Lectures de janvier

Jan 28, 2014 22:13


"Sorcières et magiciens", par Brendan Lehane, aux Editions Time-Life
Même principe que d'habitude : contes et légendes, environ 140 pages, illustrations superbes, tout ça. Cette fois, seulement la première partie est constituée de contes et mythes à proprement parler (tirés du Mabinogion, du Kalevala, de la légende arthurienne, plus quelques légendes moins connues mais toujours européennes). La première parle des sorciers médiévaux, et s'attarde sur John Bacon, sur Faust, avec des détails sur le tarot, l'astrologie, etc. La troisième est sur les sorcières de village, leurs remèdes, poisons et sabbats. Ce sont des sujets qui m'intéressent, et en plus, dans ces deux dernières parties, il y avait un certain nombre d'histoires que je n'avais jamais entendues, donc cool. Très satisfaisant.
8/10


"Le coin des fous", par Jean Richepin
Pour la case "Recueil de nouvelles" de bingo_livres
Environ 180 pages, dont une préface en présentation. Recueil de nouvelles fantastiques ou étranges, par l'auteur de La chanson des gueux, surtout connu pour le poème Oiseaux de passage changé par Brassens. En tout cas, moi c'est comme ça que j'en ai entendu parler.
La préface est dithyrambique, peut-être trop pour moi : le préfaceur fait partie de ces gens qui ont du mal à dire du bien d'un auteur sans faire du bashing par comparaison. Même si c'était intéressant d'apprendre la biographie d'un auteur peu connu, et des hypothèses sur pourquoi il l'est si peu. Et pour le coup, ça a fait que ces nouvelles, qui sont du fantastique tout à fait bien mené et astucieux, m'ont un peu déçue, parce que je m'attendais à mieux.
Dans les thèmes de prédilection de l'auteur : les hôpitaux psychiatriques, oui, où on se demande parfois si les internés sont vraiment fous, mais aussi beaucoup le double et les doubles personnalités, et puis les regards. Il y a une sorte d'obsession pour les yeux, que ce soit pour voir ou pour les voir. Et aussi, dans une moindre mesure, des mystères exotiques, des magies étrangères. Et puis parfois, à côté de tout ça, une petite histoire d'excentrique (et parfois assassin) sans surnaturel. Ce sont parfois les plus originales.
Mes préférées : L'horloge, pour la chute, Le peintre d'yeux, parce que pacte démoniaque, Le miroir, très classique mais un de mes thèmes préférés, Les soeurs Moche, parce que bwahaha je les shippe, Duel d'âme, parce que méchant manipulateur et sadique. ^^
7/10


"L'aigle aztèque est tombé", Carlo Coccioli
Pour la case "Littérature italienne" de bingo_livres
Environ 550 pages, roman historique, sur le dernier empereur des aztèques, Cuauhtemoc, "L'aigle-qui-tombe" (bon, je le traduis en général plus par L'aigle-qui-descend, c'est un détail). C'est beaucoup de petits chapitres, alternant les moments où Cuauhtemoc médite dans sa tente, sur la mise à mort qui l'attend le lendemain, et les souvenirs de sa vie, depuis sa petite enfance jusqu'à son sacre et sa résistance désespérée contre l'envahisseur espagnol.
Pour un chef qui fut principalement militaire, c'est beaucoup plus mystique et philosophique, et beaucoup moins stratégique et guerrier, que j'attendais. La question de savoir quels sont les dieux, s'il faut les écouter, quel est la nature du dieu des blancs, sont fondamentales. Sinon, cela parle aussi beaucoup des différences culturelles, de la façon dont les blancs sont vus par les aztèques. Pas spécialement pour excuser les aztèques, d'ailleurs - l'auteur récupère même quelques parts de la légende noire - plutôt pour montrer de l'intérieur une diversité, un état d'esprit totalement autre.
C'est très bien écrit, bien pensé, et pour cela on lit avec beaucoup de plaisir, malheureusement cette version de Cuauhtemoc, quoique intéressante, ne m'est pas vraiment sympathique. Pareil pour les relations humaines : elles sont frappantes et humaines dans leurs descriptions, mais pas spécialement touchantes. Damn, il y a eu des moments où je slashais un peu.
7/10


"La truie et autres histoires secrètes", par Thomas Owen
Pour la case "Littérature francophone non-française" de bingo_livres
Recueil de nouvelles, environ 180 pages. Ce sont des nouvelles, souvent fantastiques, toujours d'horreur, et c'est réussi : elles mettent vraiment très mal à l'aise. Le plus souvent, même à la fin, on ne comprend pas du tout ce qui se passe ou s'est passé (même en acceptant l'hypothèse surnaturelle, je veux dire) et la nouvelle en reste d'autant plus avec nous. Ces choses impossibles, hors du monde, contrastent avec les détails les plus réalistes et triviaux, un gâteau rassis, de la peinture qui s'écaille.
Malheureusement, des fois, l'incompréhension est trop forte pour moi, et la force émotionnelle s'accompagne d'une certaine frustration intellectuelle ; je préfère douter, hésiter, plutôt que de me dire qu'il n'y a rien à comprendre... je dis ça, mais j'aime beaucoup l'imagerie des Moments Difficiles, qui est une des plus sans queue ni tête, et qui ressemble à un rêve décousu ou à rien... (mes autres nouvelles préférées sont La boule noire et Le voyageur)
L'autre problème, c'est que j'ai du mal avec la façon dont Thomas Owen écrit les femmes, monstres, séductrices ou victimes, et dans tous les cas toujours effrayantes et répugnantes en même temps qu'attirantes.
6/10


"Djann", suivi de "Jokh, le filou", par Andrei Platonov
Pour la case "Un livre en rapport avec le désert" de bingo_livres
Roman, un peu moins de 200 pages, suivi d'une nouvelle d'une trentaine de pages. La nouvelle, sur une rébellion d'hérétiques au 18e siècle, est bien écrite, avec une chute surprenante, mais ne m'a pas captivée, contrairement à l'histoire principale (qui se passe, je dirais, dans les années 1930).
Nazar Tchagataiev est natif d'une tribu turkmène extrêmement pauvre qui se nomme "Djann" - l'âme - parce qu'ils n'ont rien d'autre. Abandonné par sa mère une année de famine, il a survécu miraculeusement, a été recueilli par le parti communiste, et revient dans son désert natal pour apporter à sa tribu le communisme, et donc le bonheur.
Ce n'est pas le premier livre de Platonov que je lis. D'après mon expérience, Platonov est un déçu de la révolution, et ses personnages communistes sont en général adorables, très bien intentionnés, et complètement incapable. Tchagataiev peut sembler de la même eau au début, avec sa compassion brûlante et son idéalisme naïf, mais en fait... peut-être qu'il a plus de chance que les autres, ou que ses liens réels avec sa tribu changent vraiment quelque chose. Ici, l'horreur, la mort et le dénuement ne semblent pas être la seule issue (même s'ils planent toujours). Ce livre ressemble à Platonov qui essaie sincèrement d'écrire du réalisme soviétique, et, pour une fois, réussit à peu près la partie soviétique. Par contre, pour la partie réalisme, ce n'est pas encore ça, mais je ne vais pas m'en plaindre. Djann est extrêmement dense en symboles, en mythes, chrétiens, zoroastriens, et oui, communistes aussi, en allégories, et la vie est partout, pas seulement dans les corps et les âmes des humains (endormie par la misère, mais toujours là), mais aussi bien dans le peuple en soi que dans les animaux les plus humbles et peut-être même les objets, qui sait ? En tout cas, j'ai été émue plusieurs fois, même pas à cause de ce qui se passait, juste dans la façon de l'auteur de le dire.
Bon j'ai aussi été émue de nombreuses fois par ce qui se passait. C'est terrible comme la description de la pauvreté peut parfois être terriblement crue sur ce à quoi les hommes en sont réduits, tout en gardant une forme de grandeur mythique. Exemple : un flashback de l'enfance de Nazar où le peuple a cru sincèrement qu'ils allaient se faire exterminer par le khan voisin et se sont mis à chanter et à danser parce qu'ils n'auraient plus jamais faim.
Les romances m'ont semblé... étranges. Il y a Tchagataiev qui a beaucoup de mal à placer les limites entre l'amour romantique et la compassion, et parfois c'est un peu bizarre. Et il y a plusieurs romances avec une grande différence d'âge juste parce que les deux personnes se connaissent, et dans une population qui se réduit, ils n'ont pas tant de choix que ça, et ce n'est pas que ce n'est pas crédible, mais pareil, dérangeant.
Il y a deux fins possibles, celle du texte entier, et celle de la première édition. Je suis contente de pouvoir lire le texte en son intégralité, je serais trop frustrée sinon, mais malgré tout, il est possible que je préfère encore la fin d'origine, plus ouverte, plus mystérieuse.
9/10

Progression : 5/52
"Risques de lecture" : Le coin des fous, L'aigle aztèque est tombé, La truie, Djann -> 4/26
(Je sens que
bingo_livres va me faire aller plus vite dans cette catégorie :-) )

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