Troisième machin
obscur_echange-ien et possiblement celui duquel je suis le plus satisfaite. Cette fic m'a surtout permis de jouer avec John, que j'aime vraiment beaucoup et bon, même si ça n'a pas été super facile à écrire, le résultat me plaît assez.
Titre : Enchained faith
Auteur : Windex/
drakysPour : Témest'/
taraxacumoffFandom : Ghost Hunt
Persos/Couple : John, Naru, Mai, Takigawa, Asako, Masako, Lin (et l'esprit de la semaine)
Rating : PG-13
Disclaimer : Fuyumi Ono pour le roman, Shiho Inada pour le manga, Avex Entertainment, Marvelous Entertainment et TV Tokyo pour l'animé
Prompt : Ghost Hunt : Pas de couple dans cette idée là... Suite à un ancien exorcisme, John se meurt d'une malédiction. Toute l'équipe se mobilise pour découvrir de quoi il s'agit exactement et le sauver… Précisons juste que j'aime les fics qui finissent bien et avec rating G ou PG-13, c'est très bien.
"Unghh", John toucha son épaule et le visage de l'autre homme se rapprocha, lui sourit.
Les doigts effleurèrent à peine son bras et le jeune homme serra les dents, une sensation de brûlure rampant sous sa peau jusqu'à sa main. La présence de l'autre prêtre l'avait surpris, on lui avait dit que l'église était abandonnée. Il croyait s'y rendre pour un simple exorcisme, s'était plutôt retrouvé aux prises avec un homme possédé.
"Cette douleur ne disparaîtra pas…", murmura la voix suave à son oreille, les ongles s'enfoncèrent dans sa manche et la sensation de chaleur brûla soudain, presque insupportable, avant de s'éteindre. "Ou peut-être que je peux te l'épargner… Comment forte est ta foi, petit prêtre ?
- Quoi ?"
Il avait essayé d'abord de raisonner l'autre homme, tentant de gagner en le calmant le temps nécessaire pour mieux évaluer la situation. John avait compris rapidement qu'il avait affaire à un esprit puissant, peut-être bien trop puissant pour lui : il ne savait pas ce qui l'avait tant enragé par sa simple présence. Il préférait pour l'instant essayer de discuter avec lui, au moins pour comprendre à qui il avait affaire.
L'autre homme ne partageait pas sa patience. Les doigts se resserrèrent sur son bras et la douleur revint, en séries de petites explosions qui tournèrent sur sa peau, remontèrent jusqu'à son épaule.
"Je peux faire disparaître la douleur, si tu veux", lui offrit la voix, soudain généreuse et mielleuse, diaboliquement tentatrice.
"Je ne croirai rien de ce que tu me diras", répondit John avec ferveur, instinctivement, et un poing connecta violemment avec son visage. "Je n'entendrai aucune de tes promesses mensongères", un autre coup et un goût cuivré inonda sa bouche.
"Tu me répètes les mêmes conneries que d'autres m'ont dit. Sais-tu combien de ces autres ont fini par m'écouter ? Hein ? Le sais-tu ?"
Le rire glaça John. Il recula, réalisa qu'il lui était impossible de bouger son bras gauche. Il s'y enfonçait comme un millier d'aiguilles de feu et chaque mouvement déclenchait une explosion de douleur.
"Veux-tu vraiment souffrir en vain pour ce Dieu qui ignore ses enfants, qui n'entend aucune prière ? Sûrement pas ! Dis-moi que tu veux que je te sauve et-
- Au- Au commencement était le Verbe", commença John, après s'être essuyé la bouche du revers de sa main valide.
"Ne fais pas ça !", siffla la voix.
John l'ignora. Il mordit l'intérieur de sa lèvre inférieure, la douleur soudaine lui faisait oublier celle de son bras, le forçant à retrouver sa concentration. Il fouilla dans ces vêtements, y prit une fiole d'eau bénite.
"Au commencement était le Verbe", reprit John avec plus de fermeté cette fois, "la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu-
- Tais-toi !
- Et le Verbe était Dieu", John déboucha la fiole avec ses dents.
"Non !
- Il était au commencement auprès de Dieu. Par lui, tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui", il jeta l'eau bénite sur l'autre homme, le regarda tomber à genoux, trembler pitoyablement en suppliant.
"Dis seulement que tu Le renies !", hurla-t-il. "Dis que tu Le renies ou ton temps est compté !"
John l'ignora et continua.
"En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée."
Le corps s'effondra contre le sol, mais pas avant d'avoir hurlé d'un rire hystérique.
"Meurs donc alors ! Meurs lentement et souffre !", cria-t-il avant de s'effondrer, secoué de convulsions terribles.
Il finit par s'immobiliser et John se précipita vers le corps.
"Père Andrews !", il s'accroupit près de l'autre prêtre et chercha un pouls, n'en trouva aucun. "…Je suis désolé", murmura-t-il en fermant les yeux de l'autre homme.
Il s'assit par terre et prit une grande inspiration. Il pouvait à peine bouger son bras gauche : depuis son épaule jusqu'au bout de ses doigts, il avait l'impression d'avoir plongé son bras dans le feu.
John déboutonna lentement sa soutane d'une main, enleva sa chemise en grimaçant et examina son bras gauche. Il y avait une marque foncée dans sa paume, reliée à des centaines de cercles alignés qui tournaient autour de son bras jusqu'à son épaule.
Il ferma les yeux.
La marque était une croix et les cercles, les billes d'un chapelet noir.
***
"John, peux-tu t'occuper de cet exorcisme ?", demanda Naru.
"Oui."
John alla se changer et entra dans la chambre, s'imprégnant de son atmosphère froide. Il sentait des présences faibles, mais définitivement animées d'intentions hostiles. Il inspira et expira lentement et débuta l'exorcisme, ouvrant sa bible.
Sa voix résonna bientôt dans la pièce, calme et assurée, forte des mots qu'il ne faisait pas que réciter, mais en lesquels il croyait, et les présences s'agitèrent, la température chuta rapidement. Il entendit des murmures tourner autour de lui, n'y comprit ni mot répété, ni supplication, ni prière.
Les murmures haussèrent le ton, fâchés de sa présence, ou peut-être amusés, et les objets tremblèrent. Les petits d'abord, les cadres sur les murs glissèrent, les coussins se renversèrent, des jouets s'éparpillèrent… une chaise glissa soudainement de l'autre côté de la pièce, les portes d'armoire et les tiroirs claquèrent, la commode fit lentement un tour sur elle-même.
La fenêtre éclata soudain et John se jeta par terre pour éviter les morceaux de verre, leva les mains pour protéger sa tête. Il entendait encore les murmures et il entendit des pas rapides, la voix puissante de Takigawa qui récitait un mantra. Les murmures s'agitèrent, irrités cette fois, avant de s'éparpiller et de disparaître, chassés de la pièce par le bonze.
"Est-ce que ça va ?", demanda-t-il en aidant John à se relever.
"O- Oui", répondit l'australien, ébranlé. "Je ne sais pas ce qui s'est passé, je- j'ai-
- John !", s'écria Mai en courant vers lui, inquiète. "Tu es blessé ? C'est du sang là, sur ta main ?", elle essaya de l'examiner de plus près, mais le jeune prêtre jeta un coup d'œil à sa paume et retira sa main.
"Oh non, ce n'est rien", la rassura-t-il avec un sourire.
Takigawa fronça les sourcils et referma une main son poignet, le forçant à lever le bras.
"Ce n'est rien, Takigawa-san", répéta simplement John quand le bonze remarqua la croix noire imprimée dans sa paume.
Il y pressa lentement l'index et John frémit involontairement.
"Rien ?", demanda Takigawa en leva la manche du jeune prêtre, écarquillant les yeux en voyant le reste des marques noires sur son bras. "Tu veux me faire croire que tu donnes dans les tatouages maintenant ? Ce truc, c'est une malédiction, n'est-ce pas ?", Mai ne put retenir une exclamation horrifiée, "John, depuis quand tu as ça !
- Depuis près d'un an", admit-il, gêné de les inquiéter.
***
Ils avaient bouclé l'affaire courante deux jours plus tard, au plus grand soulagement du jeune couple maintenant fièrement propriétaire d'une maison sans pensionnaires surprises. Naru avait refusé d'entendre quoi que ce soit à propos de la marque sur le bras de John avant qu'ils reviennent dans les bureaux de SPR.
Au grand dam de Mai, Naru les avait tous chassé plutôt que de laisser John raconter devant tout le monde ce qui lui était arrivé. Quand elle avait insisté pour rester, convaincue qu'elle n'accepterait pas d'aider John si elle n'était pas là pour le décider à prendre l'affaire, il lui avait jeté un regard glacial.
"Que fais-tu du droit à la confidentialité des clients ?", avait-il fait remarquer.
Le regard de Mai s'était aussitôt éclairé.
"Alors tu vas l'aider !", conclut-elle, des étoiles dans les yeux, et Naru avait haussé les épaules.
"Peut-être que oui, peut-être que non", avait-il répliqué, sans émotion.
Il lui avait refermé la porte au nez avant qu'elle l'insulte et Mai, pour toute vengeance, lui avait fait un peu tard une grimace. Naru s'était installé derrière son bureau, Lin à sa gauche, près à noter ce que John leur dirait.
"Comment est-ce arrivé ?", demanda Naru, doigts croisés sous son menton.
John leur raconta l'exorcisme comme il se le rappelait. Il relata également l'appel qu'il avait reçu et ce qu'il savait de l'histoire de l'église où on l'avait envoyé. Depuis longtemps, les prêtres qui y rendaient le culte mouraient systématiquement dans l'année suivant leur nomination ou disparaissaient avant sans en informer personne.
L'endroit était bien sûr dit maudit, mais avant lui, seuls les prêtres y officiant avaient été touchés. L'église avait été plus longtemps vide qu'occupée et la dernière série de morts et disparitions louches avait repris il y avait de cela cinq ans.
"Sais-tu si la marque que tu portes a été retrouvée sur les corps d'autres prêtres ?
- Non", répondit John. "J'ai fait quelques recherches après le début de", il hésita sur le choix du mot, "cette épreuve et je n'ai pas entendu parler d'une marque pareille. Je crois… Ce que je crois", continua-t-il, "c'est que si aucun des corps ne la portait, c'est parce que comme elle s'efface avec le temps, elle doit disparaître à la mort de celui qui la porte."
Naru se redressa soudain, le dévisagea avec attention.
"Que veux-tu dire ?"
John remonta sa manche. La ligne des cercles noirs s'enroulait un peu plus haut que son poignet.
"Oh, la marque disparaît un peu plus chaque jour. Je crois que c'est pour indiquer aux victimes le temps qu'il leur reste à vivre.
"Lin !"
Lin s'approcha.
"Me permettez-vous de vous examiner, Brown-san ?", demanda-t-il poliment et le jeune prêtre hocha la tête.
Il monta sa manche un peu plus haut et avec des gestes lents, délicats, Lin toucha son bras à une dizaine d'endroits.
"Jusqu'où allait la marque ?", demanda-t-il et John toucha un point sur son épaule. "Et à quelle fréquence s'efface-t-elle ?", l'interrogea encore Lin.
"Un cercle par jour.
- Hm", fit simplement Lin, pensif.
"Peux-tu briser la malédiction ?", lui demanda Naru après un moment.
"Non", admit son assistant et John accueillit la nouvelle avec sérénité, il avait déjà accepté qu'il ne lui restait que quelques semaines à vivre. "Mais je peux la ralentir.
- Pendant combien de temps peux-tu repousser son échéance ?", voulut savoir Naru.
Lin jeta un regard au jeune prêtre, effleura la croix dans sa paume du bout des doigts.
"Deux mois.
- Ce sera suffisant", dit Naru avant de se retourner.
"Suffisant pour quoi, Shibuya-san ?", demanda John.
"Pour trouver comment lever la malédiction."
***
John leur montra le chemin jusqu'à l'église. Il la pointa au bout du chemin : elle avait dû être belle autrefois, mais ses murs extérieurs étaient couverts de graffitis et beaucoup des fenêtres et des vitraux avaient été brisés par les éléments ou par des forces moins nobles.
Il portait un tee-shirt à manches courtes et sur son bras, ce qui restait de la spirale de cercles noirs était maintenant entravée par des fils de caractères peints minutieusement sur sa peau. Les chaînes d'encre s'arrêtaient autour de la croix dans sa paume, l'encerclant sans pitié. Il n'avait pas vraiment voulu cacher la marque avant, il avait simplement cru qu'il s'agissait de son fardeau à lui seul.
"On m'a demandé il y a un an d'exorciser l'endroit. Le dernier prêtre est mort il y a trois ans, le précédent n'y est pas resté plus de six mois. Il y a peut-être cent ans que des histoires semblables se reproduisent, avec cinq ou dix ans entre chaque vague : les prêtres meurent et seuls certains sont repartis vivants, mais j'ai entendu dire que ceux-là ont tous quitté la prêtrise."
Naru leva les yeux vers la croix qui surplombait l'église et plissa les yeux.
"Personne ne devrait y entrer aujourd'hui. Contentez-vous de faire le tour, arracher ou défoncer les panneaux qui bloquent les fenêtres et installez les caméras", ordonna-t-il aux autres.
Il se retourna aussitôt pour retourner à la camionnette, Lin sur les talons, pour commencer à bouger l'équipement et Mai resta un instant à fixer des éclats de verre coloré presque entièrement cachés dans l'herbe brûlée par le soleil. Elle trouva que des reflets étranges y dansaient et comme hypnotisée, elle regarda les teintes orangées briller, dangereusement jolies, devant ses yeux.
***
Il y avait des lumières flottantes, des sphères aux couleurs chaudes qui pleuvaient lentement autour d'elle. Mai leva les yeux et vit le ciel. Il n'était pas noir comme la nuit, pas bleu comme le jour : il était orangé, mais pas comme quand le soleil se couche ou qu'il se lève. Le ciel bougeait doucement, se brouillait.
Elle avait encore le nez en l'air quand une voix la fit sursauter.
"Elles sont trop belles pour ce qu'elles sont…
- Naru !", s'exclama-t-elle et elle tourna la tête, vit qu'il fixait lui aussi le ciel et ses sphères aux couleurs inhabituelles. "Qu'est-ce qui se passe ?"
Il lui pointa un bâtiment plus loin, encadré par de grands jardins.
"Ne va pas là, d'accord ?", son sourire était triste.
Elle plissa les yeux, essaya de voir les détails à travers la pluie des sphères jaunes, orangées et rouges. Elle ne put en défaire aucun du reste, tout était recouvert d'un épais tapis de couleurs chaudes.
"Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?", voulut-elle savoir, mais quand elle se retourna pour lui faire face à nouveau, Naru avait disparu. "Naru ?"
Mai le chercha du regard.
"Naru !", l'appela-t-elle et elle courut pour essayer de le retrouver.
Mais plus elle courrait, plus elle se rapprochait du bâtiment et ses jardins, malgré l'avertissement. Et plus elle avançait, plus elle en remarquait les détails : l'herbe et les fleurs étaient tordues, noircies et il s'y accumulait des sphères qui se déformaient, s'allongeaient. Des pierres s'élevaient comme des dents tordues d'une bouche géante.
"Des tombes ?"
Mai frissonna. Ces formes dansantes, brillantes qui courraient sur tout lui rappelaient quelque chose… Elles léchaient tout, impitoyablement, jusqu'au bâtiment et Mai leva les yeux, remarqua la grande croix qui le surplombait, s'élevant haute au-dessus du toit. Elle aurait dû être blanche, mais elle était rongée jusqu'à être déformée par des lignes orangées.
"…Et une église ?"
Mai hésita et voulut pousser la porte. Le bois était chaud, trop chaud sous sa main, résista et elle dût mettre tout son poids pour ouvrir la porte assez pour pouvoir se glisser à l'intérieur.
L'église aurait dû être un endroit calme, mais elle entendit des murmures ténus, qui se transformèrent en sifflements, en gémissements, en cris plus elle avançait. Elle vit des formes noires, tordues, prostrées par terre et retint sa respiration, espérant qu'elles ne la remarquent pas.
Elle recula lentement, buta contre un banc et il y eut un silence. Pas un silence complet, elle entendait encore un bruit continu, faible derrière tout le reste, un crépitement insistant. Les formes se tournèrent vers elle, tendirent leurs membres maigres, noircies vers elle. Leurs visages étaient des masques de douleur.
"Aidez-nous !
- Pitié !"
Des doigts effleurèrent ses bras et Mai hurla.
"À l'aide !
- Je ne veux pas mourir !"
Les doigts s'agrippèrent à elle, à ses mains, à ses bras, à ses jambes et elle se sentit tirée entre les bancs. Jusqu'à une forme plus noire, plus tordue que toutes les autres qui se retourna lentement. Il lui restait des fragments de vêtements, les lambeaux déchirés d'un soutane et Mai se débattit avec plus d'acharnement.
Ce prêtre-la n'avait rien à voir avec John !
Elle lui cria de reculer quand il s'approcha et sur son visage aux traits rongés, un sourire terrible apparut. Plus il avançait, plus des autres formes disparaissaient. Il les écrasait sans s'en soucier, marchait sur leurs restes qui explosaient en cendres sous ses pas, leur dernier soupir une supplication pour ne pas mourir. Il tendit ses mains vers elle.
"Il nous a abandonnés", gronda sa voix, plus forte, plus amère que celle des autres. "Comment a-t-Il pu nous trahir ?"
Elle sentit des mains contre sa gorge. Des mains chaudes, brûlantes, qui s'enfonçaient sur son cou et elle ressentit une douleur terrible. Comme si le feu la dévorait vivante.
Du feu !
Mai comprit enfin que tous ces gens étaient morts brûlés vifs et elle essaya de se libérer.
"Non ! Non ! ", hurla-t-elle, désespérée et une voix rauque, comme pleine de cendres, murmura doucement à son oreille.
"Ne t'inquiète pas, tu ne souffriras pas plus que moi…
- Aaaarghhh ! "
Elle sentit une brûlure sur sa joue et ouvrit aussitôt les yeux. Mai ne vit rien d'autre que les flammes pendant un instant. Elle vit ensuite le plafond, flou, se demanda pourquoi il était flou et réalisant qu'elle pleurait, elle essuya rapidement ses larmes avec sa manche. Elle remarqua ensuite les visages penchés sur elle.
"Mai !", s'exclama Ayako, ses doigts courant sur son front pour en décoller les cheveux humides de sueur.
"Taniyama-san…", il y avait de l'inquiétude dans la voix de Masako.
Mai remarqua la porte ouverte et les autres qui s'y tenaient. Elle vit John et baissa les yeux, pensa au prêtre, non, au monstre de son rêve. Peut-être qu'elle avait vu quelque chose qui pourrait aider John, elle ferma les yeux.
Elle devait raconter son rêve avant de tout oublier.
"Il… Il y avait du feu", commença Mai, la gorge serrée et Asako serra gentiment sa main dans la sienne.
Cette chaleur était douce, réconfortante et elle s'y agrippa pour pouvoir continuer.
***
"Je suis surpris que personne auparavant n'ait fait de recherches avant moi", commença Naru.
Un dossier sous le bras, il le tapota de l'index de son autre main.
"Cette église n'est pas la première à s'élever à cet endroit. Il y a plus de trois cent ans, une autre église s'y dressait.
- Elle a été détruite ?", demanda Ayako.
"Brûlée", précisa Naru. "Brûlée, avec son prêtre et près d'une centaine de personnes réunies pour la messe. Hara-san", continua-t-il sans mentionner d'autres détails, "si je vous ai fait venir, c'est que j'ai besoin de savoir ce que vous trouverez dans cette église, y voyiez-vous un inconvénient ?
- Je n'aime pas cet endroit…", répondit lentement Masako, mais elle inclina quand même la tête. "Je ferai de mon mieux."
Naru fit signe à Lin et à Takigawa de les accompagner. Comme Masako le suivait sur sa droite, Lin l'encadra à gauche et il jeta sur l'église un regard agacé qui n'échappa par à Naru. Takigawa s'assura d'abord que les piles de la lampe de poche fonctionnaient, poussa ensuite la porte et entra le premier, examina les lieux avant de leur faire signe de le suivre.
"Ressentez-vous quelque chose ?", demanda Naru et Masako secoua la tête, restant sur le palier.
"Je ne sais pas…", elle hésita et fit quelques pas en avant à peine, regardant avec attention autour d'elle.
Elle recula dans un mouvement brusque et ferma les yeux, tremblante.
"Hara-san", dit simplement Naru en glissant un bras derrière son dos dès qu'il la vit chanceler, pour l'empêcher de tomber.
Masako garda la tête baissée, pressa la manche de son kimono contre son nez et sa bouche.
"Il faut que je sorte", s'excusa-t-elle presque et dès qu'elle essaya de faire un pas vers la porte, ses jambes cédèrent sous elle.
Naru la retint et Takigawa s'approcha, la prenant dans ses bras sans lui avoir demandé son avis. Elle réalisa qu'elle était sortie seulement quand elle fut assise à l'arrière de la camionnette, une couverture jetée sur ses épaules. Masako garda la manche de son kimono près de son visage et n'arriva pas à arrêter de trembler, gardant les yeux baissés. Mai prit sa main dans la sienne, lui sourit et elle se calma, reprit contenance.
"Je… Je n'ai jamais ressenti auparavant une telle colère…", commença-t-elle dans un souffle, "Cet esprit ne cherche pas la paix, il… il ne veut que détruire. Il ne souffre pas, il veut seulement faire souffrir parce qu'il croit avoir été trahi.
- Hé ho !", l'interrompit Takigawa. "Tu parles d'un esprit ? Un seul ?"
Masako hocha la tête et le bonze fronça les sourcils.
"Naru, tu as bien dit qu'une centaine de personnes ont été brûlées vives ?
- Oui, c'est ce que mes recherches ont démontré.
- Alors…", commença lentement Ayako, comprenant où Takigawa voulait en venir. "Où sont passé tous les autres esprits ?"
Il y eut un silence et Mai leva les yeux, horrifiée, se doutant de la réponse. Lin conclut simplement :
"Ils ont été dévorés.
- Bien sûr", enchaîna Naru avec humeur, irrité contre lui-même de ne pas y avoir pensé plus tôt.
Mai parla d'une toute petite voix, sentant son cœur battre plus rapidement.
"Il voulait se venger et les autres esprits lui ont donné la force nécessaire pour le faire...", elle étouffa un sanglot. "Il est comme ça parce qu'il a tué tous les autres !"
Masako hocha la tête, n'arrivant pas à arrêter de trembler.
"Ils ont dû tellement souffrir…", dit-elle dans un souffle.
Naru fronça les sourcils.
"Nous allons devoir l'attirer ici à nouveau."
- Je vais le faire", décida John.
Takigawa l'agrippa par les épaules.
"Mais tu as vraiment envie de mourir, bon sang !?
- Il n'a pas le choix de venir, si c'est moi, n'est-ce pas ?", John sourit. "Peu importe ce qu'il a fait, il mérite de trouver la paix, s'il la désire.
- Non, ne fais pas ça !", s'indigna Mai. "Tu as expliqué qu'il ne revenait que quand un prêtre mourrait ou reniait Dieu ! Tu ne peux pas sacrifier ta vie ou ta foi seulement pour-
- Taniyama-san", l'interrompit gentiment le prêtre. "Ça va aller", la rassura-t-il.
Naru fit un signe à Lin et demanda à John de les suivre.
"Vous allez où comme ça ?", s'insurgea Mai.
"Rêves-toi une réponse", rétorqua Naru et elle gonfla les joues.
"Si mignon…", soupira Ayako.
"Et tellement insupportable", compléta Takigawa.
***
"Tu es revenu", la voix paraissait venir de partout et de nulle part à la fois. "Tu ne crois plus en ton Dieu, hmm ?"
Un frisson courut le long du bras de John.
"Ou tu trouves ta chaîne trop lourde à porter, petit prêtre ? Je t'avais dit que tu souffrirais."
La voix se rapprocha.
"M'as-tu écouté ? Non ! Tu m'as brûlé avec tes mots et ta maudite eau ! Tu as essayé de me chasser, mais je suis revenu t'attendre ! Et tu es revenu", un rire doux, aimant, "oui, tu es revenu vers moi, comme tous les autres quand ils se détournent de Lui, qui n'éloigne pas les souffrances."
John ne recula pas en sentant des doigts désincarnés toucher son visage.
"Tu me crois toi aussi, n'est-ce pas ?", murmura gentiment la voix. "Tu as enfin compris, comme tous les autres. Tu sais maintenant que j'ai raison, que Dieu n'écoute pas. Qu'Il te trahira toi aussi : Il te laissera mourir même si tu le supplies de te laisser la vie."
"Si je dis que je te crois, tu reprendras ta marque ?", John leva le bras.
"Bien sûr. J'éloignerai la douleur si tu me le demandes, je te rendrai la vie qu'Il t'aurait laissé perdre…"
Les doigts voulurent se refermer sur son bras marqué et il y eut un bruit sec, comme le déchirement du tonnerre et la voix hurla.
"Qu'est-ce que- Tu m'as trompé !
- Non, je crois simplement à autre chose que tes promesses vides de sens. Je crois en Lui et je crois aussi qu'il est temps que tu oublies ta colère", il s'arrêta et ajouta après une seconde d'hésitation : "Vous avez le droit de reposez en paix.
- Tu crois que c'est ce que je veux, hein ?", gronda la voix, se méprenant sur le sens du vouvoiement, et les doigts se refermèrent sur le bras de John.
La voix hurla et John sentit sa peau s'étirer et se déchirer, suivre les symboles tracés par Lin pour empêcher la malédiction de progresser à son rythme normal. Il serra la mâchoire, baissa les yeux pour voir les cercles s'effacer rapidement, ne laissant que des marques sanglantes, jusqu'à la barrière de signes suivante.
"Personne ne m'entend !", siffla la voix. "Je suis seul ! Il ne m'a pas écouté ! Personne ne m'a jamais écouté !"
Ses doigts se refermèrent plus serrés sur le bras de John et les signes s'ouvrirent, un autre segment de cercles noirs disparurent, remplacés par des caractères de sang.
Dans un coin, Lin fit un pas en avant.
"Hé, hé ! ", l'avertit Takigawa. "Ce n'est pas ça le plan !
- Takigawa-san, si nous n'agissons pas maintenant, les derniers sceaux que j'ai placés vont céder. Vous devez savoir ce que cela signifie pour Brown-san."
Le bonze agrippa l'autre homme par le poignet et Lin dut se retenir à la derrière seconde pour ne pas lui enfoncer le coude de son bras libre dans les côtes. Il se libéra d'une geste sec et lui lança un regard noir, Takigawa leva aussitôt les mains devant lui.
"Attends encore. Juste un peu !", il pointa.
John venait de lever son bras valide.
"Qu'est-ce que tu dis ?", demanda-t-il doucement. "Il y a encore des gens qui sont là pour t'écouter.
- Quoi ?", la voix sembla plus lointaine, hésitante, et dans la direction pointée, plutôt que les bancs défoncés et la noirceur, il y avait des rangées de fidèles, baignés d'une lumière douce.
"…Quoi ?", répéta la voix, visiblement ébranlée. "Qu'est-ce que- Qui sont-
- Tu ne les as pas vus depuis longtemps, mais ils ont toujours été là pour écouter ta voix. Ils sont morts avec toi et comme tu as toujours aidé à les guider sur la bonne voie, ils t'attendent patiemment pour qu'à nouveau, tu les conduises sur le bon chemin.
- Je- Non, je les ai- Je n'ai pas pu- Je n'ai pas pu les sauver ! ", la voix s'interrompit, confuse, elle faiblit. "Pourquoi ?", demanda-t-elle dans un murmure.
"Parce qu'ils ont la foi.
- Mais- Il- Il-
- Ce ne sont pas toutes les épreuves qui sont faciles", John s'approcha. "…Crois-tu encore en Lui ?", lui demanda-t-il après un moment.
"Il n'a pas entendu, Il n'a pas- Il n'a jamais daigné- Alors que je n'ai pas arrêté de prier et- Je voulais les sauver- Il n'a pas- Il- Oui", souffla la voix, misérable, blessée et plus faible que jamais. "Oui, mais… mais j'ai péché-
- Est-ce que tu regrettes ?"
La voix ne répondit pas, mais l'endroit d'où elle venait semblait s'alléger, devenant moins noir et moins terrible. Une réponse que John trouva suffisante. Maintenant l'esprit pourrait retrouver sa voie et à travers lui, tous les autres esprits la trouveraient aussi. La voix retrouva un visage pâle, fatigué, marqué par l'horreur de ce qu'il avait vécu.
"Crois-tu… Crois-tu qu'Il…"
John hocha la tête. Les doigts lumineux, légers touchèrent la marque dans sa main et John la regarda pâlir doucement et disparaître, avec la ligne des cercles restants. Il ne resta plus sur sa peau que la dernière ligne de sceaux placée par Lin et les blessures sanglantes.
L'esprit lui sourit et ses lèvres bougèrent.
Pardon.
Certainement s'adressait-il à Dieu, mais John se demanda néanmoins si l'excuse ne lui était pas destinée.
"Repose en paix", murmura-t-il en se signant.
***
Mai lui attrapa la main gauche et chercha scrupuleusement une marque quelconque pendant de longues minutes.
"Elle est partie !", conclut-elle avec un grand sourire.
"Mai, je crois que je te dois une augmentation pour ce talent que tu as de mentionner l'évidence", dit Naru.
Dès qu'il regarda ailleurs, sans se soucier que le geste soit absolument puéril, Mai mima de l'étrangler. Takigawa alla jeter un bras autour du cou de John, l'attirant à lui.
"Bon retour parmi les vivants !
- Je n'étais pas mort", souligna John.
"Non, mais c'est passé plutôt près", rétorqua le bonze, avant de continuer sur un ton un peu trop sévère : "Ne nous refais plus ça, c'est d'accord ?
- C'est vrai ça ! La prochaine fois, Naru te fera définitivement payer pour te sauver la vie", ajouta Ayako en agitant un index en guise d'avertissement.
"Bien sûr que non", intervint Naru et Mai lui jeta un regard surpris, qui s'obscurcit dangereusement quand il précisa : "C'est le moins irritant d'entre vous, je dois bien lui accorder ma reconnaissance d'une façon ou d'une autre. "
Il se détourna et s'éloigna, Mai agita un poing dans sa direction et Takigawa lui plaqua une main sur la bouche avant qu'elle ne commence à l'insulter.
"C'est ton patron, c'est ton patron", répéta-t-il pour la calmer. "…Même si c'est un crétin et qu'il devrait savoir que c'est Ayako, la seule qui est vraiment irritante !
- Hé ! "
Au milieu des rires qui suivirent l'échange d'insultes et la scène d'une prêtresse courant derrière un bonze pour lui écraser son poing sur le crâne, Lin rejoint John pour panser ses blessures et effacer les sceaux devenus inutiles.
"Merci", le remercia le prêtre avec un sourire.