6variations - Carré d'As - Amour étrange

Jun 07, 2007 20:37

Titre : Salon, minuit quarante-quatre
Auteur : dame-qui-pique
Thème : 43. Amour étrange
Fic n°2
Fandom : Original - Carré d’As
Personnages : Gabriel, Emmeline, Raphaël
Rating : PG pour noms d’oiseaux et autres amabilités.
Disclaimer : Tout à moi ^^

Emmeline jeta un regard noir à Gabriel lorsque celui-ci entra dans la salle commune. Elle le fixa d’un air furieux au fur et à mesure qu’il s’approchait du canapé, le défiant de s’asseoir. Pourtant, Gabriel n’y prêta aucune attention et se laissa tomber dans le sofa avec très peu de délicatesse. Il sentait le musc et la sueur. Emmeline s’écarta d’un air dégoûté.

- Qu’est-ce que tu fais là à cette heure-ci, Gabriel ? gronda-t-elle en lui adressant une œillade féroce.
- Et toi ? répondit-il d’un air moqueur. Tu n’arrivais pas à dormir, chérie ?

Il tendit le bras vers elle pour lui toucher le visage, mais elle repoussa son bras d’un geste brusque.

- Tu as bu, constata-t-elle.

Il hocha la tête, pas repentant pour deux sous.

- Tu pues le sexe.
- J’aime bien cette odeur, répliqua-t-il avec un grand sourire.
- Pas moi, soupira Emmeline.

Il lui adressa un nouveau sourire, un peu prédateur, et se pencha vers elle. Elle recula et le considéra avec tristesse.

- J’ai dix-sept ans, lui rappela-t-elle.
- Et alors ? demanda-t-il, moqueur. J’ai déjà couché avec des filles de dix-sept ans.
- C’est pourquoi, tout ça ? demanda-t-elle. Juste pour faire souffrir Raphaël ? C’est quoi, ton but ? Tu veux le détruire ? Parce que vas-y, continue, tu vas y arriver. Tu es sur la bonne voie.

Gabriel recula brusquement, comme électrocuté. Son visage s’était fermé brusquement, toute trace de bonne humeur alcoolique envolée. Emmeline savait qu’il détestait parler de sa relation avec son frère, cette relation qu’il avait lui-même rendue malsaine et dangereuse petit à petit.

- Ca n’a rien à voir, gronda-t-il.

Emmeline eut un petit rire ironique. Gabriel l’attrapa par le bras brutalement, lui serrant le poignet avec force, dans le but évident de lui faire mal. Ils s’affrontèrent du regard jusqu’à ce que le jeune homme ne la relâche d’une violente secousse qui envoya Emmeline par terre.

- Tu es fier ? demanda-t-elle férocement, sans se relever. C’est bon, tu as trouvé une victime facile à martyriser ?
- Ta gueule, murmura Gabriel, les yeux dans le vide.
- C’est exactement pareil, avec Raphaël. Tu le fais souffrir parce que c’est facile, parce qu’il ne réplique pas. Il ne se rend même pas compte que tu lui fais du mal ! On devrait faire quelque chose, nous, tant qu’on en a l’occasion ! Je vais le faire, je vais te l’enlever, t’empêcher de le tuer ! s’exclama-t-elle avec fureur. Ta mère a eu raison de lui donner le nom d’un ange, mais pour toi, elle s’est bien trompée ! Elle aurait mieux fait de t’appeler Bélial, ou Belzébuth !
- Ta gueule ! hurla Gabriel en se levant. Ta gueule, t’as rien compris, tu sais rien, alors ta gueule, ferme-la ! T’es vraiment qu’une putain de connasse qui croit tout savoir et qui, au final, a tout faux, alors bordel de merde, ferme-la !

Cet tirade le laissa essoufflé et elle, silencieuse. Il se passa la main dans les cheveux, les décoiffant. Jamais il n’avait autant ressemblé à son jumeau qu’à cet instant précis, les cheveux en bataille, calmé par son accès de colère, les yeux dans le vague. Jamais Emmeline ne l’avait autant haï ; il n’avait pas le droit de ressembler à Raphaël, dont il n’avait ni la perfection ni la prévenance ; il n’avait pas le droit de l’apitoyer.

- Vas-y, alors, explique, le défia-t-elle.
- Il n’y a rien à expliquer. Je n’ai pas à me justifier, répliqua Gabriel.
- Si tu ne le fais pas, je ferais ce que j’ai dit. Et je suis sûre que les autres seront d’accord avec moi, le menaça-t-elle.

Emmeline avait déjà vu la peur de Gabriel lorsque quelqu’un menaçait de le séparer de son frère ; elle n’avait jamais bien compris pourquoi le jeune homme était aussi attaché à Raphaël, aussi dépendant, et elle l’avait traité à la légère. Mais le regard que Gabriel lui adressa à ce moment la fit changer d’avis du tout au tout ; c’était de la terreur, de la terreur pire à l’idée de perdre son jumeau. Et il la croyait capable de réaliser ça, bien plus qu’il ne l’avait craint toutes les fois précédentes.

- Tu ne peux pas faire ça, murmura-t-il d’une voix brisée en se laissant retomber dans le canapé.

Il semblait si prêt à fondre en larmes qu’Emmeline s’agenouilla devant lui et posa sa tête sur ses genoux. Il la regarda d’un air suppliant, mais elle refusa de confirmer sa requête implicite.

- Ce n’est pas normal, Gabriel, dit-elle avec tristesse. Tu ne devrais pas réagir comme ça. C’est excessif. Les jumeaux - elle hésita - même les plus proches jumeaux ne sont pas censés être aussi dépendants l’un de l’autre.
- Je l’aime, répondit-il comme si cela résolvait tout.
- Peut-être, mais ce n’est quand même pas normal. Ton amour est bizarre, Gabriel. Tu lui fais du mal, et tu le sais, tu le fais volontairement. Tout ça, c’est pour le rendre jaloux, n’est ce pas ? Tu ne l’aimes pas comme un frère, Gabriel, mais pas non plus exactement comme un amant. Le problème, c’est que je crois que c’est pareil pour lui, mais qu’il ne s’en rend pas compte. C’est trop particulier, comme amour. Je ne comprends pas ; personne ne peut comprendre.
- Je ne veux pas qu’on nous sépare, c’est tout, chuchota-t-il ne la regardant droit dans les yeux, comme s’il lui confiait un secret. Tu comprends, ça, non ?
- Oui, je comprends, Gabriel, répondit-elle à contrecoeur. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi.

Gabriel ouvrit la bouche, et peut-être lui aurait-il expliqué quel évènement avait provoqué la naissance de cet étrange amour, si Raphaël n’était pas entré dans la pièce à cet instant précis.

- Je n’arrivais pas à dormir, dit-il en réponse à leurs regards interrogateurs, et son expression soulagée en avisant Gabriel en disait plus long que ses mots sur ce qui l’avait tenu éveillé jusque si tard. Tu es rentré, ajouta-t-il.
- Oui, répondit Gabriel, apaisé.
- Vous venez dormir ? demanda Raphaël avec un sourire doux.

Ils acquiescèrent tous deux, sentant petit à petit la fatigue les envahir au fur et à mesure que l’aura calme de Raphaël faisait disparaître la tension qui régnait auparavant dans la pièce.
Emmeline regarda les jumeaux monter vers leurs chambres, Raphaël suivant Gabriel - ou peut-être était-ce le contraire, elle ne savait plus très bien. Ils dormiraient dans la même chambre cette nuit, elle le savait. Car Raphaël avait besoin d’être rassuré et Gabriel d’être réconforté.

community: 6variations, author: dame-qui-pique, originale: carre d'as

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