Aug 12, 2007 22:09
~ Un café s’il vous plait ! ~
1 ~ Joker
Comme chaque matin sur le périphérique une longue file de voitures s’étirait à perte de vue, le long du ruban d’asphalte. Leurs conducteurs s’impatientaient, les yeux fixés sur les lourds immeubles de la ville qui se profilaient devant eux. Un joyeux concert de klaxons, de vrombissement de moteur et d’insultes colorées s’élevait vers les cieux pour résonner aux oreilles des Dieux, fort mal lunés par ailleurs en cette belle matinée orageuse.
Insensible à cet énervement, Juliette Smith pianotait sur le volant de sa petite voiture trois portes en chantonnant les plus grands airs de Sinatra. Cette pimpante rouquine d’à peine trente ans se rendait avec joie à son travail en ce nouveau jour ouvré et, contrairement à la majorité de ses compatriotes, elle affichait un sourire éclatant au milieu de ce sombre encombrement routier.
Après quelques minutes supplémentaires passées au cœur d’une circulation dense, empirée par la grève des caissiers et vigiles de supermarchés qui manifestaient ce jour là, Juliette arriva enfin en vue du CG Building, l’immeuble où elle travaillait. L’un des avantages de sa profession était de disposer d’une place dans un grand parking souterrain - directement relié au bâtiment par un ascenseur - auquel elle accédait grâce à son badge, qu’elle présenta une fois de plus au gardien en même temps que sa bonne humeur et les salutations coutumières.
Elle se gara avec habileté dans son emplacement réservé. Juliette pouvait se vanter désormais, après 4 ans de bons et loyaux et service à ce poste, de maîtriser parfaitement le rangement en bataille arrière. Cependant les architectes avaient cru bon de placer plusieurs piliers de béton à divers endroits du sous-sol, dont un juste au bout de sa place de parking (soi-disant pour soutenir la centaine d’étages qui le surplombait) et Juliette ne faisait plus réparer son feu arrière gauche depuis bien longtemps.
La jeune secrétaire, car telle était sa profession, aimait tout particulièrement le clac rassurant da la fermeture centralisée de sa petite auto et c’est avec tristesse qu’elle ne put l’entendre ce jour là alors qu’un camion de livraison, frappé d’un arrogant « La Fraîche Perrette ; produits laitiers, œufs, livraisons à domicile » en lettres bleues sur la blancheur immaculée de sa carrosserie, s’élançait à tombeau ouvert vers la sortie, manquant de l’écraser. Juliette fulmina et pesta contre les inconscients qui roulaient comme des malades et se croyaient tout permis, tout en marchant vers l’ascenseur. Soudain on l’interpella …
2 ~ Dame de Trèfle
- Juliette !!
Elle se retourna. Un vieil homme, une canne dans une main et les anses de deux grosses valises à roulettes dans l’autre, se pressait pour arriver à sa hauteur. Il portait des vêtements de bonne facture mais assez démodés et ses cheveux drus et blancs plaqués à la brillantine sur son crâne luisaient dans l’obscurité du parking. Juliette le reconnut aussitôt.
- Bonjour M. Artige !
- Bonjour, bonjour… vous êtes bien matinale dites-moi mon petit.
- Toujours monsieur, mais vous, ne deviez-vous pas arriver cette nuit ?
- Si mais il y a eu des problèmes d’enregistrement sur mon vol. J’ai toujours pensé qu’il fallait se méfier de l’informatique ! Satanée camelote !
- A part ça, l’Italie c’était bien ?
- Pas mal… et tu sais que j’aime bien les vielles pierres.
- Vos valises paraissent bien lourdes, vous en avez donc ramené quelques unes ?
Tout en devisant ils étaient arrivés à la cage d’ascenseur, les portes s’ouvrirent comme si celui-ci les attendait. M. Artige laissa galamment entrer Juliette la première et appuya sur le bouton de l’avant dernier étage, où devait se rendre notre charmante secrétaire.
- Eh ! Pourquoi pas … une pierre du Colisée serait du plus bel effet dans mon bureau non ? finit-il par répondre avec un petit air mystérieux.
- En effet Monsieur, même si je ne suis pas sûre que les autorités italiennes soient très contentes … Oh déjà !
En effet les portes de l’ascenseur s’ouvraient déjà sur la destination de Juliette.
- Et bien à tout à l’heure monsieur !
- Prenez votre temps mon petit, je dois déballer toutes mes affaires vous savez. Passez en fin de matinée, avant votre pause, vous pourrez m’apporter un petit café.
Elle hocha la tête et il s’éleva vers l’étage supérieur, le dernier niveau du CG Building. Notre petite rousse bavarda alors un instant avec les hôtesses d’accueil qui la mirent au courant des derniers potins puis s’élança d’un pas conquérant dans le couloir qui menait à son bureau.
Ce couloir courait d’Ouest en Est sur tout le niveau, reliant la cage d’ascenseur à un grand escalier de marbre menant aux bureaux de la direction. Une fois l’accueil passé, il était ouvert au Nord sur un vaste espace où s’étendaient des box occupés par les bureaux ergonomiques et bien équipés des employés, les différents départements étant séparés par des rangées de plantes vertes. Au Sud le mur était parsemé de portes qui donnaient sur les bureaux des cadres de plus hautes fonctions. Enfin, tout au bout du couloir, il y avait à droite un espace détente au bout duquel on accédait à la réserve, et à gauche se trouvait le bureau de Juliette, juste au pied de l’escalier, qui aurait d’ailleurs été plus à sa place dans un palais viennois que dans un immeuble commercial.
Tout en parcourant ce chemin, Juliette salua de la main diverses personnes. Elle jouissait d’un certain respect dans l’entreprise, et bien qu’elle ne soit pas à un poste de décision, le fait d’être la seule à pouvoir entrer en contact avec les directeurs lui conférait une grande notoriété. Elle était la seule en effet à pouvoir monter à l’étage supérieur, d’où l’importance de sa tâche ; elle était le lien entre les employés et les patrons, elle descendait les ordres, les injonctions, les bilans et montait les rapports, les demandes et le café.
3 ~ Fausse Donne
Ah le café ! Loin de s’en ombrager Juliette considérait cette activité comme un devoir et un honneur. C’est donc avec plaisir qu’en entrant dans son bureau elle posa les yeux sur sa cafetière dernier cri. C’était un appareil de grande classe, assez massif, dont le revêtement métallique étincelait dans la lumière matinale révélait son esthétisme moderne, tandis que son professionnalisme acharné était souligné par ses atours mats et noirs de polychlorure de vinyle. Elle possédait un charme incontestable grâce à sa partie traditionnelle à filtre qui lui conférait un petit air traditionnel. Mais toute son efficacité et sa rapidité s’exprimaient dans sa partie expresso à dosettes. Un sang latin coulait dans son mécanismes du à ses origines italiennes. L’excellence de cette machine montrait l’importance que les dirigeants accordaient à leur dose quotidienne de caféine. Juliette l’embrassa une dernière fois du regard avant de se retourner vers la pile de dossier qui l’attendait déjà sur son bureau.
Le café n’était pas la seule chose qui faisait de ce poste de secrétaire une tâche exceptionnelle… tellement exceptionnel que l’année dernière, alors que Juliette s’apprêtait à partir en congé maternité, on avait du rappeler sa prédécesseur pour la remplacer ; personne n’aurait osé penser à engager une intérimaire. Mais ce n’était pas le moment de se remémorer ces souvenirs (elle avait rapidement tendance à s’égarer quand ses pensées volaient vers son petit garçon), du travail l’attendait.
Une fois les affaires du jour organisées, Juliette s’approcha enfin du placard où elle rangeait la précieuse denrée. Elle avait tellement l’habitude de faire ce geste qu’elle ne regardait même pas ce qu’elle faisait tandis que ces yeux erraient dans le vague et qu’elle réfléchissait. Elle ne s’étonna pas tout de suite que sa main ne rencontre que le vide et elle tâtonna vers les profondeurs du placard. Enfin elle compris que quelque clochait et elle hasarda un regard à l’intérieur.
Il n’y avait plus rien ! Pas la moindre dosette de café soluble. Juliette ouvrit de grands yeux surpris et essaya de retrouver une respiration normale. Il ne lui semblait pas avoir finit ses réserves hier. Quelqu’un se serait-il servit ? Comme elle partait la dernière elle ne fermait pas son bureau, de toute façon il n’y avait aucun objet de grande valeur (à part la cafetière mais elle ne voyait pas l’un des employés l’emporter dans sa porte-document), on avait donc très bien pu lui prendre un peu de café si besoin était. Ce n’était de toute façon pas une catastrophe ; elle était en avance et il y avait suffisamment de café dans la réserve de l’espace détente pour teindre les eaux de l’Atlantique en brun.
Elle se redressa, lissa les plis de sa jupe et traversa le couloir. Elle poussa fermement la porte de l’espace détente sans regarder autour d’elle, concentrée sur sa destination. D’un pas décidé, elle atteignit la réserve. Elle dû sortir sa clé pour déverrouiller l’entrée. La serrure cliqueta. Les yeux fermés, la main tremblante, elle pénétra dans le sanctuaire en appuyant sur l’interrupteur. Juliette attendit que l’ampoule ait finit de grésiller pour ouvrir les yeux, et alors, elle s’aperçut avec horreur que l’un de ses pires cauchemars venait de se réaliser …
TOUT le café avec disparut !
Et oui si la toile semble un peu inactive en cette saison, les crêtes et les crinières ne sont pas au repos (même si elles en ont l'air). En fait je poste ça juste parce que je ne sais pas quoi posté d'autre étant donné l'abscence d'aventures palpitantes dans mon actuelle vie de caissière. J'espère que vous allez tous bien et je pense beaucoup à vous !