Titre: Marche nuptiale
Auteur: Isil
Personnages: Lidiya Ilianov (Federovich)
Disclaimer: Tous à moi, héhéhé!
Notes: Suite de "Dernière marche" et "Promesse tenue" et des aventures de Nicolaï, Lidiya et Yelena! *fière*
Kolya et le Seigneur Benedikt étaient partis en début de matinée, et ils n’étaient toujours pas de retour… Lidiya soupira et retourna sa couture en s’efforçant de ne pas regarder autour d’elle d’un air perdu. Que faisait-elle là, au Danemark, dans un pays si lointain pour elle, simple ouvrière soviétique ? Que faisait-elle là, entourée de sorciers et de vampires, autant de créatures dont elle n’avait jamais réellement soupçonné l’existence ? Et dans un palais royal, de surcroît !
Elle baissa les yeux sur son ouvrage, cousant à petits points serrés un voile de tulle sur ce qui allait être sa robe de mariée, en repensant aux deux dernières semaines.
D’abord, il y avait eu le départ précipité de Moscou. Si peu de temps pour se préparer, trop peu de temps pour dire adieu aux amis, à la famille, sans fournir suffisamment d’explications ou d’excuses. Si peu de temps pour se faire à l’idée d’un départ sans retour, d’un exil pour toujours dans un pays inconnu, dont elle n’avait pas entendu de bien… Trop peu de temps pour faire son deuil de l’homme qu’elle aimait, son mari bien aimé, le père de ses enfants… Elle piqua son aiguille dans le tissu et posa sa main libre sur son ventre. Kolya lui avait dit sur le bateau qui les avait menés au Danemark qu’il entendait le petit coeur du bébé battre et elle avait pleuré. Lidiya sourit tendrement, bien qu’avec tristesse.
Pauvre Kolya… Il avait si fort à faire ! Sa vie aussi, avait été chamboulée, et pour lui, les choses devaient également être si effrayantes de nouveauté, et pourtant il ne perdait jamais patience avec elle… Il avait toujours un sourire pour elle, une caresse pour Yelena, une plaisanterie aux lèvres pour les dérider, et toujours, toujours cette confiance en l’avenir. Sans doute doutait-il, lui aussi, comme Lidiya elle-même, mais jamais il ne le montrait. Il était comme un roc solide où elle pouvait se raccrocher, et elle se rappelait sans cesse ce qu’Andrei disait à propos de leur ami… Kolya ? Il a les épaules plus larges que toute la Russie !
Lidiya essuya une larme qui n’avait pas encore eu le temps de couler et reprit son aiguille. Pour autant que Kolya fût assuré et confiant avec Yelena et elle, il était au moins aussi perdu qu’elles dans la situation présente : invités d’honneur au Palais Royal du Royaume Magique du Danemark… Ils avaient été accueillis par la Reine Vanja elle-même, qui avait salué le Seigneur Benedikt comme un vieil ami… Lidiya avait cru mourir d’embarras, et Kolya non plus n’avait pas eu l’air d’en mener très large…
Des magiciens, des vampires, des rois, des reines et des princesses… Elle jeta un coup d’œil vers le jardin, où Yelena était en train de s’amuser avec la fille aînée de la Reine, la petite Fiona. Elles avaient l’air de bien s’entendre, malgré la barrière de la langue, et Yelena n’avait pas l’air plus impressionnée que ça à l’idée de fréquenter une princesse, l’héritière du trône…
Au fond, cela la rassurait un peu. Elle ne doutait pas que sa fille soit capable de s’adapter à tout, de faire face aux changements avec sa ténacité habituelle. C’était leur digne fille, à Andrei et à elle, et elle ferait également une fille parfaite à Kolya…
Où était-il ? Pourquoi n’était-il pas encore rentré ? Ils devaient passer une semaine au Danemark, le temps de régler quelques dernières formalités, entre autre le mariage, avant de partir pour les États-unis. Et depuis trois jours qu’ils étaient là, elle avait à peine eu le temps de le croiser, à part quand il rentrait, le soir, souvent tard. Elle comprenait qu’il doive passer du temps avec son Sire, elle comprenait également qu’il aie à s’occuper de détails qu’elle ne saisissait pas, mais il lui manquait. Quand il rentrait, il passait le reste de la soirée avec Yelena et elle, mais ça ne lui suffisait pas. Ils allaient se marier, même s’il s’agissait là surtout d’un caprice de sa part, et elle aurait aimé le voir plus. Elle aurait aimé qu’il reste tout le temps avec elle, pour la réconforter, pour lui jurer que tout irait bien et qu’elle allait s’habituer à tout ça, qu’un jour, elle n’aurait plus envie de hurler de douleur en pensant à Andrei, de hurler de peur en réalisant qu’elle avait tout quitté… Elle avait besoin qu’il la rassure, qu’il lui dise qu’elle n’était pas inconstante, de se raccrocher si fort à lui alors qu’elle venait de perdre son homme, à peine veuve et déjà remariée…
Elle repoussa son ouvrage et enfouit son visage dans ses mains, pleurant silencieusement. Elle aurait voulu mourir pour ne plus souffrir, pour ne plus avoir cette impression horrible de se noyer à chaque pas, à chaque mot. Et puis elle pensait à Yelena, et au bébé qui allait naître, et à Andrei qui l’avait tant aimée, et ces idées morbides disparaissaient, ne laissant derrière elles qu’une tristesse pesante et douloureuse.
Elle avait même enlevé son alliance, l’enfilant sur sa chaîne, à côté de sa croix de baptême ! Elle la portait près du cœur puisqu’elle ne pouvait plus la porter au doigt, malgré les mots rassurants de Kolya. S’il n’avait tenu qu’à lui, elle ne l’aurait pas enlevé, mais elle ne s’était pas senti le courage de porter les deux à son doigt, celle d’Andrei et celle de Kolya lui-même. Ça aurait été trop lourd.
Elle essuyait son visage avec un soupir fatigué quand elle entendit des coups à la porte de sa chambre. Rapidement, elle se recoiffa du bout des doigts et se redressa dans son fauteuil avant d’inviter la personne à entrer.
La Reine Vanja lui sourit, un plateau dans les mains.
« Du thé ? » proposa t’elle dans un russe parfait.
Lidiya déglutit rapidement puis hocha la tête avec un sourire poli, commençant à se lever.
« Je vous en prie, restez assise, » la rassura la Reine en déposant le plateau sur la table et en s’installant en face d’elle. « Je ne vous dérange pas, j’espère ? »
« Non, Votre Altesse, bien sur que non ! J’étais juste en train de terminer ma robe. »
Vanja acquiesça et examina l’ouvrage avec une pointe d’admiration au fond des yeux.
« Vous avez du talent, vraiment, » la complimenta t’elle en s’intéressant à un point astucieux. « Je comprends que vous ayez insisté pour la faire vous-même… »
Lidiya rougit légèrement sous le compliment, secouant la tête.
« Ce n’est qu’une simple robe… Je ne voulais juste pas abuser… »
« Abuser ? »
« Nous profitons déjà de votre hospitalité, Majesté, alors que nous ne sommes que des gens… simples. »
« Allons… Les amis du Seigneur Benedikt sont mes amis, sachez le. Ne croyez pas que vous vous imposez, Lidiya. Vous et votre fille êtes les bienvenues, » la rassura la Reine en lui souriant gentiment.
Lidiya hocha la tête mais ne répondit rien, encore trop gênée. Elle prit la tasse de thé que lui tendait Vanja et souffla dessus pour le refroidir, sentant le regard de son hôte sur elle.
« Vous allez bien ? » demanda celle-ci au bout de quelques instants de silence.
« Je vais bien, merci. »
« Vous m’avez l’air un peu pâle… Et Nicolaï s’inquiète, également. Il m’en parlait, ce matin, pendant le déjeuner. »
« Mais... pourquoi ? »
« Il dit, et nous le comprenons tous, que vous êtes malheureuse… Et il s’inquiète à l’idée de vous rendre encore plus malheureuse en vous épousant. »
Lidiya mit une seconde à trouver ses mots, estomaquée.
« Mais… C’est moi qui lui ai demandé de m’épouser ! »
« Je sais… Le Seigneur Benedikt m’a tout expliqué. »
« Vous devez penser que je suis une femme peu fidèle… » souffla Lidiya, gênée.
« Non. Je pense que vous êtes une jeune femme très courageuse, et que vous faites ce que vous pensez être le mieux pour votre famille. » corrigea la Reine avec un sourire.
Lidiya porta sa tasse à ses lèvres, secrètement touchée par les mots de la Reine.
« Pourquoi Kolya s’inquiète t’il tant ? » demanda t’elle après un instant.
« Il craint sans doute que tout aille un peu trop vite pour vous. » expliqua Vanja, souriant au surnom tant utilisé pour nommer Nicolaï.
« C’est vrai que ça va vite… mais ce n’est pas comme s’il pouvait faire autrement. »
« Il veut juste vous voir heureuse, Lidiya. Il sait qu’il faudra du temps avant que ça n’arrive, mais ça ne suffit pas à l’empêcher de s’inquiéter. »
Lidiya soupira, détestant être ainsi une cause de souci.
« Ne vous en faites pas… Tout ira bien. » promit la Reine en lui tapotant la main.
« Je sais… Nous avons Kolya, bien sûr que ça ira… » confirma t’elle avec conviction.
Vanja hocha la tête, satisfaite et observa un moment leurs filles en train de faire un bonhomme de neige dans le jardin, en souriant. Lidiya termina son thé, reposa délicatement sa tasse, s’émerveillant de la finesse et de la beauté de la faïence.
« Savez vous où ils sont, aujourd’hui ? Kolya et le Seigneur Benedikt, je veux dire… » demanda t’elle après avoir refusé d’un geste une autre tasse de thé.
« Ah… » sourit la Reine, un peu mystérieuse. « Nicolaï est allé vous trouver une alliance, évidemment ! »
Lidiya se mordit la lèvre et récupéra son ouvrage, soudain nerveuse. Le mariage devait avoir lieu le soir même, et si la robe était portable, elle n’était pas aussi parfaite que Lidiya l’aurait voulu… pas encore, du moins.
« Ce sera une petite cérémonie, comme vous l’avez demandé. » promit la Reine. « J’ai juste une petite faveur à vous demander, si ça ne vous dérange pas… »
« Une faveur ? » répéta t’elle, prise de court.
« Je me suis dit que vous voudriez peut-être d’une deuxième demoiselle d’honneur, en plus de votre fille… » hasarda Vanja en jetant un nouveau coup d’œil par la fenêtre. « Je sais que ma fille serait ravie d’être aux côtés de Yelena. »
« Oh… » souffla Lidiya, touchée par la proposition. « Je serais très honorée… »
« Parfait… Nos demoiselles vont donc devoir délaisser leurs jeux, le temps de trouver des robes accordées à leur taille, qu’en pensez vous ? »
« C’est vrai. » sourit-elle.
« Je vais vous laisser finir votre robe et aller m’occuper des leurs, dans ce cas. »
« Merci, Majesté… »
« De rien, Lidiya. Ce n’est vraiment pas grand-chose. A plus tard… »
Lidiya regarda la Reine quitter la pièce en silence, la tête lui tournant encore. Elle qui avait toujours imaginé les puissants de ce monde comme des êtres à part, supérieurs en tous points, voilà qu’elle allait avoir une princesse héritière en guise de demoiselle d’honneur !
Elle secoua la tête, flattée et troublée, et retourna à son ouvrage, se forçant à ne plus regarder à chaque instant par la fenêtre, puisque sa fille était entre de bonnes mains et qu’elle savait où était Kolya. Il fallait qu’elle finisse cette robe, qu’elle soit jolie pour Kolya, comme celle pour Andrei l’avait été. Ils l’avaient tous les deux amplement mérité.
Penchée sur son ouvrage, elle ne vit pas le soleil baisser puis se coucher, et quand elle releva la tête, gênée par le manque de lumière, l’horloge sur la cheminée indiquait six heures. Elle se leva et secoua sa robe terminée d’un geste satisfait. Elle la contempla quelques secondes avec un pincement au cœur, et à nouveau ses yeux la piquèrent traîtreusement.
Une domestique frappa doucement à la porte, et vint l’aider à enfiler sa robe et à se coiffer. Elle choisit une simple tresse, consciente que trop faire d’effets de toilette ne lui ressemblait pas, accepta un peu de maquillage, et bientôt, elle se contemplait dans le miroir, une future mariée aux yeux rouges et aux traits tirés.
Kolya méritait mieux, se dit-elle en suivant la domestique à travers les couloirs, et elle s’efforça de sourire en arrivant devant la chapelle. Elle y retrouva Yelena et la petite Fiona, radieuses dans d’adorables robes gris perle, de petits bouquets à la main.
Yelena courut vers elle en souriant.
« Tu es très belle, Maman ! » s’exclama t’elle.
« Toi aussi, ma chérie… » répondit sincèrement Lidiya avec un sourire tendre.
« N’est-ce pas ? La maman de Fiona nous a aidées à choisir nos robes, tu sais ! » expliqua Yelena en tournant sur elle-même pour faire admirer sa robe.
Lidiya la serra doucement contre elle et lui embrassa le front avant de regarder autour d’elle. Il n’y avait que les deux petites devant la chapelle, ils n’attendaient donc plus que son entrée… Elle inspira profondément.
« Tu as vu Kolya ? » demanda t’elle à sa fille.
« Oui ! Il est très beau, lui aussi, tu verras ! Plus beau que le grand Karel… Lui, il est trop sérieux pour être beau ! »
Lidiya rit doucement, se détendant peu à peu. Fiona vint les rejoindre, lui fit une courbette parfaite, puis elles se placèrent toutes les deux devant la mariée, attendant son signal pour ouvrir les portes et entrer. Lidiya les regarda échanger quelques mots dans un mélange étrange de russe, de danois et d’anglais, inspira de nouveau et hocha la tête dans leur direction.
Il n’y avait qu’une dizaine de personnes dans la chapelle, la Famille Royale au grand complet, quelques inconnus, certainement des amis du Seigneur Benedikt, et puis devant l’autel, tout de noir vêtu et très élégant, en effet, il y avait Kolya…
Il venait de se tourner vers elle, et elle le vit cligner bêtement des yeux, comme ébloui, lui donnant envie de rire. Elle se contint et se contenta de lui sourire sincèrement en s’avançant dans l’allée, précédée des deux petites filles.
Elle s’arrêta à côté de Kolya, et il lui offrit son bras, qu’elle prit avec gratitude, ses jambes lui semblant soudain en coton.
« Ça va aller, détends toi, » lui souffla t’il en lui effleurant la main.
Elle hocha la tête, souffla profondément et se redressa pour se tenir bien droite. Jetant un rapide regard derrière elle, elle croisa le regard calme et sérieux de Karel, le sourire de la Reine et de son époux, mais ne vit nulle part le Seigneur Benedikt.
« Kolya, » souffla t’elle. « Où est… »
La porte latérale de la chapelle s’ouvrit à ce moment là, et comme en réponse à sa question, le Seigneur Benedikt fit son entrée. Il n’était pas vêtu comme un prêtre, et pourtant sa posture, ses gestes quand il vint se placer derrière l’autel rassurèrent Lidiya. Pour une fois, elle ne perdit pas de temps à s’étonner de quoi que ce soit, se contentant d’apprécier que ce soit lui, et non pas un inconnu qui n’aurait aucune importance à leurs yeux, à Kolya et à elle, qui les unisse. Non, c’était là quelqu’un qui croyait, qui comprenait pourquoi ils se mariaient… Elle lui sourit, cherchant à lui faire passer toute sa gratitude, et il lui rendit son sourire gentiment, semblant comprendre.
Il leva solennellement les bras, enjoignant l’assistance à se mettre debout, puis ils se signèrent tous, et Lidiya se concentra sur l’instant présent, oubliant un moment les douleurs encore fraîches et les doutes sur l’avenir. Le bras de Kolya qui tenait le sien était solide, ne tremblait pas, et c’est en lui qu’elle puisa sa force.
FIN.