Titre : Sept ans
auteur : Lilou Black
Genre : Général, drame
Fandom : Harry Potter
Personnages : Severus Snape, Hermione Granger, mention de Lily Evans
Rating : PG
Disclaimer : Propriété de J.K. Rowling
Note : Dédié à mon amie Darkklinne à l'occasion de son anniversaire, et puis parce qu'elle est toujours là depuis douze ans.
© syrkell sur Deviantart
1991
Hermione Granger était en première année. Bien que préoccupé par la présence de Harry Potter dans les cachots où il donnait ses cours, Severus Snape ne manqua pas de remarquer la gamine. Sa manie de tressauter sur sa chaise, la main levée, dès qu’il posait une question lui rappela douloureusement quelqu’un. Une autre petite fille qu’il avait connue quand il était enfant, qui avait lu tous ses livres de sorcellerie dès qu’elle avait été acceptée à Poudlard malgré son ascendance moldue et qui, du coup, connaissait les réponses à chaque questions que posaient les professeurs. La ressemblance, cela dit, s’arrêtait là. La chevelure brune qui partait dans tous les sens, les incisives proéminentes n’avaient rien à voir avec les jolis cheveux roux et la bouche en forme de bouton de rose de Lily. Par ailleurs, Hermione avait choisi de devenir amie avec Harry Potter. De fait, Severus n’accorda à la fillette que peu d’attention, si ce n’était pour la traiter de « mademoiselle je-sais-tout ». Peut-être en aurait-il été autrement si elle ne copinait pas avec le fils du plus grand prétentieux qu’il ait jamais connu.
1992
Hermione Granger était en deuxième année. Elle n’avait pas évolué d’un poil durant l’été. Toujours ébouriffée, toute en quenottes et prête à étaler sa science à la moindre occasion. Severus, a priori, n’avait pas changé d’avis à son sujet. Elle n’était qu’une petite prétentieuse qui fréquentait son pire cauchemar. Quand, durant ses cours, son attitude lui rappelait celle de Lily en son temps, il occultait. Pourtant, par la suite, plusieurs événements remirent en cause cette indifférence. Un beau jour, Draco Malfoy, son protégé, le fils de son vieil ami Lucius, traita Hermione de « sale petite Sang-de-bourbe ». Severus n’en aurait rien su si Ron Weasley n’avait pas jeté un sort à l’opportun avec une baguette magique défectueuse. La raison pour laquelle le rouquin vomissait des limaces ne manqua pas de parvenir à ses oreilles et il en éprouva une fureur retenue. Même s’il en avait usé autant qu’à son tour, le terme de « Sang-de-bourbe » lui faisait dresser les cheveux sur la tête. Cette insulte, il en avait affublé Lily à son corps défendant, sous le coup de la rage et de l’humiliation et c’est ainsi qu’avait sonné le glas de leur amitié. Il avait compris alors qu’aucun Moldu ne méritait d’être ainsi qualifié. C’était du racisme. Bien entendu, il avait continué à employer le terme en tant que Mangemort mais avec un rien de nausée au fond du cœur. Jamais il n’avait oublié la déception et la colère dans le regard de Lily. Il prit donc Draco à part et tenta de lui expliquer pourquoi il ne devait pas dire des choses pareilles. Le garçon, élevé par son père avec des principes flirtant allègrement avec la magie noire, fit comme s’il avait compris mais Severus comprit rapidement que son sermon n’avait servi à rien. Tant pis. Il espéra au moins ne plus le voir utiliser l’insulte en sa présence.
Ce fut cette année-là que quelqu’un ouvrit la Chambre des Secrets. Severus en avait entendu parler durant ses études mais à l’époque, il avait cru à une légende. La monstrueuse créature enfermée par Salazar Serpentard s’impbriquait parfaitement aux mythes des Sangs-Purs. Pourtant, il s’était avéré que tout était vrai. Le maître des potions ne s’était guère soucié des événements tragiques qui en avait découlé. Il s’était simplement occupé des élèves de sa maison quand l’administration de Poudlard avait évoqué l’éventualité de faire évacuer l’école. Que Ginny Weasley ait frôlé la mort lui avait peu importé. Que Nick Quasi-Sans-Tête, l’horrible chatte de Rusard et Colin Crivey aient été pétrifiés ne lui avait fait ni chaud ni froid. Par contre, il s’était vaguement inquiété pour Hermione. Il avait deviné ce qui était passé par la tête de la gamine. Elle avait compris ce qu’il fallait faire pour localiser la bête, elle avait pris des risques et, à son corps défendant, l’intelligence de cette jeune sorcière l’avait bluffé.
Lily aurait découvert la vérité, elle aussi. Seulement, elle ne serait pas allée jusque là.
1993
Hermione Granger était en troisième année. Elle avait quatorze ans et les formes d’une adolescente. Sa poitrine tendait l’étoffe noire des robes réglementaires. Son visage avait perdu les rondeurs de l’enfance. Elle avait grandi et n’avait plus la démarche et les gestes patauds d’une petite fille. Par contre, les cheveux touffus et les dents de lapin étaient toujours fidèles au poste. Severus remarquait des changements analogues chez ses élèves depuis des années. Les gamins, ça grandit. Cela dit, il ne pouvait s’empêcher de constater que certaines élèves devenaient plus jolies que d’autres. Ainsi donc, Hermione devenait femme, une assez jolie femme d’ailleurs si l’on exceptait cette dentition assez vilaine, tandis que Pansy Parkinson restait courtaude et trapue avec le museau d’un corgi. Bien malgré lui, Severus se souvint que c’était vers ces âges-là, treize ou quatorze ans, que Lily avait fleuri comme le lys dont elle portait le nom. Il n’accorda pas plus d’importance que cela aux changements physiques d’Hermione. C’était une adolescente. Se laisser aller à des pensées transgressives était inconvenant, il n’était pas un vieux pervers et de toute façon, cela faisait des années que chez lui, le désir sexuel était aux abonnés absents.
En milieu d’année, il constata que l’attitude d’Hermione n’était plus la même. Elle s’éloigna de Potter et Weasley. Si ses résultats scolaires - excellents dans la plupart des matières à ce qu’il sache et passables en potions - restaient constants, elle ne levait plus la main en tressautant sur sa chaise. Il entendit le professeur Trelawney dire à Minerva McGonnagal qu’elle avait quitté le cours de divination avec perte et fracas. Cela ne lui ressemblait pas. Il n’eut pas le temps de s’en inquiéter cela dit. Sa seconde némésis, Sirius Black, s’était échappé d’Azkaban et rôdait aux alentours de Poudlard. Une fois n’étant pas coutume, Severus s’était fait un plaisir de protéger Potter junior car il pourrait ainsi se venger de ce monstre arrogant qui avait failli le tuer un jour.
Bien entendu, rien ne se passa comme prévu. Black disparut dans la nature sans que personne ne sache ce qui s’était passé et le professeur Dumbledore ne sembla plus s’inquiéter pour la sécurité de Harry.
1994
Hermione Granger était en quatrième année et, par bien des égards, ce fut l’année de tous les dangers.
Severus suivit de loin les événements de la Coupe du monde de Quidditch. Il y fut bien obligé car il ressentait régulièrement depuis le début de l’été des démangeaisons dans le bras gauche, là où jadis Voldemort avait gravé la Marque des Ténèbres. Tout ça ne lui disait rien qui vaille et l’idée de Dumbledore de faire renaître de ses cendres le Tournoi des Trois Sorcier lui semblait on ne peut plus déplacée.
Plus que quiconque, il sentait la menace. Ce n’était pas le moment d’accueillir des gamins étrangers à Poudlard. Outre le danger que représentait Voldemort, dont il ne doutait pas du retour au fond de lui, tout ça représentait trop de travail. En plus des cours à assurer, il faudrait mettre en place les épreuves et surveiller une foultitude d’adolescents aux hormones en folie. Certes, le professeur Dumbledore, conscient lui aussi de ce qui se tramait, avait en partie déchargé Severus de la surveillance de l’affreux Potter en engageant Maugrey Fol-Œil comme professeur de Défense contre les Forces du Mal. L’Auror à la retraite se chargerait fort bien de la protection du garçon. Ce souci de moins, pourtant, se noyait dans beaucoup de travail en plus.
Severus eut donc un début d’année très occupé. Son agacement fut à son comble quand il entendit parler du bal de Noël. La marmaille devint intenable. Il crut devenir fou. Le soir de la fête, il s’installa dans un coin, un verre de Bièreaubeurre à la main, et regarda d’un œil morne les romances adolescentes se faire et se défaire. Dans un premier temps, il ignora qui était la jeune fille vêtue d’une robe pastel au bras de Viktor Krum. Des cheveux sombres coiffés en chignon, un joli sourire, un visage rayonnant. Il ne reconnut Hermione qu’au son de sa voix et il en éprouva des sentiments contradictoires. Au début du trimestre, Draco Malfoy lui avait jeté un sort qui avait fait pousser ses dents jusqu’à son menton. Sans doute en avait-elle profité pour faire arranger sa dentition par Madame Pomfresh. Son sourire n’était plus le même, adieu les dents de lapin. Severus ne put s’empêcher de la trouver plus belle ainsi, mais aussi plus futile. Cette robe, cette coiffure, ces gloussements tandis que le joueur de Quidditch bulgare la faisait tourner sur la piste de danse… elle n’était plus la jeune fille qu’il trouvait malgré lui si brillante. C’était une idiote, comme les autres.
Les ragots de Rita Skeeter ne manquèrent pas de lui donner raison.
Hermione Granger ne ressemblait pas du tout à Lily. Cette vague analogie n’avait été qu’une illusion, un produit de son cerveau malade et avide de retrouver des frissons juvéniles et perdus.
1995
Hermione était en cinquième année. Severus la croisa de temps à autres pendant l’été, lors des réunions de l’Ordre du Phénix, mais il ne lui accorda aucune attention. A chaque fois qu’il la regardait, il la revoyait glousser au bras de Viktor Krum. Il eut une année fort occupée. La politique de l’autruche du Ministère, la présence de Dolores Ombrage qui dépassait les bornes régulièrement, sans compter son rôle d’agent-double… Cela dit, Hermione Granger remonta quelque peu dans son estime à partir du moment où il la pensa à l’origine de l’Armée de Dumbledore. Potter et Weasley était bien trop idiots pour avoir eu cette idée tout seuls. Ils avaient besoin d’un cerveau. Aussi futile fût-elle au fond, Hermione était intelligente et elle savait prendre des risque, en bonne Gryffondor qu’elle était. Elle n’hésitait pas, par ailleurs, à remettre en cause la politique qu’Ombrage mettait en place au sein de Poudlard quitte à en payer le prix.
Le chignon luisant de laque et la robe pastel s’éloignèrent un peu de l’esprit de Severus. A nouveau, son attitude, son intelligence lui rappelèrent Lily.
1996
Hermione était en sixième année. Severus eut à nouveau autre chose à penser. Le Serment Inviolable conclu avec Narcissa Malfoy. L’état de santé de Dumbledore qui se dégradait de semaine en semaine. Les Mangemorts. En dehors des cours de Défense contre les Forces du Mal dont il avait enfin obtenu le poste d’enseignant, il ne croisa Hermione qu’à une soirée organisée par Horace Slughorn qui avait remonté son « Slug’s Club ». Il ne s’attendait pas à la trouver là, il avait autre chose à faire mais il constata que son attitude n’avait rien à voir avec le bal de Noël, deux ans auparavant. Elle avait accordé moins de soin à sa tenue, elle ne gloussait pas. Elle semblait même triste. Severus n’était pas idiot, il avait bien compris que la gamine en pinçait pour ce rouquin miteux de Ronald Weasley dont la nouvelle passion consistait à fourrer sa langue dans la bouche de Lavande Brown. Severus en éprouva des sentiments partagés. Les amourettes des gamins étaient ce qui existait de plus ridicule et consternant en ce monde mais dans le même temps, le regard d’Hermione lui rappela le sien quand Lily commença à adresser la parole à ce crétin de James Potter.
Il occulta cette vague empathie derrière ses nombreuses activités. Le travail, ce n’était pas ce qu’il lui manquait.
Toutefois, quand Horace vint le voir avec une copie de potions du fils Potter, il ne se rendit pas compte tout de suite que le môme avait récupéré son livre, celui du Prince de Sang-Mêlé. Il pensa qu’Hermione l’avait aidé. Ces découvertes, même si elles étaient de son fait, la brillante miss Granger aurait pu y parvenir à son tour.
1998
Il ne la revit au moment de mourir. Elle ne s’était pas présentée à Poudlard cette année-là. Les Mangemorts, les employés du Ministère l’avaient cherchée partout pour la tuer, la livrer à Voldemort, au tribunal d’Ombrage ou aux Carrow qui répandaient la terreur à l’école. Il avait eu de ses nouvelles via Minerva, toujours en contact avec l’Ordre. Il avait vaguement suivi ses aventures avec Potter et Weasley durant l’automne et l’hiver mais en apprenant ce que lui avait fait subir Bellatrix Lestrange, il était entré dans une rage folle. Aucun sorcier d’ascendance moldue ne méritait ça. Qu’il pensât ou non les sorciers de sang pur supérieurs, la fin ne justifiait pas ce genre de moyens. Et elle, cette fille si brillante, qui n’avait jamais demandé à disposer de pouvoirs magiques, n’aurait jamais dû subir de telles tortures. S’il avait encore eu des larmes à verser, il en aurait pleuré de colère.
Et puis il l’avait revue dans la Cabane hurlante. La souffrance le consumait, amenuisait minute par minute sa force vitale. Ses pensées s’effilochaient. Il en récupéra certaines à l’attention de Potter qui se trouvait là, si près, et qui était à présent en droit de connaître la vérité. Il l’avait saisi par le col et lui avait ordonné de le regarder, lui, pour revoir ses yeux, à elle. Il avait vu l’étonnement sur son visage. Il ne savait rien, il ne pouvait pas savoir. Et derrière Potter, du coin de l’œil, Severus avait vu pleurer Hermione Granger.
Il ne se souvenait pas que quiconque ait jamais pleuré pour lui.
Il réalisa alors que, parmi ces trois gamins qu’il avait dû surveiller durant toutes ces années - protéger Potter signifiait protéger aussi ses inséparables comparses -, c’était elle qu’il avait préférée.
Harry Potter avait hérité des yeux de Lily. Hermione Granger avait, par un quelconque miracle, incarné son intelligence, sa sagesse et son courage.
La femme jadis aimée et l’élève pour laquelle il avait, à son corps défendant, éprouvé un vague ersatz de tendresse, l’accompagnèrent dans les limbes.