Westmark est une série de fantasy jeunesse de trois tomes : Westmark, The Kestrel et The Beggar Queen. L'auteur est Lloyd Alexander, vaguement connu pour avoir écrit les livres qui ont inspiré le Disney Taram et le chaudron magique. Les éditeurs français n'ont pas montré beaucoup d'intérêt pour lui. Seuls les deux premiers tomes de la série de Taram ont été traduits (il y en a cinq), et seulement le premier tome de Westmark, sous le titre La princesse et le charlatan.
Theo est un orphelin qui travaille comme apprenti à une presse d'imprimante. Il aime ce qu'il fait. Mais le gouvernement, lui, n'aime pas beaucoup, et un jour, le local est attaqué, son maître tué, la presse démontée. Theo se retrouve adopté par Las Bombas, escroc professionnel et itinérant. En chemin, il va rencontrer des enfants des rues, des conspirateurs révolutionnaires, des familiers du palais royal, et jouer sans doute plus de rôle qu'il l'imaginait dans le futur de son pays.
Mais, vous me direz, pourquoi je devrais lire cette série plutôt qu'une centaine d'autres qui lui sont équivalentes ?
* Ce qui m'y a amenée en premier, c'est la politique. Au début, elle peut sembler simple, avec un roi bien intentionné mais dépressif, et un premier ministre cruel et manipulateur. Mais ce n'est pas parce que personne parmi les héros n'aime le ministre en question que tout le monde va être d'accord. Certains sont des monarchistes absolus qui veulent un despote éclairé, d'autres sont des monarchistes constitutionnels, d'autres sont des républicains. Ca ne les empêche pas de travailler ensemble, mais leurs désaccords sont tout aussi centraux au scénario, et de plus en plus au fur et à mesure.
Et même si les personnages sont des héros, le rôle de l'opinion publique, de la population en groupe, mais aussi d'un anonyme qui passe n'est pas négligé. C'est un livre de fantasy (au sens large d'ailleurs, c'est juste un AU historique avec des pays imaginaires, il n'y a pas de surnaturel) qui se soucie des gens ordinaires qui y vivent. Ce n'est pas si courant.
(En fait, c'est dans le fandom sur Les Misérables qu'on m'a recommandé cette série, pour des raisons politiques, par opposition à la fantasy en général qui est parfois très royaliste et conservatrice)
* Le rythme. Ce sont trois romans couts, il n'y a jamais de longueurs, il se passe toujours quelque chose. Même quand on attend que quelque chose d'important arrive, ce n'est pas précédé d'une période de suspense, ce sont juste des choses moins cruciales qui se passent en attendant. Ca, et l'humour discret de l'auteur - qui n'est pas incompatible avec un monde souvent cruel - fait qu'on ne s'ennnuie jamais.
Par contre, il n'y a presque pas de grands passages d'introspection. Tout le développement des nombreux personnages se fait sur de petits détails, et comme en subtext. Cela peut être un peu décevant que des personnages avec tant de potentiel aient la plus grande partie de leur profondeur juste suggérée, effleurée.
* Les personnages, justement
Théo est le personnage principal. Au début il a pour ambition d'être honnête - mais il découvre rapidement que le seul personnage qui le comprend est un escroc. Il veut faire le bien autour de lui - mais cela justifie-t-il l'usage de la violence pour se débarrasser des tyrans ? Theo est un personnage d'une haute moralité, et cela ne lui sert pas à être un exemple, mais au contraire cela fait qu'il n'est jamais satisfait de ses choix. J'ai beaucoup de tendresse pour lui. Aussi, il dessine bien, et il est amoureux de Mickle.
Mickle est une gamine des rues adepte de la ventriloquie, du langage des signes, et qui n'a jamais connu sa famille. Elle travaille avec Las Bombas, et même si elle est très gentille elle a beaucoup moins de problèmes avec la malhonnêteté que Theo - question d'éducation. Elle est aussi absolument brillante intellectuellement, malgré son manque d'éducation, et bien meilleure que Theo pour prendre des décisions rapides et dures. Même si leur romance est un peu rapide, je les trouve très mignon ensemble.
La Bombas, et son serviteur Mousquet, sont des escrocs professionnels - il faut bien que tout le monde vive, et Las Bombas, lui, préfère vivre bien, boire et manger beaucoup. Il fait des discours grandiloquents, et aimerait être lâche et égoïste, mais il aime trop les enfants à sa charge pour cela.
Le groupe de révolutionnaires : Florian, Zara, Justin, Rina, Stock et Luther. Des idéalistes, certains froids, d'autres chaleureux, certaines doux, d'autres violents, étudiants, ouvriers, nobles ou poètes. C'est une des raisons pour lesquelles on le recommande aux fans des Misérables, ils sont intéressants dans leurs contrastes, et je les aime tous.
Weasel et Sparrow : Deux autres gamins des rues qui vivent dans l'ancienne cabane de Mickle. Ils sont frères et soeur, absolument sans-gêne, et adorables. J'aime leur évolution sur les trois tomes.
Keller : Un journaliste qui publie clandestinement, aussi discret que les personnages qu'il écrit sont outrés.
Le palais : Le roi Augustus, faible et déprimé. Sa femme Caroline, fière et silencieuse, et, presque membre d'honneur de la famille, le docteur Torrens, prêt à tout pour "soigner" la dynastie.
Comme je le disais, j'adore le rythme et la façon dont le scénario est construit. Ils ont l'air de n'avoir rien les uns avec les autres, mais j'adore la façon dont l'histoire les fait se croiser.
* Sinon, le reproche principal qu'on peut faire à cette série est qu'elle n'a pas de très bons méchants. Ils servent à lancer le scénario, mais ensuite, les conflits les plus intéressants sont entre héros.