Le Menu de l'Aberration

Jul 02, 2006 18:32

...ou réflexion naïve sur le fonctionnement du monde à partir de titres de journaux (fictifs, bien entendu) et quelques références à la culture moyenne de la classe moyenne inculte. Allez-y, lisez et dites-moi à quel point c'est blasant et naïf.

Le Menu de l'Aberration

Il pleut. Je cours m’abriter sous l’abri relatif d’une petite galerie marchande, éclairée comme en plein jour, comme pour signifier que le commerce ne s’arrête jamais. Je m’emmitoufle tant bien que mal dans mon imper miteux, resserrant ses bords trempés sur le nœud de la vieille écharpe crasseuse protégeant ma gorge. Il manquerait plus que j’attrape une pneumonie. Pour moi, l’activité serait définitivement terminée. Au moins, la galerie est légèrement chauffée par les magasins la composant. Afin d’attendre la fin de l’averse et de ma réchauffer davantage, je m’approche d’un stand de journaux. J’ai pas vraiment de monnaie alors je contemple seulement les différents magasines qui s’étalent devant moi, un peu comme un menu que l’on présente d’abord aux clients, dans les restaurants chics.
         En hors d’œuvre, j’avise un article affiché de Sport, ‘‘LE magasine sur tous les sports’’ -ce que je n’aurais certainement pas deviné tout seul-, étalant le salaire des célèbres footballeurs qui font la gloire de notre chère République -surtout après le ‘‘Mondial 2002’’-. Zazou gagnerait un million par semaine, Pettikon et Barrez -le gardien-, en seraient aux alentours des cinq cents mille et ne devraient pas tarder à avoir une petite augmentation. C’est possible ?Où vont-ils chercher tout ça ?Je suppose que les publicités ne sont pas comptées là-dedans, surtout qu’ils ont l’air très doués dans la matière…Enfin bon. Passons aux entrées.
         Le ministre de l’Intérieur visite le dernier porte-avion sorti, avant d’inviter le premier ministre et le président. Ça doit faire un sacré trou dans le budget, ça. Passons. Art c’est l’Or -célèbre entreprise mais je ne sais jamais de quoi- fait une transaction de un million d’euros. Transaction de quoi, au fait ?Nouvelle hausse du prix du pétrole. En même temps, le pétrole, il paraît que c’est mauvais pour la santé. Et pas que des humains, il me semble. Guerre civile au ‘‘Turbanistan’’. C’est de là que viens la hausse, je crois. En plus, l’ONU -ou plutôt, les américains- y a envoyé des troupes le mois dernier pour calmer les tensions et démocratiser la zone. Très efficace. Vraiment. Maintenant, passons aux desserts.
         Tiens ?Hausse de l’immigration clandestine. Il est vrai que ‘‘les chiffres sont accablants :il y a de plus en plus d’étrangers dans le monde’’. Au fait, c’est quoi, un clandestin ?Nouvelle hausse importante du chômage. Hum…si on regroupait les deux pour fournir des papiers aux ‘‘clandestins’’ ?Le trou de la Sécurité Sociale s’agrandit de plus en plus. C’est sûr que les armes, c’est pas bon pour la Santé. ‘‘Loi sur l’immigration :De nombreuses manifestations pacifistes’’, ‘‘Des familles expulsées’’…‘‘Immigration choisie’’ ?‘‘Drainage des cerveaux’’ ?Beau concept. Il commence où, le ménage ?Chez soi ou chez les autres ?
Et puis ensuite, les digestifs :épidémies, massacres, attentats suicides, statut de la femme dans le monde, travail des enfants…le genre de cas désespérés et désespérants, comme si on ne savait pas où donner de la tête. Pourquoi ils n’envoient pas de médicaments, des infirmiers, des médecins, de la technologie ?Tout ça créerait énormément d’emplois de par le monde, je pense. Ah oui !J’oubliais le principal :l’argent. Il n’y en a jamais.
La pluie a cessé et je suis un peu plus sec que tout à l’heure. Je quitte le stand, espérant trouver un autre refuge relatif, tout en faisant le bilan de ma journée. Dans le fond, ça sert de savoir lire.
Et là, je réalise. Tous ces faits, ces causes, ces conséquences et leurs effets s’emboîtent comme une sorte d’équation. Les rouages rouillés de mon cerveau s’enclenchent. J’ai tout compris. L’argent, la télé, le foot, les entreprises, les armes, la guerre, le manque d’argent, les massacres, les ‘‘clandestins’’, les immigrés, le chômage, les expulsions, la misère.
En même temps, on dirait que personne n’a réalisé qu’aucune monnaie n’est échangeable en or et que, par conséquent, l’argent ne représente plus qu’une série de chiffres, modifiables à souhait par ceux qui en ont le pouvoir.
Je retiens surtout ceci :publicité, télé, consommation, argent, investissement, armes, guerre, manque d’argent, chômage, misère.
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