На давно почившем форуме яндекс-либерта, помню, всплывал вопрос о знании/незнании (и использовании в литературной и повседневной жизни) иностранных языков нашими персонажами ВФР. Спор был о том, требовалось ли Робеспьеру знание итальянского языка, дабы оценить скабрезность сонетов Пьетро Аретино, которые якобы хулиган Камил Демулен подсунул наивной
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Tout comme pour Lucie, Collot d’Herbois doit défendre ses droits d’auteur face à des entrepreneurs de théâtre peu scrupuleux. Ceux de Marseille, par exemple, n’hésitent pas à faire jouer l’œuvre sans mentionner le nom de l’auteur ! Après avoir plaidé sans succès sa cause auprès d’un journal phocéen, Collot d’Herbois fait parvenir une lettre aux Affiches de Provence pour réclamer, non sans humour, sa paternité :
... on a vu dimanche dernier afficher à Marseille une comédie de ma façon, intitulée M. Rodomont, ou l'Amant loup-garou ; les curieux ont couru en foule à la salle du Spectacle, quoique cette facétie eût été jouée plusieurs fois ; mais tout le monde s’est plaint que le donneur d’Annonces et d’Affiches (...) n'avait rien oublié [...] que le nom de son père [...] Que je te désavoue, mon pauvre Rodomont, toi si jovial ! Non, mon enfant, je ne te désavoue pas. Quoique Lucie, ta sœur aînée, ait plus de charmes que toi aux yeux de bien des gens, quoiqu'il y ait sous presse un cadet qui pourra faire du bruit dans le monde, mon cher loup-garou, tu seras toujours bien regardé dans la famille, et tu ne perdras rien de mon affection [...]
Après cette véritable déclaration d’amour paternel pour sa pièce, il se livre à une charge directe contre tous ceux qui usurpent les droits des auteurs :
Qu’il se nomme donc celui qui veut faire mourir théâtralement le nom et la personne des Auteurs, et qu’il s'apprête à me voir comme le pélican m'ouvrir les veines pour l'existence de mes enfants.13
Le 25 novembre 1778, soit le jour même où il écrit cette lettre, les autorités lui permettent d’imprimer et de représenter une nouvelle œuvre, également imitée du théâtre étranger, Il y a bonne justice, ou le Paysan magistrat.
Collot d’Herbois utilise ici une production espagnole célèbre, due à Calderon, L'Alcade de Zalamea, traduite par Linguet en 1770. Ce faisant, il ne cède guère à une mode aussi marquée que l’anglomanie. Certains journaux ont certes vanté les mérites du théâtre ibérique14, mais il y a néanmoins peu d’imitations de l’espagnol. Ainsi Collot d’Herbois est-il en droit de soutenir qu’« on n’a pas encore essayé d’accommoder à notre théâtre une pièce de ce genre. S’il est vrai, comme on le pense, que celle-ci soit la première, on peut se flatter de n’avoir pas mal choisi ».
Il est certain que les thèmes évoqués par Calderon ne peuvent qu’être appréciés dans cette France prérévolutionnaire... L’adaptation de Collot d’Herbois est très libre et, s’il garde la trame générale, il modifie complètement l’issue de la pièce. Là où l’héroïne était enlevée et violée dans l’œuvre de Calderon, puis le ravisseur étranglé par le père de la malheureuse, le rapt imaginé par Collot d’Herbois ne s’accompagne d’aucun outrage et s’achève par le mariage des deux jeunes gens... La pièce en perd indéniablement de sa force et de sa rigueur, mais elle n’en conserve pas moins un intérêt soutenu et surtout elle permet à Collot, reprenant en partie le texte de Calderon, de multiplier les allusions critiques à la société de son temps.
Si Calderon a certes réservé ses flèches à la société espagnole, nul doute que le spectateur français ne comprenne ces traits acérés comme étant destinés au royaume de France. L’effort critique porte sur trois points clefs.
Sont tout d’abord visés ceux qui prétendent se hisser au rang d’aristocrates, tels que les a déjà brocardés Molière dans Le Bourgeois gentilhomme et Collot d’Herbois lui-même dans L’Amant loup-garou. Lorsque son fils conseille à Crespo (le paysan cossu qui donne à la pièce son titre) d’acquérir des lettres de noblesse afin d’éviter des servitudes réitérées, comme celle de loger des gens de guerre, celui-ci lui répond par une tirade lourde de sens :
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On ne saurait être plus explicite, d’autant que si le début de la réplique appartient à Calderon, Collot d’Herbois a ajouté de sa propre inspiration toute la fin, notamment ce qui concerne l’égalité du souverain et de ses sujets devant la mort.
Seconde critique, liée à la première : celle qui consiste à démontrer que les hommes sont tous égaux devant la justice ou dans l’honneur, et que chacun possède une place utile dans la société :
... la justice est due à tout le monde, mais elle ne doit rien à personne16. Pour un gentilhomme, comme pour un laboureur, il y a bonne justice [...].17
Lorsque Juan, le fils de Crespo, se querelle avec le capitaine qui a des visées sur sa sœur, il invoque son honneur... Le noble officier ironise :
Bel honneur... L’honneur d’un paysan !
ce à quoi Juan réplique :
Aussi pur que le vôtre. S’il n’y avait point de paysans, il n’y aurait point de gentilshommes.18
Une fois de plus il est difficile d’imaginer le spectateur français s’en tenant à une allusion qui concerne la seule péninsule ibérique. Si Lucie a pu susciter des troubles aristocrates contre Collot d’Herbois, nul doute que ce genre de tirade devait faire naître une tempête !
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