława Szymborska ont des sujets variés ; surtout que c'est une anthologie qui regroupe des textes de huit recueils différents. Je crois que le point commun est l'étonnement. Cela peut prendre la forme de trouver le merveilleux dans le quotidien, parfois, ou de l'humour, souvent, même s'il y a aussi des textes très sombres, par exemple sur les évènements historiques. L'humour m'a prise un peu au dépourvu, parfois il marche sur moi et parfois pas du tout. Il y a aussi des poèmes la science, ce que je n'attendais pas. Je n'ai rien à reprocher, c'est de la qualité, mais cela n'a pas trouvé le hameçon pour me happer.
Poème en hommage
Il était une fois. Inventa le zéro.
D’un pays incertain. Sous l’étoile
aujourd’hui noire peut-être. Entre deux dates
dont nul ne peut jurer. Sans un nom
quelconque, même douteux. Il ne laisse
pas une pensée profonde en-dessous de son zéro
sur la vie qui est comme… Nulle légende
comme quoi, un jour, à une rose cueillie
ajoutant un zéro, il fit un grand bouquet.
Ou qu’au moment de mourir il enfourcha un chameau
aux cent bosses, et partit dans le désert. Qu’il s’endormit
à l’ombre des palmes du vainqueur. Qu’il se réveillera
le jour où tout aura été finalement compté
jusqu’au dernier grain de sable. Quel homme.
Par la fente qui sépare ce qui est de ce qu’on rêve
il échappa à notre attention. Résistant
à toute destinée. Se défaisant
de toute figure qu’elle tente de lui prêter.
Le silence ne porte nulle marque de son passage.
L’éclipse prend soudain l’apparence d’un horizon.
Zéro s’écrit de lui-même.
7/10
"La malebête" par Suzanne Paradis
Poésie, environ 100 pages. Une auteure de poésie québecoise qui m'avait été conseillée il y a longtemps par annaoz, et j'ai découvert qu'on pouvait trouver certains de ses recueils d'occasion - en y mettant le prix pour les frais d'envoi, car ils arrivent du Québec. Les poèmes font en général deux ou trois pages de longueur, et sont sur des thèmes classiques comme la nature, ou les relations entre homme et femme, ou la nostalgie, mais j'aime son écriture.
Nous enverrons la mort brûnir dans les solives
et les bois secs que les mois d'août ne mouillent plus
dans les clartés de lune opaque et continue
quand les vents fuient les cimetières et les grives.
Nous enverrons la mort pourror dans nos blessures
puisqu'aucun lieu n'a plus de paix pour qu'on y veille,
puisqu'aucun sein n'a plus de lait, ni la groseille
de suc léger qu'on boît au fruit, à la chair sûre.
Mains de douleur, gorges du temps, membres malades,
liez la mort en fagots noirs près des murailles,
que nos regards montés du fond de nos entrailles
lèvent enfin sur l'arbre vif, des yeux de jade.
8/10
"Célébration du cheval : les plus beaux textes et poèmes" compilés par Jean-Louis Gouraud
Environ 350 pages de textes, dont beaucoup de poèmes, sur le thème du cheval. Il y a sept parties. "Création, Re-création, récréations", "Eloges, louanges, élégies", "Anus, Equus, Eros", "Chroniques hippiques épiques", "Morsures, mors et mort", "Chevaux des villes et chevaux des champs", "Pégase, parangon de poésie". La dernière, contrairement à ce que j'avais cru au début, n'est pas consacrée aux chevaux mythiques, maus aux textes qu'il trouve les plus beaux et qui ne rentraient pas dans les catégories précédentes. Chaque partie est accompagnée d'une préface qui explique le raisonnement dans les choix.
Il y a de très beaux poèmes, j'ai en particulier découvert plusieurs poètes d'Europe de l'est. Il y a aussi des choix que je trouve discutables : pourquoi quatre traductions différentes de la Bible, ou du Coran, plutôt que d'ouvrir l'anthologie à d'autres religions ? Parfois l'auteur met un texte qu'il ne trouve lui-même, dans son introduction, pas très bon, mais qu'il estime important pour montrer la représentation du thème, mais d'autres thèmes sont totalement absents. En général, je n'aime pas trop l'esprit de ces introductions, mais c'est personnel. Je pense aussi qu'il aurait pu mettre plus de textes de femmes, qui auraient montré plus de diversité de points de vues si c'est son but.
7/10
"La mort et ses poètes" compilé par André Chabot
Environ 200 pages de poèmes sur le thème de la mort. L'auteur est un passionné du sujet, cela se voit ici et dans le reste de son oeuvre ; cette anthologie (de poèmes uniquement francophones) est une manière d'exorcisme. Il se trouve que la mort est un de mes thèmes préférés en poésie, donc j'ai décidé de relire ce livre (que j'avais, il paraît, déjà lu il y a longtemps et complètement oublié).
Les différentes parties sont : La mort qui vient, L'égalité devant la mort, Le refus de la mort, Les dernières volontés, Massacres, Le grand passage, La mort de l'enfant, Funérailles, La charogne et après, Les lieux de la mort, Les vivants et les morts, L'amour et la mort, La mort du poète, Ballades funèbres, Tout meurt. A l'intérieur de chaque partie, les poèmes sont rangés par ordre chronologique. Les 19e et 20e siècles sont privilégiés (ce qui correspond à mes goûts), mais l'auteur a quand même trouvé quelques poètes bien obscurs (ou pas, Villon et Ronsard y sont mais pas seulement) du Moyen-Âge et de la Renaissance qui sont en plein dans le sujet. C'est une anthologie personnelle, pas classée par notoriété : certains des poèmes français les plus connus sur le thème de la mort, comme "Demain dès l'aube" ou "Le dormeur du val", n'y sont pas. L'auteur essaie de ne pas trop se répéter, et de ne mettre qu'un poème par poète, même s'ils en ont écrit plein sur le sujet. Il en sort d'autant plus des sentiers battus.
On voit bien ses thèmes préférés et surtout ceux qu'il évite : rien sur la vie après la mort, les fantômes, le paradis ou l'enfer. Ce n'est pas le sujet.
Depuis que j'ai lu les remarques narquoises de Diglee, je regarde, par curiosité, le pourcentage d'auteures féminines : entre 5% et 10%, ce qui peut sembler très peu, mais est standard dans les anthologies francophones. Dont trois poèmes que j'aurais clairement choisis moi-même.
C'était une anthologie bien faite, rien à redire ! Je connais juste trop bien le sujet pour avoir des découvertes !
8/10
"La mort en poésie" compilé par Pierre Marchand
Environ 150 pages, dont 20 pages de dossier final sur l'analyse des thèmes, parfois sous forme de jeu (c'est une collection jeunesse). Comme je le disais plus haut, c'est un de mes thèmes préférés en poésie, et j'étais curieuse de comparer deux anthologie dans des collections différentes.
Les parties sont "Mourir autrefois", "L'autre monde", "Considérations sur la mort", "L'heure de la mort", "Epitaphes", "La mort rêvée", "La mort des amants", "La mort des héros", "La mort des enfants", "La mort des humbles" et "Guerre meurtrière"
Contrairement à la précédente, cela parle beaucoup de la vie après la mort ; en particulier, de nombreux textes sont mythiques ou religieux, parfois d'origines peu communes comme le Gabon, Hawaï ou la Perse. Ils sont, bien évidemment, traduits, et en général on trouve des auteurs de différentes origines, même si la majorité reste francophone.
Comme la précédente, j'ai aimé parce que c'est un thème que j'aime bien, je n'ai rien à redire objectivement, mais ce n'est pas non plus proche du choix pleinement satisfaisant que je ferais pour moi. Comme la précédente, elle a très peu d'auteurs femmes.
Ma préférée : la poème de Cesare Pavese "La mort viendra et elle aura tes yeux", je ne connaissais que le titre, qui est magnifique, je suis heureuse d'avoir pu lire le poème entier !
8/10
"Les visions et les jours", par Li He
Poésie, environ 150 page en bilingue chinois-français. Li He est un poète chinois du 8e siècle, et le préfacier parlait tout le temps de sa modernité, qui est certainement réelle pour le 8e siècle, mais pour moi ça reste de la poésie chinoise très classique. Des formes fixes (hommage officiel à une personne ou un évènement), des thèmes classiques (comment utiliser avec le maximum d'efficacité une description de la nature pour dire les sentiments sans les dire), beaucoup de déprime personnelle et touchante (sa vie n'a pas été joyeuse et il est mort très jeune). Malheureusement pour moi, beaucoup de références culturelles que je comprends très mal, et lire les notes (nombreuses, et bien documentées) brise le rythme du poème. Moins de thèmes surnaturels que la préface me l'avait laissé espérer. Cela reste bien ! Mais la préface le vend trop bien, je le crains.
MON RETOUR DE GUIJI. CHANSON
L'abandon a effrité ces murs que l'on frottait de poivre.
Les lucioles filles de l'eau peuplent le palais des Liang.
A Taicheng, j'étais poète au service d'un prince ;
A présent, sous ma couverture d'automne, je rêve de mon char de bronze...
Du givre de Wu parsème les cheveux de mes tempes.
Mon corps, comme le jonc des bassins, est à son crépuscule.
Le coeur gros, j'ai dis adieu au Poisson d'or.
Féal sujet jeté sur les routes, il ne me reste que l'horreur de n'être plus rien.
7/10
"L'amant sans amant", par Mário de Sá-Carneiro
Poésie, environ 120 pages en bilingue portugais-français. Une sélection de poème d'un auteur du début du 20e siècle, mort tragiquement.
Contrairement à ce que le titre et la biographie de l'auteur m'avaient laissé espérer, ce n'est pas explicitement homosexuel. Dans certains poèmes, l'auteur a une sorte d'alter ego féminin et hétérosexuel, mais ce n'est pas central et ça s'arrête là.
La préface souligne une évolution : d'abord quelques poèmes enthousiastes, puis des poèmes dramatiques et déprimés, puis des poèmes ironiques et satiriques mais toujours déprimés. L'auteur a mis fin à ses jours à 26 ans.
Le thème principal que j'ai remarqué est une façon d'être étranger à soi-même, de parler de choses comme "ma vie" ou "mon âme" comme séparées de "moi". Il y a aussi beaucoup d'insistance sur le luxe, les lieux beaux et grandioses, que ce soit les Ors des palais mythiques ou les cafés parisiens.
En tout cas, et c'est triste et paradoxal de dire ça vu l'état d'esprit de l'auteur, j'ai passé un très bon moment !
APOTHEOSE
Mâts brisés, je cingle sur l'Or d'un océan
Dormant le feu, incertain, lointain...
Tout m'est devenu pareil en un songe arasé,
Et dans la moitié de moi-même, aujourd'hui, je ne fais qu'habiter...
Ce sont tristesses de bronze, celles que je pleure encore -
Pilastres morts, marbres au Couchant...
Mes Ardeurs m'ont été blanchement dallées
En faux cloîtres où jamais je ne prie.
De Moi je suis descendu. J'ai plié le manteau d'Astre,
Brisé la tasse de cristal et d'effroi,
Taillé en ombre l'Or de mes traces...
J'en ai fini... Heures-platine... Arôme-brocart...
Lune-ardeur... Lumière-pardon... Orchidées-sanglot...
.......................................
Ô marécages de moi-même - jardin stagnant !...
8/10
Progression : 57/52
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