Dec 20, 2009 23:24
C’est trop bien, c’est trop beau ; j’adore la neige, j’adore l’hiver ! L’hiver, du moins le froid, était arrivé depuis 10 jours et c’est jeudi matin qu’il s’est mis à neiger sur Paris, à l’heure de pointe un jour de grève (RER A en grève depuis 10 jours). J’étais gare Saint Lazare et le paysage était magnifique, avec les voies, les quais, les toits des immeubles haussmanniens couverts de neige, le ciel gris plomb, les horloges XIXe éclairées d’une lumière orange en contraste parfait avec les différentes nuances de gris et de blanc. Le RER s’est ensuite traîné jusqu’au bout de l’Ile de France.
Aujourd'hui c'est dimanche, il reneige. Je rentre à Plaisir chez Mamina by train et tout est couvert de neige !!! C’est magique ! Je trouve que la neige sied tellement bien aux paysages ferroviaires ; ça me fait penser aux tableaux des Impressionnistes de gare ou de train sous la neige. Vendredi matin je suis allée faire du terrain sous la neige à Aubervilliers avec LN. Quelle folie d’aller faire du terrain en banlieue sous la neige ! Mais on était charmées, enchantées ; je ne sentais plus le froid ; elle m’a envoyé un mail exalté le soir. J'adore LN et son indépendance d'esprit ; je la trouve trop forte. On discute de la ville pendant des heures quand on se promène toutes les deux. Elle connaît très bien Aubervilliers mais n’était jamais allée dans les coins où nous avons fait du terrain, en remontant de la porte d’Aubervilliers. Je me suis laissée guider et j’ai découvert la banlieue Nord que je ne connais pratiquement pas. D’après LN, le paysage urbain de la banlieue Nord, c’est juste… le bordel ! Alors sous la neige… c’était complètement fantasmagorique et irréel, comme si nous étions hors du temps, loin de tout. On se perdait dans un paysage urbain complètement hétéroclite, avec des zones d’activités (les grands magasins généraux) glauques, des friches enneigées éparpillées partout, quelques barres, des habitations basses et pauvres, avec des portes grandes ouvertes, comme au Maghreb, sur du linge qui sèche et des cours enneigées, là moins comme au Maghreb. LN avait dit qu’elle m’emmenait voir le quart-monde mais nous n’avons pas eu le temps d’y parvenir dans notre errance enneigée. Finalement c’est le quart-monde qui est venu jusqu’à nous, après notre traversée du canal Saint-Denis. Là, sous le pont Fraternité, nous avons trouvé un pur produit de la mondialisation s’exprimant dans une langue inconnue de nous, un pauvre homme nu-pieds avec une maigre couverture, complètement gelé dans ce froid. Qu’est-ce qu’il faisait là tout seul ? Il ne comprenait pas un mot de français, enfin il faut reconnaître qu’il était déjà sonné et sans doute en hypothermie avancée. Je me suis mise à insulter la République en tombant sur le répondeur du 115 (que j'appelais pour la première fois). Mais les pompiers (chère BSPP au taquet) sont arrivés très vite. Notre pauvre monsieur ne tenait pas droit sur la chaise roulante ; il continuait à s’exprimer, déversant verbalement toute la misère du monde. LN a supposé qu’il était afghan, le pompier qui lui a parlé avait plutôt l’air de dire qu’il était tchétchène. Les pompiers n’ont pas voulu prendre ses quelques affaires et ont juste emporté ses chaussures (pourquoi ne les portait-il pas aux pieds ?). Je me demande bien ce qu’il a pu devenir. Est-ce qu’il a pu être sauvé ? Et ses pieds ? Pour combien de temps ? Qu'est-ce qu'ils vont faire de lui une fois qu'il aura retrouvé une température normale ? Le mettre dans un charter ?
Voilà ce que cela donne quand les géographes partent faire du terrain à Aubervilliers sous la neige.
Malgré toute cette neige épaisse et douce, si belle, je crois que Noël va être difficile et triste pour moi cette année.
J'ai deux grand-mères qui ne veulent pas me voir. Y'en a même une qui me fait rire jaune. Elle m'appelle aujourd'hui pour m'expliquer qu'elle est sous 10 mètres de neige et que sa femme de ménage est malade, mais surtout, je ne dois pas venir, même le jour de Noël. Pourtant elle habite pas aux Deux-Alpes et je doute que près de Fontainebleau il y ait beaucoup plus de neige qu'à Plaisir.
Ma troisième grand-mère avec mon grand-père qui a complètement perdu la tête voudrait bien que je passe tout mon temps avec eux. Ce midi elle était même prête à m'acheter des huitres pour que je reste avec eux. Mon grand-père me prend systématiquement pour un homme désormais ; ça finit par me perturber : je suis pourtant pas particulièrement masculine. Hier midi il a dit en me voyant arriver à table :
- Mais qui est donc ce monsieur ?
Sinon je suis très nombreux, pas nombreuses du coup, nombreux :
- Mais qui sont tous ces gens ?
Les fantômes de ses parents vont finir par revenir, à force de tout le temps les réclamer.
C'est assez renversant la planète vieux !
Et surtout mon père a finalement décidé de ne pas venir nous voir cette année. J'avais changé le planning, ce qui ne lui convenait pas. Il a donc annulé les deux pauvres jours qu'il comptait passer à Paris.
Je me suis fâchée assez fort avec lui. Mais bon, ça semble si pénible pour lui de venir, de prendre le train, de dormir ailleurs que chez lui, d'aller voir des gens. Il me dit qu'il n'a plus 20 ans mais pourtant il n'en a que 53 et à 20 ans il traversait les Etats-Unis sac au dos pour aller voir les Indiens.
Je suis furieuse et triste. Décidément, cela ne s'arrange pas ; mon père si absent sera toujours une éternelle et immense déception pour moi. J'essaie de l'accepter mais parfois ça veut pas.
grand-père,
neige,
noël,
grands-parents,
mon père,
géographie,
terrain,
hiver