Le bon grain

Feb 27, 2010 23:32

En préparation du Nanowrimo, je me suis remise à lire. Et comme je ne voulais pas investir de nouveau dans des livres, je me suis dit que j'allais ENFIN lire tous les livres qu'on m'avait offerts et que je n'avais jamais lus.

Pour tout vous expliquer, ma tante a une technique imparable pour m'offrir des livres : elle suit une personne dans le rayon librairie et elle prend le même livre qu'elle.

Donc me voilà en possession de plusieurs prix Goncourt dont un en particulier, "Les ombres errantes" de Pascal Quignard. Autant ne pas ménager de mystère, ce livre est très, très abscons mais je me laisser bercer par les mots. Et dans toute cette mélodie, il y a eu ça le chapitre XXV:

"Au mois d'août 1999, je débarquai six caisses d'Epineuil sur la rive de l'Yonne et deux sacs postaux en jute grise qui étaient remplis de livres. Je les tirai sur la pelouse.
L'été commençait bien. Il fallait espérer qu'on ne vît personne.
Pas un homme. Pas un enfant. Même pas les guêpes.
Même pas les scarabées énormes et hagards quand on lit dans la chaise longue en toile tirée sur la pelouse ou traînée plus loin sur les fleurs dodues et blanches des trèfles.
Même pas les mulots qui trottinent sur la poussière des planches sèches du grenier quand on s'endort.
Même pas les moustiques femelles qui vous piquent brusquement tandis qu'on rêve.
Même pas à l'intérieur des rêves, pis que les moustiques femelles, la mémoire.
Même pas le langage lui-même.
Il n'y avait pas un avion qui traversât le ciel.
Pas le moindre son de transistor que portât l'air.
Pas un souvenir de moteur de tracteur.
Pas une tondeuse à gazon.
Pas un coq qui côche.
Pas un chien.
Pas un bal.
Pas la moindre affectation de gaieté autour de moi qui me donnât le désir de me suicider toutes affaires cessantes. Le bonheur montait. Je lisais. Le bonheur me dévorait. Je lus tout l'été. Le bonheur me dévora tout l'été."

Rien que pour ça, ce livre méritait d'être lu.

Cae

écrits et lecture

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