The Musketeers fanfiction - Un complot de crétins

Apr 25, 2019 15:39


On croirait vraiment que je n'ai que ça à faire, hein ?

Titre : Un complot de crétins
Auteur : Arakasi
Base : The Musketeers (BBC)
Personnages : Mazarin, Athos, Porthos, Aramis, d’Artagnan, Anne d'Autriche, le dauphin, le duc de Beaufort, la duchesse de Chevreuse, le cardinal de Retz
Résumé : “Je plains le sort de la Reine, son rang la contraint en tout. La pauvre femme ose à peine remuer quand on la fout...” Des pamphlets orduriers courent les rues de Paris. Aux mousquetaires d’intervenir pour mettre fin à ces scandaleuses rumeurs !

Blabla : Curieusement, ma fanfic “Mazarinades” (ma version personnelle d’une saison 3 avec Mazarin en premier ministre) a été assez bien accueillie, preuve - et j’en suis ravie - que je ne suis pas la seule à apprécier le très compétent et plutôt amusant, quoique controversé, successeur de Richelieu. Sur la suggestion de Major Gerfaut de fanfiction.net, je m’amuse donc à la prolonger. S’il n’est pas vraiment nécessaire d’avoir lu “Mazarinades” pour lire cette nouvelle fic, je vous suggère tout de même de le faire. Je pars sur une fanfic de plusieurs chapitres, mais je préviens solennellement les éventuels lecteurs que je ne sais pas du tout où je vais ! Il y a donc de fortes chances que cette fic soit menée à la va-comme-je-te-pousse. Ceci dit, elle ne devrait pas être bien longue, trois ou quatre chapitres probablement… Si je la finis, bien sûr. Oh et attention, je vais fangirliser à mort sur Mazarin. Vous êtes prévenu.

Les vers en début de chapitre sont tirés du “Frondeur compatissant”, mazarinade anonyme diffusée pendant la Fronde.

Un complot de crétins

Lien vers les autres chapitres : Chapitre 2

...

Chapitre 1

“Je plains le sort de la Reine
Son rang la contraint en tout
La pauvre femme ose à peine
Remuer quand on la fout...”
Quentin Mounier, imprimeur de profession et joueur par vocation, sentit sa gorge se dessécher. Les paumes de ses mains se mirent à suer abondamment - une réaction physiologique gênante qui l'avait souvent desservi pendant les nombreuses parties de cartes qui meublaient ses soirées. Il s'empressa de poser le rouleau qu'il tenait entre ses doigts sur son bureau, de peur qu'il ne s'imprègne de transpiration. Se faisant, il continua de le lorgner avec la même frayeur qu’il aurait accordée à une bête venimeuse lovée parmi ses papiers. Puis reporta en frissonnant son attention sur l'homme assis en face de lui.

“Votre grâce, c'est très délicat… balbutia-t-il.

- Votre grâce ? Pourquoi m'appelez vous Votre grâce ? Je ne suis pas une Votre grâce !”

La voix de son interlocuteur, naturellement basse et virile, monta soudain dans les aigus. Il s'en rendit compte et en parut contrarié. Du moins, pour autant que Quentin puisse en juger. L'homme portait tout l'attirail du parfait conspirateur, tel que l'avaient immortalisé les romans à quatre sous : pourpoint et cape noirs, chapeau enfoncé jusqu'aux yeux et foulard dissimulant son nez, ainsi que tout le bas de son visage. Il parlait dans un murmure rauque, plié en deux au dessus du bureau de l'imprimeur. Si celui-ci n'avait été si consterné par le feuillet qu'il venait de lire, il aurait sans doute été embarrassé pour lui.

“Pardon, votre… Monsieur, rectifia-t-il en hâte. C'est délicat. Vraiment délicat. Ce texte ne s'attaque pas seulement au cardinal - que nous détestons et méprisons tous, bien entendu - mais aussi à la reine, voyez vous ?

- Eh bien ? s'impatienta l'autre.

- Eh bien, cela pourrait s'apparenter à un crime de lèse-majesté...

- Que vous importe ? Pouvez-vous l'imprimer, oui ou non ?”

Les épais sourcils du conspirateur - seuls détails de sa physionomie visibles avec une paire d'yeux bleus furibonds - s'agitaient frénétiquement à chacune de ses déclarations. Quentin s'efforçait de ne pas les fixer trop ouvertement. Il se sentait très malheureux. Bien sûr qu'il pouvait imprimer ce tissu d'ordures. De fait, il devait même l'imprimer. Sa passion imprudente pour le piquet l'avait mené au bord de la banqueroute et il ne pouvait se permettre de refuser les quatre cents louis offerts généreusement par son interlocuteur pour prix de ses services. Mais Quentin n'aimait parier que les cartes en main. Dans son quotidien, il était d'un naturel timoré et redoutait l'autorité comme la peste. Si seulement il n'avait pas eu si grand peur de la prison pour dettes…

“Je le peux, monsieur, convint-il lamentablement.

- Excellent ! Vous livrerez les trois cents exemplaires chez m… Euh… Un de mes hommes viendra les chercher. Je veux le tout pour mardi. Soyez ponctuel !”

Le conspirateur se leva et drapa sa cape autour de ses épaules dans un grand mouvement théâtral. Quentin s'attendait à moitié à le voir en rabattre un pan sur son visage avant de s'éloigner à croupetons vers la porte de l'imprimerie, mais l'homme ne poussa pas le cabotinage jusque-là. Il glissa tout de même la tête à l'extérieur et jeta plusieurs regards soupçonneux à droite et à gauche, avant de sortir prudemment dans la rue. Son neveu Jacques - un grand dadais qui l'aidait à la presse - se trouvait près de la fenêtre, en train de bailler aux corneilles. L'imprimeur lui fit signe.

“Jacques, regarde dehors ! Qu'est-ce que tu vois ?”

Le jeune homme s'exécuta docilement.

“La mère Jeannette qui nettoie son pot de chambre, un chien qui pisse sur un mur et le carrosse du duc de Beaufort qui attend dans la ruelle.” répondit-il.

Quentin gémit plaintivement et laissa tomber son front sur sa table. Mon Dieu, pensa-t-il, nous allons tous être pendus.


“Qu'en pensez-vous, capitano ?”

Athos considéra avec dégoût le tract jauni qu'il avait sous les yeux. Il le tenait entre le pouce et l'index, à distance respectable de son visage, comme pour se protéger d'une odeur désagréable. Au bout de quelques secondes d'examen écoeuré, il lâcha la feuille qui retomba en voletant sur le bureau du ministre.

“C'est immonde, commenta-t-il.

- Tout à fait d'accord avec vous, approuva Mazarin. La phraséologie est médiocre et les rimes maladroites.”

Le mousquetaire dévisagea fixement le premier ministre, cherchant une trace de raillerie ou d'irritation sur son visage affable et ouvert. En vain, bien entendu. Deux mois maintenant que le cardinal Giulio Mazzarino était au pouvoir et Athos peinait toujours à déchiffrer son comportement. À sa décharge, personne à la cour ne semblait en être capable. Certains mettaient cela sur un manque complet de tempérament, arguant que l’on pouvait pousser le petit italien dans n’importe quelle direction pour peu d’y mettre assez de fermeté. Une théorie qui ne convainquait pas entièrement Athos. Les serpents aussi faisaient preuve de souplesse et personne ne les jugeait inoffensifs pour autant.

“Si vous retournez ce feuillet, continua paisiblement l’intéressé, vous noterez qu’il s’accompagne d’un dessin assez explicite. J’y suis très ressemblant. La reine un peu moins. Hélas, la loi ne punit toujours pas le mauvais goût, ni la mauvaise poésie. En revanche, les insultes à la famille royale sont, elles, sévèrement sanctionnées. Le gouvernement peut tolérer quelques épithètes désobligeants et égrillards accolés à la personne de son premier ministre - injurier ses dirigeants a toujours été le divertissement favori des français - mais insinuer que la reine puisse… Non, ce n’est vraiment pas acceptable.”

Une fois n’était pas coutume, Athos partageait son point de vue.

“Votre éminence a-t-elle besoin de notre aide pour retrouver les commanditaires ?

- Inutile. Ils sont déjà trouvés.

- Je vous demande pardon ?”

Le petit cardinal tira sur sa barbichette noire avec un sourire de satisfaction benoite. Il s’empara du tract et le déplia soigneusement sur la surface cirée du bureau. Il pointa d’un de ses longs doigts une petite marque informe en bas à droite de la feuille. Athos se pencha en avant pour l’examiner plus attentivement, sans parvenir pour autant à l’identifier.

“Savez-vous ce que c’est ?” demanda Mazarin.

Il paraissait amusé.

“Un défaut de la plaque, je suppose ?

- Non, capitano. C'est une marque d'imprimerie. De celles par lesquelles les membres de cette vénérable institution signent leurs oeuvres. Celle-ci représente un perroquet, même si je ne pense pas m'aventurer bien loin en affirmant que son créateur n'a jamais vu une de ces créatures… Sinon il ne l'aurait pas doté de ces étranges appendices rappelant les ergots d'un coq.

- Mais qui marquerait un pamphlet ?” demanda Athos, sincèrement interloqué.

Mazarin haussa les épaules.

“Quelqu'un qui n'a pas l'habitude d'en imprimer ? proposa-t-il. Ou possédant des subordonnés très distraits. En ce qui concerne notre affaire, nous avons suivi la trace de ce facétieux petit volatile jusqu'à un imprimeur impécunieux du nom de Quentin Mounier. Lequel emploie un de ses neveux, un brave garçon un peu simplet qui nous a appris que son oncle avait imprimé trois cents de ces papiers pour un mystérieux inconnu - mystérieux inconnu qui aurait quitté l'atelier dans le carrosse du duc de Beaufort. Nous avons, bien entendu, saisi l'intégralité des tracts avant que ceux-ci ne soient livrés à leur prestigieux commanditaire.”

À ce stade de la conversation, le petit cardinal oscillait visiblement entre l'hilarité et l’affliction, semblable à un esthète forcé d'écouter un concerto particulièrement raté. Athos n'en croyait ni ses yeux, ni ses oreilles.

“Je vous sens dubitatif, remarqua Mazarin. On le serait à moins, je vous l'accorde. Catalina, Brutus, ainsi que leurs amis virtuoses du poignard et de la calomnie se retourneraient dans leurs tombes. Ces choses là arrivent pourtant…”

Il conclut avec bonne humeur :

“C'est ce qu'on appelle communément un complot de crétins.

- Alors, pourquoi avoir sollicité ma présence ?”

Athos ne tentait pas de cacher sa perplexité. Curieusement, il avait constaté que la meilleure stratégie face au petit cardinal consistait souvent à aborder les sujets frontalement. Sinueux quand on l'attaquait de biais, Mazarin montrait une déconcertante tendance à répondre franchement aux questions directes. Quant à décider s'il s’agissait là d'une forme supérieure d’hypocrisie - ainsi que le soutenait fermement Aramis - cela dépassait les compétences diplomatiques du mousquetaire. Renversé dans son fauteuil, le ministre l'observait de son oeil noir et brillant comme celui d’un oiseau.

“Que représente pour vous le corps des mousquetaires, capitano ? demanda-t-il.

- La justice du roi.

- Dans ce cas, il leur revient de punir le crime de lèse-majesté. Nous ne pouvons pas laisser des petits imprimeurs imprudents publier des ignominies sur la reine, n'est-ce-pas ? Ce Mounier…”

Athos se raidit. La conversation prenait un tour qui lui déplaisait. Il n'avait aucune envie, et encore moins l'intention, de traîner à la potence un pauvre type insignifiant. Bon Dieu, le bougre n'était même pas fichu d'imprimer correctement un pamphlet ! Sous ses dehors patelins, le petit cardinal ne valait finalement pas plus que Richelieu et ses condamnations arbitraires. Qu'il aille au diable avec ses…

“Je souhaiterais que vous le terrorisiez.”

Le mousquetaire cilla.

“Que je le… ?

- Que vous lui donniez la peur de sa vie, expliqua aimablement Mazarin. Je veux que la prochaine fois que ce brave homme croise un uniforme ou une fleur de lys, ses testicules se recroquevillent instinctivement dans ses chausses. Afin qu'il perde à jamais l’envie de médire des personnes royales. Et quand il sera dûment tétanisé, renseignez vous sur l'étendue de ses dettes. Pour la plupart des gens, la meilleure façon de ne pas succomber à la tentation est de ne pas y être exposé. Je suis certain que votre grand ami, le signore Porthos, saura faire ça très bien.

- C'est effectivement dans ses cordes, éminence. Et pour le duc de Beaufort ?”

Le petit italien esquissa une grimace de regret burlesque.

“Sa grâce le duc de Beaufort est petit fils de Henri IV. Je ne le suis pas. Il possède de grandes terres en Normandie. Je n'en ai pas. Ainsi qu'une belle maîtresse dépensière, plusieurs régiments et des armoiries à son nom. Toutes choses dont je suis également dépourvu. Il est donc exclu que j'use à son encontre de la même méthode que celle employée pour l'humble monsieur Mounier. En revanche, sa bourse est aussi vide que peux l'être celle d'un prince de sang alors que j'ai à ma disposition les caisses de l'état. J'achèterai donc le duc de Beaufort.”

Athos resta silencieux.

“Vous désapprouvez, capitano ? Préféreriez-vous que je fasse arrêter et juger un descendant direct du bon roi Henri ?

- Oui, éminence.”

Mazarin haussa les sourcils. Athos lui renvoya un regard impavide. Il aurait préféré, en effet, et ce serait même chargé sans regret de la besogne, voire d'une approche encore plus directe. Il était soulagé de n'avoir qu'à intimider le petit imprimeur - une méthode peut-être moralement contestable, mais somme toute plus humaine que la corde. Le duc de Beaufort, c'était une autre affaire. L'imprimeur n'était qu'un exécutant. Du point de vue rigide d'Athos, les choses étaient simples. Si l'on vous insultait, vous vous battiez. Si l'on insultait une femme, vous provoquiez le scélérat et vous le tuiez en public. Si l'on insultait une reine, vous suiviez la même démarche, mais en privé. L'honneur des reines ne devait pas même être inquiété. Il était prêt à comprendre que la politique exigea plus de flexibilité mais qu'on ne lui demande pas d'en être satisfait. Un point de vue si évident qu'il ne jugea pas nécessaire de le formuler.

“Je ne le peux pas.” reconnut Mazarin.

Il sourit. Un sourire étonnant. Très semblable à ses sourires jovials habituels mais avec une nuance de férocité feutrée que le mousquetaire ne lui avait jamais remarquée.

“Mais je le pourrai peut-être un jour. Ce jour-là…”

Puis il lâcha un petit rire désinvolte.

Et, toute colère envolée, retourna tranquillement à ses papiers. Athos le fixa encore pendant de longues secondes. Il se demandait combien d'injures le petit cardinal si accommodant avait flegmatiquement dévorées depuis qu'il était arrivé en France. Ainsi que comment il comptait les faire payer à ses adversaires, quand il en aurait enfin l'opportunité. N'en déplaise aux railleurs de la cour, tôt ou tard, un conflit éclaterait entre le premier ministre et les grands seigneurs trop fiers du royaume. Lorsque ce jour viendrait, le mousquetaire n'était pas certain de miser sur les princes de sang.

“Éminence ?

- Oui, capitano ?

- Ne craignez vous pas que cette menace outrepasse les quelques centaines de tracts commandés par le duc ?”

Mazarin haussa de nouveau les épaules.

“Les chiens qui aboient mordent peu.”


Douze heures plus tard, Aramis rentrait chez lui, une bouteille entamée à la main.

La nuit était tombée depuis longtemps et le mousquetaire était d’une humeur de dogue. Il y avait un certain nombre de raisons à cela, mais la principale n’était pas avouable, ce qui ne contribuait pas amoindrir sa grogne. S’il y avait un sentiment pire que celui que l’univers entier s’était ligué contre vous, c’était bien de ne pouvoir s’en plaindre à personne. Oh, ses amis auraient pu lui prêter une oreille compatissante s’ils avaient été dans de bonnes dispositions... Hélas, aucun ne l’était. Athos irradiait la désapprobation à la moindre évocation du sujet. D’Artagnan s’en foutait. Et Porthos trouvait tout cela absolument tordant. Après deux heures éreintantes en compagnie de ce dernier dans une auberge enfumée, Aramis avait pris honteusement la fuite. C’était cela ou briser sa chope sur la tête du grand mulâtre.

Conséquence de cette retraite peu glorieuse, il n’avait pas eu son soûl de piquette. Boire seul dans une taverne n’était pas une option. Quand Aramis buvait seul et qu’il était irrité, il finissait presque invariablement à trouer le cuir de quelqu’un. Dieu merci, il avait encore deux bouteilles supplémentaires de chambertin chez lui - épargnées par Athos qui s’efforçait bon gré, mal gré de modérer sa consommation d’alcool depuis qu’il avait accédé au grade de capitaine. Assez pour se torcher copieusement sans avoir à quitter sa couche.

Il faillit heurter le spadassin en sortant d’une ruelle.

L’homme était posté à la sortie d’un cul-de-sac obscur. Enveloppé dans son manteau, le visage enfoui dans son col remonté, il faisait manifestement le guet pour ses compagnons occupés à quelque sinistre besogne au fond de la petite impasse. Il lança un regard hostile au mousquetaire et porta ostensiblement la main à son épée. Une erreur. Par principe, Aramis n’aurait jamais laissé un malheureux se faire égorger sans réagir, mais il était ce soir dans un état d'esprit particulièrement belliqueux. Il ne laissa pas au spadassin le temps de dégainer sa rapière et lui écrasa brutalement le cul de sa bouteille sur le nez. L’homme poussa un cri suraigu où se mêlait autant de surprise que de douleur. Il se plia en deux, ce qui permit au mousquetaire de la frapper commodément à la nuque. Le mastard s’effondra.

Au fond du cul-de-sac, des bruits de pas précipités retentirent.

Aramis se garda bien de s’engouffrer dans la ruelle. Il s’effaça pour en dégager l’entrée et tira son épée. Précaution inutile puisque le premier spadassin à sortir en courant de l’impasse trébucha sur son camarade tombé. Sa tête vint heurter avec un bruit sec le tranchant d’un mur. Le suivant parvint in extremis à éviter les corps affaissés, mais se prit bêtement les pieds dans la cape du guetteur et s’effondra à plat ventre dans le caniveau. Le mousquetaire gloussa, puis partit d’un éclat de rire tonitruant. Son humeur s’améliorait à une belle allure et il n’avait toujours pas administré un seul coup d’épée ! Il remédia à cette lacune en transperçant la hanche d’un quatrième lascar plus agile que ses compagnons mais tout aussi malavisé. C’était si facile que cela en devenait franchement ridicule...

La venelle semblait avoir dégorgé son comptant de spadassins malchanceux. Aramis martelait du talon le crâne du dernier par acquis de conscience, quand deux nouveaux personnages sortirent à pas prudents du cul-de-sac. Le premier - petit et svelte de carrure - abaissa un regard curieux sur l’amoncellement de corps qui en encombrait l'entrée. Puis il s'avança dans la lumière des lanternes, révélant un visage brun et fin, à la moustache soignée. Ses dents blanches brillèrent dans l'obscurité quand il adressa un large sourire au mousquetaire. Le ventre d'Aramis se tordit.

Non.

Non, non, non, non, non. Non !

“Signore Aramis, si je ne me trompe ? le salua chaleureusement le cardinal Mazarin. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants ! Sans votre intervention providentielle, ces gentilshommes nous auraient sans doute fait un mauvais parti.”

Aramis le fixait avec horreur. Il n'aurait pas été plus profondément consterné si le sol s'était ouvert sous ses pieds pour l'engloutir dans un torrent de flammes. Il avait péché et plus d'une fois, bon Dieu, oui ! Il le reconnaissait et il lui arrivait même parfois de s'en repentir. Mais il ne méritait sûrement pas ça, non ? Personne ne méritait ça… Parfaitement insensible à son infortune, le premier ministre avait saisi sa main et la serrait avec une gratitude joyeuse. Puis se tournant vers son compagnon toujours dissimulé dans l'ombre, il le désigna courtoisement.

“Je vous présente sa grâce lord Blake, ambassadeur d'Angleterre. Nul doute qu'il souhaite aussi vous exprimer sa reconnaissance. Remerciez il signore Aramis, milord !”

Visiblement déconfit de se voir présenté, l'anglais grommela un vague compliment. Le petit cardinal n'en avait cure. Ayant enfin consenti à relâcher la main inerte du mousquetaire, il concentrait son attention sur les corps des assaillants. Sans soucis superflus de sa dignité, il s'accroupit pour fouiller consciemment les poches du quatrième mastard. Aramis et l'ambassadeur le regardaient faire, pétrifiés. Au bout d'un instant, Mazarin se releva en tenant un feuillet entre ses doigts. Il le déplia et le lut. Fronça le sourcil avec une contrariété discrète.

“Diavolo.” marmonna-t-il.

Il tendit le tract à Aramis qui le prit machinalement. Et se fendant d'un nouveau sourire éclatant :

“Puis-je abuser de votre bonté et vous demander de me mener séance tenante à votre capitaine ? L'heure est indue, j'en suis conscient, mais il s'agit d'une question urgente.”

Le mousquetaire baissa les yeux sur le papier qu'il tenait entre les mains. Plissant les paupières, il parvint à en déchiffrer le contenu, malgré la pénombre et le sang frais qui le maculait partiellement. Son coeur lui bondit dans la gorge. Puis, obéissant à un petit signe du doigt de Mazarin, il le retourna et regarda l'illustration qui en couvrait l'autre face. L'organe susmentionné quitta son nouvel emplacement pour lui dégringoler dans l'estomac.

Debout devant lui, le petit cardinal affichait une expression un peu peinée.

“J’ai peut-être commis une légère erreur d'appréciation.” convint-il.

Oh oui, Aramis allait définitivement se torcher…


Le lendemain, la rumeur courait que le premier ministre avait failli être assassiné et cinq milles tracts orduriers inondaient Paris.

theme : cape et d'épée, fanfic : the musketeers

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