Anatoli VELITCHKO
ELECTION DE GUDEA
Quand on vit à Paris, on va forcément au Louvre.
Ce samedi-là, on y était avec des amis de Bordeaux,
dont la fille aînée, doctorante à l’ENS,
s’intéressait particulièrement aux civilisations les plus anciennes :
Egypte, Akkad, Sumer.
Pour ma part, j’étais toujours attiré
par des langues et des écritures incompréhensibles.
Nous étions donc dans une salle consacrée à la Mésopotamie,
celle qui se trouvait après les impressionnants taureaux ailés
et les rois barbus caressant des tigres comme des chatons.
Mais ici, c’était différent :
uniquement des modestes statues des scribes
et des tablettes d’argile couvertes d’écritures cunéiformes.
L’une d’elle contait, en langue sumérienne
(traduction française était fournie)
l’élection de Gudea, roi de Lagash :
« Dieu m’a discerné, disait Gudea,
au milieu de la foule - son regard
était rapide et puissant comme un éclair -
il m’a pris de sa main droite
et m’a placé au-dessus de tous
à la tête du royaume.
Regardez : c’est dieu lui-même qui l’a fait. »
La notice expliquait que Gudea était parvenu au pouvoir
par le moyen beaucoup plus habituel
de complots, de fourberie et de massacres.
Il n’en reste pas moins que pour lui-même
ce n’était qu’un point de détail, technique et insignifiant.
Il sentait la main de dieu,
il ne pouvait y résister,
il devait y obéir.
A lui était donc de trouver l’expédient.
Fontenay-sous-Bois, le 23 mai 2015