Joyeux Noël !!!!

Dec 24, 2008 23:50

Valà déjà une première fournée de cadeau pour le Noël à l'heure française ! ;p


Pour Biscuit - Higashi - Akito/Owaru et les autres
Il y avait des choses qu’Owaru ne supportait pas. Ce n’était pas compliqué : tout ce qui était inconfortable et tout ce qui sentait mauvais.

C’est pourquoi quand Akito lui présenta la charrette dans laquelle ils allaient devoir voyager, il refusa tout net. Ce n’était pas possible, il avait déjà passé trop de temps sur un cheval - c’était fou ce que ces animaux n’étaient pas confortables, et l’idée de passer encore deux ou trois jours assis sur des planches de bois n’étaient pas pour le ravir.

Kaoru était monté silencieusement sur la charrette, un petit carnet à la main, une plume dans l’autre, prêt à écrire ce qui lui venait à la tête. Ayase était sur ses talons, essayant de voir ce que le pauvre Kaoru écrivait. Takumi, lui, discutait déjà fervemment avec leur conducteur, leur expliquant le chemin à suivre. Akito se dit qu’il faudrait sûrement qu’il réexplique tout ça au pauvre homme qui, on pouvait le sentir dans son regard, n’avait rien suivit aux élucubrations du prêtre. Il avait parfois l’impression de devoir s’occuper d’une véritable garderie… Mais tout le monde était donc sagement dans la charrette, à part Owaru.

Akito hésita un instant entre le frapper et l’assommer pour le mettre de force sur le plateau de la charrette ou encore, l’humilier pour le forcer à y aller de lui-même. Peut-être que s’il le tripotait une nouvelle fois en publique, le gamin se réfugierait de lui-même dedans.

Mais pour une fois, il n’eut pas à réagir, Ayase le fit pour lui. Kaoru sachant très bien garder ses écrits secrets, le jeune chanteur s’ennuyant s’était rapproché du bord du plateau pour les regarder.

« Alors comme ça, la pauvre princesse ne veut pas abîmer ses jolies petites fesses. T’as vraiment aucune honte, sale bourgeois ! Akito, partons sans lui, l’idée d’être un soi-disant dieu lui est montée à la tête, il mérite pas de venir avec nous. »

Et pour une fois, Akito était assez d’accord avec Ayase. Mais pas forcément sur sa méthode.
Il se posa une main sur le front quand le gamin se mit à brailler en réponse au chanteur et, sans plus hésiter, il choppa Owaru par le col et le souleva pour le jeter dans la charrette.

« Conducteur ! On y va ! »

Il grimpa agilement à son tour, restant près du bord pour empêcher le gamin d’en redescendre.

« Mais, mais mais mais mais mais !!! »
« Tu restes là et on part, c’est tout. Essaye avant de te plaindre ! »

Son ton colérique réussit à faire presque taire l’incarnation présumée de Genbu qui se contenta de geindre pitoyablement. Ayase ricana de tout son soûl jusqu’à ce que Kaoru pose une main apaisante sur son bras, le chanteur reporta aussitôt son attention sur le petit carnet dont il désirait connaître tous les secrets.

Akito se posa dos à eux, sur le bord du plateau, les jambes pendant dans le vide au dessus du chemin. Owaru hésita un instant, il serait bien aller voir Takumi pour se faire réconforter mais celui-ci semblait toujours aussi occuper à discuter avec le conducteur. Il repéra la façon de s’asseoir de l’albinos et se souvint de ses paroles. Essayer avant de se plaindre. Il allait essayer et après, il se plaindrait. Comme ça Akito n’aurait plus de raison de lui crier dessus.

Il s’assit à côté de lui, plus près des parois de la charrette pour pouvoir s’y accrocher quand il sentait son équilibre devenir précaire. Une fois les fesses posées sur le bois, il releva le visage et fut estomaqué de ce qu’il vit.

Ils avaient quitté le village et tout semblait si différent. Il n’avait pas vraiment pu faire attention à son entourage quand ils étaient à cheval, trop concentré pour ne pas tomber mais là…
Le vent faisait gentiment voler ses cheveux autour de son visage et il dut les retenir en arrière d’une main pour pouvoir bien voir autour de lui. Il n’avait jamais vraiment pris conscience de la beauté des paysages. Il se souvenait des dessins des pays lointains, des esquisses des merveilles de la Chine, des portraits des habitants de l’Inde… Mais il la campagne japonaise n’avait rien à envier à ces tableaux.

Akito sourit devant son air émerveillé et profita pleinement de ces quelques minutes de silence que cela occasionna. Il était sûr que ça ne durerait pas longtemps… Mais au moins, pendant ces quelques instants, il pouvait enfin se dire que le gamin était mignon même la bouche ouverte - d’émerveillement, il suffit juste qu’aucun son n’en sorte.


Pour Vy - Originale - Centaures
La première chose que je fais le matin en me levant, c’est vérifier mes sabots.
Je sais, ça peut paraître ridicule, mais je n’y peux rien, j’aime avoir des sabots impeccables.
Bien entendu, tous les centaures prennent soin de leurs sabots, ce sont nos moyens de locomotion, mais bien peu font attention à leur brillance ou si leur courbe est parfaitement lisse.
La mienne l’est.

Donc je vérifie mes sabots. Ma sœur se moque souvent de moi en disant que j’ai plus de produit de beauté qu’elle, mais c’est faux. J’en ai juste plus qu’elle pour mes sabots. Sinon, on en a autant je pense. Sauf en maquillage, là, je me contente de piquer les siens.

Donc oui, après avoir vérifié mes sabots, je me lave, comme tout le monde et je m’apprête pour sortir. Sur les chemins, je croise souvent des petits groupes de jeunes qui se dirigent vers la grande clairière. C’est là que les ancêtres veulent nous donner cours. Astronomie, astrologie, herbologie, biologie… Beaucoup de choses en rapport avec soit les étoiles, soit la forêt… Des choses qui ne m’intéressent pas tant que ça. C’est fou comment ils essayent de nous formater quand même. C’est pas parce qu’on est un centaure que notre vie doit être dirigée par des boules de gaz dans l’espace ou des brins d’herbe. Enfin bon, heureusement que ce n’est pas obligatoire.
Ma mère se désespère à chaque fois quand elle me demande si je suis allée à la Grande Clairière (oui, dans sa façon de parler, on sent les majuscules) ou pas aujourd’hui et que je lui réponds, comme toujours, non. On pourrait croire qu’elle se serait lassée à force mais nan, tous les jours elle me repose la sacro-sainte question rituelle. Et tous les jours, je lui réponds la même chose : Non Maman et tu sais très bien où j’ai passé la journée.

C’est vrai quoi, pourquoi se prendre la tête à apprendre des tas de choses quand on peut passer ses journées à paresser et se gaver de baies. Mais ma mère ne se plaint pas tant que ça, après tout, je lui ramène toujours de jolis paniers remplis de fruits. Ca m’occupe. Pis faut bien que quelqu’un le fasse. C’est pas en connaissant les noms de toutes les étoiles du ciel que l’on va se nourrir. Je sais peut-être pas où se trouve Astra du centaure (ou un truc comme ça) mais au moins, je sais repérer les fruits qui sont mûrs juste à point. Entre me nourrir l’esprit et me nourrir le ventre, je préfère le plus bas.

Plutôt que la grande clairière, je préfère les petites, celles moins fréquentées. J’en connais une très sympa et pas si loin que cela de la maison. Vingt à trente minutes au petit trot. J’y vais parfois accompagné mais mes idées procrastinatrices ne plaisent pas à tout le monde. Je dirais même qu’elles me valent parfois des ennemis. Le chef du clan me regarde toujours d’un mauvais œil mais s’il me dit quoi que ce soit, je lui répondrais que plutôt que de regarder les enfants des autres, il ferait mieux de surveiller le sien. Même sans le connaître vraiment, je connais des tas de choses sur « Chef Junior ». On dit même qu’il est accro à des champignons étranges qu’il aurait trouvés dans une grotte encore plus bizarre. Mais bon, entre ce que l’on raconte et ce qui est vrai… Après tout, je suis sensé être légèrement attardé mental et ce serait pour ça que je ne vais jamais à la clairière.
L’avis général de la population m’importe guère, encore heureux. Qu’ils me croient demeuré si ça peut m’apporter la paix !

Aujourd’hui, j’ai décidé d’aller faire un tour dans la forêt profonde. Peu de centaures y vont, trop escarpés à certains endroits, trop boueux à d’autres, trop de racines tordues où se tordre une patte… Les excuses sont nombreuses pour ne pas y aller. Mais je pense qu’elles ne cachent toutes seulement qu’une peur de l’inconnue. Personne n’y va parce que personne ne sait ce qu’il y a. Et l’inconnu fait peur, c’est bien connu.
Mais moi, je la connais. Enfin, assez pour ne pas m’y blesser ou m’y perdre, personne ne peut vraiment connaître la Forêt Profonde (oui, moi aussi, je sais mettre des majuscules à mes mots parfois, ça doit être génétique). Elle est si riche qu’il me faudrait une vie entière pour tout y apprendre. Mais ce qui tombe bien, c’est que j’ai une vie entière devant moi.

Une nouvelle fois, personne n’a voulu m’accompagner aujourd’hui ; je m’en doutais mais bon, je me sens à nouveau un peu seul. Cependant, il y a tellement de choses à faire dans la forêt que je n’ai pas le temps de m’y ennuyer, ça ira.

Je traverse la clairière séparant notre forêt de la Forêt Profonde et m’arrête devant les branchages plus denses ; c’est impressionnant comment d’un seul coup, les arbres changent et l’atmosphère devient beaucoup plus sombre, beaucoup plus… inabordable, je dirais. Mais je ne me fis pas à cette couverture, une fois à l’intérieur, il suffit de savoir où regarder pour se sentir accueilli comme chez soi. Ou presque.

Je dépasse donc cette frontière entre le monde civilisé et le monde sauvage et m’aventure entre les branches en essayant de ne pas me faire blesser.
Bizarrement, je suis plutôt doué pour ça. Tout le monde me dit que je suis une chochotte (tout ça parce que je prends soin de mes sabots et de mon apparence !) mais j’aimerais bien les voir ici ! La plupart abandonnerait sûrement après le premier buisson de ronce. C’est ça de se nourrir l’esprit mais de ne pas savoir comment se servir de ses savoirs.

Un bâton à la main, j’écarte soigneusement tous les obstacles sur mon chemin. J’avance lentement mais ainsi, je respecte la forêt en ne cassant aucune branche et j’ai peu de chance de me blesser à part par ma propre négligence. J’arrive à un endroit moins ronceux et je laisse tomber mon bâton. Semblerait que j’ai passé le test d’entrée et que ça aille maintenant.

Je m’avance un peu plus, faisant bien attention où je pose mes sabots, n’écrasant pas de plantes ou d’insectes si je le peux. On dit que les centaures sont proches de la nature et savent la respecter mais il suffit d’en voir certains courir dans la forêt pour se persuader du contraire. Beaucoup d’entre eux se moquent bien de tout ce qui est plus petit qu’eux (centaures compris, malheureusement pour moi). Ce n’est pourtant pas dur de respecter les autres, il suffit d’aller plus lentement et de regarder autour de soi. La première fois que je suis venu, je n’ai même pas réussi à traverser entièrement les ronces, j’ai pris mon temps et j’ai avancé pas à pas, en faisant bien attention autour de moi. Ce jour là, ma motivation était principalement de ne pas me blesser mais j’ai découvert que même les ronces portaient des fleurs, et qu’une certaine race de fées s’y était installée pour être sûre de ne plus être attaquée. J’ai bien failli détruire une de leur maison mais j’ai su m’arrêter à temps en me demandant pourquoi est-ce que deux fleurs étaient reliées entre elles par des brins d’herbe. Les fées m’ont même remercié de ne pas les avoir écrasées. Par contre, le lendemain, elles n’étaient plus là, la peur d’être découverte par quelqu’un de moins soigneux que moi sûrement.

Je fronce soudainement les sourcils, quelque chose ne va pas. L’herbe est écrasée, les branches cassées et il n’y a plus un signe de vie de quoi que ce soit, comme s’ils avaient tous fuit. Je m’avance jusqu’à l’endroit le pire et remarque quelque chose au sol qui m’étonne plus ou moins. Des marques de sabot, assez profonde pour que je sache qu’elles proviennent bien d’un centaure et non pas d’une espèce équestre quelconque.
Je soupire longuement en m’imaginant les dégâts que cet imbécile avait pu faire dans la Forêt. J’en ai une petit idée vu ce que j’ai sous les yeux mais je me doute que ce n’est rien par rapport à ce que je ne vois pas encore.
Je me redresse donc et suis la piste, vraiment pas discrète, de ce centaure perdu. Je vois les créatures de la forêt revenir lentement, une fois sûres que la menace n’est plus là et je leur souris. Certaines fuient à nouveau en me voyant, d’autres se rapprochent un peu plus, comme curieuses de ma présence ici.

Je me penche pour laisser une bête étrange monter sur ma main, je n’en connais pas le nom mais je lui en ai donné un - comme à la plupart des choses dans la forêt. C’est petit, avec un pelage brun, un petit museau rond et une longue queue touffue. Ca porte une vague ressemblance avec un écureuil, si ce n’est les yeux aux pupilles verticales, comme les chèvres. J’appelle ça un Spi, parce que ça produit des sons un peu comme cela ; je sais, je ne suis pas très inventif. Je ne comprends pas ce qu’il me raconte mais, avec ses petits bras, il me mime toute une scène que je pense visualiser. Un centaure était passé en trombe, semblant totalement paniqué.
Je laisse le Spi s’installer sur mon épaule et je repars plus lentement pour ne pas qu’il tombe. Je sens ses petites griffes s’enfoncer dans ma peau mais ça ne me dérange pas, j’ai déjà vécu pire que ça et sa présence poilue me réchauffe doucement l’épaule.

Je suis donc le chemin laissé par mon prédécesseur, me lamentant devant les dégâts qu’il a laissé derrière lui. Je comprends bien à présent combien la Forêt Profonde n’est pas faite pour les centaures, il nous faut des plaines et des espaces plus aérés, nos corps sont pratiques mais larges et encombrants. La Forêt Profonde est faite pour des espèces comme les Spi, petits et malins, pouvant se faufiler entre les racines et les troncs trop proches les uns des autres.

Spi s’affole soudainement, pointant droit devant nous d’une de ses griffes. Je pense qu’il a sentit quelque chose que mon odorat est bien loin de deviner. J’accélère et dois plisser les yeux sous le vent de ma course. Je n’aime pas courir en temps normal, ça fatigue et ça abîme les sabots. Mais bon, il faut bien le faire de temps en temps… Je prends quand même soin à ne pas abîmer plus la forêt qu’elle ne l’a déjà été comme la présence de Spi sur mon épaule me le rappelle chaleureusement.

Des lianes nous bloquent soudain le chemin et j’entends un cri venant de derrière. Je connais cette voix, le fils du chef. Bizarrement, je m’en étais douté à peine après avoir vu les dégâts. Peu de centaures dans notre clan sont assez lourds pour laisser de telles marques et parmi les anciens, aucun ne viendraient troubler la Forêt, la peur les en empêche. Donc parmi les jeunes, il n’y avait que lui qui aurait pu… Malheureusement.

Je pense un instant à faire demi tour pour le laisser ici, un idiot de moins ne ferait pas de mal à notre tribu. Mais quand je pense à sa force, je me dis qu’il pourrait encore servir. Et puis, je pense également à notre chef, et surtout à sa femme. La fécondité des centaures est très faible et c’est un véritable calvaire d’en mettre un au monde (il est très rare d’avoir des frères ou sœur, ma mère est juste une exception à la règle). Après ce qu’elle a vécu pour faire naître un tel enfant, je ne peux pas l’abandonner maintenant…

Je passe ma main sur une des lianes et elle s’entoure aussitôt autour de moi, me palpant pour deviner si je suis une menace. Je sens son hostilité par la brusquerie de ses mouvements mais je ne bouge pas, je la laisse me sentir en essayant d’être le plus calme possible.
Un nouveau cri retentit derrière le rideau végétal mais je m’oblige à ne pas bouger. Spi a déjà quitté mon épaule mais je ne peux pas voir où il est passé, je suis obligé de fermer les paupières quand la plante vient se glisser lentement sur mon visage.
Mais il semble que ma tactique marche car je sens l’étreinte devenir moins douloureuse autour de moi et bientôt, la liane me lâche et le passage s’ouvre devant moi. Je peux maintenant voir ce qu’il se passe derrière et je dois retenir un rire.

Le fils du chef est bien ici, suspendu en l’air dans une position des plus ridicules par les lianes mais je sens que cela doit être aussi on ne peut plus douloureux… Je m’avance doucement, prenant bien soin à ne pas écraser la moindre plante (à part l’herbe, ceci est inévitable dans une forêt…). Je sens que le grand végétal s’est stoppé en attendant ce que j’allais faire et je pressens également que l’on m’observe. Je m’avance jusqu’au tas de lianes qui retient l’autre centaure et je pose doucement une main sur une de celles qui le retiennent.

J’aurais cru qu’elles bougeraient plus lentement mais elles le lâchèrent brusquement, le laissant tomber au sol avec un bruit mat, presque étouffé par l’herbe courte. Il se redresse aussitôt, bien qu’un peu branlant sur ses pattes et me jette un regard se voulant méchant.

« Qu’est-ce que tu fous ici, Dion ? »
« Je te sauve la vie. »

Je vois soudain Spi courir vers moi et je me penche pour lui permettre de revenir sur mon épaule. Je sens mon autre épaule être prise comme dans un étau et je suis forcé de me redresser.

« Je n’avais pas besoin de toi. »
« Oh, et bien d’accord, je te laisse te débrouiller à nouveau avec tes amies végétales. »

Je prends son poignet et le fais me lâcher, avant de lui tourner le dos.

« Juste un conseil, Ares. Si tu agresses la forêt, elle t’agressera. Si j’étais toi, j’arrêterais d’être un bourrin sans cervelle et je réfléchirais. »

Je ne me serais jamais permis de lui parler ainsi en public, et il ne me l’aurait jamais permis ; je serais sûrement déjà à terre, la tête explosée par ses poings et ses sabots. D’ailleurs, je me tends quand je sens sa main m’attraper à nouveau, au poignet cette fois-ci.

« Attends Dion. Tu viens souvent ici ? »

Je m’arrête et le regarde en fronçant des sourcils.

« Assez pour savoir ce qu’il faut faire. »

Bizarrement, son regard change pour quelque chose ressemblant presque à de l’admiration. Mais ça ne dure qu’une seconde avant qu’il ne retrouve son regard bovin de centaure bourrin.

« Alors dis-moi comment partir d’ici. »

Je ne peux m’empêcher de sursauter et de le regarder d’un air dubitatif.

« Et pourquoi ça ? Tu t’es foutu dans la merde tout seul en venant ici sans savoir quoi y faire. Lâche-moi, j’ai des choses à faire. »

En réponse, sa prise se resserre sur mon bras.

« Lâche-moi, je te dis. »

Je hausse la voix car c’est à peu près la seule chose que je puisse faire. Après tout, il fait une tête de plus que moi et sa carrure est beaucoup plus impressionnante que la mienne.

« … J’ai besoin de ton aide. »

Là, je bloque et le regarde d’un air effaré. Il ne venait pas d’avouer qu’il avait besoin d’aide… Si ? J’en reste muet un moment et finis par le regarder dans les yeux.

« Alors promets-moi de m’obéir sans me contredire. »

Je sens la fierté dans son regard, et sa main se crispe un peu plus sur moi, au point de me faire mal. Ma grimace de douleur ne doit pas plaire à Spi car je vois la bestiole poilue se diriger directement vers la main de l’autre centaure et le mordre violemment de ses dents pointues.

La prise s’évanouit aussitôt et je me mets à courir pour lui échapper. Les lianes autour de nous commencent à s’agiter et je ralentis aussitôt jusqu’à marcher lentement au milieu d’elles. Le fils du chef s’est vite remis de la morsure et je le vois sur ses gardes, planté au milieu de la vague ondoyante de lianes qui l’entourent. Il semble retenir sa panique comme jamais et je ne peux m’empêcher de me sentir vaguement misérable pour lui.

« Arrête-toi un moment et ça va se calmer. Elle n’aime pas les mouvements trop brusques. Et surtout, surtout, ne lui marche pas dessus. »

Je le vois se tendre, concentrer au maximum pour ne pas bouger et je laisse échapper un soupir. Il ne comprend vraiment rien à rien.

« Détends-toi. »
« Parce que tu crois que c’est facile dans ces conditions ?! »
« Ca le serait si tu étais pas si bête et m’avais obéit. »

Je me retourne vers lui et avance lentement jusqu’à lui. Je lève les bras pour les poser sur ses larges épaules carrées.

« Cal. Me. Toi. »

Je le sens toujours aussi crispé sous mes mains mais son regard semble refléter un peu plus de calme. Pour prouver mes propos, je le lâche et recule lentement, tâtant le sol de mes sabots pour être sûr de ne rien écraser. J’arrive à sortir de l’enclave végétale sans un problème, ayant juste eu quelques lianes venant me tâter lentement.

« Ares, A toi. »

Il commence à avancer à son tour, et je peux sentir dans sa façon de marcher sa puissance et son poids. Il sera un guerrier de choix, un digne représentant de notre espèce, un futur chef tout désigné. Et pourtant, je ne l’envie pas. Au milieu de ces vagues de lianes, il me semble si maladroit, si fragile. Ici, c’est mon élément, pas le sien. Ici, je suis le chef.

Je recule encore de quelques pas pour le laisser sortir du piège végétal mais je ne le lâche pas de mon regard.

« Alors, tu vas m’obéir ? »

Ses yeux sont toujours aussi fier quand il me répond.

« Oui. Mais que dans la forêt, ne prends pas tes rêves pour des réalités. »
« Avant de parler de mes rêves, tu devrais essayer de les comprendre. Je ne suis pas un connard dans ton genre. »

Et sur ces gentils mots, je lui tourne le dos et repars lentement, une main caressant distraitement Spi. Je me sens moi aussi sur les nerfs, je ne suis pas habitué à ce rôle et je sais très bien que d’une seule main, il pourrait m’écraser le crâne sur le premier tronc venu. Mais je sais aussi qu’ici, il a besoin de moi. Et j’espère que ce besoin suffira pour que je survive à la colère que je sens en ce moment même dans le regard qu’il me jette.

J’avance lentement, sans un mot, sentant toujours son regard derrière moi. Spi doit sentir ma nervosité car il se tourne souvent vers Ares pour lui montrer les dents avant de revenir se frotter contre ma joue. Je n’aurais jamais cru qu’un tel animal s’attacherait autant à moi. Je me demande ce qu’il va faire quand je sortirais de la Forêt…

Nous arrivons à la lisière de ronces plus rapidement que je ne l’aurais imaginé. Mais il faut dire que quand on la respecte, la Forêt vous respecte aussi. Et vous aide. Peut-être que sans le savoir, j’ai été guidé pour sortir plus rapidement, peut-être veut-elle vraiment se débarrasser de la menace qu’est le fils du chef pour elle.

Je prends Spi dans mes mains pour le reposer à terre mais il semble vouloir s’accrocher à moi. Je le repose donc sur mes épaules et ramasse le bâton que j’ai lancé peu avant à terre.

« Qu’est-ce que tu vas faire de ça ? »

Sa voix me surprend, il n’avait pas dit un mot depuis son sauvetage. Je me tourne vers lui pour le regarder et lui montre ma simple branche.

« Vois-tu, ça, c’est la meilleure arme contre les ronces. »

Je ne sais pas pourquoi je lui explique tout ça, il ne pourra s’en servir que contre la Forêt, je le sais, c’est sûrement même écrit quelque part dans sa charte comportementale. Je sais, j’exagère mais je ne peux m’empêcher de penser ainsi.
Je le vois ramasser une branche à son tour et il me suit lentement à travers les ronces. Je lui explique le meilleur trajet devant nous, la meilleure façon de poser ses sabots pour ne pas glisser ou s’empêtrer dans les longues tiges épineuses.

Nous sortons de la Forêt et je m’étire de tout mon long comme pour me réveiller de ce mauvais rêve. Ares, lui, se tourne vers le rideau de ronces qui s’est entièrement refermé et semble pensif.

« Essaye pas d’y retourner tout seul, tu vas encore manquer de te faire tuer. Les lianes ne sont pas les seules menaces et vu ta façon d’être, tu vas encore déranger quelque chose d’autre, je suis sûr. »

Je m’attends à me prendre un coup, sérieusement, nous sommes hors de la forêt, il n’a plus aucune raison de ne pas me frapper. Mais il ne fait pas un geste vers moi et me surprend une nouvelle fois.

« Tu voudrais bien m’apprendre ? »

Je ne comprends d’abord pas ce qu’il veut me dire mais le choc me frappe subitement.

« Quoi ? Mais pourquoi ? Ca ne te servira à rien. »
« J’ai envie d’apprendre, c’est tout. »
« Et j’ai pas envie de t’apprendre. Je me suis débrouillé tout seul, si t’es pas con, tu peux le faire. »

Mais je n’ai pas envie qu’il essaye, je n’ai pas envie qu’il abîme la Forêt…

« J’ai besoin que tu m’apprennes. »
« Va te faire foutre. »

Et je m’en vais. Je sais, ça peut paraître idiot comme réaction mais je ne suis pas habitué aux autres. Je suis habitué à être seul, dans ma forêt, avec seulement des êtres comme Spi autour de moi. Je ne vais pas changer mes habitudes juste parce que j’ai sauvé la vie d’un autre centaure. Surtout que je suis sûre qu’il n’est pas sincère du tout. Je l’entends m’appeler encore mais je pars au galop. Je connais mieux le terrain que lui, j’espère que ça me permettra de le distancer.
Mais je n’ai même pas à me soucier de cela, il ne me suit pas.

Je ralentis doucement et prends le chemin pour chez moi. Des milliers d’idées tournent dans ma tête et je ne sais même pas par où commencer à penser. Je décide donc d’oublier tout ça pour le moment, je veux juste rentrer et aller me coucher. Ce que je fais aussitôt, sans même dire un mot à ma mère ou à ma sœur. Et je pense que mon visage a dû les prévenir que ce n’était pas le moment, elles ne m’ont même pas posé de questions pour Spi.

Je ne suis retourné pas à la forêt des quatre jours suivants. Ainsi que des trois jours d’après.
Au bout d’une semaine, mes escapades diurnes me manquent tellement que je ne peux qu’y retourner.

Et là, près de la lisière de la forêt, se trouve Ares en train de construire un château de pierres qui est déjà d’une taille certaine. Je m’avance jusqu’à lui et d’un côté, je sais d’avance ce qu’il va me dire. Mais je n’arrive pas à y croire. Je ne veux pas y croire. Et pourtant, si on en juge les pierres empilées, cela fait bien sept jours qu’il doit venir ici… Mais rien que pour savoir, je lui pose quand même la question.

« Qu’est-ce que tu fous ici, Ares ? »
« Je t’attends. »

Bizarrement, je n’arrive pas à lui en vouloir. Mais je refuse de m’occuper de lui quand même. Je sais être obstiné pour quelques choses. Je ramasse mon bâton habituel et me prépare à entrer dans les ronces.

« Si tu veux apprendre, débrouille-toi tout seul. »

Avec cette phrase, je ne lui interdis pas de me suivre, de m’observer, d’apprendre de lui-même grâce à moi… A lui de voir s’il comprend ou non. Mais quand je sens les ronces bouger derrière moi, je pense qu’il a comprit…
Du moins, je l’espère.


Pour Kyni - Bloody Chains - Manu/Kiyoshi
L’odeur de la peinture était entêtante et Manu avait bien de la peine à ne plus la remarquer.
Il y travaillait dur pourtant, persuadé que s’il arrivait à rester assez longtemps dans l’atelier de Kiyoshi sans se plaindre, le petit vampire accepterait sa présence. Il n’avait pas encore réussi et finissait invariablement par se faire jeter à coups de pinceaux mais plus ça allait, plus il pouvait demeurer longtemps en compagnie du jeune homme.

Il avait commencé à peindre lui aussi, d’abord pour s’occuper, ensuite parce que le Comte semblait aimer ses tableaux et lui en avait commandé. Il ne comprenait pourtant pas ce qui pouvait plaire dans ses croutes, elles ne valaient rien face aux tableaux que Kiyoshi étaient capable de peindre.

Le vampire avait encore du mal à utiliser de la couleur, mais il lui arrivait parfois d’en mettre quelques touches, ce qui rehaussait grandement la vitalité de ses toiles. Manu était fier de lui d’avoir réussi à lui faire peindre un colibri. Il n’avait pu qu’entrapercevoir le résultat avant que Kiyoshi ne planque la toile mais il adorait déjà le peu qu’il avait vu.

Il se souvenait de ce que lui avait dit Kiyoshi, que la plupart des toiles qu’il pouvait voir sur les murs du château était de lui, et l’humain se demandait parfois ce qui avait pu lui arriver pour qu’il change si terriblement de façon de peindre. Dans l’atelier, des tas de toiles étaient accrochées aux murs - dont certaines des siennes pour son plus grand inconfort, mais pas une ne transpirait de la vitalité qui faisait la beauté des autres - surtout pour la grande à l’entrée du château.

Mais Manu était d’un potentiel optimiste assez important, il ne pensait pas que le cas de Kiyoshi était désespéré, tout du moins, pas autant que le vampire ne semblait le penser lui-même. Il allait l’aider - et s’aider aussi par la même occasion. Mais ce n’était pas que par amour qu’il souhaitait sauver le petit vampire, c’était surtout que ça lui semblait la seule chose possible à faire.

Cela peut sembler si humainement faux-cul mais il était ainsi, quand il voyait quelqu’un dans la merde, il l’aidait. Et si c’était la personne qu’il aimait qui était dans ce cas, ça ne lui faisait qu’une raison de plus de vouloir le faire.

Mais pour l’instant, il ne pouvait qu’attendre. Il avait bien compris que tout n’était qu’une question de patience avec Kiyoshi. Il avait réussi à faire en sorte de rester plus longtemps avec lui dans la pièce, de pouvoir parler librement avec lui - ou presque, de peindre à ses côtés…
Il ne manquait plus grand-chose pour qu’il arrive à apprivoiser cette petite bête sauvage.
Quelques sourires et encouragements et peut-être qu’un jour, un nouveau tableau flamboyant ornera les murs du château.

Et peut-être qu’il pourrait même un jour passer ses doigts dans la longue toison noire du vampire pour la caresser doucement.


Pour Nephty - Bloody Chains - Mav/Death: domination

Ce n’était qu’un jeu entre eux. Combats, morsures, griffures, coups… Ils n’y jouaient pas souvent mais à chaque fois, leur excitation était maximale.
Ils se jetaient l’un sur l’autre, toujours dans les règles de l’art du combat. Ou presque. Death n’avait jamais aimé suivre ces règles. Mais Maverick, en face, les suivait à la lettre. S’en suivaient des combats brouillons, chiffons, mais toujours teintés d’élégance, voir de grâce.
Cela le frustrait souvent de l’avouer mais Death gagnait peu. Mais apprenait beaucoup. C’était à se demander comment Vadim avait fait pour lui faire confiance en tant que tueur pendant de si longues années. Peut-être juste parce que le Comte se moquait bien de l’état du corps du mort à la fin.
Ils se battaient et, pour ajouter encore plus de piments à leurs combats, ils se disaient que le vainqueur dominerait leur prochain ébat sous la couette. Cela amusait beaucoup Maverick, de voir Death parfois si concentré pour gagner ce qu’il pouvait avoir juste en le lui demandant. Mais Death n’avait jamais pensé à demander…
Peut-être parce qu’il en avait eu assez de dominer pendant de si longues années avant de rencontrer Maverick, peut-être parce que Maverick n’avait pas besoin d’être protéger, peut-être parce que, pour une fois, il désirait lui être celui qui se perdait dans les bras de l’autre, sans avoir peur, sans craindre quoi que ce soit car il se savait protégé, lui.
Il ne dominait pas souvent dans leur couple mais cela lui importait peu. Ils étaient parvenus à un certain équilibre fragile mais qui survivait depuis maintenant presque cent ans.
Ils s’aimaient, et c’était cela le principal.

Pour Nephty - Bloody Chains - Eliséo/Xion (avec Yann? tu m'as contaminée XD) : assoupissement

Quand Xion s’endormait, Eliseo ne savait jamais qui se réveillerait. Homme ou femme, c’était une véritable loterie. Eliseo pariait parfois sur la personne qu’il rencontrerait au réveil. C’était assez simple à deviner à peine le corps androgyne posait les yeux sur lui.
Xion lui souriait, Yann semblait écœurée de le voir. Les sourires étaient tout ce qu’il y avait de plus agréables à admirer au réveil ; la grimace de dégoût lui promettait une journée des plus difficiles à supporter.
Heureusement, les sourires se faisaient de plus en plus présents… Xion semblait être en train de comprendre. Que sa sœur était morte, qu’elle n’était pas là, plus là. Mais le processus était lent, et le comédien semblait encore avoir besoin de la présence rassurante de sa protectrice en lui.
A tel point que parfois, Eliseo avait envie de hurler, de le prendre par les épaules et de le secouer dans tous les sens. Il n’avait jamais été sûr de lui-même, il savait que ses mains étaient tâchées du sang de milliers d’innocents, et même légèrement de celui de Xion, de ses larmes également, mais pour une fois…
Pour une fois, il aurait désiré que Xion croie en lui, croie en ses mains, en ses bras.
Qu’au moment de s’endormir, Xion le regarde et lui sourit, le même sourire qui l’accueillerait au réveil.
Il souhaitait que le comédien l’aime lui, et non pas une sœur inventée…
Pour une fois, il désirait protéger quelqu’un et l’aimer sans le blesser. Mais une blessure était nécessaire pour Xion, pour son plus grand déplaisir.
Il allait devoir tuer encore une fois, un meurtre virtuel, un meurtre sans la moindre trace de sang, un meurtre mental.
Pour le sourire de Xion, il allait devoir tuer Yann…


Pour Kyurane - Originale - Un ange pour vous servir

On se dit toujours les mêmes choses lors des enterrements. J’aurais dû reprendre contact, j’aurais dû lui rendre visite plus souvent, j’aurais dû lui pardonner… On sait parfaitement que l’on n’aurait jamais pu le faire mais les regrets sont là, pesant de tout leur poids sur nos épaules.

Et après les regrets viennent les souvenirs, tout aussi nombreux, voir même plus. Ils nous assaillent l’esprit, reviennent sans relâche jusqu’à occulter même le présent, jusqu’à ce qu’on les revive dans tous nos rêves, dans tous nos songes, dans toutes nos pensées.

Le mort s’appelle Ange Duresne et c’était la forte tête de notre école. Mais surtout mon meilleur ami.
Cela paraît cliché à dire, mais il portait bien mal son prénom, comme le lui ont rappelé tous ses professeurs durant sûrement toute sa scolarité. Heureusement ou malheureusement, je ne saurais le dire, celle-ci n’a pas duré longtemps.
Mais je ne suis pas le meilleur pour parler de cela. Après tout, je n’étais son meilleur ami que pour notre année de CM2.
J’étais nouveau dans cette école, ma mère venait de déménager pour la troisième fois en même pas deux ans. Pas la meilleure stabilité pour un enfant de mon âge. La preuve étant que j’aurais déjà dû être au collège à l’âge que j’avais. Mais mes capacités scolaires m’importaient peu à cette époque. Je m’intéressais beaucoup plus à qui essayait d’approcher ma chère mère pour les renvoyer chez eux la queue entre les jambes. J’avais toujours été possessif, surtout envers elle. Elle m’a élevé seule, mon père nous ayant lâché peu après ma naissance. Mais je ne suis pas ici pour parler de moi. Ou seulement par extension.
Ange a donc été le premier à m’accueillir à l’école. Avant même qu’elle n’ouvre, quand nous en étions à attendre devant la grille avec ma mère, un peu perdus, ne sachant comment nous y prendre. Ma mère n’avait jamais été très douée pour tout ce qui était administration et papiers à remplir, la preuve était que je m’occupais déjà de notre courrier à cette époque.
Nous attendions donc que la grille s’ouvre, ou que quelqu’un puisse nous renseignés quand une petite bouille blonde est sortie d’un des buissons entourant l’école et a roulé jusqu’à nous, complètement hors d’haleine mais avec un grand sourire. Ma mère eut d’abord peur mais je me souviendrais toujours de ce sourire. Si beau, si rempli de vitalité et d’envie de vivre.
Il se redressa et s’épousseta avant de tendre une main vers ma mère.

« Enchanté Madame ! Ange Duresne pour vous servir ! »

Je ne sais pas où il avait appris cette réplique mais je sus bien vite qu’il l’utilisait souvent, pour se mettre dans les bonnes grâces de ses nouvelles connaissances. Même s’il n’y restait souvent pas longtemps. Par miracle, il n’est jamais sorti de celles de ma mère. Le jour où je lui ai appris sa mort, elle se souvenait encore de lui… Et je crois même qu’elle le pleura plus que moi. A croire que les enfants ont vraiment moins de cœur.

Je devins vite ami avec Ange, mais franchement qui ne l’aurait pas fait ? Il était joueur, connaissait les meilleures techniques pour faire tourner les adultes en bourrique sans être attrapé. Tout le monde savait toujours que c’était de sa faute. Mais presque jamais personne ne pouvait le prouver. Et on l’admirait pour cela, vraiment.
On avait formé une petite bande, Bastien, Florent, Grégory, Ange et moi. Cinq gamins en vadrouille, dont les parents étaient un peu moins cul-serrés et nous permettaient de sortir ensemble plus souvent que les autres.
Bastien était notre comptable, s’occupant de l’argent que notre petite bande arrivait parfois à amasser, par de petits travaux ou de petits larcins. On cachait notre trésor dans son coffre, celui qui datait de son arrière grand-père et qu’il avait accepté de nous prêter. Florent était notre athlète, celui qui courait vite et pouvait porter tout l’attirail servant à nos méfaits. Sa mère lui avait même acheté les nouvelles baskets, celles qui permettaient de courir encore plus vite, elle pensait qu’il pourrait même en faire son métier plus tard mais Florentpensait plutôt faire boulanger. Il aurait meilleur accès aux bonbons comme ça. Grégory ne servait pas à grand-chose, mais on l’adorait tous. Il était justement le fils du boulanger et nous amenait parfois des bons petits pains tout chauds, ou des fournées de bonbons gratuites. Puis il y avait moi, le plus vieux de la bande, celui qui aurait pu être le chef s’il l’avait voulu, par son expérience, par sa sagesse, mais cette place, je la laissais à Ange, car je sentais que malgré tout ce que j’avais pu vivre, il en avait vécu le triple, et qu’il connaissait mieux la vie que moi. Je m’étais donné la place de cerveau, après avoir retapé deux ou trois fois les mêmes classes, on finit par retenir mieux que les autres ce que l’on devrait savoir. Je savais mieux compter, mieux lire, mieux écrire. Je rédigeais toujours de longs rapports sur nos aventures et je pense que si je les retrouvais un jour, je prendrais toujours autant de plaisir à revivre ces longues péripéties consignées dans ces cahiers de brouillons tâchés d’encre, ces pages couvertes de pattes de mouche tarabiscotées, de fautes d’orthographe et de ratures inélégantes mais si naturelles.
Ange était donc notre leader, celui aux bonnes idées et surtout, celui qui savait comment mettre en œuvre ces idées. Car parfois, Grégory ou Florent, ou même moi, arrivions avec un projet gigantesque en tête : construire un pont ou un barrage sur le canal, créer une piste de luge sur la Grande Côte menant à la place, décorer le jardin du directeur de papier toilette pour se venger d’une punition…
Et à chaque fois, Ange savait nous remettre dans le droit chemin, en se moquant de nous mais toujours avec ce sourire si franc, si amical que nous ne pouvions lui en vouloir.
Il savait toujours quoi faire, ce qu’il y avait de plus proche de notre plan, mais de réalisable. Grâce à lui, nous avions construit une cabane dans les bois, notre quartier général - là où nous cachions notre coffre, ainsi qu’un barrage non pas sur le grand canal mais sur la rivière qui coulait le long du village. Nous avions dévalé la Grande Côte au milieu de la nuit, quand il n’y avait plus aucune voiture pour nous en empêcher - ce qui nous valut de sacrées fessées le lendemain mais que nous ne regrettions en rien. Et le must fut le bureau du dirlo, recouvert de tant de liasse de papiers et cahiers qu’il ne put pas y mettre les pieds pendant une journée entière le temps de ranger. L’école entière avait été mise au courant de cette farce et toutes les classes s’étaient relayées pour remplir peu à peu le bureau. Je n’en reviens toujours pas de l’organisation que cela avait dû être… Et pourtant, Ange et moi avions réussi.

J’étais le préféré d’Ange, du moins, je crois. Sûrement parce que j’étais le seul qui était toujours prêt à partir en vadrouille avec lui. Ma mère se moquait bien de ce que je pouvais faire en dehors de l’école tant que je lui ramenais des notes correctes. Elle compatissait tellement de m’avoir fait changer si souvent d’école qu’elle n’osait rien me dire tant que tout allait bien.
Nous allions donc souvent juste tous les deux, dans les prés et bois entourant le village, nous inventant des tas d’histoires. Nous avons tout vécu. Des guerres napoléoniennes à la découverte d’autres planètes, le tout enrobé de mystères, de meurtres et de morts-vivants. Nous avions une autre cabane, juste pour nous deux. Les deux grands. Les deux chefs. Il aimait m’appeler Sous-chef et nous nous étions si souvent disputés pour ça. Je dois toujours avoir une cicatrice derrière l’oreille gauche d’une de ces bagarres ayant tournée au vinaigre. Mais on se rabibochait toujours, ce n’était pas un peu de sang qui allait gâcher notre amitié. Ce fut beaucoup qui faillit le faire…

Il y avait parfois Richard avec nous aussi, le grand Richard, qui faisait une bonne tête de plus que moi qui avait pourtant un an de plus. Mais le père de Richard était gendarme, et son fils n’avait pas intérêt à trop traîner avec nous s’il ne voulait pas goûter de la ceinture de celui-ci. Avec les gars, on complotait souvent pour savoir comment l’on pourrait punir le père de Richard de faire cela à son fils. Et comme toujours, ce fut Ange qui trouva au bout de deux mois de brainstorming avancé dans notre base secrète. C’était si génialement simple qu’on se demanda tous comment on n’avait pas pu trouver avant.

Le gendarme possédait une vieille mobylette sur laquelle il pétaradait chaque matin devant l’école, après avoir déposé son fils coiffé d’un vieux casque sûrement peu homologué.
Ce jour là, nous avions tous déposé un tas de pierres sur la route, créant ainsi un véritable bouchon sur le petit chemin qui desservait notre école. Le père de Richard, en bon gendarme qu’il était, descendit de sa sacro-sainte mobylette et alla aider à déblayer la route. Richard, que nous n’avions pas mis au courant l’aida également, ce qui nous arrangeait bien. Nous n’aurions pas voulu que notre ami soit accusé, étant le seul qui pouvait accéder au véhicule en temps normal.

Tout alla si vite ensuite. Je sortis mon canif fétiche, que j’aiguisais si souvent, et Ange, d’un coup de main expert, coupa l’un des câbles de la moto. Je ne savais pas à quoi il servait, mais nous étions tous on ne peut plus fascinés par ce câble qui flottait à présent en l’air, relié à nulle part...
Ange nous réveilla en nous disant qu’on ferait mieux de se tirer et l’on suivit tous son conseil. Planqués dans l’un des grands buissons duquel j’avais vu surgir Ange à notre première rencontre, nous suivîmes les aventures de notre cher gendarme en direct live.
Après avoir fini de nettoyer la route, il caressa rapidement les cheveux de son fils et remonta sur son engin. Il ne fallut pas plus d’un tournant pour qu’on le voie perdre le contrôle de son véhicule et aller droit vers la Grande Côte.
Nous n’avons pas eu école ce jour-là. Et nous ne sommes pas sortis non plus de chez nous.
Je ne compris pas tout de suite ce que nous avions fait. Le choc nous percuta quand nous reprîmes l’école. Et que Richard n’y était pas. Il ne revint qu’une semaine plus tard, entièrement habillé de noir.
Quand nous essayâmes de lui parler, il refusa de nous regarder et bredouilla juste une phrase. Des mots simples qui restèrent à jamais gravés dans ma mémoire, autant que la première phrase d’Ange.

« Vous avez tué mon père… »

Nous ne nous sommes jamais plus regroupés après cela. Quelque chose avait été cassé entre nous.
Je ne retournai qu’une seule fois à notre quartier général, pour y retrouver mes carnets. Mais j’y découvris qu’ils avaient déjà disparu, le coffre de Bastien également. Je haussai les épaules et redescendis de notre arbre. Je n’allai pas mourir pour ça, pas comme le père de Richard…
Je gardai toujours contact avec Ange, malgré ce que nous avions fait, il restait mon meilleur ami. Nous avions quelque chose ensemble que le groupe n’avait pas. Peut-être était-ce une véritable amitié, peut-être était-ce plus… De la fraternité peut-être.

Mais quelques jours plus tard, Ange ne vint pas à l’école. Cela créa un manque immense. Juste une journée sans lui et ce n’était pas pareil. A la fin de la journée, je décidai d’aller chez lui. Ce serait la première fois, il ne m’y avait jamais invité et je n’avais jamais demandé à y aller. Il y avait des choses comme ça, que l’on savait sans avoir besoin de se le dire.
J’allais frapper à sa porte quand je la vis s’ouvrir brusquement et qu’Ange apparut en face de moi.

Pour la première fois de ma vie, je voyais des larmes couler le long de ses joues. Sans réfléchir, je le pris par le bras et l’emmenai avec moi, loin du village, loin de tout ça, dans notre cabane. Pas la grande, la petite, la nôtre, à tous les deux.
Nous ne dîmes pas un mot du voyage, main dans la main nous courrions tous les deux. Nous arrivâmes à notre cabane et je le forçai à rentrer dedans. Je le fis s’asseoir dans un coin pendant que je préparai le feu que nous avions installé au milieu de notre sol artisanal.

La chaleur des flammes était faible mais cela suffirait pour la nuit. Nous avons passé un petit moment à remuer les braises avec un long bâton, sans rien dire.
Ce fut Ange qui brisa le silence en premier.

« Demain, je pars. »

Je compris immédiatement. Combien de fois n’avais-je pas dit ça à mes anciens amis ?

« On s’écrira ? »

Il ne répondit pas mais vint se blottir un peu plus contre moi.

« Tu vas me manquer… »

Je passai un bras autour de ses épaules et nous restâmes la nuit entière ainsi. La dernière nuit de notre amitié. Le lendemain, nous revînmes au village toujours sans un bruit. Et c’est avec juste un dernier regard que je lâchai sa main devant la porte de chez lui.
Je suis rentré chez moi lentement, en traînant les pieds comme jamais - ma mère m’avait appris à ne pas le faire pour ne pas user mes chaussures trop vite…

Je ne le revis plus jamais. Au début, je caressais encore parfois l’espoir d’avoir de ses nouvelles. A chaque lettre reçue, j’attendais de voir l’écriture tordue que sa main produisait. Mais rien, toujours rien, jamais rien.

Le temps passa et mes souvenirs s’évanouirent… Jusqu’à ce coup de téléphone.

Une voix féminine, inconnue. Un nom, Clara Duresne. Sa femme.
Un accident arrivé bêtement et il était mort. Si jeune. Laissant une femme et deux petites filles derrière lui. Et un tas de vieux copains qui auraient tant aimé le revoir au moins une fois avant ça.

Je n’ai pas pleuré à son enterrement, du moins, pas ouvertement. Il y avait des tas de gens que je ne connaissais pas, Ange avait toujours été doué pour attirer le monde à lui. Nous n’étions que trois du CM2 de notre petite ville. Bastien, Richard et moi. De nous tous, je n’aurais jamais cru que Richard aurait accepté de venir. Il était toujours aussi grand qu’avant. Il n’a pas dit un mot au sujet de son père.
Nous avons discuté de tout et de rien. Surtout de rien… Que pouvait-on bien se dire après tant d’années sans aucun contact. Je n’étais pas hypocrite à ce point. Le seul à qui j’aurais aimé parler dans ce cimetière reposait à présent sous terre.
Je les laissai donc tous les deux et allai me recueillir au dessus de sa tombe. Je n’étais pas entré dans l’église, je n’avais pas regardé le cercueil. Je ne voulais pas associer une autre image à la sienne que la bouille de ce gamin disant « Enchanté » à ma mère le jour de la rentrée de CM2.

Une tombe était déjà de trop mais je lui devais au moins ça. Un dernier salut, un dernier hommage.
Il ne restait plus grand monde dans le cimetière, juste sa femme et moi. Une vieille femme avait emmené les petites, sûrement une des grand-mères.

Je me mis accroupi devant la tombe - il y avait encore des secrets entre nous et je tenais à les garder, et je pleurai enfin. Toutes les larmes qui n’avaient pas coulées avec lui dans notre cabane, toutes celles que j’avais retenues en ouvrant le courrier, toutes celles que j’ai refusées en dehors de l’Eglise pendant la messe.
Je ne l’avais connu que pendant un an et ce n’était qu’à son enterrement que je me rendais compte de combien il avait compté pour moi. Mais il était de toute façon trop tard et je ne pouvais que regretter à présent. J’essuyai rapidement mes larmes et me redressai pour partir quand je sentis une petite main me retenir.

Sa femme semblait si frêle mais dans son regard, on pouvait sentir la force de caractère qui avait dû tant plaire à ce cher Ange. Elle ne me laissa pas poser de question et me tendit un vieux carnet tout corné.

« Je pense qu’il aurait aimé que vous l’ayez. Il m’a souvent dit qu’il vous l’enverrait un jour… Mais je crois qu’il n’a jamais osé. »

Je ne sus quoi lui répondre et elle n’attendit de toute façon pas un mot de ma part avant de s’éloigner à nouveau, la tête basse.
Je rentrai chez moi rapidement, ne sachant trop pourquoi j’étais si pressé de me retrouver entre mes quatre murs.

A peine garé, je sautai hors de ma voiture et montai mes escaliers en quatrième vitesse. Je ne pris même pas le temps d’enlever mon manteau avant de m’asseoir sur mon fauteuil préféré et d’ouvrir le carnet.

La nostalgie me frappa de plein fouet quand je reconnus cette écriture biscornue. Je pleurai à nouveau, incapable de me retenir tellement mon cœur me serrait. L’idée de ne plus jamais le revoir me fut bientôt inacceptable mais je me résignai à l’admettre et à lire les mots qu’il m’avait laissés le long de toutes ces années…

Ces mots qui commençaient par cette présentation si connue :

« Enchanté mon cher Laurent ! Ange Duresne pour te servir ! »


Pour Kaya - Phenomena - Steven



Et valà, j'espère que ça vous plaira !!! ;p
Un prochain post sera sûrement fait à minuit heure d'Atlanta, j'ai encore deux trois petites choses à finir

originale, phenomena, forum, nowel, fanfics, cadeaux, akiowa

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